Toutes les femmes enceintes voient arriver avec soulagement le terme de 37 semaines d’aménorrhée (SA), qui correspond à la fin de la prématurité. Et s’il est bien légitime de craindre la mise au monde d’un bébé prématuré, on pense moins souvent au problème inverse : un bébé qui se fait attendre. C’est un sujet que je connais bien puisque Pouss1 est né le lendemain du terme et Pouss2 une semaine après.
La date prévue d’accouchement (DPA)
La date prévue d’accouchement (DPA) est calculée de façon différente selon les pays. En France, on considère la DPA comme la date avant laquelle on doit avoir accouché (41 SA), alors qu’en Belgique ou en Suisse par exemple, on prend une date à laquelle il est probable d’accoucher (40 SA : 79 % des naissances auraient lieu entre 37 et 39 SA). Quoi qu’il en soit, tout le monde s’accorde à parler de terme dépassé ou de grossesse prolongée autour de 42 SA.
L’écueil principal est de déterminer avec précision la date de début de grossesse : on se base souvent sur la date des dernières règles en supposant que l’ovulation a eu lieu 14 jours après. Ainsi n SA = n SG + 2. Cependant, toutes les femmes n’ovulent pas avec la régularité d’un coucou suisse, sans parler des interférences possibles de la contraception ou encore des femmes qui enchaînent grossesses et allaitements sans passer par le retour de couches. Certaines femmes sentent l’ovulation, d’autres utilisent des méthodes d’observation (température, col, glaires…) qui permettent de situer la période fertile mais ce n’est pas le cas de toutes.
En dehors de certaines procédures d’assistance médicale à la procréation où on sait exactement la date du début de la grossesse, le plus fiable reste une échographie de datation avant 12 semaines d’aménorrhée lors de laquelle la mesure de l’embryon permet de déterminer une date de début de grossesse à plus ou moins trois jours. Le taux de beta-HCG dans le sang maternel est un moins bon indicateur : un taux bas peut indiquer une grossesse toute récente comme une fausse-couche à venir. Pour ma part, j’ai fait une échographie de datation autour de 8 SA pour chacune de mes grossesses, ce qui a dans les deux cas permis de corriger la DPA de quinze jours par rapport à l’estimation selon la date des dernières règles.
Notons aussi qu’on compte le terme à neuf mois après la date de début de grossesse ou à 39 semaines après cette même date (ce qui correspond à 41 SA) : c’est supposé être équivalent mais selon les dates 41 semaines font plus ou moins neuf mois. Par exemple, pour Pouss1 les deux dates coïncidaient exactement mais pour Pouss2 il y avait deux jours d’écart. Cela paraît négligeable sur neuf mois de grossesse, mais à partir de 41 SA chaque jour de rab est généralement l’objet d’une âpre négociation.
Risques et surveillance en cas de dépassement de terme
En effet, le dépassement de terme s’accompagne d’un risque accru de postmaturité : au bout d’un certain temps le placenta cesse de fonctionner correctement, entraînant une baisse du poids du bébé et pouvant aller jusqu’à sa mort in utero (la mortalité périnatale est multipliée par 3 à 42 SA). Paradoxalement, tant que le placenta fonctionne bien, le bébé continue à grossir et la probabilité d’une macrosomie fœtale augmente. L’approche de la date du terme (41 SA) entraîne donc généralement la mise en place d’une surveillance rapprochée pour dépister d’éventuels signes de postmaturité.
Les examens généralement pratiqués sont :
- Monitoring : il permet de suivre à la fois le rythme cardiaque du bébé et d’éventuelles contractions de la mère (et s’il y a des contractions de voir comment le bébé les supporte).
- Échographie : on y vérifie la quantité de liquide amniotique (qui peut diminuer en fin de grossesse : on parle d’oligoamnios), les mouvements du bébé et le bon fonctionnement du placenta (on parle de grade placentaire, allant de 0 à III, III étant le plus avancé).
La surveillance commence autour de 41 SA, tous les deux jours, puis tous les jours.
Examens moins courants
Vous entendrez peut-être parler des examens suivants mais d’après la poule sage-femme, ils ne sont quasiment plus pratiqués :
- Amnioscopie : observation du liquide amniotique afin d’en vérifier la qualité (un liquide teinté est généralement le signe d’une souffrance foetale).
- Test au syntocinon : une perfusion d’ocytocine artificielle (syntocinon) permet de provoquer des contractions et de voir comment le bébé les supporte par monitoring.
L’examen du col de l’utérus n’est pas nécessaire (il ne permet pas de déterminer l’imminence éventuelle de l’accouchement) mais peut être réalisé afin d’évaluer la faisabilité d’un déclenchement. Bien sûr, tout ceci est valable pour une grossesse non pathologique ; certains facteurs (grossesse multiple, diabète gestationnel…) peuvent venir compliquer la donne.
Signes et prise en charge du bébé post-terme
À la naissance, quelques signes sont typiques des bébés qui ont fait du rab : pieds et mains fripés (comme s’ils étaient restés trop longtemps dans le bain…), peu ou pas de vernix, peau qui pèle dans les jours qui suivent. Pour ma part, j’ai été étonnée de voir à quelle vitesse Pouss2 s’est « déplié » : les nouveaux-nés ont en effet les jambes et les bras en flexion et apprécient généralement d’être « contenus » dans un couffin, par emmaillotage, etc. Mais lui, au contraire, semblait ravi de s’étaler et n’a jamais voulu dormir dans la nacelle, préférant son transat ou notre lit.
Le vécu psychologique du dépassement de terme
Psychologiquement, la situation est assez inconfortable. Il est difficile de prévoir la date d’un accouchement mais en général tout le monde a pris ses dispositions en pensant que le bébé serait là après cette date. Si vous avez un (ou plusieurs) aînés, la personne qui doit s’en occuper pendant l’accouchement n’est peut-être plus disponible. Vos parents ou beaux-parents ont peut-être prévu de s’installer chez vous pour vous aider après la naissance : vous voilà tous tournant comme des lions en cage sans savoir quand le bébé arrivera.
La fin de la grossesse est rarement de tout repos, et on est tiraillée entre l’envie d’en finir et celle de laisser le temps à un bébé qui se fait désirer, surtout si l’équipe médicale qui vous suit vous met la pression pour déclencher (parfois simplement par protocole alors que d’après cet article il n’y a pas de bénéfice prouvé à déclencher sans signe de souffrance fœtale avant 42 SA).
Sans compter les appels réguliers des proches pour savoir où on en est (forte tentation de répondre que ça fait quinze jours que le bébé est là mais qu’on n’a pas jugé utile de prévenir), auxquels s’ajoutent tous les trucs censés déclencher l’accouchement : boire du champagne (« allons à ce stade ça ne peut plus faire de mal au bébé ») et/ou de l’huile de ricin (se préparer à passer les six heures qui suivent sur les toilettes), rouler sur des pavés (en Austin mini pour les plus raisonnables, en deux roues pour les plus aventureuses), faire un grand ménage et en particulier les vitres (bonjour la sciatique), faire du trampoline (et rebondir sur sa dignité largement piétinée), faire l’amour (pour celles dont la circonférence permet encore au futur père de s’approcher), se mettre pieds nus sur la terre adossée à un arbre (parfait à Paris au mois de janvier), marcher 17 km (cf la sciatique plus haut) et j’en passe.
Ajoutons le recours aux médecines parallèles : ostéopathie, homéopathie, acupuncture, ainsi que des suggestions formulées avec plus ou moins de tact que vous faites un blocage psychologique qui empêche ce pauvre enfant de sortir, le tout repassé en boucle à une femme qui vient de supporter neuf mois de grossesse et qui a les hormones en folie : je tire mon chapeau à celle qui n’aura pas craqué au moins une fois dans cette situation.
Il n’est pas interdit de débrancher son téléphone et d’aller passer l’après-midi au cinéma (ou toute autre activité agréable qui sera difficile à faire après la naissance) pour se changer les idées. Certains disent ainsi qu’il n’y a rien de tel qu’une soirée en amoureux au restaurant pour accoucher dans la nuit : au moins c’est plus sympa que de faire les vitres et meilleur que l’huile de ricin. C’est aussi l’occasion de (re)lire en famille l’excellent Bébé de Fran Manushkin et Ronald Himler.