Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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Devenir beau-parent

Par  • Le 4 novembre 2009 à 9:10 • Catégorie : Famille recomposée, Guests, Surmonter

Aujourd’hui, la Poule pondeuse cède la place à Pâte à crêpe (devenue la Belle-poule pour l’occasion), fidèle commentatrice de la basse-cour, qui va nous parler des joies de la famille recomposée, et plus particulièrement de son rôle de belle-mère.

bellemereAprès avoir écrit dans un blog de Marâtres un billet sur la vie formidable des belles-mères, j’ai eu envie, après invitation d’une poule pondeuse non belle-mère (encore merci merci !) de raconter à d’autres pondeuses ce que c’est … d’être une belle-mère. Parce qu’ici, les idées toutes faites, les poncifs et les clichés, ceux qui savent mieux faire que tout le monde ne sont pas les bienvenus. Parce que des bêtises, des piques, des regards « sceptico-compatissants », des préjugés qui font mal, les belles mères en encaissent tous les jours, de toutes parts, même de la leur.

Je vais essayer ici de ne pas parler des raisons qui amènent à occuper cette place. J’aimerais dépasser l’anecdote, la petite (et souvent lourde) histoire pour arriver à quelques réflexions sur cette forme de parentalité. Je ne prétends parler ni au nom de toutes, ni de tous les aspects qu’implique ce sujet, ni de toutes les façons de devenir beau-parent. Je fais forcément aussi des généralités à partir de mon histoire et celles de mes copines belles-mères, alors pardon à celles que mon propos agace. Ce rôle est passionnant, éprouvant et je constate dans ma vie et dans le récit des autres à quel point il est difficile d’en parler, de mettre à plat, de prendre du recul.

Nous sommes entre parents ici et avouons-le, nous frémissons tous, moi la première, à l’évocation d’un beau-parent pour nos enfants. Derrière cette place résonnent les mots « divorce », « séparation », « drame », voire « maîtresse ». Quelle belle-mère n’a pas dû supporter les regards suspicieux qui interrogent, accusent, méprisent… surtout quand son mari est un peu plus vieux et qu’aucun de ses trois enfants n’est de vous ! Une belle-mère pour ses enfants, qui s’en occupe, qui rigole avec eux, qui dit bonne nuit, qui fait à manger, qui habite avec, qui console, qui aime, qui est aimée on espère mais pas trop quand même … C’est étrange, non ? Pas très confortable…

Pourtant, être belle-mère, c’est avant tout être amoureuse. D’un homme, qui a une histoire, une ex, des blessures, et … des enfants. On  l’aime tellement notre homme, qu’on se rassure en clamant aux sceptiques que « ses enfants, c’est de l’amour en plus ! ». Animée d’un esprit presque chevaleresque, on se dit que ça embellit notre histoire, ça la rend plus forte, plus symbolique, on quitte définitivement l’amourette pour rentrer dans l’amour, le vrai, le solide, le difficile.

Les premières rencontres avec les enfants se passent bien, les premiers repas où on sort nos recettes qui marchent à tous les coups, les premiers jeux, les premiers fous rires… On est super amoureuse, super sympa, super dynamique, un sourire rayonnant et fédérateur collé au visage. On sait que pour les enfants c’est difficile, on souffre pour eux, on embellit leur vie, on essaie que ce soit moins douloureux en leur montrant qu’on peut s’aimer, on fabrique du chouette avec du drame. En effet, pour devenir belle aux yeux de ces enfants, un super gâteau au chocolat, ça marche bien. Mais il ne faut pas le faire deux dimanches de suite, au risque d’apparaître trop fardée et de passer à côté de l’essentiel.

Car on doit bel et bien devenir mère. Même si personne n’en a envie, nous-mêmes, le père, la mère, les enfants. Même si les responsabilités sont claires, même si on se répète que ce ne sont pas nos enfants, qu’aucune décision ne vient de nous. Même si notre chéri est fantastique, qu’il veille au grain pour que l’on soit acceptée et respectée. Même s’il fait attention à séparer les genres, à ne pas nous demander des choses déplacées.

Je vous propose une petite mise en situation

Arrive forcément un jour un moment où notre chéri prend une longue douche. Très longue, trop longue car pendant ce temps les deux derniers s’écharpent à coups de baskets dans la tête, ou bien la grande a décidé de vous tester en vous lançant une énorme saloperie à la tronche.

Quelques options s’offrent à vous :

– « Ce ne sont pas mes enfants, il n’avait qu’à être là leur père, je m’en fous, je m’en fous, je m’en fous ».
Ok, mais ne vous sentez-vous pas irresponsable de taire ce qui s’est passé, de les laisser?
Et puis il faut être cohérente, si vous redoutez tellement qu’ils vous disent « t’es pas ma mère », faut il s’autoriser à penser « ce ne sont pas mes enfants » et à agir en conséquence ?

– « Ce ne sont pas mes enfants, je ne peux pas me permettre d’intervenir, il faut donc que j’explique au papa ».
Moyen pour le moral, vous vous sentez traîtresse, rapporteuse, minable et  les regards plein d’éclairs que les enfants vous lancent  semblent enterrer toute possibilité d’entente future.

– « Ce sont des enfants, allons-y ».

Vous êtes un adulte auprès d’enfants, vous en êtes responsable et cette situation risque bien de se reproduire souvent. Vous intervenez seule sans demander de l’aide à leur géniteur. Après tout, vous connaissez les enfants, ce n’est pas la première fois que vous en prenez en charge. Mais jusqu’alors, vous ne les aviez jamais perçus comme les enfants d’une autre.

En prenant la parole, vous n’agissez plus simplement comme un adulte responsable, mais vous devenez belle-mère : vous êtes ici car vous aimez leur père, vous avez assisté à la scène parce qu’ils sont ses enfants et vous intervenez car vous comptez bien rester longtemps. Vous vous exposez au « t’es pas ma mère ! » tant redouté, vous vous impliquez. Les questions, les paradoxes, les doutes arrivent alors : légitimité, culpabilité, intégrité, abnégation, limites, responsabilités, frontières, amour, instinct maternel, échange, reconnaissance, j’en passe et des meilleures…

Ces  problématiques, tout parent les fréquente régulièrement. Mais, je le rappelle, ce sont les enfants d’une autre. Est-il pertinent d’essayer la méthode Gordon avec des enfants que l’on voit deux week-ends par mois et à qui leur mère donne la fessée ou offre systématiquement des bonbons en cas de bonnes notes et prive de console dans le cas contraire? Comment rester stoïque face aux remarques récurrentes et inévitables nous comparant à leur mère ? Comment réprimer ce sourire qui nous envahit quand nous entendons « c’est carrément meilleur que chez maman » ?  A-t-on le droit à l’erreur avec les enfants d’une autre? Comment les aimer? Comment les laisser nous aimer sans qu’ils le vivent comme une trahison envers leur propre maman ?

Il y a des réponses toutes faites à ces questions. Plein. Mais sachez qu’elles sont aussi utiles que les théories sur le rythme de sommeil d’un nouveau né : dans la vraie vie, c’est dur.

Dans mon cas, j’ai été belle-mère avant d’être mère. Ma première expérience de parent a été avec les enfants nés des amours de mon homme et de son ex, dans une place que j’occupe parce qu’il y a eu un drame, avec des enfants déjà grands, avec des habitudes prises, une éducation déjà choisie, et surtout qui doivent se remettre de la séparation de leur parents. Pour la confiance en soi et en ses qualités de parents, y a mieux. Je ne suis pas leur mère, pire, je représente concrètement l’absence de la leur. Même s’ils m’aiment et me trouvent « belle » (vous suivez la métaphore ?), ils ne peuvent que détester ma place.

En devenant à mon tour une maman qui est belle si elle le veut (enfin… si je trouve le temps le matin… !), je me suis rendue compte à quel point cette place que j’occupe depuis quelques années m’avait ébranlée dans ma confiance en moi, avait injecté du doute dans mes réflexions sur ma future parentalité « légitime ». Mon homme et moi  avons  connu difficilement le naïf enthousiasme des futurs parents. Je ne me faisais pas confiance et chaque prise de bec avec mes beaux enfants devenait l’exemple concret de mon incapacité à être un bon parent pour mon futur bébé. En même temps,  nous nous sentions très forts, très prêts tous les deux, pour accueillir notre enfant.

Les mots sont très mal choisis. Ou trop bien. Belle-mère, beau-parent … Non, ce n’est pas la même chose. Du tout.

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