Aujourd’hui, la Poule pondeuse cède la place à Pâte à crêpe (devenue la Belle-poule pour l’occasion), fidèle commentatrice de la basse-cour, qui va nous parler des joies de la famille recomposée, et plus particulièrement de son rôle de belle-mère.
Après avoir écrit dans un blog de Marâtres un billet sur la vie formidable des belles-mères, j’ai eu envie, après invitation d’une poule pondeuse non belle-mère (encore merci merci !) de raconter à d’autres pondeuses ce que c’est … d’être une belle-mère. Parce qu’ici, les idées toutes faites, les poncifs et les clichés, ceux qui savent mieux faire que tout le monde ne sont pas les bienvenus. Parce que des bêtises, des piques, des regards « sceptico-compatissants », des préjugés qui font mal, les belles mères en encaissent tous les jours, de toutes parts, même de la leur.
Je vais essayer ici de ne pas parler des raisons qui amènent à occuper cette place. J’aimerais dépasser l’anecdote, la petite (et souvent lourde) histoire pour arriver à quelques réflexions sur cette forme de parentalité. Je ne prétends parler ni au nom de toutes, ni de tous les aspects qu’implique ce sujet, ni de toutes les façons de devenir beau-parent. Je fais forcément aussi des généralités à partir de mon histoire et celles de mes copines belles-mères, alors pardon à celles que mon propos agace. Ce rôle est passionnant, éprouvant et je constate dans ma vie et dans le récit des autres à quel point il est difficile d’en parler, de mettre à plat, de prendre du recul.
Nous sommes entre parents ici et avouons-le, nous frémissons tous, moi la première, à l’évocation d’un beau-parent pour nos enfants. Derrière cette place résonnent les mots « divorce », « séparation », « drame », voire « maîtresse ». Quelle belle-mère n’a pas dû supporter les regards suspicieux qui interrogent, accusent, méprisent… surtout quand son mari est un peu plus vieux et qu’aucun de ses trois enfants n’est de vous ! Une belle-mère pour ses enfants, qui s’en occupe, qui rigole avec eux, qui dit bonne nuit, qui fait à manger, qui habite avec, qui console, qui aime, qui est aimée on espère mais pas trop quand même … C’est étrange, non ? Pas très confortable…
Pourtant, être belle-mère, c’est avant tout être amoureuse. D’un homme, qui a une histoire, une ex, des blessures, et … des enfants. On l’aime tellement notre homme, qu’on se rassure en clamant aux sceptiques que « ses enfants, c’est de l’amour en plus ! ». Animée d’un esprit presque chevaleresque, on se dit que ça embellit notre histoire, ça la rend plus forte, plus symbolique, on quitte définitivement l’amourette pour rentrer dans l’amour, le vrai, le solide, le difficile.
Les premières rencontres avec les enfants se passent bien, les premiers repas où on sort nos recettes qui marchent à tous les coups, les premiers jeux, les premiers fous rires… On est super amoureuse, super sympa, super dynamique, un sourire rayonnant et fédérateur collé au visage. On sait que pour les enfants c’est difficile, on souffre pour eux, on embellit leur vie, on essaie que ce soit moins douloureux en leur montrant qu’on peut s’aimer, on fabrique du chouette avec du drame. En effet, pour devenir belle aux yeux de ces enfants, un super gâteau au chocolat, ça marche bien. Mais il ne faut pas le faire deux dimanches de suite, au risque d’apparaître trop fardée et de passer à côté de l’essentiel.
Car on doit bel et bien devenir mère. Même si personne n’en a envie, nous-mêmes, le père, la mère, les enfants. Même si les responsabilités sont claires, même si on se répète que ce ne sont pas nos enfants, qu’aucune décision ne vient de nous. Même si notre chéri est fantastique, qu’il veille au grain pour que l’on soit acceptée et respectée. Même s’il fait attention à séparer les genres, à ne pas nous demander des choses déplacées.
Je vous propose une petite mise en situation…
Arrive forcément un jour un moment où notre chéri prend une longue douche. Très longue, trop longue car pendant ce temps les deux derniers s’écharpent à coups de baskets dans la tête, ou bien la grande a décidé de vous tester en vous lançant une énorme saloperie à la tronche.
Quelques options s’offrent à vous :
– « Ce ne sont pas mes enfants, il n’avait qu’à être là leur père, je m’en fous, je m’en fous, je m’en fous ».
Ok, mais ne vous sentez-vous pas irresponsable de taire ce qui s’est passé, de les laisser?
Et puis il faut être cohérente, si vous redoutez tellement qu’ils vous disent « t’es pas ma mère », faut il s’autoriser à penser « ce ne sont pas mes enfants » et à agir en conséquence ?
– « Ce ne sont pas mes enfants, je ne peux pas me permettre d’intervenir, il faut donc que j’explique au papa ».
Moyen pour le moral, vous vous sentez traîtresse, rapporteuse, minable et les regards plein d’éclairs que les enfants vous lancent semblent enterrer toute possibilité d’entente future.
– « Ce sont des enfants, allons-y ».
Vous êtes un adulte auprès d’enfants, vous en êtes responsable et cette situation risque bien de se reproduire souvent. Vous intervenez seule sans demander de l’aide à leur géniteur. Après tout, vous connaissez les enfants, ce n’est pas la première fois que vous en prenez en charge. Mais jusqu’alors, vous ne les aviez jamais perçus comme les enfants d’une autre.
En prenant la parole, vous n’agissez plus simplement comme un adulte responsable, mais vous devenez belle-mère : vous êtes ici car vous aimez leur père, vous avez assisté à la scène parce qu’ils sont ses enfants et vous intervenez car vous comptez bien rester longtemps. Vous vous exposez au « t’es pas ma mère ! » tant redouté, vous vous impliquez. Les questions, les paradoxes, les doutes arrivent alors : légitimité, culpabilité, intégrité, abnégation, limites, responsabilités, frontières, amour, instinct maternel, échange, reconnaissance, j’en passe et des meilleures…
Ces problématiques, tout parent les fréquente régulièrement. Mais, je le rappelle, ce sont les enfants d’une autre. Est-il pertinent d’essayer la méthode Gordon avec des enfants que l’on voit deux week-ends par mois et à qui leur mère donne la fessée ou offre systématiquement des bonbons en cas de bonnes notes et prive de console dans le cas contraire? Comment rester stoïque face aux remarques récurrentes et inévitables nous comparant à leur mère ? Comment réprimer ce sourire qui nous envahit quand nous entendons « c’est carrément meilleur que chez maman » ? A-t-on le droit à l’erreur avec les enfants d’une autre? Comment les aimer? Comment les laisser nous aimer sans qu’ils le vivent comme une trahison envers leur propre maman ?
Il y a des réponses toutes faites à ces questions. Plein. Mais sachez qu’elles sont aussi utiles que les théories sur le rythme de sommeil d’un nouveau né : dans la vraie vie, c’est dur.
Dans mon cas, j’ai été belle-mère avant d’être mère. Ma première expérience de parent a été avec les enfants nés des amours de mon homme et de son ex, dans une place que j’occupe parce qu’il y a eu un drame, avec des enfants déjà grands, avec des habitudes prises, une éducation déjà choisie, et surtout qui doivent se remettre de la séparation de leur parents. Pour la confiance en soi et en ses qualités de parents, y a mieux. Je ne suis pas leur mère, pire, je représente concrètement l’absence de la leur. Même s’ils m’aiment et me trouvent « belle » (vous suivez la métaphore ?), ils ne peuvent que détester ma place.
En devenant à mon tour une maman qui est belle si elle le veut (enfin… si je trouve le temps le matin… !), je me suis rendue compte à quel point cette place que j’occupe depuis quelques années m’avait ébranlée dans ma confiance en moi, avait injecté du doute dans mes réflexions sur ma future parentalité « légitime ». Mon homme et moi avons connu difficilement le naïf enthousiasme des futurs parents. Je ne me faisais pas confiance et chaque prise de bec avec mes beaux enfants devenait l’exemple concret de mon incapacité à être un bon parent pour mon futur bébé. En même temps, nous nous sentions très forts, très prêts tous les deux, pour accueillir notre enfant.
Les mots sont très mal choisis. Ou trop bien. Belle-mère, beau-parent … Non, ce n’est pas la même chose. Du tout.
Tags: beau-parent, belle-mère, famille recomposée
superbe texte.
Je crois qu’il n’y a rien à ajouter. J’ai eu et j’ai toujours une belle-mère et un beau-père. Les choses n’ont pas été faciles et pour personne.
Ma belle-mère est pour moi une 2ème maman. Elle a su m’écouter quand j’en avais besoin, comprendre les non-dits et surtout me donner la tendresse que je n’avais plus avec ma mère. Les regards accusateurs/inquisiteurs, je les connais, surtout quand je m’asseyais sur ses genoux ou quand je lui faisais des bisous en société. D’ailleurs ça m’amusait beaucoup de l’appeller « ma maratre » devant tout le monde et elle aussi d’ailleurs. La tronche qu’il faisait.
Mon beau-père, rien à voir. A part critiquer et me rabaisser, il n’a eu aucun rôle et surtout n’a pas voulu en prendre. J’ai compris à l’âge de 20 ans que si ma mère était heureuse tant mieux pour elle, mais moi je ne m’entendrai jamais avec. Contre tout attente, l’arrivée de mon fils l’a métamorphosé. Il est proche de lui et ca me fait plaisir.
J’espère ne jamais devenir belle-mère. Si ça doit arriver, je sais que ça sera dure de s’imposer/s’impliquer dans une nouvelle famille. L’important est de reconnaitre ses erreurs, même face à des enfants, et surtout de s’adapter à chacun.
@Angele, merci pour ton témoignage. Je crois aussi que reconnaître ses erreurs, ses doutes et dire tout haut les difficultés ( à adapter en fonction des âges bien sûr) est très important.
J’ai dit à ma belle fille (11ans) à quel point c’était dur, je lui ai expliqué pourquoi c’était compliqué qu’elle me compare sans cesse à sa mère. Elle m’a raconté les difficultés à être une belle fille, à être une enfant de divorcés. Depuis cette discussion dure et franche, nos rapports sont se construisent de façon plus sincère, moins forcé, plus libre.
Sujet qui me tient ô combien à coeur, merci pâte à crêpe pour ce témoignage. Je ne connais pas la marâtre joyeuse, je vais y aller de ce pas.
J’ai la chance de vivre dans une famille recomposée qui « marche » plutôt bien. Mon homme a un fils de 9 ans, moi une fille de 7 ans, et maintenant nous avons une fille de 16 mois ensemble. Nous sommes amoureux depuis 6 ans (lui était déjà séparé de la mère de son fils, moi non mais ça allait très mal), nous vivons ensemble depuis 5 ans. Autant dire que nos enfants étaient très petits, et qu’ils ont peu ou pas de souvenir de comment ça pouvait être avant.
Ce qui nous a beaucoup aidé, je pense, c’est la symétrie de nos situations. Nous sommes tous 2 parent et beau-parent, nous devons chacun accepter l’enfant de l’autre. Nos enfants sont proches en âge, métis tous les 2, on les prend pour frêre et soeur et on peut dire qu’ils ont une relation assez fraternelle. La naissance de leur soeur commune a aussi été un événement qui a soudé tout le monde et accentué encore la complicité entre les grands.
Mon rôle de belle-mère est facilité par ma place de mère, j’essaie d’agir avec « les enfants » de manière semblable. Ce qui me pose problème, par contre, ce sont les disputes entre eux, là je dois encore travailler dessus pour rester impartiale, je pense.
Nous avons eu aussi une période difficile, ou mon beau-fils est resté 5 mois chez nous sans voir sa mère, changeant de ville, d’école. C’était dûr pour lui et il nous l’a un peu fait payer, pour moi ça a été très difficile, d’autant plus que j’avais vraiment la sensation de subir, comme lui d’ailleurs, les conséquences des rapports houleux entre ses parents. Je n’arrivais plus à avoir des rapports sereins avec lui alors que c’est souvent moi qui doit gérer le retour de l’école et la soirée car mon homme travaille tard. A ce moment là je me suis un peu « extraite » de la relation: c-à-d que je demandais à mon homme de dire clairement toutes les instructions, devant son fils, et ensuite je m’y référais complètement. Je disais « ton papa a dit… », « ton papa veut que… », et du coup ce n’était pas mon autorité qui était dans la balance, mais bien celle de son père.
Depuis, la situation est rentrée dans l’ordre, et les dernières vacances ont été particulièrement agréables…
@Dafodil, tu expliques très bien certains des nombreux dilemmes des belles mères que je connais bien aussi et dans lesquels je suis encore bien plongée. Je suis ravie que ça se passe bien désormais. J’adorerais des vacances agréables!!!
@pâte a crêpe, je te le souhaite!
Dimanche matin sur France Inter, l’émission interception diffuse un reportage sur les familles recomposées et le statut de beau-parent.
A podcaster ou en écoute pendant une semaine sur le site de l’émission :
http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/interception/
je suis belle-mère de deux puces adorables et je viens d’avoir un petit garçon, j appréhendais la jalousie qui aurait pu s installer entre les filles qui ne sont la que la moitié du temps et leur petit frère mais au contraire elles sont supers fans, adorent leur frangin et passent leur temps à s’occuper de lui
c’était pas gagné, surtout quand leur mère leur a dit qu’il fallait pas qu’elle l’aime, que ce serait pas leur frère vu qu’il venait pas du même ventre…
quelque fois le pire dans le rôle de belle-mère c est de pas s’emplafonner la mère…
@mat, oui, des fois il faut puiser dans des ressources inconnues de zénitude…! Faire avec quelqu’un qu’on n’a pas du tout choisi et qu’a priori on n’aime pas trop quand même (qui aime l’ex??)!
Bravo en tous cas d’avoir construit du bonheur dans cette famille recomposée!