On en parlait ce matin aux infos, alors j’en profite pour faire un petit point sur le sujet, d’autant plus que je constate que la plupart des femmes enceintes que je connais n’ont que des idées très vagues sur la question.
La listériose est une infection provoquée par la bactérie Listeria monocytogenes (d’où son nom, pas très originaux ces scientifiques). La maladie est bénigne chez les personnes en bonne santé (quelque chose entre pas de symptôme et une grippe) mais peut avoir des conséquences dramatiques pour une femme enceinte, ou plus exactement pour son bébé. L’infection peut en effet entraîner une fausse couche ou un accouchement prématuré, avec un bébé souvent mort-né ou gravement malade.
C’est pourquoi on recommande aux femmes enceintes de consulter immédiatement en cas de fièvre supérieure à 38,5°C, puisque c’est un des symptômes de cette infection (mais de beaucoup d’autres aussi, ne voyez pas déjà le pire si le thermomètre s’affole). Une antibiothérapie est alors mise en place, mais il est difficile de trouver des chiffres sur le succès du traitement. Contrairement à la toxoplasmose ou à la rubéole (autres infections craintes par le gros bidon), on ne peut être ni immunisé ni vacciné.
La prévention de la listériose
Le meilleur traitement est donc la prévention, puisque la principale voie de contamination est l’alimentation. Je vous livre telles quelles les recommandations de l’Institut de veille sanitaire (InVS) :
Éviter certains aliments
Listeria monocytogenes résiste au froid mais est sensible à la chaleur. Or parmi les aliments les plus fréquemment contaminés par L.m., certains sont consommés sans cuisson.
La consommation de ces aliments à risque en l’état doit être évitée :
- Éviter de consommer des fromages au lait cru (ainsi que le fromage vendu râpé).
- Éviter la consommation de poissons fumés, de coquillages crus, de surimi, de tarama, etc.
- Éviter de consommer crues des graines germées telles que les graines de soja.
L.m peut également contaminer, lors de leur fabrication, des produits qui subissent une cuisson au cours de leur préparation mais sont ensuite consommés en l’état. Si la contamination de ces produits intervient après l’étape de cuisson, ces produits présentent le même risque que des produits crus contaminés.
Il s’agit pour l’essentiel de produits de charcuterie :
- Éviter les produits de charcuterie cuite tels que les rillettes, pâtés, foie gras, produits en gelée, etc.
- Pour les produits de charcuterie type jambon, préférer les produits préemballés qui présentent moins de risque d’être contaminés.
Note personnelle : On voit donc que la congélation ne débarrasse pas de la bactérie (qui comme la plupart de ses congénères résiste sans problème à des températures de -80°C). On voit aussi que les aliments incriminés ne posent plus de problème s’ils sont cuits : non au saumon fumé sur son blini, oui à la quiche saumon fumé-épinard, non au toast de foie gras, oui à la poularde farcie au foie gras. Et si vous avez des envies irrépressibles de jambon, saucisson et autres, prenez les aliments industriels emballés qui sont stérilisés par irradiation plutôt qu’à la coupe chez le boucher du coin. Pour info, la charcuterie Monop est de très bonne qualité (et je suis TRES difficile en jambons).
Manipuler les aliments avec précaution
Listeria monocytogenes est ubiquitaire, les aliments sont contaminés par contact avec l’environnement :
- Enlever la croûte des fromages.
- Laver soigneusement les légumes crus et les herbes aromatiques.
- Cuire les aliments crus d’origine animale (viande, poissons, charcuterie crue telle que les lardons).
Ces mesures sont suffisantes pour éliminer les germes qui se trouvent en plus grande quantité en surface de ces aliments. Les steaks hachés, qui sont des aliments reconstitués (et pour lesquels cette notion de contamination en surface ne peut être retenue), doivent impérativement être cuits à cœur.
Note personnelle : Dommage pour le steak tartare aller-retour et les sushis.
Éviter les contaminations croisées
Afin d’éviter des contaminations croisées (d’un aliment à l’autre) :
- Conserver les aliments crus (viande, légumes, etc.) séparément des aliments cuits ou prêts à être consommés.
- Après la manipulation d’aliments non cuits, se laver les mains et nettoyer les ustensiles de cuisine qui ont été en contact avec ces aliments.
Note personnelle : Donc on coupe les carottes pour l’entrée avant de débiter ses escalopes de poulet crues si on ne veut pas laver la planche entre les deux.
Respecter les règles d’hygiène
Les règles habituelles d’hygiène doivent également être respectées :
- Les restes alimentaires et les plats cuisinés doivent être réchauffés soigneusement avant consommation immédiate.
- Nettoyer fréquemment et désinfecter ensuite avec de l’eau javellisée son réfrigérateur.
- S’assurer que la température du réfrigérateur est suffisamment basse (4°C).
- Respecter les dates limites de consommation.
Note personnelle : À la télé, la dame de l’InVS (qui est ma copine !) a notamment expliqué qu’une fois ouverts il fallait rapidement consommer les aliments (dans les 2-3 jours). Et -faut-il le rappeler ?- on consomme rapidement un produit décongelé et on ne le recongèle pas (sauf s’il a été cuit entre temps ; ex : vous utilisez des oignons surgelés dans votre tagine, vous pouvez quand même congeler le reste de tagine, surtout après deux heures de cuisson) !
Où trouver des informations fiables sur la listériose
Je précise aussi qu’à mon avis ce sont ces recommandations-là qui font autorité. La connaissance des contaminations alimentaires n’est pas vraiment le boulot des sages-femmes et gynécologues, c’est celui d’agences comme l’InVS ou l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments). L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), qui est chargé de la communication vers le grand public, propose un certain nombre de brochures très bien faites (plus que les deux autres, qui sont moins accessibles je trouve) sur tous les sujets de santé (alimentation, alcool, dépression, SIDA, etc). Si vous avez un doute sur un aliment, c’est à mon avis vers ces instituts qu’il faut se tourner. Par contre, si vous craignez qu’il ne soit trop tard, c’est bien sûr le médecin ou la sage-femme qui vous suit qu’il faut consulter.
Réactions et attitudes vis-à-vis des recommandations
Si vous suivez à la lettre ces recommandations, vous risquez de vous attirer l’incrédulité, voire les moqueries de votre entourage (surtout la génération précédente chez qui ce discours de prévention était totalement absent). Il faut savoir que la listériose est un problème relativement récent qui n’existe que dans les pays industrialisés. On compte quelques centaines de cas par an en France, ce qui est évidemment très peu (même s’il y a probablement des cas non recensés car passant pour une simple crève). D
ans ce contexte, certaines femmes trouvent que le risque est trop faible pour se priver de toutes ces bonnes choses, d’autant que leurs mère et/ou belle-mère leur répètent à l’envi qu’elles ont bien mangé et bu tout ce qu’elles voulaient et que leurs enfants se portent comme des charmes (ce qui n’est évidemment pas un raisonnement acceptable, l’absence de preuve n’étant pas la preuve de l’absence). Il est vrai qu’on a probablement plus de « chances » de se prendre une voiture en traversant la rue que d’attraper la listériose en craquant sur un camembert coulant ou un plateau de sushis.
Mais l’exposition à cette maladie est un risque relativement facile à maîtriser (dit celle qui a failli pleurer à une soirée où il n’y avait que des poissons crus, marinés ou en rillettes -dont elle rêvait pour apaiser ses nausées- et qui n’a mangé que des blinis). Quoi qu’il en soit, c’est comme toujours au gros bidon de peser le pour et le contre avant de se jeter sur le saumon fumé (ou de passer Noël aux carottes râpées -bien rincées, attention !), mais au moins avec les recommandations à jour : pas très logique de se priver de camembert si on se gave de foie gras à côté.
Un de ces quatre il faudra que je vous parle toxoplasmose aussi (mais ça m’a semblé moins urgent car celles qui sont immunisées ne sont pas concernées).
Et si vous voulez tout savoir sur Listeria et la listériose, un topo complet est disponible ici ↓