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Le poids : et alors ?

lundi, octobre 8th, 2012

 J’ai découvert récemment le blog de Fat nutritionist que j’ai littéralement dévoré (ha ha ha). Par ce biais, j’ai également découvert ce qui me semble être un équivalent étatsunien de l’approche du Dr Zermati et du GROS : Health At Every Size (HAES, littéralement La santé à toutes les tailles). Le paradigme de cette approche du surpoids et de l’obésité est que justement le poids n’est pas un bon indicateur de notre santé. Ainsi, plutôt que de se focaliser sur la perte de poids d’un patient, il vaudrait mieux s’attacher à diagnostiquer et traiter ses problèmes de santé en tant que tels (hypertension, diabète etc). Ce traitement peut passer par le changement d’habitudes (alimentation, exercice) qui peut lui-même alors mener à un changement du poids (ou pas), sans que ce soit le but recherché ou un bon marqueur de l’efficacité de la thérapie. Cette approche est assez radicalement différente des politiques publiques actuellement en oeuvre dans les pays occidentaux, aussi il m’a semblé intéressant de m’en faire l’écho ici, et en particulier de vous résumer cet article, publié en 2011 dans le Nutrition journal.

Quelques éléments de contexte

Les auteurs de l’article, Linda Bacon et Lucy Aphramor, sont des universitaires qui vivent également de l’approche HAES : vente de livres, séminaires, etc. On voit donc qu’il y a un certain conflit d’intérêt : la carrière et les finances des auteures iront plutôt mieux si l’innocuité et l’efficacité de HAES sont démontrées, et inversement. La méthodologie utilisée est une revue systématique de la littérature scientifique pré-existante sur ce sujet, focalisée sur six essais aléatoires en conditions contrôlées (en anglais « randomized controlled trial »), c’est-à-dire une des méthodes expérimentales les plus fiables en recherche médicale pour évaluer l’efficacité et les effets indésirables d’un traitement. Des données d’autres études (notamment rétrospectives, qui permettent d’évaluer a posteriori les bénéfices ou risques d’un traitement sur de plus larges groupes) sont également utilisées. Evidemment, la façon dont sont sélectionnés les essais déjà publiés rapportés dans l’article compte. Je me contenterai ici de vous indiquer ces limites sans les caractériser mieux, n’ayant pas le temps d’aller rechercher un par un les articles cités et de faire en parallèle ma propre revue de la littérature.

 

Que nous dit l’article ?

La première partie est une remise en question d’hypothèses couramment acceptées sur le rôle du poids comme indicateur de santé, et sur sa maîtrise via des directives strictes d’alimentation et d’exercice physique. Quelles sont-elles et quelles données scientifiques les appuient (ou pas) ?

  • L’adiposité est un facteur de risque significatif de mortalité : L’association entre l’IMC (indice de masse corporelle) et la longévité est faible, et les personnes en surpoids ou modérément obèses vivent aussi voire plus longtemps que celles qui ont un IMC normal. Il semblerait que pour un certain nombre de pathologies associées au surpoids (diabète de type 2, hypertension, maladies cardiaques…), les personnes obèses qui en souffrent vivent plus longtemps que les malades plus minces.
  • L’adiposité est un facteur de risque significatif de morbidité : Je cite l’article  « While it is well established that obesity is associated with increased risk for many diseases, causation is less well-established. » « Alors qu’il est bien établi que l’obésité est associée à un risque accru pour de nombreuses maladies, la causalité est moins bien établie. » Pour les auteurs, plus que le surpoids et l’obésité, ce sont les facteurs socio-économiques (pauvreté) et les variations de poids qui sont à incriminer.
  • La perte de poids allonge l’espérance de vie : Les études pointent plutôt vers l’inverse, c’est-à-dire que la perte de poids augmenterait la mortalité. Les bienfaits observés consécutivement à une perte de poids seraient plutôt dus aux changements de mode de vie (alimentation, exercice) associés à cet amincissement qu’à ce dernier.
  • N’importe qui peut perdre du poids sans regrossir par un régime approprié et de l’exercice physique, à condition d’être motivé : Je vais me contenter de cette citation, très éclairante, qui résume l’étude Women’s Health Initiative, le plus long et le plus large essai aléatoire en conditions contrôlées sur ces questions. « More than 20,000 women maintained a low-fat diet, reportedly reducing their calorie intake by an average of 360 calories per day and significantly increasing their activity. After almost eight years on this diet, there was almost no change in weight from starting point (a loss of 0.1 kg), and average waist circumference, which is a measure of abdominal fat, had increased (0.3 cm) » « Plus de 20 000 femmes ont suivi un régime pauvre en graisses, déclarant réduire leur apport en calories d’environ 360 calories par jour en moyenne et augmenter significativement leur activité. Après près de huit ans à ce régime, il n’y avait quasiment aucun changement de poids par rapport au début (perte de 0,1 kg), et le tour de taille moyen, qui est une mesure de la graisse abdominale, avait augmenté (de 0,3 cm). » Autre citation, cette fois d’un panel d’experts du National Institutes of Health « there is little support for the notion that diets lead to lasting weight loss or health benefits. » « Il y a peu de soutien à l’idée que les régimes entraînent une perte de poids durables ou des bénéfices en termes de santé. »
  • Rechercher la perte de poids est un objectif réalisable et souhaitable : L’article identifie un certain nombre des risques associés aux régimes restrictifs, comme l’ostéoporose, le stress psychologique et la production de cortisol ou l’augmentation du taux de polluants organiques persistants dans le sang. En outre, l’obsession du poids et l’insatisfaction de son corps qui l’accompagne souvent favoriseraient les troubles du comportement alimentaire. J’enfonce le clou avec une autre citation « Many studies also show that dieting is a strong predictor of future weight gain » « De nombreuses études montrent aussi que faire un régime est un facteur important d’augmentation future du poids ». Enfin les auteurs indiquent que ce présupposé entraîne la stigmatisation et la discrimination des personnes en surpoids. Outre la problématique morale, cette stigmatisation entraîne très concrètement une consommation accrue de nourriture, un évitement de l’exercice physique ainsi que des soins médicaux, la discrimination par les professionnels de santé étant avérée [je précise qu’il s’agit bien sûr d’une réalité « en moyenne », ce qui n’empêche pas -et heureusement- l’existence de professionnels bienveillants].
  • La seule façon pour une personne obèse ou en surpoids d’améliorer sa santé est de perdre du poids : Cette hypothèse n’a jamais vraiment pu être testée rigoureusement, pourquoi ? « One reason the hypothesis is untested isbecause no methods have proven to reduce weight longterm for a significant number of people » « Une des raisons pour laquelle cette hypothèse n’a pas été testé est qu’aucune méthode n’a fait la preuve de son efficacité à obtenir une perte de poids à long terme pour un nombre significatif de personnes. » Pour les auteurs, ce qui est important pour la santé ce sont les habitudes de vie indépendamment de l’évolution du poids : ainsi des bénéfices peuvent être obtenus en changeant ses habitudes même si cela s’accompagne d’un gain de poids.
  • Les coûts liés à l’obésité pèsent (ha ha) sur l’économie et cela peut être corrigé en cherchant à traiter et à prévenir l’obésité : Comme on l’a vu précédemment le lien entre obésité et maladie n’est pas si évident. En outre l’approche mise en oeuvre à large échelle contre l’obésité (régime et abdos-fessiers) est non seulement peu efficace mais comporte des risques, notamment de troubles du comportement alimentaire ou d’effet yoyo. En outre l’utilisation de l’IMC comme filtre pour déclencher la recherche ou pas de certaines maladies induit un surtraitement de la population en surpoids et obèse, et un sous-traitement de ceux qui ont un IMC normal. L’article met en avant une étude qui montre que plutôt que l’IMC, c’est l’image qu’une personne a de son corps qui serait un indicateur pertinent de sa santé.

 

Donc si je tente un grossier résumé : Partant du postulat erroné que tous les obèses sont malades, on leur fait subir un traitement inutile, inefficace et dangereux. En outre cela pose des problèmes éthiques et moraux, induisant des discriminations importantes envers ces personnes.

 

Que propose HAES ?

 

  • Encourager l’acceptation de son corps tel qu’il est plutôt que la perte ou la stabilisation du poids
  • Encourager une alimentation intuitive fondée sur les sensations corporelles (faim, satiété, envie, dégoût…) plutôt que sur la restriction cognitive (avec une grille préétablie d’aliments et de quantités autorisés ou interdits)
  • Encourager l‘activité spontanée et « incarnée » (je n’arrive pas à trouver une bonne traduction de « active embodiment ») plutôt qu’un planning d’exercice physique contrôlé

En bref, retrouver et favoriser une relation de plaisir, de confiance et d’autonomie avec son corps, y compris pour manger et bouger (.fr). Prendre le temps d’observer les effets qu’ont sur nous les aliments, à court et moyen terme, pour identifier lesquels nous conviennent le mieux (que ce soit pour l’humeur, concentration, énergie, satiété…). Chercher un mode d’activité physique agréable et facile à inclure dans sa routine : l’exercice « bon pour la santé » est souvent vu comme quelque chose de très codifié, selon un mode opératoire précis auquel il ne faut pas déroger. Or il peut aussi se trouver dans des activités simples du quotidien : ménage, jardinage, jouer avec les enfants, marcher, monter les escaliers, etc.

 

Quelles limites ?

C’est bien beau tout cela, mais qui nous dit que ce n’est pas une énième méthode de coaching à la noix ? A quel point ces allégations qui vont à l’encontre de toutes les recommandations officielles sont-elles solides ? Pas évident de vous répondre, n’étant ni médecin ni nutritionniste ni épidémiologiste ni rien de tout ça. En essayant de voir un peu comment cette approche était plus largement perçue j’ai trouvé… pas grand chose à part :

  • un article du ministère de l’agriculture étatsunien, plutôt positif
  • une critique sociologique du mouvement HAES : mais elle me semble en accepter les grands principes et se focaliser plutôt sur les détails de la mise en oeuvre ; sur ce point précis je n’ai pas d’opinion, n’en sachant pas beaucoup plus, mais je pense que cela ne remet pas en question les piliers de l’approche (de la même façon, on peut adhérer à la démarche de Zermati et du GROS et critiquer le site linecoaching).
  • le point de vue du Dr Sharma, spécialiste de l’obésité : il trouve l’approche intéressante et pense la mettre en pratique sans pour autant écarter d’autres alternatives. Pour lui, il faut trouver un juste milieu entre recommander systématiquement une perte de poids à tout patient ayant un IMC >30 et accepter toute surcharge pondérale sans prendre en compte son impact sur la qualité de vie et la santé du patient.

 

Ma réflexion

Personnellement, je pense qu’il est utile d’ouvrir le débat, et de pouvoir discuter de politiques publiques qui ont des effets sur de larges populations (d’autant plus que cette guerre au gras a également des effets importants sur les personnes avec un IMC normal, par l’idée que répandue que toute graisse = paresse et manque de volonté) tout en mobilisant d’importantes ressources (sans compter le marché de l’amincissement, qui est juste colossal). Evidemment, il ne faut pas en déduire que l’obésité (ou le surpoids) ne peut pas être un problème ou affecter la santé et la qualité de vie de certains, mais bien aborder chaque personne individuellement sans y plaquer un schéma déterminé par son poids. Je pense aussi que d’insister sur le fait que le poids est strictement déterminé par le comportement de l’individu (sous-entendu vertueux ou mauvais) peut conduire au sous-diagnostic de certaines pathologies qui influencent le poids (par exemple des problèmes de thyroïde peuvent entraîner prise comme perte de poids) : en caricaturant, on se réjouira d’une perte de poids subite sans juger utile de consulter, et à l’inverse on n’osera pas venir se plaindre d’une prise de poids de peur de se faire gronder et mettre au régime.

Je pense aussi que la nourriture que nous fournit l‘industrie agro-alimentaire dérègle nos circuits physiologiques de faim et de satiété. Déjà l’humain n’a jamais été confrontée à si large échelle à une telle abondance de gras, de sucre, de sel, et tout simplement de nourriture. Nos corps n’y sont simplement pas bien adaptés. En outre, on ne peut pas négliger l’omniprésence de nouvelles molécules qui viennent tromper nos sensations (exhausteurs de goût…), modifier notre métabolisme (acides gras trans…) ou notre régulation hormonale (BPA…). Il est évidemment délicat voire impossible de savoir à quel point ces substances affectent notre santé, mais pour autant on ne peut pas ignorer la transformation profonde de notre alimentation sur les cinquante dernières années, avec l’intensification de l’agriculture et le succès des préparations industrielles. Certes, personne ne nous oblige à les acheter mais qui arrive à ne jamais y recourir ? Même en étant féru de cuisine et critique du caddie, on aura bien du mal à s’en passer totalement et surtout à ne jamais fréquenter cantines, restaurants, fast-foods etc. Et l’idée n’est bien sûr pas de se retirer dans le Larzac vivre en autarcie (surtout si on y va tous, autant laisser Paris à Paris plutôt que dans le Larzac…) ou de devenir orthorexique, mais au moins d’être vigilant.

De façon plus générale, j’aimerais bien que la surveillance de l’industrie agro-alimentaire et les normes qu’elle doit respecter soient plus sévères. La France, attachée à sa gastronomie, est pourtant loin d’être la plus laxiste en ce domaine, mais elle reste très vulnérable face aux lobbys de l’agriculture et de l’industrie alimentaire (il n’y avait qu’à voir la panique à l’idée que Doux, le producteur de volaille de batterie aux antibiotiques fasse faillite : ne pouvait-on pas imaginer en profiter pour reconvertir cette activité vers une production plus douce pour l’environnement et la santé ?). On se focalise sur les coûts immédiats sans prendre en compte les coûts (immenses) sur le long terme à vouloir produire le plus possible pour le meilleur prix.

Il y a d’ailleurs très clairement un problème social à traiter, dans le sens où ce sont les catégories les plus défavorisées qui sont les plus touchées, et chez qui le surpoids et l’obésité sont les plus délétères. Comment donner accès à une nourriture de meilleure qualité, quand les produits frais sont chers et demandent un équipement trop coûteux pour certains pour être stockés et préparés convenablement ? Il ne suffit pas de faire la morale pour que ça fonctionne (et comme le mentionne l’article, si la honte faisait maigrir il n’y aurait plus d’obèses depuis longtemps).

Enfin la discrimination et la stigmatisation des gros sont inacceptables. Je dis bien gros car ça ne devrait pas être l’insulte que c’est devenue. C’est une description, comme on dit de quelqu’un qu’il est grand, petit, blond, brun, etc, et ça ne veut pas dire moche, nul, feignant, velléitaire ou que sais-je. A quel point est-on arrivé pour qu’un candidat à la présidentielle se sente obligé de perdre du poids pour être élu ? Personnellement je préférerais que le président consacre toute son énergie aux problèmes du pays plutôt que d’en avoir une partie déviée vers sa balance (comme dit Fat nutritionist c’est comme essayer de maintenir un ballon sous l’eau pour le reste de sa vie). Qu’on arrête de nous matraquer une norme corporelle de minceur, qu’on nous montre une plus grande diversité de physiques, sans en ériger systématiquement certains comme supérieurs aux autres (surtout si c’est toujours les mêmes). A quand une initiative Beauty At Every Size ?

 

D’autres billets du blog sur le même thème : I love ma cellulite et Casse-toi Dukon 

Image : « Wrong century », une oeuvre de l’artiste tchèque Tomas Kucerovsky ; illustration parfaite de la subjectivité des canons de beauté et de leur forte sensibilité aux normes sociales (des reproductions peuvent être commandées ici).

La diversification à la cool

vendredi, septembre 10th, 2010

bébé_mange Au risque de virer au 3615 my life www.maviemonoeuvre.com je voudrais partager avec vous aujourd’hui la façon dont nous nourrissons Pouss2, bientôt 8 mois. Avant tout je tiens à préciser que c’est un enfant « ordinaire », c’est-à-dire qu’il n’a aucune pathologie connue (et notamment pas d’antécédent ou de terrain allergique, pas de RGO). Je pensais attendre ses six mois révolus avant toute introduction d’aliment solide, mais autour de 5 mois il a manifesté très clairement son désir d’autre chose, râlant pour venir à table plutôt que de rester dans le transat juste à côté, tentant d’attraper assiettes, couverts et bien sûr nourriture. Et quand il a fini par arracher une feuille de la plante verte pour se la fourrer dans la bouche, je me suis dit qu’il était temps de passer à autre chose, même si la date fatidique des six mois n’était pas atteinte.

Première étape : découverte. L’idée étant de goûter un peu de tout en conservant le lait (en l’occurrence le mien) comme alimentation principale. L’avantage du bébé d’hiver, c’est qu’il commence les solides à la belle saison. Nous lui donnions donc un petit morceau de ce que nous mangions si cela pouvait lui convenir (et sinon rien -sauf du lait bien sûr) : pêche, melon, abricot, concombre, haricot vert… Toujours nature (voire cru si approprié) sous forme d’un morceau à tripatouiller, sucer, mâchouiller. Ainsi le poussin est bien occupé mais aucun risque d’overdose puisqu’un ou deux haricots verts dureront tout le repas. Zéro effort supplémentaire pour le parent qui se contente de piocher dans son assiette (à part le nettoyage : bébé + pêche = carnage).

Etape suivante : augmentation des quantités. Après quelques semaines de ce régime, Pouss2 (entre 6 et 7 mois donc) nous a fait comprendre qu’il en voulait plus. Nous avons donc augmenté les quantités ainsi que la gamme d’aliments dans laquelle piocher et commencé à systématiser les repas. Sauf s’il dort, il est à table avec nous à chaque repas et mange plus ou moins la même chose (et très honnêtement nous ne mangeons pas beaucoup de purées vapeur). J’essaie de lui donner en priorité les fruits, légumes et féculents mais il peut goûter à peu près à tout (y compris glaces, gâteaux, gratins etc). Selon le type de nourriture, il mange tout seul avec les doigts ou on lui donne la becquée à la cuiller ou à la fourchette. Si cela est plus pratique et plus adapté, il a un petit pot du commerce. Là encore c’est l’effort parental minimum : un repas pour tout le monde. Je n’ai jamais sorti le mixer spécialement pour Pouss2. Et entre les repas c’est toujours tétée à la demande.

Je dois dire qu’après avoir suivi fidèlement les instructions du pédiatre pour Pouss1 (compote de pomme à goûter, mixée lisse, puis carotte, puis une cuiller de viande vapeur mais pas plus, puis…), j’ai pris du recul. Après tout, les dernières recommandations issues de la littérature scientifique sont très générales : en gros ni trop tôt, ni trop tard, et privilégier le lait (maternel ou infantile). A moins de nourrir son enfant uniquement de junk food, quels sont réellement les risques inhérents à une diversification mal conduite ? On peut citer :

  • Remplacer un lait adapté par un aliment moins nutritif. Comme dit plus haut, ici l’allaitement continue à la demande (et sans vraiment ralentir), et nous sommes attentifs aux signaux de satiété de Pouss2.
  • Introduire un aliment mal digéré par l’enfant. Il me semble que cela n’est pas dramatique, si on voit que l’enfant a mal au ventre suite au repas et que cela provoque des désordres intestinaux on attend quelque temps avant de reproposer l’aliment incriminé. Par ailleurs, il est inévitable que le tube digestif ait quelques ratés pour s’adapter à une alimentation variée et je ne pense pas que cela soit pathologique pour autant (ou en termes plus crus : une petite drouille de temps en temps ce n’est pas la mort).
  • Provoquer une réaction allergique. Là je sors mon joker, n’étant (pour le moment) pas concernée, je n’ai pas fait beaucoup de recherches sur le sujet. Cependant, il semble que la définition des meilleures pratiques sur le sujet soit largement sujette à débat. Quoi qu’il en soit, je laisse les lecteurs avertis nous éclairer en commentaires.
  • Mettre en péril l’équilibre alimentaire du bébé (qui est différent du nôtre). Je fais attention aux protéines, au sel (je cuisine quasi sans sel, chacun est libre d’en rajouter à table -et en pratique c’est une question d’habitude, comme le sucre dans le café/thé…) et aux mauvaises graisses et j’essaie de donner principalement fruits, légumes et féculents. Quant aux éventuelles carences, le lait maternel à volonté me semble une bonne parade pour la plupart d’entre elles.

On parle aussi beaucoup du développement du goût et des habitudes alimentaires, qui se prennent dès le plus jeune âge. Pour ma part, après avoir lu Zermati et le site du GROS (voir notamment cette page sur l’obésité infantile), j’essaie de mettre l’accent sur le respect des sensations de faim et de satiété plutôt que sur un hypothétique équilibre alimentaire détaillé, sur lequel de toute façon personne n’est d’accord (et qui à mon avis est aussi très variable d’un individu à l’autre, en fonction des circonstances etc). J’ai d’ailleurs découvert il y a peu (grâce à Mme Papilles) que je suivais ainsi les préconisations d’un spécialiste de l’obésité infantile. Donc pas d’aliments diabolisés, pas d’obligation de finir son assiette (ce qui n’empêche pas de rester vigilant sur ce que nous achetons). Comme c’est moi qui fais les courses et la cuisine (je vous rassure le Coq s’occupe d’autres tâches ménagères…), je fais un menu unique (en tenant un peu compte des goûts de chacun quand même) : chacun mange autant qu’il veut de ce qu’il veut dans ce qui est proposé.

Ce qui a vraiment été une découverte depuis Pouss1, c’est la capacité d’un bébé de cet âge à manger des morceaux, et tout seul. Le concept*, appelé baby-led weaning (diversification menée par l’enfant en français) a été popularisé par le livre de Gill Rapley et Tracey Murkett (que je n’ai pas lu). Il y a également un site en français, même si je trouve certaines de ses recommandations -comme les âges d’introduction des aliments– très psychorigide (et basées sur quelles données ?). Il est intéressant de noter que l’habitude de nourrir un bébé avec des purées lisses et fades provient de l’époque où on diversifiait les enfants précocement (dès trois mois) : on fait donc avec des enfants de six mois ou plus comme s’ils en avaient trois. Et après tout, si les enfants mettent tout à la bouche, ce n’est peut-être pas juste pour que l’ami Sigmund vende des livres. Il n’y a pas besoin de dents pour mâcher, au début les enfants écrasent la nourriture avec la langue sur le palais. De toute façon ils n’auront pas de molaires avant au moins un an voire 18 mois pour la plupart. A noter que la tétée au sein favorise un bon développement des mâchoires (voir ici par exemple), rendant cette approche particulièrement adaptée dans ce contexte. Pour ma part je ne suis pas fidèlement les préceptes énoncés, parce que j’ai constaté que dans la vraie vie ça ne se passe pas toujours comme dans les bouquins (avez-vous déjà vu un bébé de six mois essayer d’attraper un bout de melon glissant comme une savonnette ?). Et je n’aime pas le ménage au point de laisser Pouss2 à 7 mois se démerder avec un yaourt : l’idée est aussi de me simplifier la vie, d’autant plus qu’il accepte très bien qu’on lui donne la becquée (et dans ces cas-là il m’attrape la main pour amener plus vite la cuiller à sa bouche…).

En bref mon nouveau dogme sur cette question, c’est de ne pas en avoir : un peu de bon sens et trouver le meilleur compromis entre les efforts auxquels je veux consentir et les besoins que Pouss2 exprime. Et évidemment il n’est pas question de prétendre que c’est LA voie et que tout le monde doit faire pareil, mais simplement de signaler qu’on peut se libérer un peu de la psychorigidité ambiante sur la question et faire sa propre tambouille (ha ha ha), en fonction de ses habitudes, de son mode de vie, de ses enfants, etc. Les repas peuvent simplement être de bons moments passés en famille et la nourriture un plaisir partagé. Et puis on peut enfin sortir de la guéguerre débile des petits pots contre les purées maison : ni l’un ni l’autre mon général !

*Le concept en question est probablement vieux comme le monde mais il suffit de lui donner un nom qui en jette pour vendre des bouquins…

Photo : Flickr