Posts Tagged ‘Thomas Gordon’

Parler pour que les enfants écoutent…

jeudi, mai 7th, 2009

faber_mazlish Ça y est ! Je l’ai enfin lu ! Le fameux livre de Faber et Mazlish : Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent. Je l’ai lu en anglais, car d’une part je voulais éviter une mauvaise traduction, et puis plus prosaïquement la VF est plus difficile à trouver (voir les occasions, les bibliothèques et la Leche League par exemple).

Ma première impression (confirmée par le Coq, qui a fini par s’y mettre aussi) : c’est un copié-collé du Parents efficaces de Gordon ! Etant donné que ce sont tous des auteurs étatsuniens, je me demande même comment ils ne sont pas tous en procès les uns avec les autres (si ce n’est que ça ne collerait pas trop avec l’approche communication non violente ?). Et d’après les dates indiquées dans chacun de ces livres, Gordon est antérieur, ce qui me pousse à lui donner la primeur de l’idée.

Enfin faisons quelques instants abstraction de Gordon et penchons-nous sur le livre du jour. A mon avis, son principal intérêt est d’être extrêmement didactique, avec des tas d’exemples et de trucs très concrets, des BD (mais 80’s style, j’ai mis une trentaine de pages à réaliser que la mère ne portait pas une charlotte de douche mais une sorte de bandeau étrange) et des récapitulatifs d’une page en fin de chapitre à photocopier et à accrocher dans la maison. Je ne vais pas parler de la substantifique moelle, parce que je l’ai déjà fait dans mon article sur Parents efficaces (oups je reparle quand même de Gordon).

C’est donc un bon livre mais :

  • soit vous avez déjà lu le Gordon et vous pouvez donc vous en passer,
  • soit vous l’avez déjà lu et vous n’avez cure de mon article,
  • soit vous n’avez ni l’un ni l’autre et je crois que je vous conseillerais quand même Gordon (malgré la mauvaise traduction et les exemples datés), parce qu’il met mieux en perspective notre conception de l’enfant et la façon dont nous voyons notre relation avec lui : en plus de l’aspect pratico-pratique, il a un côté plus « philosophique » que je trouve plus intéressant. D’un autre côté, Gordon peut sembler rébarbatif à certains, ou en tout cas plus que Faber et Mazlish. Donc disons que Parler pour que les enfants… sera peut-être plus abordable.

Et vous, vous préférez lequel ?

Les caprices (3)

vendredi, février 27th, 2009

bon_de_colere Et maintenant, après la première et la deuxième partie, le moment que tout le monde attend : c’est bien beau toute cette théorie mais dans la vraie vie on fait quoi ? Il n’y a pas de solution miracle bien sûr, mais comme toujours quelques pistes et idées, à tester (ou pas) selon ses affinités et son intuition du moment.

D’abord même si les crises et colères sont inévitables, on peut quand même essayer d‘en prévenir certaines, c’est toujours ça de pris. Un enfant qui s’énerve est souvent un enfant fatigué (ou qui a faim), ou encore qui s’ennuie. Attention parce que plus il est énervé (et fatigué), plus il peut être difficile à coucher. Quand la marche est bien acquise (ou même avant), prendre l’habitude d’emmener l’enfant se défouler dehors au moins une fois par jour peut faire retomber un peu la pression (même si bien sûr ce n’est pas toujours possible).  On peut aussi repérer quelques situations qui déclenchent l’hystérie à coup sûr, et tenter de les éviter quelque temps. C’est une stratégie très délicate, parce qu’il y a des choses qu’il faudra bien que l’enfant apprenne à gérer un jour. Et pour les situations délicates inévitables et exceptionnelles (comme les voyages par exemple), mettre toutes les chances de son côté (prévoir jeux et occupations, nourriture préférée etc). Il ne faut pas non plus oublier que les petits enfants ne connaissent pas forcément les règles du jeu : un bon briefing au préalable et au calme pour bien détailler ce qu’on attend comme comportement de la part de l’enfant peut faire des merveilles. Autre truc : le faux choix, qui permet à tout le monde de sauver la face. Exemple : c’est la crise pour se brosser les dents. « Tu préfères te brosser les dents avec la brosse à dent rouge ou avec la verte ? » « Tu veux d’abord mettre ton pyjama ou d’abord te brosser les dents ? » Et puis s’observer soi-même : avez-vous remarqué comme les choses s’enveniment plus facilement quand on est soi-même fatigué/énervé/frustré/autre ? Enfin, si l’enfant veut jouer avec vous alors que vous avez autre chose à faire, il est parfois plus simple et productif de prendre tout de suite un peu de temps pour l’enfant et de vaquer à vos occupation seulement après.

Ensuite quand arrive l‘élément déclencheur (par exemple refus de donner quelque chose à l’enfant), on peut toujours tenter une distraction vers quelque chose qui serait acceptable pour les deux et proposer rapidement un substitut. On peut aussi verbaliser immédiatement ce qui se passe « Tu es déçu de ne pas avoir ça « , « ça t’énerve beaucoup quand ça se passe comme ça », éventuellement enchaîner par une proposition d’autre chose, ou tenter de valoriser l’enfant qui essaie de gérer son mécontentement. On peut aussi l’encourager à taper dans un coussin, à crier dans une « boite à colère », à faire une bataille d’oreillers, à aller faire un tour dehors (selon l’âge et la configuration du lieu), bref à extérioriser de façon acceptable pour tous.

Quand l’enfant est en pleine crise, il n’est capable d’entendre ni raisonnement ni réconfort ni menace ni rien. On peut soit le « contenir » physiquement (surtout s’il risque de se faire mal) et accompagner sa colère, soit au contraire s’éloigner (ou l’éloigner) pour le laisser se calmer seul. Je ne pense pas qu’il y ait une méthode supérieure à l’autre, plutôt que chacune est plus ou moins adaptée à chaque situation. Pour accompagner il faut avoir suffisamment de ressources sur le moment, si au contraire on est sur le point de piquer soi-même une colère mieux vaut s’éloigner. Il y a des crises qui sont assez théâtrales et se calment plus vite quand il n’y a pas de public, d’autres au contraire qui emportent tellement l’enfant qu’il a besoin d’être « cadré ». Certains enfants peuvent criser de façon très extrême : se taper/griffer/tirer les cheveux, vomir, avoir des spasmes du sanglot, etc.  On a testé pour vous le tapage de tête : pas facile, et pas de truc infaillible, si ce n’est un mélange de tout ce qui est cité ici (et une mèche de cheveux pour cacher les bleus…).

Les interventions qui humilient ou brutalisent l’enfant (cris, menaces, fessée, douche froide…) peuvent être efficaces sur le coup mais risquent d’être assez dommageables sur le long terme : il est meilleur pour l’enfant d’apprendre à exprimer sa colère de façon acceptable que d’être forcé à la réprimer. Je pense qu’il vaut mieux les éviter et lorsqu’on dérape (tout le monde est humain), s’excuser auprès de l’enfant quand tout le monde s’est calmé. Si on est dans un endroit public, tenter autant que possible de minimiser les dégâts, et essayer de garder la tête haute (et froide). Strollerderby vous propose cinq excuses à donner si quelqu’un s’en mêle (et ce quelqu’un ne saura pas si elles sont vraies ou pas, niek niek) :

  1. Il n’a pas fait sa sieste.
  2. Quelqu’un lui a donné un bonbon (tout le monde sait que le sucre ça rend fou).
  3. Il est malade.
  4. Il a deux ans.
  5. Ce n’est pas le mien, sa maman lui manque.

Bien sûr, accompagner une colère ne veut pas dire céder à la demande à l’origine de la colère. Parfois, la demande n’est d’ailleurs qu’un prétexte et y céder peut aussi déclencher la crise. Dans ce cas les demandes vont s’enchaîner tant que vous y cédiez jusqu’à arriver à la crise, et la stratégie de céder à un petit truc pour avoir la paix foire complètement (mais il y a d’autres cas où ça marche à merveille). On sait aussi qu’une crise peut être une façon de tester le parent, de chercher la limite, dont l’enfant a besoin (et le parent aussi !). C’est donc assez complexe et subtil. Pourquoi a-t-on dit non ? Parce qu’on a eu une sale journée au boulot et qu’on est de mauvaise humeur ? Parce qu’on a peur d’être catalogué comme parent laxiste ? Parce qu’il y avait un danger ? Parce que ce que fait/demande l’enfant n’est pas acceptable pour vous ? Il y a un équilibre très délicat entre rester sensible à la détresse et aux larmes de son enfant et tout faire pour éviter le moindre cri ou pleur. Et puis bien sûr il faut un minimum de cohérence, mais ce n’est pas grave de dire oui une fois et non la suivante : céder une fois sur quelque chose un jour un peu difficile n’empêche pas de refuser le lendemain. Dire « oui » quand on pense « non » et vice versa peut entraîner une grande confusion pour un tout petit, qui est extrêmement sensible à la communication non verbale (par laquelle transparaîtra le fond de votre pensée).

Quelques lectures :

Si vous avez d’autres trucs, n’hésitez pas à les partager !

(Image : http://www.u-p-r.org/ab/index.php?page=article&id=69)

Une école différente

lundi, octobre 27th, 2008

 Si on s’intéresse à l’éducation non-violente, on finit fatalement par se poser des questions sur l’endroit où on va tôt ou tard envoyer nos enfants passer leurs journées : l’école. Même si les châtiments corporels sont heureusement bannis, l’ambiance à l’Education nationale n’est pas encore à la gordonisation généralisée. Alors que je commençais à réfléchir aux alternatives, je suis tombée sur ce livre : Montessori, Freinet, Steiner… une école différente pour mon enfant ? par Marie-Laure Viaud (docteur en sciences de l’éducation). Il dresse un panorama plus ou moins exhaustif des pédagogies alternatives, avec une description détaillée de chacune aux différents niveaux (de la maternelle au lycée). Il donne aussi une liste de tous les établissements concernés en France, avec de jolies cartes. Donc en (très) gros (je fais un résumé un peu grossier, j’espère que les gens qui s’y connaissent ne m’en voudront pas trop s’ils passent par là) :

  • Montessori
Basée sur les travaux de Maria Montessori au début du XXème siècle, cette pédagogie repose sur deux grands principes. D’une part, l’enfant passe régulièrement par des périodes sensibles pendant lesquelles il pourra apprendre très facilement. D’autre part, chaque enfant progresse à son propre rythme. Les classes Montessori regroupent donc des élèves d’âge différent et mettent à leur disposition un tas de matériel sophistiqué que l’enfant peut manipuler seul. Cette pédagogie insiste beaucoup sur l’apprentissage par le toucher. L’ambiance générale en est très studieuse et calme. Une grande importance y est accordée à la façon de se tenir, au rangement et à la propreté. Par ailleurs, les enfants y ont une grande autonomie. Toutes ces écoles sont privées hors contrat et il faut compter 4000 à 6000 euros de frais de scolarité par an.
En savoir plus : http://www.montessorienfrance.com, http://www.montessori-france.asso.fr
  • Steiner
Les écoles reposant sur les travaux de Rudolf Steiner sont également appelées écoles Waldorf (car développés pour les enfants du personnel de la fabrique de cigarettes Waldorf-Astoria). Cette pédagogie accorde une grande place à la créativité et à l’expression artistique. Il y a aussi beaucoup de chants, de rondes, et surtout une pratique très régulière de l’eurythmie, qui est une sorte de danse. On y insiste beaucoup sur le rythme des saisons, avec un lien quasiment spirituel avec la nature. Il faut savoir enfin que cette pédagogie est basée sur l’anthroposophie, qui est plus ou moins considérée comme une secte, même si bien sûr cette théorie n’est pas enseignée dans les écoles, qui ne sont pas elles-mêmes des mouvements sectaires. Ce sont des écoles privées hors contrat dont le coût varie de 1500 à 3800 euros l’année.
  • Freinet
Cette pédagogie, basée sur les travaux de Célestin Freinet, est appliquée à la fois dans des écoles entières (peu nombreuses), mais aussi dans certaines classes au sein d’écoles « classiques ». Les principes en sont :
– le travail à partir des intérêts des enfants, en menant des projets pour fonder les apprentissages sur des situations « vraies »
– l’importance accordée aux activités artistiques et d’expression libre
– la pratique de la démocratie à l’école, avec un conseil de classe/d’école mis en oeuvre par les élèves
Ces classes et écoles sont généralement publiques donc gratuites. 

 

Il y a d’autres initiatives présentées, comme la Pédagogie institutionnelle, les Calendretas, la méthode Decroly, etc. J’avoue qu’à l’instar de l’auteur je trouve la pédagogie Freinet la plus séduisante (et pas que pour les sous…), tandis que les écoles Steiner m’attirent moins. Manque de pot, en région parisienne il n’y a que deux maternelles Freinet, une à Bobigny (dans le 9-3) et l’autre à Saint-Ouen-l’Aumône (au fin fond du 95), et je me vois mal déménager juste pour ça (imaginez qu’en plus on finisse affectés à une autre école, parce qu’à mon avis ça doit se bousculer au portillon). 

 

Il est bien sûr extrêmement délicat d’estimer l’efficacité de ces méthodes, d’une part car elles ne concernent finalement qu’un petit nombre d’enfants, et d’autre part car les élèves à qui on les applique ne sont pas forcément représentatifs de la population générale (notamment dans les écoles à 6000 euros par an… ou au contraire dans certains lycées Freinet qui sont destinés aux jeunes en grande difficulté). Cependant, l’auteur présente un certain nombre d’études qui montrent globalement que :
– D’une part les élèves des écoles alternatives n’ont pas de moins bons résultats que les autres (voire en ont des meilleurs), mais qu’en parallèle ils sont beaucoup plus autonomes, avec un meilleur esprit critique et/ou artistique (selon la pédagogie).
– D’autre part, lorsque ces élèves rejoignent le système traditionnel, ils peuvent avoir quelques difficultés de transition mais s’adaptent finalement sans trop de problème.

 

La quatrième de couverture promettait de tout nous dire sur « Comment appliquer le meilleur de ces pédagogies à la maison ? », que je me réjouissais de découvrir. Plutôt décevant, en fait c’est un tableau des pratiques généralement associées au maternage (allaitement long, portage…) et des principes d’éducation non violente (à peu de choses près des sites, auteurs et livres que je connaissais déjà et dont j’ai déjà parlé sur ce blog). Non que ce ne soit pas intéressant, mais je n’ai pas appris grand chose et j’attendais des idées pédagogiques beaucoup plus concrètes (idées d’activités, de jeux, etc). Pour ça je n’aurai plus qu’à me retourner vers le grand internet mondial.

 

Il y a enfin quelques pages sur l’école à la maison, mais si l’aventure vous tente ce n’est pas ce bouquin qu’il vous faut. L’auteur mentionne quelques sites qui peuvent être utiles :
http://www.lesenfantsdabord.org/
http://laia.asso.free.fr/
http://www.cise.fr/

 

En conclusion, nous avons encore le temps, puisque le poussin n’ira normalement à l’école qu’en septembre 2010. Cependant, plutôt que de nous mettre bille en tête sur telle ou telle pédagogie, je pense que nous procèderons plutôt en enquêtant sur les écoles des environs, publiques et privées, pour trouver celle qui nous conviendra le mieux (comme le fait remarquer l’auteur, au-delà de la pédagogie théorique, il y a par exemple la personnalité de l’enseignant qui joue énormément). Il y a d’ailleurs dans le livre une liste de questions à poser pour en savoir plus, tant sur les détails très pratiques (nombre d’enfants par classe, organisation du déjeuner…) que sur les grandes questions (mode de résolution des conflits entre enfants, gestion des problèmes de comportement…). Je garderai aussi les idées de Gordon Neufeld dans un coin de ma tête. 

Parents efficaces

jeudi, octobre 9th, 2008

 Après en avoir entendu le plus grand bien par Fleur, je suis tombée l’autre jour chez Auchan sur Parents efficaces : une autre écoute de l’enfant de Thomas Gordon. Pas cher en plus (5 € et des brouettes), l’occasion fait le larron. Autant vous le dire tout de suite, je n’ai pas regretté. Sauf peut-être la traduction, dont je soupçonne qu’elle ait été faite par des Québécois (« Jean a vidé tout le placard à chaudrons de la cuisine. » Euh, on est chez Harry Potter là ??). Sans compter le petit effet 70’s (le livre a été écrit en 1970) qui donne aux dialogues des exemples un petit air de sortir des studios d’AB Productions. Mais à mon avis il faut passer outre, parce que le fond est vraiment intéressant. C’est une vraie remise en question de la conception de l’éducation et de la place de l’enfant telles que généralement admises dans notre société. Et je trouve que le livre est très complémentaire de Hold on to your kids (voir ici et ), ce dernier étant plutôt théorique tandis que Parents efficaces se concentre sur la pratique.

D’abord quelques mots sur l’auteur. Thomas Gordon était (il est mort en 2002) docteur en psychologie clinique, et s’est rendu célèbre par sa méthode de résolution des conflits « sans perdant », qu’il a appliquée à l’éducation mais aussi pour les enseignants et le monde de l’entreprise. Il a été proposé trois fois pour le prix Nobel de la paix. Ses travaux sont dans la lignée de ses illustres prédécesseurs Carl Rogers et Abraham Maslow.

Il nous invite à reconsidérer la place que nous accordons à nos enfants et la façon dont nous voulons diriger leur comportement. Pour lui, les enfants ne sont pas des petits démons à dompter à tout prix, mais des personnes à part entière, qui bien qu’immatures ont droit à être respectées et traitées comme telles. L’éducation vise là à aider l’enfant à développer sa personnalité et à s’épanouir plus qu’à lui inculquer de gré ou de force une certaine façon de se comporter. Autant vous dire tout de suite que si vous souhaitez des enfants « à l’ancienne », qui ne parlent que lorsqu’on leur donne la parole et sont « sages comme des images », ça ne sert à rien de lire ce livre. Par contre il ne faut pas croire que pour autant l’auteur prône la permissivité et le laisser-faire : l’enfant doit apprendre à respecter les besoins des autres (à commencer par ses parents) tandis que ses parents respectent les siens.  

Alors quelle est cette fameuse « méthode sans perdant » ? Gordon part du principe que chaque individu a ses besoins, qu’il doit combler. Les conflits arrivent lorsque la satisfaction des besoins de deux personnes (ou plus) apparaît inconciliable.  

La première étape est de déterminer qui a un problème. Si votre enfant a perdu son camion préféré, c’est lui qui a un problème. S’il joue du tambour pendant que vous essayez de faire la sieste, c’est vous qui avez un problème. Votre enfant traîne pour s’habiller le matin et vous met en retard : c’est la relation qui a un problème.

Comment résoudre un problème appartenant à l’enfant ? Gordon préconise l’écoute active, afin de conduire l’enfant à trouver lui-même une solution à son problème. En pratique, ça consiste à écouter l’enfant expliquer son problème en reformulant ce qu’il vient de dire. La reformulation ne doit pas être une bête répétition mais montrer que l’adulte a bien décodé les sentiments exprimés (souvent indirectement) par l’enfant. Par exemple à « j’ai perdu mon camion » on répond « Tu es triste d’avoir perdu ton camion. » Cela peut paraître une façon très contre-intuitive de répondre mais apparemment ça marche. Dans le doute vous pouvez juste faire « hmmm » ou ne rien dire. Si vous vous abstenez d’avancer tout jugement ou solution, l’enfant va petit à petit cheminer jusqu’à trouver lui-même la solution à son problème. Petit à petit, il comprendra qu’il peut régler ses problèmes seul et viendra moins souvent vous bassiner avec. L’écoute active lui donnera en outre l’impression d’avoir été compris et il ne pourra pas vous en vouloir si la solution ne lui convient finalement pas puisque c’est lui qui l’aura trouvée. Cette façon de faire s’applique aussi lorsque l’enfant se fait mal. Dire « Oh mon pauvre tu as mal/tu as eu peur » est plus efficace que « Ce n’est rien arrête de pleurer tout de suite. » (Attendez quand même qu’il pleure effectivement, on a tous vu des enfants qui après une chute attendent que l’adulte les regarde pour se mettre à pleurer…).

Si c’est vous qui avez un problème avec le comportement de l’enfant, il faut l’exprimer à l’aide d’un « message-je ». C’est-à-dire « Je trouve très pénible que tu fasses beaucoup de bruit avec ton tambour pendant que je fais la sieste, ça m’est insupportable. », plutôt que « Arrête ce bruit horrible tout de suite » ou encore « Tu es insupportable avec ton tambour ». A noter que « je trouve que tu es un gros con » n’est pas un « message-je » mais un « message-tu » déguisé (même si ça soulage grave). Il faut que le message exprime clairement votre sentiment, donc n’hésitez pas à prendre le ton proportionnel à votre énervement. Par ailleurs l’enfant ne va pas forcément deviner vos besoins si vous ne les exprimez pas. Il faut également exprimer son vrai sentiment. Par exemple si votre enfant s’est perdu dans le magasin, votre vrai sentiment est la peur que vous avez éprouvée qu’il lui arrive quelque chose, suivie du soulagement de l’avoir retrouvé. Le problème est que personne n’aime ressentir cette peur, alors généralement elle se transforme vite en colère et en agressivité contre celui qui vous l’a causée. Mais c’est la peur qu’il faut exprimer à l’enfant, pas l’agressivité qui en découle. Vous pouvez aussi exprimer vos besoins préventivement, par exemple en aménageant votre maison pour qu’il ait un petit coin où il puisse tout déranger et jouer tranquille. 

Si les deux personnes ont un problème, elles doivent ensemble chercher une solution qui permettent de satisfaire les besoins des deux : c’est la Troisième Méthode (oui oui, avec des majuscules s’il vous plaît). La discussion doit être conduite à base d’écoute active et de messages-je. Cela ne marchera que si vous exprimez vraiment vos besoins, en faisant la part de ce qui est important pour vous et de ce qui ne l’est pas (si vous restez totalement bloqué sur votre position initiale). Il faut également considérer comme valables les solutions proposées par l’enfant. Dans l’exemple de l’enfant qui traîne et vous met en retard le matin, c’est peut-être qu’il voudrait passer plus de temps avec vous : se réveiller cinq minutes plus tôt pour commencer la journée par un gros câlin familial pourrait permettre à tout le monde de partir du bon pied ? Ou peut-être qu’il traîne pour s’habiller parce qu’il n’aime pas les habits que vous lui avez sortis : les choisir ensemble la veille permettrait de résoudre le problème. Avec ce type de solution, vous n’avez pas transigé sur votre vrai besoin (être à l’heure le matin) et vous avez pu prendre en compte le besoin de l’enfant. Et comme tous les êtres humains, l’enfant est beaucoup plus motivé pour appliquer une décision à laquelle il a participé et pour laquelle on s’est assuré de son accord. 

Alors pourquoi Troisième Méthode ? Gordon appelle Première Méthode le mode de résolution des conflits où les parents imposent leur solution (ils gagnent), et Deuxième Méthode celui où c’est l’enfant décide (c’est lui qui gagne). La première est la plus répandue, et reflète bien la place accordée aux enfants : ils n’ont qu’à obéir. Pourtant si on y réfléchit personne n’accepterait qu’on lui parle de la façon dont on s’adresse aux enfants. Chacun a pourtant des conflits avec son conjoint, ses voisins, ses amis, ses collègues, et trouve un moyen de les résoudre sans recourir à une méthode autoritaire. La Première Méthode marche tant qu’on arrive à faire peur à l’enfant, mais que faire quand les menaces ne prennent plus ? Entrer dans une escalade de violence, physique et/ou verbale ? La Deuxième Méthode n’est pas meilleure, car elle rend les enfants égoïstes et incapables de s’insérer socialement, puisque ne sachant pas prendre en compte les besoins des autres. Quant aux parents ils finissent par en vouloir sérieusement à ces mômes qui leur rendent la vie infernale. 

Bien sûr le résumé que je vous fais est assez grossier, et si cette façon de faire vous intéresse, le mieux est encore de lire le livre. Celui-là ou un autre car il y a aussi Parents efficaces au quotidien, tome 2 et Eduquer sans punir : apprendre l’auto-discipline aux enfants, sans compter les livres à destination des enseignants et des managers, qui peuvent également appliquer ces techniques. Si quelqu’un les a tous lus et sait par lequel il vaut mieux commencer (et à quel point ils sont redondants) qu’il ou elle n’hésite pas à nous en faire part dans les commentaires. La méthode Gordon se décline également sous forme de stages et de formations, voir par exemple Gordon France.

Si vous êtes intéressés par l’éducation dite non violente (pas de châtiments de corporels, mais aussi sans punition ni récompense), voici quelques liens pour amorcer ou approfondir la réflexion :

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