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Eduquer sans punition (2)

mercredi, mai 18th, 2011

Après avoir vu les généralités dans l’épisode 1, passons maintenant à la partie la plus intéressante : c’est bien beau tout cela, mais au jour le jour, on fait comment ? Autant vous le dire tout de suite, ce n’est pas simple. Moi je vois ça comme un investissement à long terme, et à défaut de savoir quel résultat cela aura sur mes enfants dans quinze ou vingt ans, je me dis qu’au moins moi j’aurai essayé d’avancer. Voilà donc quelques idées, à partager et à améliorer :

  • Choisir ses combats. Est-ce que ce comportement/cette action me dérange ? Est-ce que ça me dérange maintenant ou est-ce que j’anticipe que ça pourrait dans d’autres circonstances me déranger ? Est-ce que ça aurait dérangé ma mère/mon grand-père/la voisine ? Accepter que l’enfant n’a pas un comportement parfait à tout moment, et qu’il ne deviendra pas pour autant un délinquant multi-récidiviste. Avoir un enfant prêt à l’heure et en ayant tout fait comme Papa et Maman voulaient, ça relève parfois (souvent ?) de la science fiction. Par exemple accepter sans s’énerver que poussin change trois fois de t-shirt le matin est souvent plus efficace que de faire toute une scène pour qu’il mette le premier qu’il avait choisi. C’est énervant (et ça sent le vécu ?). Mais vous êtes (à peu près) à l’heure pour partir. Les exigences trop nombreuses de notre rythme de vie occidental sont à mon avis intenables par des enfants, surtout en bas âge.
  • S’adapter aux circonstances. En ce qui me concerne, je n’ai pas les mêmes attentes à la maison et ailleurs (chez des amis, dans un lieu public…). Cela demande beaucoup d’énergie de tout le monde d’obtenir un comportement adéquat aux exigences du lieu. Les enfants comprennent bien que la plupart des règles ne sont pas gravées dans le marbre (de la même façon qu’ils s’adaptent à la nounou, la crèche, l’école… qui ont tous des règles différentes). Savoir s’adapter à toute situation me semble une compétence plus utile que suivre les règles aveuglément.
  • Considérer l’enfant comme un handicapé. J’espère que cela ne heurte personne, je veux dire par là qu’il ne faut pas oublier qu’il n’a pas les mêmes capacités psychiques et émotionnelles qu’un adulte. Aménagez au maximum l’espace et l’emploi du temps pour ne pas avoir à surveiller et à interdire en permanence. N’ayez pas honte si votre enfant fait LA crise en public, la fameuse où il se roule par terre en hurlant. Si vous ressentez le besoin de vous justifier auprès de passants indignés, vous pouvez user de pieux mensonges : « Il n’a pas fait sa sieste » « Il fait ses dents » « Il a mangé trop de sucre » « Il est malade » ; si vous êtes un peu joueuse « L’exorcisme n’a pas bien fonctionné » « J’aurais du arrêter le crack pendant la grossesse » « Je ne sais pas pourquoi cet enfant croit que je suis sa mère ». Et puis n’oubliez pas que l’enfant a sa propre échelle de valeurs qui peut vous paraître incongrue (Pouss1 peut se mettre dans des états pas possibles parce qu’une goutte d’eau est tombée sur sa chaussette). Et que la vôtre lui semble probablement tout aussi étrange. Il n’y a pas de raison qu’il soit le seul à faire des efforts pour intégrer la vôtre, et il sera probablement plus enclin à le faire si vous montrez le bon exemple.
  • La sécurité physique. C’est souvent brandi comme l’argument ultime pour justifier la tape : « il doit arrêter de mettre ses doigts dans la prise » « il a failli se faire écraser » etc. Malheureusement les petits enfants ont besoin d’explorer et d’expérimenter, et il leur faut du temps pour apprendre à maîtriser ces pulsions. En attendant, il faut répéter et retirer physiquement l’enfant du danger, autant de fois que nécessaire. La différence de stature physique permet généralement à l’adulte d’effectuer ce geste sans avoir à infliger volontairement de douleur à l’enfant. Taper ou punir fait comprendre à l’enfant qu’il ne faut pas se faire prendre, mais ne l’empêchera pas de recommencer quand le parent a le dos tourné. Je ne dis pas que c’est facile et agréable, mais cela fait partie du job de parent, comme se lever la nuit et changer des couches Erika-style.
  • Des conséquences plutôt que des punitions. Nous ne pratiquons pas la punition, si on la définit comme la privation d’une chose agréable (ou l’obligation d’une autre désagréable) sans lien avec le « délit ». Par contre il y a des conséquences, expliquées à l’avance. Les nuances sont subtiles mais importantes. Pas de « tu n’as pas obéi donc tu vas au coin/dans ta chambre », mais il peut y avoir « je suis tellement fâchée contre toi que je ne veux pas te voir maintenant ». Pas de « tu n’as pas été sage donc tu es privé de télé », mais « si tu traînes trop pour te brosser les dents nous n’aurons pas le temps de raconter une histoire ». Et lorsque c’est possible, privilégier la réparation : si l’enfant a cassé ou renversé, il peut nettoyer ou au moins participer au nettoyage, en fonction de son âge. Avec un petit, il peut suffire de commencer à nettoyer en l’enjoignant de participer pour qu’il vienne ramasser. La capacité d’anticiper les conséquences de ses actions est très longue à acquérir (jusqu’à l’adolescence, et je ne serais pas surprise qu’une proportion non négligeable d’adultes ne l’aient pas), donc il n’est pas forcément justifié d’être très strict sur l’application des conséquences.
  • Le morceau de sucre aide la médecine à couler. La récompense est le pendant de la punition et est à manier avec précaution. Il vaut mieux éviter de s’embarquer dans des deals du style « Si tu mets la table tu auras un bonbon/un jouet », sous peine de devoir rémunérer toute participation de l’enfant à la vie familiale (sans parler des augmentations). Mais les jours de crise, quand rien ne se passe comme prévu, quand alors que vous avez déjà 10 minutes de retard le poussin ne veut pas mettre ses chaussures, qu’en plus vous êtes malade et crevée, un peu d’huile dans les rouages ne peut pas faire de mal. Et pour cumuler les péchés, vous pouvez même corrompre avec des sucreries. Une fois n’est pas coutume.
  • On peut toujours consoler. Accepter la tristesse, la colère, le refus de l’enfant ne veut pas dire céder (mot qu’il vaut d’ailleurs mieux éviter, tant il positionne d’emblée un rapport de force qui n’a pas lieu d’être). Si l’enfant pleure parce que vous vous êtes mis en colère, ou que ses actions ont finalement mené à une conséquence indésirable, je ne crois pas qu’il soit contre-productif de le consoler, même si ça n’empêche pas de réanalyser à froid ensuite : quand tu fais ça, cela me met en colère. Ce n’est pas accepter quelque chose que vous trouvez inacceptable, mais aider l’enfant à digérer ce fait. Inutile d’appliquer une double peine. Cependant, on peut être tellement en colère qu’on ne peut pas consoler l’enfant, mieux vaut ne pas se forcer et le dire à l’enfant.
  • Parler de ses émotions. On peut dire à son enfant qu’on est triste de le quitter le matin, même si on est en même temps content de travailler. Qu’on n’a pas envie de ranger la maison, même si après coup on est content d’avoir une maison propre. Qu’on aimerait bien passer la journée au lit à manger des chips en regardant la télé, même si on est heureux d’avoir un boulot. Les parents ont le droit d’être ambivalents et les enfants aussi. Et ils se sentent souvent mieux si on rêve un peu avec eux, sur ce jouet dont ils ont tant envie ou cette petite sœur qu’on aimerait renvoyer à l’expéditeur. Il est aussi important de faire le tri entre ses propres problèmes et ceux causés par l’enfant : il est tellement plus simple de se défouler sur un petit qui vient de faire une bêtise que de confronter un boss tyrannique. On peut déjà dire à l’enfant qu’on est de mauvaise humeur pour des raisons qui ne dépendent pas de lui.
  • Prendre du recul. Ce n’est pas parce que vous donnez un bonbon que vous vous faites bouffer. Réfléchissez deux minutes à tout ce que vous avez décidé pour l’enfant : l’endroit où vous habitez, l’école où il va, l’heure à laquelle il y va, les habits qu’il porte, la nourriture qu’il mange (même s’il peut donner son avis, c’est quand même vous qui faites les courses au final)… C’est bien vous le plus grand, le plus fort, le plus riche, le plus malin dans l’histoire. Pas la peine d’en rajouter. Pas la peine de dire non juste parce qu’il faut qu’ils apprennent la frustration/qu’ils sachent qui commande. La vie est pleine de frustrations, ne vous fatiguez pas à en créer pour le plaisir. Ce n’est pas un signe de faiblesse si vous reconsidérez une demande de l’enfant après que celui-ci l’a fortement exprimée (euphémisme pour « s’est mis à hurler en se roulant par terre »). Vous lui montrez que vous prenez en compte ses sentiments, vous lui apprenez à négocier et à faire le premier pas. Évidemment ça ne veut pas dire qu’il faut systématiquement accéder à ses demandes, mais qu’on n’est pas obligé de toujours refuser par principe. Pas plus que les adultes les enfants ne comprennent l’arbitraire. Et avec le temps ils apprennent à formuler des arguments moins bruyants.
  • Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. Ce n’est pas parce qu’une « leçon » n’est pas intégrée immédiatement qu’elle ne le sera jamais. Et les moments de crise sont rarement les plus propices pour cela. Mais à force de répétition certaines choses finissent par ressortir alors qu’on ne les attendait plus. Les enfants ont régulièrement des phases, où ils semblent bloqués dans un comportement potentiellement irritant pour nous (que ce soit l’obsession pour les prises électriques ou la peur du bain par exemple), et souvent le plus simple est d’accompagner comme on peut jusqu’à ce que ça finisse par passer.
  • Anticiper et prévenir (plutôt que menacer). Bien expliquer les règles, même les plus évidentes, en joignant le geste à la parole si approprié (« ici on parle tout doucement » « le bébé est fragile, voici comment on le touche »). Avertir des conséquences des différentes options que peut prendre l’enfant (« si tu continues à éclabousser partout, tu vas sortir du bain » « si on finit vite les courses on aura le temps de passer au parc avant de rentrer »). Attention aux menaces irréalistes (« je vais partir sans toi ») et au chantage émotionnel (« tu ne veux pas rendre Maman malheureuse » « tu ne m’aimes plus ») dont les conséquences peuvent être dévastatrices. Personnellement je refuse le chantage au père Noël (ou autre du même genre), je trouve que ça pollue la fête que j’aime et que dont je veux que les enfants profitent à fond.
  • Donner le bénéfice du doute. « Il me provoque. » « Il me cherche. » Quand vous venez de dire non et que votre poussin recommence la même bêtise en vous regardant droit dans les yeux… Selon Isabelle Filiozat, un tout petit qui fait exactement ce que vous venez de lui interdire en soutenant votre regard cherche en réalité à ce que vous lui confirmiez que oui, c’est bien cela qui est interdit. De façon générale, les bambins, en vrais scientifiques, ont besoin de vérifier que les mêmes causes donnent les mêmes effets. D’autant plus si l’effet en question est intéressant : un (ou deux) parent(s) qui se lève(nt) en faisant une drôle de tête et un drôle de bruit. C’est aussi un excellent moyen de dire : « Maman arrête de traîner sur les blogs et viens t’occuper de moi »… De façon générale, un petit qui a un comportement inapproprié : soit ne sait pas que c’est inapproprié, soit n’arrive pas à s’en empêcher, soit cherche l’attention parentale, soit tente d’exprimer ou de réagir à un problème, qu’il soit le sien ou celui d’un autre. Rien de tout cela ne justifie de s’en prendre une.

Ce sont là bien sûr des pistes, pas toujours faciles à mettre en pratique au jour le jour. Si seulement l’éducation se résumait à quelques trucs et astuces… Et n’allez surtout pas croire que parce que j’ai pondu ces jolis billets je suis SuperWonderMaman, « à peu de choses près, parfaite en tout point » comme Mary Poppins. Ça c’est la théorie, la pratique elle est plus hasardeuse. Il y a toujours et régulièrement des situations auxquelles on ne comprend rien, où tout le monde crie et pleure, où rien ne semble marcher, des cas où on se dit a posteriori qu’on a bien merdé. Mais bon an mal an, on avance. Et j’espère que vous partagerez aussi vos expériences sur ce qui a fonctionné ou pas.

D’autres lectures utiles (en plus de celles citées dans le 1er tome) -j’éditerai ce paragraphe au fur et à mesure des suggestions, en commentaire ou par mail à lapoulepondeuse @ gmail.com) :

Des livres dont on a parlé dans la basse-cour :

D’autres livres :

  • Isabelle Filiozat en a écrit plusieurs, outre ceux cités hier ; je n’ai pas tout lu mais d’autres les ont trouvés utiles. Toutes les infos sur son site internet.
  • Comment aimer un enfant de Janusz Korczak
  • L’enfant de Maria Montessori
  • Un enfant heureux de Margot Sunderland
  • Le hors série de Grandir autrement sur l’éducation sans violence

Des petits docs disponibles gratuitement sur le net :

D’autres blogs qui ont parlé du sujet :

Les suggestions de la basse-cour (cf commentaires) :

  • L’attachement : approche théorique, par Nicole et Antoine Guedeney
  • Sanctionner sans punir : dire les règles pour vivre ensemble, par Elisabeth Maheu
  • Poser des limites à son enfant et le respecter, par Catherine Dumonteil-Kremer
  • Apprivoiser la tendresse et Papa, Maman, écoutes-moi vraiment, par Jacques Salomé
  • Eduquer sans punir, par Thomas Gordon
  • Une émission de radio québécoise Une enfance pour la vie

Image : Quand vos enfants vous rendent chèvre, (re)lisez un petit Calvin et Hobbes pour vous détendre et relativiser un peu.

Eduquer sans punition (1)

lundi, mai 16th, 2011

Avec le spot télé récent militant pour l’interdiction de tout châtiment corporel, beaucoup de débats autour de l’éducation des enfants ont refait surface. Je suis souvent déprimée par ce que je lis sur la question, et j’ai rarement le courage de poster l’unique (ou presque) commentaire en défense de ce type d’initiative (même si le spot en lui-même est loin d’être parfait mais ce n’est pas l’objet de mon billet). J’ai déjà abordé beaucoup de ces points dans d’autres billets (j’essaierai d’en faire une petite compilation à la fin de celui-ci), donc j’espère par avance que les plus fidèles lecteurs m’excuseront pour les redites.

Comme l’indique le sous-titre du blog, j’ai peu de certitudes en matière d’éducation et de puériculture. J’ai trouvé certaines solutions (allaitement, portage…) qui fonctionnent bien pour moi et pour ma famille, et je les partage ici, mais loin de moi l’idée de détenir la vérité absolue. Une des rares choses dont je suis certaine : les châtiments corporels, même légers, sont inutiles, car inefficaces et nocifs. Et il me semble que les punitions ne sont pas beaucoup plus performantes. Avant d’aller plus loin, il me semble important de préciser que cette affirmation n’a pas vocation à juger les parents qui les utilisent ou les ont utilisés. De nombreuses raisons peuvent expliquer le recours à une tape ou une fessée, mais à mon sens rien ne les justifie (à part la légitime défense mais j’ai du mal à imaginer un adulte dont l’intégrité physique soit sérieusement menacée par un enfant de deux ans). C’est d’ailleurs ce que les lois de notre société prévoient pour les adultes : toute violence corporelle est interdite, sauf en cas de légitime défense. A chaque fois que vous dites « ça n’a jamais fait de mal à personne », ou « il m’a poussé(e) à bout », ou « il faut bien qu’il comprenne les limites », pensez à cette phrase dans la bouche d’un homme qui parle de sa femme : intolérable. Pourquoi serait-ce différent pour un enfant ? Je ne pense pas qu’un enfant dont les parents aimants lui donnent une fessée ou une tape occasionnelle soit traumatisé à vie ou que ses parents soient maltraitants ou défaillants, mais simplement que tout le monde se porterait mieux sans. Je ne veux pas non plus m’ériger en modèle : je retranscris ici mes objectifs et mes idéaux, qui ne sont hélas pas ma pratique quotidienne, jalonnée d’erreurs et de défaillances variées.

D’abord un point essentiel mais que je ne vois que rarement évoqué : tout comme ils sont immatures physiquement, les enfants sont immatures psychologiquement. Ils n’ont souvent pas la capacité d’avoir le comportement et la gestion des émotions que nous attendons d’eux, ou en tout cas pas en permanence et en toute circonstance. Par exemple, le fait qu’un enfant ait accepté sans broncher qu’aujourd’hui Maman n’achèterait pas de bonbon au supermarché ne veut pas dire que demain, après avoir -au hasard- zappé sa sieste (mais cela peut aussi être une combinaison de facteurs plus subtiles à identifier), il parvienne à rester dans les meilleures dispositions lors d’un événement similaire. Or on n’attend d’un bébé de trois mois qu’il marche ou d’un enfant de deux ans qu’il escalade le Mont Blanc, et j’ose espérer qu’on n’imagine pas qu’une bonne claque ou une séance d’isolement accélèrerait l’acquisition de ces aptitudes. Au contraire, le parent lambda prendra simplement en compte cet état de fait dans son organisation, par exemple en s’équipant d’un dispositif type poussette ou porte-bébé, ou tout simplement en s’arrangeant pour ne pas emmener l’enfant. Bien sûr, le développement de la maturité psychologique est plus long et complexe à appréhender que le développement moteur, et les enfants, notamment par leur maîtrise du langage, peuvent nous donner l’illusion d’être plus avancés qu’ils ne le sont. Par ailleurs, certains auteurs comme Gordon Neufeld avancent que le développement de ces capacités ne peut se faire que si la sécurité physique et affective de l’enfant est garantie : la meilleure façon d’aider l’enfant à les acquérir ne serait donc pas de le punir ou de le frapper. Enfin n’oublions pas que nous-mêmes sommes rarement en pleine capacité de gérer nos émotions et d’adapter parfaitement notre comportement aux circonstances (comme en témoignent les fois où poussés à bout nous crions, insultons et/ou tapons nos enfants) : comment imaginer et exiger d’un enfant qu’il soit plus compétent que nous ?

Cela nous amène au point suivant : les enfants, surtout petits, apprennent par imitation. Donc la meilleure façon d’apprendre à un enfant à ne pas taper, c’est de ne pas taper. A ne pas crier, de ne pas crier. Je vous laisse poursuivre la liste (ou regarder cette petite vidéo, perturbante mais meilleure que celle citée en début d’article je trouve)… Je ne vous cache pas que ça ne m’arrange pas vraiment : bien sûr qu’il est plus simple de gueuler un bon coup que maintenant mon coco tu vas la boucler ou tu t’en prends une, que de travailler chaque jour, à chaque instant sur moi-même pour ne pas céder à mon premier instinct. Ne soyons pas non plus simplistes, l’imitation n’est pas le seul canal d’apprentissage, et il n’est évidemment pas automatique que nos enfants reproduisent tous nos défauts. Mais ne nions pas pour autant son importance. Pour ma part, après avoir traversé une phase avec quelques pétages de câble (genre hurlements et claquage de porte -finalement la version adulte du gosse qui se roule par terre si on y réfléchit…), j’ai constaté que de prendre sur moi pour les éviter autant que possible donnait vraiment de meilleurs résultats et une meilleure ambiance à la maison. Et à la réflexion, demander de mes fils un comportement adulte en me comportant comme si j’avais 18 mois est assez paradoxal…

Tout cela (ainsi que certaines lectures), à contre courant de ce que la « sagesse » populaire nous répète, m’a amenée à réfléchir à la place que je souhaite donner aux enfants, et aux miens en particulier, à ce que j’attends d’eux, à ce que je veux leur transmettre et leur apprendre. Le spectre du parent impuissant et permissif tyrannisé par un enfant-roi n’est jamais loin, mais il révèle en négatif le parent « idéal », qui mène sa famille mieux qu’un général dirige ses troupes et à qui les enfants obéissent au doigt et à l’œil. Assis couché tais-toi donne la papatte. Ma grand-mère me disait un jour : « C’est dramatique, aucun de mes petits-fils ne serait capable de faire la guerre de 14. » Moi je ne trouve pas ça dramatique du tout, bien au contraire. J’espère bien que mes fils ne passeraient pas quatre ans dans les tranchées à tenter de zigouiller des inconnus sans se poser de sérieuses questions. Et qu’avant ça ils n’éliraient personne proposant ce type de programme. On ne fait plus des bons petits soldats pour qui la valeur suprême est d’obéir à l’autorité. On fait (avec plus ou moins de succès, je vous l’accorde) des adultes responsables, qui se posent des questions et réfléchissent à ce qu’ils veulent eux et forgent leur propre échelle de valeurs. En réalité, on est sans doute plutôt dans la transition à tirer à hue et à dia, ce qui explique la confusion actuelle.

Au-delà des clichés entretenus par certains médias, il suffit de parler avec des profs (si vous n’en avez pas dans votre entourage, vous pouvez lire Princesse Soso par exemple) pour comprendre qu’il y a effectivement un nombre non négligeable d’enfants et d’adolescents en pleine carence éducative. Je n’ai pas d’expertise sur cette question, et ne souhaite pas verser dans le café du commerce, mais il me semble que les appels à la fermeté parentale, y compris physique, sont un peu simplistes. « Vous n’avez qu’à être plus ferme », plus facile à dire qu’à faire. « Sans fessée les parents sont dépossédés de leur autorité’, mais bien sûr. La vérité, c’est qu’élever des enfants demande un temps, une énergie, un investissement personnel conséquents. La vérité, c’est que les enfants ont un bullshitomètre de compétition et qu’ils ont besoin d’adultes de qualité en face d’eux. La fessée et les punitions ne sont qu’un coup de peinture pour tenter d’empêcher un édifice en ruines de s’écrouler, quand ce qu’il faut à l’enfant c’est d’être vraiment pris en charge, par des adultes en cohérence les uns avec les autres. Pour une vision en profondeur de la complexité du problème, je vous invite à lire Jean-Pierre Rosenczweig, qui est juge des enfants dans le 9-3, et qu’on peut donc imaginer assez bien en prise avec la réalité.

Pour moi, l’éducation c’est, comme le dit François de Singly : Aider l’enfant à devenir lui-même. C’est prendre en compte que les enfants sont à la fois des personnes dignes du même respect que les adultes, et qu’ils sont petits et donc ont des besoins différents. Je souhaite que mes poussins me respectent, pas qu’ils me craignent. Qu’ils écoutent ce que j’ai à leur dire parce qu’ils savent que je les aime et que je veux qu’ils soient heureux. Pas parce qu’ils ont peur que je me fâche ou que je les frappe. Cela veut dire aussi qu’en retour je les respecte aussi et que j’accepte qu’ils ne soient pas toujours d’accord avec moi, qu’ils aient d’autres idées, qu’ils fassent d’autres choix. Ce n’est pas simple, car j’en suis (avec le Coq*) responsable, et leur manque de maturité physique et psychologique demande à ce que nous prenions pour eux des décisions et que nous les appliquions. C’est l’exercice de l’autorité parentale. Comme le formule très clairement l’article 371-1 du Code civil :

L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient au père et à la mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.

 

Avant la fin de la semaine, deuxième partie : des idées concrètes pour s’en sortir au quotidien. En attendant, quelques lectures qui m’ont aidée à clarifier ma vision des choses (les deux premiers sont pour moi des incontournables) :

  • Retrouver son rôle de parent, de Gordon Neufeld et Gabor Maté
  • Parents efficaces, de Thomas Gordon
  • Comment aider l’enfant à devenir lui-même ?, de François de Singly (je n’ai pas fait de compte-rendu, shame on me)
  • Isabelle Filiozat : Au coeur des émotions de l’enfant et Il n’y a pas de parent parfait (pas de billet non plus, bouououh) ; je ne suis pas une grande fan du style de Filiozat mais je suis globalement d’accord avec son message et je sais qu’il est très parlant pour d’autres.

Je n’ai pas lu mais cela a l’air intéressant :

  • Plaidoyer pour l’enfant roi, de Simone Korff Sausse (voir un résumé ici)

 

*Ces billets visent à exposer mes réflexions et points de vue, pas ceux du Coq, d’où leur rédaction à la première personne du singulier. Cela ne veut pas dire qu’il ne les partage pas et encore moins qu’il n’est pas pleinement investi dans l’éducation de nos enfants, mais ce n’est pas ce que je souhaite aborder ici.

Photo : Le prof le plus pédagogue d’Hogwarts en pleine action