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Le lactarium

jeudi, avril 22nd, 2010

lactarium Les fidèles de ce blog le savent : j’ai un petit faible pour les séries télé, en particulier médicales, et notamment pour leurs beaux médecins. A force d’en regarder je m’imagine être moi aussi la super héroïne qui fait une trachéotomie d’urgence au restaurant avec un bic… Mais d’une part personne ne semble jamais avoir besoin d’un massage cardiaque (alors que je me suis coltiné un certain nombre de formations aux premiers secours) et puis d’autre part je ne vais pas souvent au restaurant. Sans compter qu’avec le fouillis qu’il y a dans mon sac à main, le temps que je mette la main sur ce foutu bic… Bref. Heureusement il y a d’autres moyens de jouer les super héros du quotidien. D’habitude j’essaie de donner mon sang (surtout s’ils viennent le chercher au boulot), mais ces derniers temps c’est impossible  (jusqu’au 6 mois du bébé je crois, sans compter que me pointer avec les deux poussins dans un centre de don de sang pourrait être comique). Alors en attendant je donne du lait.

En effet, les prématurés et les bébés atteints de certaines maladies ne supportent rien d’autre que le lait humain ; et comme leurs mères ne sont pas toujours en mesure de donner leur propre lait ils dépendent alors exclusivement des dons. En France, ces dons, anonymes et gratuits, sont collectés et gérés par les lactariums, qui dépendent d’institutions publiques ou d’ONG (comme la Croix rouge). Ils ont une compétence régionale, même s’ils sont assez inégalement répartis sur le territoire. Le lait est ensuite donné uniquement sur ordonnance médicale ; il est d’ailleurs intégralement pris en charge par la sécurité sociale. En effet, même si les donneuses ne sont pas rémunérées, la collecte et le traitement (analyses, pasteurisation…) du lait ont un coût ; au final le prix du lait humain est de 80 € le litre.

Qui peut donner ? Ne hurlez pas à la discrimination sexiste et à la pression culpabilisatrice sur les mères, mais aussi étonnant que ça puisse paraître il faut être une femme, avoir un enfant et l’allaiter. En outre il faut remplir certaines conditions médicales (un peu comme pour le don du sang) et posséder un congélateur où stocker le lait entre deux passages du collecteur. Et il est possible que certains endroits ne soient desservis par aucun lactarium. En pratique il faut en prime avoir un surplus de lait à donner, et selon les situations ce n’est pas le cas de tout le monde. Certaines femmes peinent déjà à satisfaire la demande de leur bébé, d’autres font des stocks en vue d’une prochaine reprise du travail… charité bien ordonnée commence par soi-même et il ne s’agit pas de priver son bébé pour nourrir ceux des autres ! Enfin il faut donner un minimum (afin de « rentabiliser » les frais de dossier etc) mais je n’ai pas réussi à savoir combien, cela dépend aussi peut-être du lactarium.

Concrètement si vous remplissez ces conditions vous pouvez alors vous adresser au lactarium le plus proche de chez vous. Dans mon cas c’est le lactarium d’Ile de France (et c’est donc leur façon de procéder que je vais décrire mais j’imagine qu’elle varie peu de l’un à l’autre). Un entretien téléphonique permet de vérifier que vous êtes éligible et un collecteur passe vous voir dans les plus brefs délais afin de vous remettre :

  • des flacons stériles pour recueillir le lait et des étiquettes
  • le matériel dont vous avez besoin pour recueillir le lait (tire-lait, coquilles…) selon votre demande
  • des pastilles de stérilisation
  • un dossier médical à remplir (à faire signer par un médecin ou une sage-femme, je l’ai apporté à ma visite des six semaines)
  • une ordonnance pour une prise de sang

En effet, une sérologie est effectuée tous les trois mois pour vérifier le statut infectieux des donneuses (VIH, hépatite B etc). Les analyses sont faites par le lactarium pour vous en éviter les frais, il faut donc confier au collecteur les tubes de sang (prélevé au maximum 48 heures à l’avance). Quant au matériel, pour ma part j’avais demandé un tire-lait électrique mais quand j’ai vu arriver le Kitet vintage simple pompage je l’ai vite rendu et je suis restée fidèle à mon petit Avent manuel qui est parfaitement adapté à la situation. Comme le lait est à destination de bébés déjà fragiles (prématurés et/ou malades), des conditions d’hygiène plus strictes s’appliquent et il est demandé de stériliser le matériel de recueil du lait (d’où les pastilles) et de se laver le sein au savon avant de tirer. Autant la première condition est à peu près facile à respecter (j’ai un grand saladier en plastique avec le bain de stérilisation dans la cuisine -pour info pas de contenant métallique car la solution est corrosive), autant je trouve la seconde plus compliquée. Du coup je tire mon lait peu après ma douche du matin sans relaver le sein (à un moment je le passais au brumisateur -celui qui me reste de l’accouchement…- mais je ne suis pas sûre que ça serve à grand chose). Si quelqu’un a un truc génial ne pas hésiter à le partager en commentaire !

Par ailleurs je trouve que je passe déjà beaucoup de temps topless dans la journée donc je tire un sein pendant que Pouss2 tète l’autre. Comme il ne tète plus beaucoup la nuit (béni soit-il), j’ai les seins bien pleins le matin. Je lui donne le sein déjà donné à la dernière tétée et comme ça l’autre, qui est plein comme une outre, coule plus ou moins tout seul (je suis une feignasse et mon tire-lait est manuel…). Ma production varie selon les jours mais cela me permet de récupérer 80 à 240 ml, ce que j’estime suffisant pour la journée. Et en m’installant bien avec le coussin d’allaitement j’arrive à garder une main libre pour téléphoner ou bouquiner. Bien sûr ce type d’arrangement ne convient pas à tout le monde ; il y a des bébés par exemple qui ne supportent pas que leur mère fasse autre chose pendant la tétée (y compris jouer du tire-lait donc). Il est aussi possible de tirer plusieurs fois dans la journée pour remplir le biberon de stockage (qui devra être congelé dans les 24 heures), mais personnellement je ne le fais que rarement, ne serait-ce qu’à cause de ces histoires de stérilisation. Le collecteur passe environ une fois par mois pour récupérer le tout et renouveler le matériel (biberons stériles, pastilles etc).

Enfin ne vous méprenez pas : ce n’est pas de l’altruisme. D’après mes propres calculs pifométriques j’ai estimé que le lait tiré pour le lactarium demande une dépense calorique pouvant être compensée par l’ingestion de trois carrés de Côte d’or aux amandes caramélisées avec une pointe de sel. Par contre je n’ai pas réussi à convaincre le lactarium de fournir le chocolat. Bref, pour reprendre une proposition de slogan pour une campagne d’appel aux dons (bizarrement non retenue) : « Mères, ne soyez pas vaches, donnez votre lait ! »

Mon bébé arrivé en avance

lundi, mars 10th, 2008

Aujourd’hui la Basse-cour de la poule pondeuse est très fière d’accueillir une guest star : Blandine (une très fidèle commentatrice et néanmoins amie), qui vient nous parler de son poussin un peu pressé de montrer son petit bec. Un sujet qui nous touche tous, même s’il ne nous concerne pas directement. Espérons qu’elle reviendra bientôt avec d’autres textes !

Je vais vous raconter l’histoire d’un très, très petit bébé

Encore une fois, Laurence Pernoud vous a menti… pas de bébé tout rose, pas de chambre décorée avec un joli berceau, pas de valise de maternité remplie de tous les bodies choisis avec amour, un prénom choisi à la va-vite dans une chambre d’hôpital.

Juste un bébé petit, très petit, trop petit.

Nous avons la joie de vous annoncer la naissance de notre Poussin.

Il pèse 1kg 660 et mesure 41 cm.

Et voilà, ce fameux mardi d’octobre, nous aussi entrions dans les statistiques de la maternité : 7,5% des naissances sont prématurées. Et Poussin obtenait son premier classement : Grand prématuré.

Nous allions entrer dans un monde qui nous était complètement inconnu, apprendre un vocabulaire qui par la suite allait nous devenir plus que familier.

Mais d’abord, comment en arrive-t-on là ?!

En effet, la plupart d’entre vous savent qu’une grossesse dure 9 mois soit 39 semaines ou pour les plus averties 41 semaines d’aménorrhée (SA).

Eh bien lorsque la naissance survient avant 37 SA soit 35 semaines de grossesse (avant 8 mois), elle est dite prématurée. Parmi les bébés prématurés, certains sont plus ou moins ‘grands’ : avant 28 SA (avant 6 mois) on parle de très grands prématurés, entre 28SA et 32SA de grands prémas et entre 32 et 37 SA de prémas.

Vous vous doutez bien que le poids du bébé est à mettre en relation avec sa prématurité. Au royaume des poids plumes, Poussin jouait dans la catégorie ‘poids lourd’ !

Mais pourquoi un bébé ne reste-t-il pas tranquillement dans le nid douillet que lui a confectionné sa maman ?

Ben, parce que…

Pour une partie non négligeable des naissances prématurées il est difficile d’identifier la cause exacte.

Le travail peut être spontané. Qu’est-ce qui le déclenche ? Infections (chorio-amniotite) et hémorragies placentaires (placenta praevia et bas inséré) sont les causes les plus souvent évoquées.

Ou l’accouchement peut être décidé par l’équipe médicale car il y a un risque vital pour la mère et/ou l’enfant : retard de croissance intra-utérin, hypertension artérielle maternelle, rupture prématurée de la poche des eaux.

Après ce passage médical, je vous emmène au pays des couveuses. Et oui, parce qu’un bébé trop petit ne doit pas seulement grossir, il doit aussi respirer, avoir chaud, apprendre à manger… faire tout ce qu’il aurait dû faire dans le ventre maternel.

C’est là qu’a commencé pour nous, parents de ce petit bout, le long chemin vers la maison. Rien ne nous avait préparés à cette naissance si particulière. La veille, j’avais un gros ventre et le lendemain j’étais maman mais sans bébé… on m’aurait arraché un bras que je ne me serai pas sentie plus démunie. Je ne le connaissais pas et il me manquait déjà.

Il a fallu créer le lien qui unit une maman à son tout-petit au milieu des incubateurs, des scopes, des tubes, des sondes et autres machines qui ont fini par devenir notre quotidien pendant deux mois.

Mais au fait, à quoi ressemble la journée d’une maman d’un prématuré hospitalisé ?

Vous vous levez le matin tôt pour tirer votre lait (et oui les fameuses Prim’holstein !), vous le rangez soigneusement dans votre sac congélation qui ne vous quitte plus, vous partez rejoindre Poussin à l’hôpital (vous avez de la chance car vous habitez à 20mn à pied, pas comme votre voisine de couveuse qui habite en banlieue à 1h30 de train), vous déposez votre production laitière au lactarium, puis vous montez les escaliers une boule au ventre de peur que l’irréparable soit arrivé entre le moment où vous avez quitté l’appartement et celui où vous arrivez (le reste du temps votre téléphone est greffé à votre oreille au cas où). Vous arrivez au service de néonatalogie et là commence la décontamination : mieux que dans Urgences, après vous être ‘désinfectée’, vous enfilez votre blouse, vos chaussons, votre charlotte et vous courez jusqu’à la ‘chambre’ que Poussin partage avec quatre autres joyeux drilles tous plus petits les uns que les autres. Après avoir constaté qu’il dormait profondément, vous lisez attentivement la feuille de soins, vérifiez que le scope fonctionne parfaitement, que ses constantes sont bonnes, et là vous respirez à nouveau.

Comme vous êtes arrivée dans les premières, vous pouvez profiter d’un des 2 transats du service que vous installez à côté du ‘lit’ de Poussin. Puis vous attendez qu’une infirmière vienne vous proposer de faire du peau à peau avec Poussin, vous vous installez le ventre à l’air (vous avez laissé votre pudeur dans le sas de décontamination) et attendez que l’infirmière vous pose Poussin contre vous (‘je le débranche ?’, ‘euh, vous êtes sûre, vous savez je suis plus tranquille s’il reste branché à cette merveilleuse machine qui me dit s’il respire et si son cœur bat bien !’) et là commence le plus long câlin du monde.

Vous somnolez, vous lisez, vous papotez avec vos voisines (seins et ventre à l’air bien entendu !), Poussin dort profondément. Et la journée se passe ainsi entrecoupée des passages à la trayeuse (toujours en compagnie d’une voisine qui a des seins plus gros que les vôtres et une production laitière qui pourrait suffire au service entier !), des soins de Poussin, de ses repas (autrement appelés gavages).

Progressivement, Poussin acquiert de l’autonomie et vous aussi. Alors qu’il commence à apprendre à téter, vous êtes capables de le sortir seule de la couveuse, de le débrancher (vous n’avez presque plus peur qu’il arrête de respirer), de le laver, de le changer (avec des micro-couches, merci Pampers !), et même de l’habiller avec les micro bodies que votre maman a fini par trouver à Auchan (maintenant les prémas sont à la mode et toutes les boutiques de puériculture vous proposent la taille préma 1 et la taille préma 2 !) .

Et le Papa dans tout ça ? Et bien après sa journée de travail, il court jusqu’à la couveuse de son Poussin, s’enquiert auprès de vous de la journée passée et prend sa dose de câlin avant de rentrer avec vous dans cet appartement un peu trop vide. Le week-end, vous passez tous les 2 vos journées avec Poussin dans la ‘chambre’ devenue trop petite et qui ressemble au métro les jours de pointe. On fait la queue à la pesée, au bain, à la trayeuse…

Et voilà, un jour on vous annonce que Poussin va pouvoir rentrer à la maison avec vous. Et là c’est la panique ! Paradoxalement ce jour tant rêvé vous angoisse au point que vous demandez à l’infirmière-chef de retarder un peu cette sortie… le temps d’apprendre à vivre sans les machines (comment je vais faire pour savoir si tout va bien ?), sans les infirmières (et si je faisais tout de travers ?), sans tout ce que vous avez détesté et qui aujourd’hui vous est devenu indispensable.

Maintenant, Poussin n°1 est grand, il a un petit frère Poussin n°2 né à terme, mais je n’oublierai pas un seul instant de cette naissance si particulière et de ses débuts chaotiques dans la vie. Pour faire face à toutes ces émotions qui ont rejailli une fois le cocon hospitalier quitté, je me suis tournée vers une association formidable dont je vous invite à consulter le site : SOS Prema.