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Entre leurs mains

dimanche, décembre 15th, 2013

 J’ai eu la chance d’être invitée à l’avant-première du film Entre leurs mains, un documentaire sur l’accouchement à domicile. J’y allais un peu nez au vent, n’ayant pas trop suivi le projet, et j’ai eu une très bonne surprise. Après quelques minutes, j’ai été happée et je n’ai plus vu le temps passer. D’habitude je n’aime pas trop les documentaires militants (même quand ils militent pour des causes que je soutiens), qui ont une fâcheuse tendance à en faire des tartines aux dépens de l’honnêteté intellectuelle la plus basique. Ce n’est pas le cas d’Entre leurs mains, qui fait un excellent travail, tout en sobriété et en finesse. J’ai aussi beaucoup apprécié l’équilibre délicat entre l’émotion et les arguments rationnels (ainsi que l’absence des chants mayas chers à mon amie 10 lunes). Très simplement, le film suit quatre sages-femmes qui ont fait ce choix d’accompagner des femmes et des couples dans leurs projets de naissance physiologique et respectée, à la maison ou en plateau technique. Il aborde aussi bien les raisons qui poussent les femmes dans ce choix, les questions que suscite cette approche de la naissance (tant du côté parents que du côté sage-femme), que les obstacles qui s’empilent contre elle.

Quelques mots d’abord sur l’accouchement à domicile (AAD) et l’inévitable question de la sécurité. On parle là d’une pratique extrêmement définie et cadrée, et pas comme on l’entend souvent d’un retour en arrière ou d’accoucher « comme les Africaines » (qui comme chacun sait forment un grand tout homogène). En réalité, il s’agit plutôt d’accoucher comme les Allemandes, les Suissesses, les Néerlandaises, les Anglaises… Les femmes qui font ce choix sont soigneusement sélectionnées en amont grâce au suivi prénatal : sont exclus les jumeaux (ou plus !), les bébés en siège, les prématurés et toutes les pathologies. Elles doivent également pouvoir être transférées facilement vers une maternité en cas de complication. La présence continue auprès de la femme de la sage-femme, avec les compétences et le matériel appropriés, permet une détection précoce des problèmes pouvant survenir en cours de travail. L’Association nationale des sages-femmes libérales récapitule tout cela dans sa charte de l’AAD.  Par ailleurs, la revue Cochrane sur le sujet, publiée en 2012, conclut qu’en l’état des connaissances… on ne peut pas conclure. Globalement il faut être vigilant sur les études sur le sujet qui mélangent souvent plusieurs types de naissances à domicile : non planifiées, avec une variété d’accompagnement (aux USA notamment il y a plusieurs « sortes » de sages-femmes, aux compétences différentes)…

Personnellement, ce que j’ai vu en filigrane tout le long du film et dans le débat qui a suivi, c’est le féminisme, même si le mot n’a jamais été prononcé. Des femmes qui se battent pour faire respecter leurs choix et leur corps, ça vous dit quelque chose ? Des femmes qui se battent pour offrir cette liberté, cette autonomie à d’autres femmes (les sages-femmes sont majoritairement des femmes même s’il y a aussi des hommes) ? Se battre est bien le mot, puisque tout est fait pour décourager ces pratiques. Au delà de l’opprobre qui pèse tant sur les femmes (forcément folles inconscientes) que sur les sages-femmes (des sorcières, voire des gourous sectaires), et qui use même les meilleures volontés, il y a la résistance active du reste du système de santé : les maternités qui refusent les inscriptions des femmes ayant un projet d’AAD (alors que c’est justement la condition de la sécurité), les femmes en transfert mal accueillies, les plateaux techniques qui restent fermés aux sages-femmes libérales (sauf de très rares exceptions)… et surtout l’assurance, obligatoire pour tout professionnel de santé, qui monte à 20 000 € par an pour pratiquer l’AAD, ce qui est totalement inenvisageable dans les conditions actuelles de leur rémunération (une sage-femme qui va se rendre disponible 24h/24 7j/7 pour accompagner une femme qui accouche, aussi longtemps que nécessaire, touchera 313,60 € de la Sécu, incluant le suivi des suites de couches). Ainsi ces sages-femmes travaillent à la limite de la légalité, risquant de fortes amendes, de la prison et la radiation de l’Ordre des sages-femmes (soit l’interdiction d’exercer leur passion et surtout leur gagne-pain).

Clarifions également un autre malentendu : personne dans le film (ou dans les défenseurs de l’accouchement physiologique que je connais d’ailleurs) ne milite pour interdire la péridurale ou pour imposer une nouvelle façon de faire aux femmes. Il ne s’agit surtout pas de faire de l’accouchement une nouvelle épreuve de bonnematernitude. L’objectif est d’une part que les femmes bénéficient d’informations leur permettant un choix éclairé, et d’autre part que ce choix ne soit pas purement virtuel. A mon sens, le problème relève de plusieurs difficultés :

  • les réticences de certains professionnels de santé à remettre en cause leurs pratiques, en dépit des preuves scientifiques de leur inutilité voire de leur nocivité (ainsi le monitoring continu entraîne plus d’interventions sans diminuer la mortalité infantile par rapport au monitoring intermittent, ainsi l’utilisation du Syntocinon augmente le risque d’hémorragie de la délivrance, etc), le tout mâtiné d’un certain paternalisme
  • un système de santé qui pense faire des économies sur le dos des femmes en remplaçant les sages-femmes par des machines-qui-font-PING (poke les Monty Python -à voir ABSOLUMENT)
  • l’inflation du risque médico-légal qui se retourne contre les patientes, les médecins et sages-femmes étant généralement poursuivis pour n’être pas intervenus plutôt que pour l’avoir fait inutilement

Le film en outre ne veut absolument pas opposer l’AAD à la naissance à l’hôpital, mais demande leur coexistence, ainsi qu’une meilleure prise en compte de la physiologie dans les maternités. Au delà des quelques inévitables sombres connards, il y a dans les hôpitaux une large majorité de gens qui font du mieux qu’ils peuvent avec les contraintes qu’ils subissent (de moyens, mais aussi de formation insuffisante sur l’accouchement physiologique -point bien abordé dans le film).

En tant que femme, en tant que féministe, je pense que ce film doit être aussi largement diffusé que possible. Il est intéressant de noter qu’il n’a pu voir le jour que grâce au soutien financier des particuliers, parmi lesquels une large majorité de femmes, si j’en crois le générique de fin. Il faut que les femmes et les filles (et aussi les hommes) sachent qu’une naissance peut être un évènement puissant et paisible, très loin des représentations hystériques qu’on en donne habituellement. Il faut mettre parmi les revendications féministes de premier plan : « une femme qui accouche, une sage-femme » (j’en avais déjà parlé il y a un moment, et c’est apparemment le cas au Royaume-Uni, d’après une des sages-femmes du film). Il n’est pas acceptable que 85% des femmes qui subissent une épisiotomie ne soient pas consultées (voire même pas informées). En France on est à 800 000 naissances par an : même en enlevant les naissances multiples et celles qui ont la « chance » d’accoucher deux fois dans l’année, ça fait quand même un paquet de femmes concernées.

Pour voir le film : il sera diffusé (en version courte) pendant les vacances sur Public Sénat (qui fait partie des financeurs, ayant identifié la dimension politique du sujet). Les dates sont disponibles ici (je comprendrai que ce ne soit pas votre priorité le 24 décembre à 22h30…). J’étais bien entourée pendant la projection, et mes camarades sages-femmes ont eu la souris plus vive que la mienne pour donner leur avis :

La naissance de l’Oeuf

vendredi, janvier 22nd, 2010

eclosion Puisque ça semble intéresser la basse-cour, voici plus de détails sur la naissance (la ponte ? l’éclosion ?) de l’Oeuf.

Commençons par le détail des faits, en essayant de rester succincte. Dimanche en fin d’après-midi, j’ai rendez-vous avec la sage-femme pour une énième consultation de dépassement de terme. Elle me propose un décollement des membranes que j’accepte. Je rentre tranquillement à la maison où les contractions s’installent dans la soirée. Vers minuit, ma mère est arrivée pour garder le Poussin et la sage-femme prévenue, nous partons pour la maternité. La salle de pré-travail est très agréable, elle ressemble plutôt à une grande chambre d’hôtel avec un lit double, un canapé et une grande baignoire. Nous restons là plusieurs heures, au rythme du travail qui s’intensifie. La sage-femme écoute régulièrement le cœur du bébé et me propose différentes positions ou options pour mieux supporter la douleur (bain, ballon…), mais elle nous laisse tous les deux la plupart du temps. La douleur monte crescendo et j’ai de plus en plus de mal à la supporter. Le Coq alterne entre se faire broyer les mains et me masser vigoureusement les reins (j’avais des marques le lendemain…).

Après un dernier bain, je décide de passer en salle de naissance (on ne peut pas accoucher dans la salle de pré-travail car elle n’est pas au même étage que le bloc opératoire…) car j’ai peur de ne plus pouvoir bouger après. Arrivés là, la douleur devient carrément intenable. J’ai l’impression d’être dans un épisode de 24 heures face à Jack Bauer sauf que je n’ai pas la moindre idée de quoi lui dire pour qu’il arrête. Je ne trouve rien qui me soulage, je voudrais juste que ça s’arrête, même cinq minutes. La sage-femme m’explique que le bébé n’arrive pas bien à s’engager car la poche des eaux est très importante et l’empêche de progresser. En prime il se présente dos contre mon dos (en OS pour les intimes*), ce qui est moins favorable. Il peut y en avoir encore pour deux heures, et je ne vois déjà pas comment je vais pouvoir supporter la prochaine contraction (même en hurlant et en insultant tout le monde). J’essaie le gaz hilarant mais le masque m’étouffe, je n’arrive pas à le garder. La sage-femme propose soit de percer la poche des eaux soit d’appeler l’anesthésiste. Je prends la première option même si la seconde est plus que très tentante (mais je m’imagine que le temps total pour avoir l’anesthésie risque d’être proche du temps qu’il reste pour que le bébé sorte). La rupture de la poche est censée rendre les contractions plus douloureuses, mais dans mon cas cela les rend un poil moins intolérables. Je trouve une sorte de second souffle en me mettant à quatre pattes sur la table d’accouchement et en poussant un peu pendant les contractions. Je n’irais pas jusqu’à dire que ça va mieux, disons plutôt qu’au lieu d’envisager de sortir le bébé en m’ouvrant le ventre avec les dents je me dis que je pourrais peut-être tenir quelques minutes de plus. Le bébé en question progresse, j’essaie de l’accompagner ou au moins de ne pas me bloquer mais chaque nouvelle sensation semble encore plus douloureuse que la précédente. Il est à nouveau bloqué par un reste de col, que la sage-femme doit tenir pendant qu’une contraction lui permet d’avancer, tandis que je lui hurle d’arrêter (je vous laisse imaginer à quel point ce type d’opération peut être agréable). Finalement il arrive enfin au dernier passage, horrible sensation de brûlure qui me paraît interminable mais au moins la fin est là. La sage-femme me propose de toucher sa tête, je lui crie de le sortir, je veux juste que ce soit fini et vite. Et là, enfin, enfin, enfin, tout s’arrête. Il est 6h07.

Je m’allonge sur la table pendant qu’elle débobine le cordon (apparemment y en a qui faisaient des scoubidous pour passer le temps ces derniers jours) puis me donne le bébé. Sans doute le contre-coup de l’épreuve, je me mets à grelotter violemment, je suis transie de froid. La sage-femme craint que cela n’annonce un problème mais finalement un bon édredon suffit à me réchauffer pour faire la connaissance de l’Oeuf. Lui est très calme, il ne pleure pas et nous regarde. Le cordon a cessé de battre, la sage-femme le coupe (ni le Coq ni moi n’en avons envie). Le placenta est déjà décollé, je n’ai qu’à pousser quelques fois pour le faire sortir ; voilà au moins une source potentielle de problèmes facilement évacuée. L’Oeuf demande rapidement le sein et le tète goulûment. Tous les soins sont fait dans mes bras, à part la pesée bien sûr qui est faite sur la table d’à côté. La suite est beaucoup plus ennuyeuse et agréable : nous restons encore dans la salle, le temps de prendre le petit déjeuner, avant de remonter dans notre « chambre » de pré-travail, où nous attendons le pédiatre en dormant tous les trois sur le grand lit. Enfin vers 16 heures, toutes les formalités réglées (et déjà marre de la clinique), nous repartons tous les trois à la maison.

Voilà grosso modo pour les faits, le plus délicat étant maintenant d’essayer de prendre un peu de recul sur cette expérience et de tenter une sorte de bilan. Il s’agit bien sûr de ma petite expérience personnelle qui n’a pas valeur de généralité ; chacune vit les choses différemment. Evidemment, je ne peux pas m’empêcher de comparer avec la naissance du Poussin, bien différente puisque sous péridurale. Franchement, je ne m’attendais pas à souffrir autant. J’étais beaucoup plus sereine et joyeuse lorsque j’ai donné l’ultime poussée qui a fait sortir le Poussin ; je ne peux honnêtement pas dire que la naissance de l’Oeuf était le plus beau jour de ma vie. Et je n’ose pas imaginer ce que cela peut être de vivre une naissance sans péridurale avec un protocole rigide à supporter (monitoring continu, position imposée etc) ; en ce qui me concerne je pense que c’est purement et simplement de la torture. J’ai lu un certain nombre de récits de naissances physiologiques où les femmes racontent avoir enfin senti toute la puissance de leur féminité, et vécu une expérience quasi-mystique. Personnellement la puissance de ma féminité je la sens mieux avec une tenue séduisante qu’à quatre pattes les fesses à l’air à hurler que je n’en peux plus et à insulter tout le monde. Ce ne sont pas non plus des circonstances dans lesquelles je me sens fière et triomphante ; j’ai plus l’impression de m’en être pris plein la figure que de pouvoir me vanter d’avoir passé une épreuve difficile.

Ceci dit autant j’étais curieuse de cet aspect, autant ce n’était pas ma motivation première pour accoucher dans ces circonstances. Pour moi, il s’agissait de donner toutes ses chances à l’Oeuf pour avoir une naissance aussi physiologique que possible. Dans ce sens, c’est plutôt un succès. Ce n’était pas une naissance facile : gros bébé se présentant « mal », poche des eaux gênant la progression… L’absence de péridurale m’a « forcée » à me mettre à quatre pattes ce qui apparemment lui a permis de s’engager et de progresser efficacement, et même de faire le grand tour pour arriver dans la « bonne » configuration (présentation OP). Il n’est pas impossible qu’en d’autres circonstances il ait été nécessaire de recourir à une méthode instrumentale (forceps ou autres) pour l’aider à sortir. Je ne sais pas dans quelle mesure cela a joué, mais il est arrivé avec une tête parfaitement ronde et lisse, et un calme olympien (pas comme sa mère). Ceci dit son frère n’était pas dramatiquement différent sur ces points.

En ce qui me concerne, sur le plan physique, j’ai un gros bonus : mon Oeuf de 4,4 kg et 36 cm de périmètre crânien a laissé mon périnée intact, sans une égratignure. Très appréciable. D’après la sage-femme, la délivrance a été accompagnée d’une perte de sang minime, ce qui est également positif. Je récupère plutôt vite et bien, mais c’était aussi le cas pour la naissance du Poussin.

Finalement, si troisième il devait y avoir, je ne sais pas honnêtement ce que je ferais. Le Coq (qui trouve le récit un peu édulcoré : rajoutez ça et là une bonne dose de hurlements et autres menaces de vasectomie pour compléter le tableau) m’a déjà dit que ce serait avec péridurale ou sans lui, pour vous donner une idée du bon moment qu’il a passé (enfin il reste ouvert à la discussion). De mon côté j’ai déjà du mal à envisager de revivre ça, et encore moins sans lui. En toute honnêteté je ne sais pas si les bénéfices retirés valaient un tel prix pour moi. Mais on a du temps pour y réfléchir…

Quant à la suite des aventures avec le retour précoce à la maison, je vous en parlerai dans un prochain billet. En attendant il est temps de rebaptiser les poussins après l’éclosion de l’Oeuf : le Poussin devient Pouss1 et l’Oeuf Pouss2.

*Pour tout savoir sur les différentes présentations, voir le site de Césarine.

(Image : This is Broken)

Mes choix pour cette grossesse (1)

lundi, septembre 7th, 2009

c-est-mon-choix Exceptionnellement aujourd’hui (et demain sans doute vu que c’est en deux parties) un billet mon-nombril-moi-je-personnellement.com. Plusieurs d’entre vous m’ont demandé ce que j’avais choisi pour mon suivi de grossesse de l’Oeuf (ah la célébrité, on n’a plus de vie privée…), j’en arrive donc à la conclusion que c’est un sujet qui vous intéresse. Evidemment l’idée n’est pas d’expliquer à tout un chacun qu’il faut faire comme moi, il me semble au contraire que c’est quelque chose d’éminemment personnel, qui pour chaque femme évolue au fil des grossesses, tant en fonction de ses envies que de son état de santé (et de celui du bébé). Et ce qui est idéal pour l’une ne l’est pas pour l’autre. Mais peut-être que la lecture de ces billets (il y aura deux parties) pourra vous amener à réaliser d’une part qu’on a finalement le choix sur beaucoup de choses, et d’autre part qu’il existe certaines alternatives dont on n’a pas toujours connaissance. Je précise enfin que j’attends mon deuxième enfant (après une première grossesse « normale » suivie d’un accouchement par voie basse que j’ai bien vécu) et que -pour l’instant au moins- ma grossesse actuelle n’a pas de caractère pathologique.

J’ai choisi un accompagnement global par une sage-femme libérale avec un accouchement en plateau technique. En Français, cela signifie que toutes mes consultations prénatales ainsi que les séances de préparation à l’accouchement sont assurées par la même sage-femme, laquelle ira ensuite avec moi à la maternité pour l’accouchement, pour lequel elle m’accompagnera seule (et je serai sa seule patiente). Le bébé et moi resterons moins de 24 heures à la maternité (idéalement départ après les deux heures de surveillance post-natale) et les suites de couches seront assurées à la maison, toujours par la même sage-femme. Bien sûr tout cela c’est dans l’hypothèse où tout se passe bien, en cas de problème nous bénéficions de la présence des équipes de la maternité (anesthésiste, pédiatre, obstétricien…). Il est également possible d’avoir la péridurale (puisqu’un anesthésiste rôde dans les parages) tout en restant ensuite suivie exclusivement par la sage-femme.

J’ai opté pour cette solution car je souhaite nous donner au bébé et à moi toutes les chances pour avoir une naissance physiologique, dans les meilleures conditions de confort et de sécurité. Il me semble qu’avoir une sage-femme rompue à ce type d’exercice, qui a appris à me connaître au fil de la grossesse, et qui se consacre exclusivement à ma petite personne (enfin ce jour-là je serai plutôt énorme mais passons), est le meilleur moyen d’atteindre ce but. Bien sûr, la naissance est un événement hautement imprévisible et ce n’est pas une garantie que tout se passera bien, mais je pense que je le vivrai mieux sachant que j’ai fait tout ce que je pouvais. Le petit plus dans mon cas est que ma sage-femme est organisée avec d’autres sages-femmes et des obstétriciens partageant la même « philosophie » de la naissance. Ainsi si pour une raison ou une autre elle n’est pas disponible au moment de la naissance (c’est un vrai scandale mais elle n’est qu’humaine), elle peut être remplacée par une autre sage-femme, certes moins familière mais dans le même état d’esprit. Et si la grossesse ou l’accouchement prennent un caractère pathologique, c’est un des obstétriciens du groupe qui intervient. Par contre le côté négatif c’est que leur accord est avec une clinique privée, où je n’aurais probablement jamais mis les pieds autrement.

Autant vous le dire, je suis une privilégiée : ce type d’accompagnement est un luxe. D’abord financier : avoir une sage-femme rien que pour soi disponible 24h/24 7 jours/7 ça se paie, et même si ça ne me semble pas choquant ça représente un certain investissement. Les dépassements d’honoraires sont pratiqués pour les consultations (mais celles-ci durent près d’une heure), ainsi que pour l’accouchement (comparables à ceux d’un obstétricien en clinique sauf que la sage-femme accompagnera tout le travail alors que l’obstétricien vient généralement juste pour la fin). C’est dommage que ça ne soit pas mieux considéré par la Sécu, car ce qu’on paie d’un côté on l’économise de l’autre en gestes et interventions évités, sans compter qu’évidemment une mère et son bébé coûtent moins cher à la maison avec une visite de sage-femme par jour qu’en séjour à la maternité. D’autre part ce type d’arrangement (l’ouverture des plateaux techniques aux sages-femmes libérales) reste exceptionnel dans les maternités françaises (moins de trente sages-femmes libérales le pratiquent d’après l’ANSFL) : selon l’endroit où vous habitez il est possible qu’il n’y en ait aucune. Et à Paris intra-muros, alors qu’on compte environ 25 maternités, seules deux cliniques ont ouvert leur plateau technique (et aucun hôpital public), à quoi s’ajoute le cas un peu particulier de la maison de naissance des Bluets. Cependant, on peut plus facilement trouver une sage-femme libérale pour un accompagnement semi-global (c’est-à-dire comme l’accompagnement global sauf l’accouchement qui est fait en maternité avec l’équipe de garde), ou dans certains cas s’orienter vers un accouchement à domicile (AAD). Si vous êtes intéressée, en plus du bouche à oreille, vous pouvez aller voir :

Dans le deuxième billet je vous parlerai plus en détail du suivi de grossesse. D’ici-là vous pouvez aller (re)lire ces billets sur le même thème :

(Photo : je vous signale que j’ai écrit ce billet avec une perruque, des lunettes de soleil et un filtre pour brouiller ma voix)

Trop de césarisées

lundi, décembre 8th, 2008

C’est le JDD qui reprend une étude de la Fédération Hospitalière de France (FHF, pas trouvé l’étude sur leur site), avec ces résultats : le taux de césariennes a doublé en un peu plus de 20 ans (de 10,9% en 1981 à 20,1% en 2007). Cela veut dire qu’actuellement un bébé sur cinq naît par césarienne. Or si cette opération s’avère vitale dans certains cas, il est clair qu’elle n’est pas dénuée de risques, tant pour la mère (mortalité 3,5 fois supérieure à la voie basse) que pour l’enfant (risque de fragilité pulmonaire accru, entre autres). L’OMS, cet empêcheur de jouer du bistouri tranquille, préconise un taux de 15%. D’après le JDD, les raisons avancées de cette popularité de la césarienne sont les suivantes :

  • Optimisation de l‘organisation et du budget des services en programmant des césariennes quand le personnel est disponible
  • Augmentation des grossesses tardives et multiples qui sont statistiquement plus sujettes à complications
  • Crainte des poursuites judiciaires : un obstétricien sera poursuivi pour n’avoir pas fait la césarienne à temps, mais jamais pour avoir fait une césarienne injustifiée
  • Publication de l’étude Hannah (2000) montrant que la césarienne était moins risquée pour l’enfant que la voie basse en cas de présentation en siège, même si son interprétation porte à controverse (y compris par le CNGOF)
  • Hausse de la demande de césariennes de convenance

Pour ce dernier point, rappelons que la césarienne est une intervention chirurgicale, donc autant sur le coup c’est bien plus rapide et indolore qu’une voie basse, autant ça se paie ensuite pour les suites de couches.

Un autre point intéressant de cette étude est le top 100 du taux de césariennes par maternité, au sein duquel prédominent largement les cliniques privées de niveau 1. La palme (le César ?) revient à la clinique de la Muette avec un beau 43,3 %. En moyenne, le taux de césariennes est supérieur d’un point dans les maternités privées de niveau 1 à celui des maternités de niveau 3, toutes publiques et supposées accueillir les cas les plus pathologiques (même s’il y a toujours des surprises). J’avais déjà expliqué ici que privilégier une petite clinique à un gros hôpital n’était pas toujours une stratégie gagnante si on voulait un accouchement aussi physiologique que possible (même si bien sûr il s’agit d’une tendance globale à laquelle existent de nombreuses exceptions).

Les cliniques visées se défendent par les arguments suivants :

  • La césarienne n’est pas avantageuse financièrement (seulement 347 €).
  • Ce sont les femmes qui leur demandent des césariennes de convenance.
  • L’étude ne prend pas en compte le nombre d’accouchements, ce qui introduit un biais statistique (argument réfuté par la FHF).
  • Le taux de césarienne n’est pas un bon indicateur de la qualité des soins.

Tout ceci est fort intéressant, mais on peut regretter que comme souvent, l’article suppose qu’on ne peut accoucher qu’en maternité, ce qui n’est pas (tout à fait) le cas. Comme déjà évoqué ici, on peut accoucher :

  • en maternité
  • en maternité mais avec une sage-femme libérale ayant accès au plateau technique dans le cadre de l‘accompagnement global
  • en maison de naissance (si on n’habite pas en France ou alors près des frontières du Nord-Est)
  • à la maison avec une sage-femme libérale
  • à la maison sans assistance médicale (même si ça n’est pas recommandé, je ne crois pas que ce soit illégal)

Malheureusement, en France tout est fait pour orienter les couples vers la première option et pour décourager les autres possibilités ; d’ailleurs je vous rappelle que vous pouvez faire quelque chose (pour le moment j’ai eu une réponse convenue de l’Ordre des sages-femmes et pas un mot ni de Roselyne, ni du directeur de l’AP-HP, et pas plus de mon député, à qui j’avais envoyé une copie). Attention, il ne s’agit pas de stigmatiser les maternités ou les mères qui y accouchent (comme la Poule pondeuse par exemple), mais encore une fois d’offrir un vrai choix aux futurs parents. Il me semble en tout cas que ça pourrait être une bonne piste pour réduire un peu ce taux : ça n’empêchera pas les femmes de demander des césariennes de convenance mais ça devrait au moins diminuer la part due à l’optimisation du fonctionnement des services.

Si vous avez ou devez accoucher par césarienne, ce billet n’est pas là pour vous culpabiliser non plus : bien sûr qu’il y a un nombre non négligeable de cas où l’opération est incontournable, et heureusement qu’elle existe. A la maternité où j’ai accouché, ils recommandaient de prendre le rendez-vous des six semaines après la naissance avec l’obstétricien qui a pratiqué l’opération, afin de pouvoir lui poser toutes vos questions et de « refaire le film » ensemble. Et si vous ne le vivez pas bien, j’ai entendu beaucoup de bien de l’association Césarine. Peut-être certaines commentatrices qui sont passées par là pourront nous en dire plus ?

La poule pondeuse milite

jeudi, octobre 2nd, 2008

Je sais que ce blog est lu à l’international (rien que cette semaine nous avons eu des commentaires de Suisse, d’Espagne et de Californie, oui j’me la pète graaaaaave !), mais le post d’aujourd’hui est surtout à destination des lectrices résidant en France. Je vous ai parlé ici des différentes possibilités de lieu et d’accompagnement pour accoucher. Le problème est qu’un certain nombre de ces alternatives, même si elles existent sur le papier, sont en réalité extrêmement difficiles à mettre en oeuvre. Pour l’accouchement à domicile (AAD), il est très difficile de trouver une sage-femme qui les accompagne à cause des assurances prohibitives qu’elles doivent assumer. Les maisons de naissance n’existent pas en France, et les maternités ayant ouvert leur plateau technique aux sages-femmes libérales ne se bousculent pas au portillon. A Paris intra-muros, une seule maternité (la clinique du Bien Naître) propose cette alternative, sur les 28 que compte la capitale (si j’en crois cette liste). Je pense que même si on ne se sent pas attirée par les solutions alternative, on est quand même concernée car un pays qui en a les moyens comme le nôtre doit offrir une palette de soins comparable à ses voisins européens. D’autant plus que les solutions alternatives sont moins coûteuses pour la sécurité sociale que l’accouchement « classique » en maternité avec séjour de quelques jours à la clé. Il ne s’agit pas de dénigrer les maternités (ou les femmes qui y accouchent, dont je fais partie !), bien au contraire, mais d’obtenir une offre diversifiée en toute sécurité pour les femmes et les bébés. Certaines femmes sont tellement traumatisées par leur accouchement qu’elles sont réticentes à avoir un autre enfant : il est probable qu’avoir d’autres options pourrait les aider à surmonter ce blocage.

Passons à l’action ! A l’appel du CIANE (groupe de travail GT13), vous pouvez écrire au Conseil National de l’Ordre des Sages-femmes pour faire connaître la réalité de votre situation. On peut écrire aussi même si on n’est pas enceinte ! A mon avis, on peut rajouter son député en copie tant qu’on y est (voir ici si vous ne savez pas qui c’est). 

Tous les détails (modèles de lettre, adresses) sont ICI. N’hésitez pas à faire passer l’info, plus on est de fous…

Où accoucher

vendredi, juillet 18th, 2008

 Pour la grande majorité des femmes, la question ne se pose même pas : on accouche à la maternité. Pourtant il y a une large gamme de possibilités (certes pas aussi étendue que ce qu’on souhaiterait mais…), et même « la maternité » recouvre un certain nombre d’options.

C’est vrai, c’est quoi une maternité ? D’après wikipedia,

Les maternités sont des lieux de santé assurant le suivi de la grossesse, l’accouchement et les suites de couche de la femme enceinte, ou parturiente. 

Ce sont des structures hospitalières, privées ou publiques, dans lesquelles travaillent aussi bien des médecins (obstétriciens, anesthésistes, pédiatres) que des sages-femmes (et bien sûr infirmières, auxiliaires de puériculture, aides-soignantes, etc). Toute intervention nécessaire peut y être pratiquée, notamment grâce à la présence d’un bloc chirurgical (et du personnel ad hoc pour le faire fonctionner). Il existe trois niveaux (en fait quatre si on compte bien) qui correspondent aux niveaux de pathologies (en gros au niveau de prématurité de l’enfant) pouvant être pris en charge. Ils vont de 1 (le moins « médicalisé ») à 3 avec une petite subtilité pour le 2 qui se divise en 2A et 2B.  Je ne vous recopie pas tous les détails donnés par wikipedia pour chacun que vous pouvez lire d’un simple clic. Comme cela a déjà été abordé ici, les maternités de niveau plus bas ne sont paradoxalement pas les moins excitées du bistouri. Bien y réfléchir avant de choisir donc… si tant est que votre situation géographique vous le permette (dit la Parigote qui dans son seul arrondissement compte pas moins de quatre maternités) !

Sachez ensuite que certaines maternités proposent ce qu’on appelle des pôles physiologiques, avec des salles de naissance dites « nature », avec ballons, baignoires, draps accrochés au plafond pour se suspendre, etc (voir un exemple ici). Seules les sages-femmes y officient (l’anesthésiste ne passera pas vous proposer la péridurale). Elles sont bien sûr réservées aux accouchements a priori non pathologiques, et si un problème survient la parturiente est immédiatement transférée dans le circuit « classique ».

Une autre possibilité est l’accouchement avec une sage-femme libérale à la disposition de laquelle l’hôpital met son plateau technique. En gros, la sage-femme vous suit à son cabinet pendant votre grossesse, et le jour J vous vous retrouvez à la maternité, où on vous donne une salle d’accouchement et là vous vous débrouillez toutes les deux (enfin le papa est admis quand même). Si tout s’est bien passé, une fois l’accouchement fini, vous prenez vos cliques et vos claques (n’oubliez pas le bébé) et rentrez chez vous, où la sage-femme passera régulièrement vous voir. Et si ça ne se passe pas si bien, les toubibs de la maternité prendront la situation en main.

Si vous avez décidé que ni la grossesse ni l’accouchement n’étaient des pathologies (et si vous avez bien sûr la chance que votre grossesse se déroule sans anicroche), vous pouvez fuir hôpitaux et cliniques, mais autant vous prévenir : en France c’est un peu le parcours du combattant (contrairement à d’autres pays européens comme les Pays-Bas, terre sacrée des militants de la naissance naturelle).

Il est théoriquement possible d’accoucher chez soi avec l’aide d’une sage-femme libérale (les initiés parlent d’accouchement à domicile ou AAD). Mais vue la réticence globale du système sanitaire en France, ces sages-femmes sont de moins en moins nombreuses car ont de gros problèmes d’assurance. Et les parents peuvent ensuite avoir maille à partir avec la sécu (ce qui est bien dommage puisque -on s’en doute- l’AAD est bien moins coûteux que la maternité), sans compter les tracasseries avec la maternité à laquelle il faut quand même mieux s’inscrire pour s’y rabattre en cas de pépin. Un répertoire de sages-femmes libérales pratiquant les AAD en France (ainsi que celles ayant accès à un plateau technique) est disponible sur le site http://www.perinatalite.info/ (il faut ensuite cliquer sur « répertoire sages-femmes », on ne peut pas faire de lien direct). Certaines vont même jusqu’à l’accouchement non assisté (ANA), soit volontairement (mais ça n’est vraiment pas recommandé), soit parce qu’elles ont un poussin très très pressé (un joli exemple chez Isabelle95). Bon à savoir : dans la grande majorité des cas, les accouchements super rapides ne nécessitent pas d’intervention médicale particulière.

Enfin une dernière possibilité est celle de la maison de naissance. Celle-là est vraiment théorique puisqu’il n’y en a pas en France. Mais si vous habitez à l’étranger ou à proximité de pays maisondenaissançophiles, vous pouvez en bénéficier. La maison de naissance est un lieu indépendant entièrement sous la responsabilité de sages-femmes, au sein duquel une (ou deux) sage-femme réferente suit une femme enceinte pendant sa grossesse puis son accouchement et enfin les suites de couches. Bien entendu, à tout moment, la future maman peut être transférée vers un service d’obstétrique hospitalier si son état le nécessite. Un certain nombre de projets sont dans les cartons en France mais ils semblent rencontrer une certaine résistance de la part des pouvoirs publics et des médecins (notamment le CNGOF et le CARO) , alors que les sages-femmes soutiennent largement l’expérimentation du concept (voir le communiqué du Conseil national de l’ordre des sages-femmes). Je n’ai pas une connaissance très pointue des spécificités françaises qui empêchent de transposer chez nous un système qui a visiblement fait ses preuves chez nos voisins, mais il semblerait que ce soient surtout des querelles de chapelles qui soient à l’oeuvre, ce qui est bien dommage. En témoigne la controverse sur la localisation des maisons de naissance, qui pour certains devraient se trouver à l’intérieur des maternités et pour d’autres (le CIANE en particulier) en être totalement indépendantes. Et c’est bien dommage, car même si je ne me sens pas moi-même prête à accoucher en maison de naissance et à renoncer à Sainte Péridurale (faudrait déjà que je sois enceinte me direz-vous…), je trouve important qu’il y ait une offre suffisamment diversifiée pour que chacune y trouve son compte dans des conditions de sécurité optimales. 

Pour ceux et celles que ça intéresse, un peu de lecture (en plus des sites déjà cités en cours d’article) :

Le point sur les maisons de naissance : http://chaumont.catherine.free.fr/mdn/index.html

Le réseau européen des maisons de naissance (en anglais) : http://www.birthcenter-europe.net/index.html

Une histoire de la naissance en France par Marie-France Morel en quelques pages : http://couleurbebe.free.fr/phpBB2/viewtopic.php?t=4460

Le collectif Naître chez soi : http://www.naitrechezsoi.org/

N’hésitez pas à en proposer d’autres en commentaires.

(Image : http://cereales.lapin.org/index.php?number=131)