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Un bébé en retard

dimanche, mai 16th, 2010

tanguy Toutes les femmes enceintes voient arriver avec soulagement le terme de 37 semaines d’aménorrhée (SA), qui correspond à la fin de la prématurité. Et s’il est bien légitime de craindre la mise au monde d’un bébé prématuré, on pense moins souvent au problème inverse : un bébé qui se fait attendre. C’est un sujet que je connais bien puisque Pouss1 est né le lendemain du terme et Pouss2 une semaine après.

La date prévue d’accouchement (DPA) est calculée de façon différente selon les pays. Ainsi, en France on considère la DPA comme la date avant laquelle on doit avoir accouché (41 SA), alors qu’en Belgique ou en Suisse par exemple on prend une date à laquelle il est probable d’accoucher (40 SA : 79 % des naissances auraient lieu entre 37 et 39 SA). Quoi qu’il en soit, tout le monde s’accorde à parler de terme dépassé ou de grossesse prolongée autour de 42 SA.

L’écueil principal est de déterminer avec précision la date de début de grossesse : on se base souvent sur la date des dernières règles (qui sont plus faciles à repérer que l’ovulation) en supposant que l’ovulation a eu lieu 14 jours après. Ainsi n SA = n SG + 2. Cependant, toutes les femmes n’ovulent pas avec la régularité d’un coucou suisse, sans parler des interférences possibles de la contraception (sous contraception hormonale par exemple les saignements ne sont pas liés à une éventuelle ovulation mais à la privation hormonale lors de la pause entre deux plaquettes) ou encore des femmes qui enchaînent grossesses et allaitements sans passer par le retour de couches (« de quand datent vos dernières règles ? » « d’il y a deux ans »…). Certaines femmes sentent l’ovulation (et peuvent même dire quel est l’ovaire actif !), d’autres utilisent des méthodes d’observation (température, col, glaires…) qui permettent de situer la période fertile mais ce n’est pas le cas de toutes. Rappelons que comme les spermatozoïdes peuvent survivre plusieurs jours à attendre un ovule, la date du rapport n’est pas forcément celle du début de la grossesse ; l’ovule ayant un temps de survie plus faible (environ 24 heures) est un meilleur indicateur. En dehors de certaines procédures d’assistance médicale à la procréation où on sait exactement la date du début de la grossesse, le plus fiable reste une échographie de datation avant 12 semaines d’aménorrhée lors de laquelle la mesure de l’embryon permet de déterminer une date de début de grossesse à plus ou moins trois jours. Le taux de beta-HCG dans le sang maternel est un moins bon indicateur : un taux bas peut indiquer une grossesse toute récente comme une fausse-couche à venir. Pour ma part, j’ai fait une échographie de datation autour de 8 SA pour chacune de mes grossesses, ce qui a dans les deux cas permis de corriger la DPA de quinze jours par rapport à l’estimation selon la date des dernières règles. Cependant l’échographie « officielle » des 12 SA permet normalement d’ajuster le terme, même si plus l’échographie est précoce et plus elle est précise. Notons aussi qu’on compte le terme à neuf mois après la date de début de grossesse ou à 39 semaines après cette même date (ce qui correspond à 41 SA) : c’est supposé être équivalent mais selon les dates 41 semaines font plus ou moins neuf mois. Par exemple pour Pouss1 les deux dates coïncidaient exactement mais pour Pouss2 il y avait deux jours d’écart. Ainsi si on prend le terme de 41 SA il est né à 42 SA +1, alors que si on se base sur neuf mois on est à 41 SA +6. Cela paraît négligeable sur neuf mois de grossesse, mais à partir de 41 SA chaque jour de rab est généralement l’objet d’une âpre négociation.

En effet, le dépassement de terme s’accompagne d’un risque accru de postmaturité : au bout d’un certain temps le placenta cesse de fonctionner correctement, entraînant une baisse du poids du bébé (et parfois une hypotrophie) et pouvant aller jusqu’à sa mort in utero (la mortalité périnatale est multipliée par 3 à 42 SA). Paradoxalement, tant que le placenta fonctionne bien, le bébé continue à grossir et la probabilité d’une macrosomie fœtale augmente. L’approche de la date du terme (41 SA) entraîne donc généralement la mise en place d’une surveillance rapprochée pour dépister d’éventuels signes de postmaturité. Les examens généralement pratiqués sont :

  • le monitoring : il permet de suivre à la fois le rythme cardiaque du bébé et d’éventuelles contractions de la mère (et s’il y a des contractions de voir comment le bébé les supporte)
  • l’échographie : on y vérifie la quantité de liquide amniotique (qui peut diminuer en fin de grossesse : on parle d’oligoamnios), les mouvements du bébé et le bon fonctionnement du placenta (on parle de grade placentaire, allant de 0 à III, III étant le plus avancé)

La surveillance commence autour de 41 SA, tous les deux jours, puis tous les jours.

Vous entendrez peut-être parler des examens suivants mais d’après la poule sage-femme ils ne sont quasiment plus pratiqués :

  • amnioscopie : observation du liquide amniotique afin d’en vérifier la qualité (un liquide teinté est généralement le signe d’une souffrance foetale).
  • test au syntocinon : une perfusion d’ocytocine artificielle (syntocinon) permet de provoquer des contractions et de voir comment le bébé les supporte par monitoring.

L’examen du col de l’utérus n’est pas nécessaire (il ne permet pas de déterminer l’imminence éventuelle de l’accouchement) mais peut être réalisé afin d’évaluer la faisabilité d’un déclenchement.

Bien sûr tout ceci est valable pour une grossesse non pathologique, certains facteurs (grossesse multiple, diabète gestationnel…) peuvent venir compliquer la donne.

A la naissance, quelques signes sont typiques des bébés qui ont fait du rab : pieds et mains fripés (comme s’ils étaient restés trop longtemps dans le bain…), peu ou pas de vernix, peau qui pèle dans les jours qui suivent. Pour ma part j’ai été étonnée de voir à quelle vitesse Pouss2 s’est « déplié » : les nouveaux-nés ont en effet les jambes et les bras en flexion et apprécient généralement d’être « contenus » dans un couffin, par emmaillotage, etc. Mais lui au contraire semblait ravi de s’étaler et n’a jamais voulu dormir dans la nacelle, préférant son transat ou notre lit.

Psychologiquement, la situation est assez inconfortable. Il est difficile de prévoir la date d’un accouchement mais en général tout le monde a pris ses dispositions en pensant que le bébé serait là après cette date. Si vous avez un (ou plusieurs) aînés, la personne qui doit s’en occuper pendant l’accouchement n’est peut-être plus disponible. Vos parents ou beaux-parents ont peut-être prévu de s’installer chez vous pour vous aider après la naissance : vous voilà tous tournant comme des lions en cage sans savoir quand le bébé arrivera. La fin de la grossesse est rarement de tout repos, et on est tiraillée entre l’envie d’en finir et celle de laisser le temps à un bébé qui se fait désirer, surtout si l’équipe médicale qui vous suit vous met la pression pour déclencher (parfois simplement par protocole alors que d’après cet article il n’y a pas de bénéfice prouvé à déclencher sans signe de souffrance fœtale avant 42 SA). Sans compter les appels réguliers des proches pour savoir où on en est (forte tentation de répondre que ça fait quinze jours que le bébé est là mais qu’on n’a pas jugé utile de prévenir), auxquels s’ajoutent tous les trucs censés déclencher l’accouchement : boire du champagne (« allons à ce stade ça ne peut plus faire de mal au bébé ») et/ou de l’huile de ricin (se préparer à passer les six heures qui suivent sur les toilettes), rouler sur des pavés (en Austin mini pour les plus raisonnables, en deux roues pour les plus aventureuses), faire un grand ménage et en particulier les vitres (bonjour la sciatique), faire du trampoline (et rebondir sur sa dignité largement piétinée), faire l’amour (pour celles dont la circonférence permet encore au futur père de s’approcher), se mettre pieds nus sur la terre adossée à un arbre (parfait à Paris au mois de janvier), marcher 17 km (cf la sciatique plus haut) et j’en passe. Ajoutons le recours aux médecines parallèles : ostéopathie, homéopathie, acupuncture, et j’en passe, ainsi que des suggestions formulées avec plus ou moins de tact que vous faites un blocage psychologique qui empêche ce pauvre enfant de sortir, le tout repassé en boucle à une femme qui vient de supporter neuf mois de grossesse et qui a les hormones en folie : je tire mon chapeau à celle qui n’aura pas craqué au moins une fois dans cette situation. Il n’est pas interdit de débrancher son téléphone et d’aller passer l’après-midi au cinéma (ou toute autre activité agréable qui sera difficile à faire après la naissance) pour se changer les idées. Certains disent ainsi qu’il n’y a rien de tel qu’une soirée en amoureux au restaurant pour accoucher dans la nuit : au moins c’est plus sympa que de faire les vitres et meilleur que l’huile de ricin. C’est aussi l’occasion de (re)lire en famille l’excellent Bébé de Fran Manushkin et Ronald Himler.

Image : ça a failli être le quatrième prénom de Pouss2…

La péridurale vue de l’intérieur (2)

mardi, avril 22nd, 2008

Pour la première partie c’est ici.

Alors la péridurale, comment ça se passe dans la vraie vie ?

Déjà il faut savoir qu’il y a une sorte de fenêtre temporelle pendant laquelle on peut poser la péridurale. Trop tôt, on risque de trop ralentir le travail, trop tard, elle risque de ne faire effet qu’après la sortie du bébé. Cependant la définition précise de cette fenêtre varie selon les protocoles et les anesthésistes, même si au minimum on se base sur une dilatation du col de l’utérus comprise entre 2 et 8 cm (on parle aussi de doigts jusqu’à « deux doigts larges »). Pour information, la dilatation va de 0 (col fermé) à 10, qui est le diamètre suffisant pour permettre le passage de la tête de bébé. Après la dilatation le bébé sort de l’utérus et doit passer dans le vagin pour sortir tout court : c’est la phase d’expulsion (« poussez madame ! » « gniiiiiiiiii »). Pour ce moment-là, on peut baisser la dose pour que vous ayiez plus de sensations pour pousser et accompagner poussin vers le grand air.

Donc mettons que vous ne présentiez aucune contre-indication et que le timing soit de votre côté. La sage-femme appelle l’anesthésiste. C’est le moment de faire sortir le papa (à moins qu’il ne soit lui-même anesthésiste, et encore) car l’anesthésiste a une grande aiguille dont la vue n’est pas sans rappeler Freddy sort ses griffes ou autre film du même acabit. Pour vous pas de souci, l’aiguille n’est pas dans votre champ de vision. Il vous désinfecte, fait une piqûre d’anesthésie locale, puis la piqûre pendant laquelle il faut pas du tout bouger. Il s’enquière normalement de savoir si vous n’êtes pas en pleine contraction pour que vous restiez plus facilement immobile. La grande aiguille permet le passage d’un petit cathéter (un tuyau en clair) par lequel il vous injecte une première dose-test d’anesthésiant. Il faut attendre 15-20 minutes pour que les effets soient complets (mais on sent progressivement l’analgésie s’installer). Le produit a un effet limité dans le temps, donc il faut régulièrement réinjecter des doses (une fois que le cathéter est posé c’est ultra-simple, ça marche grosso modo comme une perfusion) : soit vous disposez d’une pompe personnelle (avec une limite à la dose maximum tout de même), soit c’est la sage-femme qui vient vous refaire un shoot dès que vous sentez à nouveau les contractions.

Vous voilà donc (normalement) parfaitement relaxée, puisque les analgésiques vous permettent de ne plus sentir du tout les contractions. Vous pouvez même (incroyable) dormir. Cependant ce bonheur a un prix, sous forme de petits désagréments, qui sont bizarrement peu évoqués lorsqu’on aborde le sujet.

Un des effets secondaires les plus fréquents de la péridurale est de provoquer des chutes de tension, qu’on peut généralement contrer en s’allongeant sur le côté. On surveille donc votre tension de très très près. En pratique, vous portez en permanence un brassard automatique, qui se gonfle tous les quarts d’heure, en vous broyant le bras et en faisant bip bip. A chaque nouvelle injection de produit : prise de tension juste avant, pendant, et juste après. Du coup c’est un peu plus difficile de dormir (plus de 15 minutes d’affilée). Et le brassard automatique n’est pas tendre avec votre petit bras.

La péridurale peut aussi faire légèrement monter la température (jusqu’à 38-38.5°C), donc une infirmière vient régulièrement vous la mesurer (généralement avec un thermomètre auriculaire, relax).

Vous ne couperez pas non plus au monitoring permanent (c’est-à-dire deux capteurs maintenus sur le ventre par une grosse bande de tissu, avec le coeur fetal qui fait boumboumboumboum -mais il y a un bouton « volume » sur l’appareil). Mais avec la péri on le supporte généralement bien. La perfusion est aussi inévitable (l’apport d’eau permettant en plus de lutter contre l’hypotension). Vous avez tout à fait le droit de demander ce qu’on y met et de donner votre avis.

La péridurale coupe la plupart du temps l’envie de faire pipi ; d’ailleurs on n’y arrive plus du tout. Vous devez donc être régulièrement sondée par la sage-femme (la sonde permanente n’est pas obligatoire), surtout avec toute la flotte que balance la perfusion.

Comme toute anesthésie, elle est généralement présentée comme incompatible avec l’alimentation : plus le droit de manger ni de boire, à part des micro-gorgées pour s’humecter la bouche (ou le fameux brumisateur). Cependant cette interdiction est remise en question par certaines études. Si votre dernier repas remonte à loin (le travail peut souvent couper l’appétit de toute façon), on peut vous mettre un peu de glucose dans la perfusion. Il faut savoir que la péridurale peut aussi provoquer nausées et vomissements.

Selon l’intensité des contractions (qui augmente au cours du travail), pour que l’analgésie soit suffisante, la dose injectée peut être telle que vous pouvez à peine/plus du tout bouger à partir du bassin. Cependant avec un peu d’aide (« chériiiiiiiii ? ») il est parfaitement possible, voire recommandé, de changer de position, du moment qu’on ne se met pas en appui sur les jambes, forcément (restent au moins sur le dos, semi-assise, assise, sur le côté). A ce propos, la péridurale ambulatoire, qui permet de se déplacer tout en bénéficiant de l’anesthésie, semble ne pouvoir souvent s’appliquer qu’à une partie du travail. En outre, vus les appareils sophistiqués et coûteux qu’elle nécessite (on peut se déplacer, certes, mais seulement avec monitoring et tout le tintouin), elle n’est disponible que dans une poignée de maternités.

Vous pouvez aussi ressentir des fourmis/picotements dans les jambes : sensation un peu bizarre mais pas insupportable non plus. Et certaines femmes ont un effet « tremblante du mouton » assez sympathique (même si sans conséquence).

Une fois la péridurale posée, on la garde. Théoriquement on peut arrêter d’injecter du produit à tout moment mais une fois qu’on a goûté au calme les contractions deviennent difficilement tolérables (d’autant plus qu’elles sont de plus en plus fortes).

Le gros bug de la péridurale, c’est la latéralisation. Le cathéter dévie un peu, et vous devenez Dr Peace & love et Mrs Achevez-moi tout de suite. En clair, un côté de votre corps est anesthésié et pas l’autre. Ceci est corrigé par un deuxième passage du toubib qui reposera le petit tube comme il faut.

Voilà donc ce qu’implique la péridurale pour votre petite personne (pas si petite que ça d’ailleurs puisqu’en général à ce stade on a largement dépassé le mètre de circonférence). Demain nous verrons ce que cela entraîne/peut entraîner pour le déroulement du travail. Et après ça, vous devriez avoir toutes les cartes en main pour trouver ce qui vous convient.