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La fièvre du samedi soir…

vendredi, avril 8th, 2011

Non ce blog n’est pas mort, il est juste tenu par une Poule qui croule sous le boulot. C’est là que la Providence a eu pitié de votre gallinacée plumitive habituelle et frappé à sa porte en la personne de Ludivine, étudiante en dernière année de médecine et future médecin généraliste. Elle fait habituellement un beau travail d’information médicale sur son blog, L’ordonnance ou la vie, mais a proposé de venir ici nous éclairer sur la fièvre chez l’enfant. Je l’ai bombardée de questions et voilà le résultat. Place au Dr Poule !

Lorsqu’on est parent, la fièvre, on connaît. Généralement on sait aussi que fièvre + enfant = esprit pas tranquille et envie de consulter… mais en même temps une consultation simplement pour se rassurer, est-ce que ça vaut le coup ? Et puis si c’est rien, ça fait une consultation inutile, une ordonnance avec du paracétamol, du temps perdu, quelques fois un médecin pas sympa… Alors je fais quoi ? Pour s’en sortir avec toutes ces questions, apprenons à mieux connaître l’ennemi.

1. Quand parle-t-on de fièvre ?

Pour commencer la fièvre se définit par une température supérieure à 38°C chez un enfant (ou un adulte) au repos depuis 20 minutes et à distance du repas. C’est une réaction normale du corps à une agression. Le corps, en plein combat avec un agresseur (virus, bactérie…) envoie un signal d’alerte au cerveau qui va déplacer la température interne de 37-37,5°C vers 38°C ou plus. Cette augmentation de température “réveille” les cellules du système immunitaire (l’armée du corps composée de macrophages, polynucléaires, lymphocytes) et augmente leur efficacité, en même temps qu’elle permet de diminuer la virulence et la croissance des agresseurs. La fièvre est donc une réponse adaptée et théoriquement bénéfique lors d’une infection.

Pourtant, la fièvre est souvent traitée et ceci pour plusieurs raisons. Mais avant d’explorer ces raisons, comment mesurer la fièvre ; quel thermomètre utiliser ? Les plus répandus sont les thermomètres à infrarouges (auriculaires, frontaux), les thermomètres électroniques et ceux en verre. Les plus précis sont les électroniques et ceux en verre utilisés en rectal. Si vous vous demandez dans ce cas pourquoi les urgences des hôpitaux utilisent les infrarouges auriculaires ou frontaux, je pense que c’est pour des raisons pratiques (pas de vaisselle à faire, pas besoin de déshabiller, d’explorer en détail les parties intimes du patient, ni d’attendre pour le résultat, en plus ça fait marcher les laboratoires qui fournissent les embouts…), mais c’est moins précis. Au diable la précision, à l’hôpital, il y a d’autres moyens pour voir à quel point c’est grave !

En ce qui vous concerne, vous avez le droit d’être sérieux(se) et d’opter pour l’électronique, en rectal : mettez l’enfant sur le dos et insérez le thermomètre doucement jusqu’à 2,5 cm dans le rectum, avec un peu de vaseline au bout pour éviter les blessures de la muqueuse et on attend le bip de mesure. Pour ceux en verre, c’est la même chose, sans le bip et avec 2 minutes de mesure ; le seul risque étant la casse et une coupure.

Les autres lieux de prise de température sont moins précis comme la bouche, plutôt après 5 ans (et pas le thermomètre en verre) et où il faut bien expliquer de laisser le thermomètre sous la langue, serrer avec les lèvres pas avec les dents, ne pas parler, bien fermer la bouche, être patient… Ou l’aisselle où il faut en plus faire des calculs : + 0,5°C bouche et aisselle, mais selon les auteurs ça varie entre + 0,4 et 0,8°C bonjour la précision…

Moins fiable, la prise de température sous l'aisselle

2. La fièvre à la maison : je fais quoi ?

Pourquoi traiter ?

Combattre la fièvre du point de vue médical, n’a ni pour but de prévenir les convulsions fébriles, ni d’obtenir la disparition immédiate de la fièvre. En revanche, le traitement permet d’assurer le confort de l’enfant, la récupération de son comportement habituel avec son entourage, ainsi que sa capacité à jouer, à être manipulé par ses parents pour le change et autre, ainsi que la reprise rapide de son appétit.

Dans tous ces cas, on peut traiter, mais sans obligation. Il faut bien comprendre que la fièvre en elle-même ne pose pas de problème, si ce n’est qu’elle n’est pas agréable, et retentit sur le comportement. Donc rassurez-vous, si vous n’avez pas le “paracétamol facile”, ce n’est pas si grave ; il vous reste le traitement non médicamenteux qui peut déjà faire un bon effet.

Quelle que soit la maladie qui cause la fièvre, le traitement sera le même ; pour cette raison, lors d’une hospitalisation, la fièvre sera toujours traitée pour les raisons de confort évoquées plus haut.

Comment traiter ?

Le plus efficace est d’associer un traitement physique et un traitement médicamenteux.

Le traitement physique : il vise à augmenter les pertes de chaleur dans le but de diminuer la température interne. Pour cela, il faut enlever les vêtements en trop (laisser le strict minimum sous-vêtements ou pyjama léger), enlever les édredons ou autres enrobages de tissus inutiles, opter pour une température “basse” 18-19°C par exemple dans la pièce et proposer régulièrement de petites quantités de boissons fraîches (eau, tisane) notamment la nuit. N’hésitez pas à déshabiller votre enfant et à faire un « peau à peau » avec lui pour évacuer le surplus de chaleur vers votre peau. Si vous allaitez, donner à la demande permettra de le réhydrater par l’apport de lait, le rassurera et limitera la perte de poids s’il s’alimente peu. Les autres méthodes, telles que les bains à une température inférieure à 2°C de celle de l’enfant ou les enveloppements humides, sont actuellement abandonnées pour des raisons qui m’échappent, mais qui sont probablement d’ordre pratique (écologiques faut pas rêver non plus…).

Le traitement médicamenteux : 3 possibilités théoriques, une seule à utiliser en pratique. Ce traitement est généralement proposé à partir de 38,5°C.

Le paracétamol est LE médicament à utiliser en cas de fièvre. Il convient à tout enfant, quel que soit l’âge et est très bien toléré. La dose est de 60 mg par kg et par jour, donné en 4 prises, ce qui fait 15 mg par kg à chaque prise. Le traitement doit être poursuivi durant 48 heures, sans oublier la prise de nuit pour qu’il n’y ait pas de rupture d’efficacité… Il permet à la fois de diminuer la fièvre (antipyrétique) et les douleurs (antalgique).

L’autre option, qui n’est à utiliser qu’en deuxième recours et surtout après l’avis d’un médecin est l’ibuprofène (Advil) qui ne peut être donné qu’à partir de 3 voire 6 mois selon les auteurs, pour la fièvre. Le gros problème de ce médicament est qu’il possède les mêmes effets secondaires que l’aspirine (3ème option thérapeutique théorique) dont la famille commune est celle des AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens, ce qui leur confère un gros désavantage par rapport au paracétamol. Les risques les plus fréquents, sont des altérations du rein, des saignements digestifs / ulcères, des déséquilibres des ions sanguins. De plus, il ne faut pas en donner à un enfant atteint de varicelle (ou rhume ou grippe), car il existe un risque de complication dont on ne sait pas grand chose, mais qui n’est pas très sympa : le syndrome de Reye qui mène à des défaillances d’organes en chaine et donc à un séjour en réanimation. Pas de panique, cela reste rare, mais disons que c’est une information intéressante à connaître pour se rappeler que les Advil et compagnie sont contrairement aux idées reçues, des médicaments pas si anodins que cela.

Restons simples et posons cette équation : enfant + fièvre = paracétamol. Pas besoin d’ordonnance, mais partiellement remboursé avec, donc à vous de voir. Théoriquement on recommande de le donner en sirop, c’est facile pour doser en fonction du poids avec la pipette. C’est la version officielle. Personnellement, je dois avouer que je suis plutôt fan de la version suppositoire en raison des excipients multiples, variés et inutiles (?) ajoutés dans les versions sirop et poudre (aspartame pour les versions sans sucre…). Dans les suppositoires, il n’y a que de la glycérine en excipient, entre 1 excipient et 6 je préfère en donner 1 seul à un enfant. Pour évaluer la dose avec les suppositoires, il suffit de choisir le dosage en fonction de la fourchette de poids, exemple doliprane suppo 100 mg pour un poids entre 3 et 8 kg. Après rien ne vous empêche de le couper en deux si votre enfant fait 4 kg. C’est sûr que c’est moins précis que pour le sirop, mais bon, on fait ce qu’on peut avec ce qui est disponible actuellement !

3. Consultation or not ?

Maintenant abordons la partie la plus délicate et probablement la plus stressante : quand consulter ? Niveau statistiques, il semblerait que la première cause de fièvre chez l’enfant soit l’infection virale des voies aériennes, ce qui va du nez (rhume) aux bronches (bronchite).

Est-ce que ça vaut le coup de consulter pour cela ? A priori non, vu que comme vous l’avez bien compris “les antibiotiques, c’est pas automatique !” et en cas d’infection virale, le traitement se résume à prendre son mal en patience et du paracétamol. En pratique, comment être sûr du diagnostic lorsque l’on est pas médecin ? C’est tout le problème. Heureusement, il y a quelques signes d’alerte que vous pouvez apprendre à repérer sur votre enfant et qui vous orienteront vers les urgences pédiatriques. Si tous ces signes sont absents, soyez rassuré(e).

Globalement toute situation peut amener à voir le médecin traitant / pédiatre en premier. Cela devrait être le circuit habituel. Néanmoins, j’ai fait un petit classement, pour vous éviter de perdre du temps à aller chez le médecin, qui va vous envoyer aux urgences dans les situations où il va de toute manière falloir hospitaliser, au moins pour surveiller quelques heures. D’ailleurs, ne vous inquiétez pas forcément si on vous propose l’hospitalisation lors de la consultation, c’est plutôt par prudence ; un enfant, surtout avant deux ans, peut voir son état de santé se dégrader très vite. Mieux vaut hospitaliser pour une surveillance 24-48 heures que de trop attendre et devoir lancer un traitement à la dernière minute, où la phase de récupération de l’enfant sera plus longue.

Les signes où il est inutile de consulter :

Fièvre isolée de moins de 3 jours, sans aucun autre signe. Dans ce cas, impossible pour le médecin de dire de quoi il s’agit. Il va vous dire : on attend et va prescrire du paracétamol = vous auriez pu le faire vous-même !

– Enfant supportant bien la fièvre, continue à manger normalement, ne se plaint pas plus que ça. Idem, on attend de voir comment ça évolue.

Nez qui coule + toux (sans impression qu’il va s’étouffer dans la minute). C’est viral dans presque tous les cas, donc à part le nettoyage du nez plusieurs fois par jour, l’hygiène et le réconfort, pas grand-chose à prescrire pour le médecin.

Les signes qui vous emmènent chez votre médecin :

– la fièvre ne passe pas au bout de 3 jours

– l’enfant présente une éruption cutanée, des tâches roses pâles, plus ou moins nombreuses, qui grattent ou pas et qui sont apparues deux à trois jours après le début de la fièvre. Il s’agit probablement d’une infection virale, parmi les nombreuses maladies éruptives de l’enfant possibles (selon les vaccins faits). Le traitement est le plus souvent : paracétamol + repos. Mais une consultation est nécessaire pour vérifier qu’il n’y a pas de complications et évaluer le risque de contagiosité ainsi que les mesures d’hygiène à prendre.

– l’enfant est “fragile” c’est à dire qu’il est atteint d’une maladie chronique grave telle que la drépanocytose, une immunodépression, une maladie systémique etc. Dans ce cas, un avis médical s’impose, par précaution.

– vous remarquez des douleurs à la moindre mobilisation d’une jambe, d’un bras et toujours le même. Il s’agit probablement d’une infection d’une articulation (ostéo arthrite) ; des examens seront nécessaires pour en savoir plus sur la nature de l’attaquant.

– les selles sont anormales et vous remarquez des glaires avec du sang. Il s’agit probablement d’une diarrhée bactérienne = nécessité d’une prescription d’antibiotiques avec examens complémentaires.

vomissements / diarrhées avec une alimentation encore possible = gastro-entérite aiguë. Ne pas tarder à consulter si l’enfant mange de moins en moins ou si il vomit ce qu’il mange. Proposez lui toutes les 10-30 minutes de petites quantités de boisson type SRO (soluté de réhydratation orale disponible en pharmacie sans ordonnance) ou encore mieux la tétée si vous allaitez. Le lait maternel contient de la lactadhérine (glycoprotéine) qui permet de bloquer la multiplication du rotavirus, souvent responsable de gastro-entérite aiguë, ainsi que des oligosaccharides (glucides) qui participent au maintien et à la restauration d’une flore bactérienne intestinale sympathique. Si vos tentatives de réhydratation échouent, consultez. Votre médecin va peser l’enfant pour estimer la perte de poids liée à la déshydratation (vomissements / diarrhées = perte d’eau +++). Dès 5% de perte de poids par rapport au poids antérieur et selon l’âge, ce sera hospitalisation, pour poser une perfusion de réhydratation au minimum.

– si la fièvre apparaît au retour d’un voyage dans un pays étranger (dans le mois qui suit le retour). Risque de maladie infectieuse selon le pays (paludisme, fièvre jaune…).

Les signes qui vous font appeler le SAMU ou aller aux urgences pédiatriques rapidement :

– l’enfant a du mal à respirer, il est bleu (cyanosé), a les côtes qui sont anormalement apparentes lorsqu’il respire, il respire beaucoup plus vite que d’habitude, vous avez l’impression qu’il s’étouffe. Il va lui falloir au minimum un apport d’oxygène au masque, d’où une hospitalisation, même courte.

– l’enfant ne mange plus, il ne boit que la moitié ou moins de la moitié de ses biberons, de ses repas et refuse les boissons ou la tétée si vous allaitez. Il va rapidement se dégrader si son corps ne reçoit pas les nutriments indispensables à sa défense.

– l’enfant a moins de 6 semaines ou moins de 3 mois si c’est un prématuré (retrancher les mois de prématurité).

– il convulse. Il va falloir déterminer si les convulsions sont liées à la fièvre (généralement pas grave) ou à autre chose ; des examens complémentaires seront probablement nécessaires.

– apparition de purpura, n’importe où sur la peau. Ce sont des tâches rouges foncées et violettes qui ne disparaissent pas lorsque l’on applique un verre ou une règle transparente dessus, ce qui signifie que du sang est en dehors des vaisseaux sous la peau (attention ! ces taches sont différentes de celles des infections virales telles que varicelle ou rougeole qui sont plus claires, roses rouges). Si ces tâches augmentent en nombre en quelques heures et deviennent de plus en plus étendues avec en général une fièvre élevée vers les 40°C > Réflexe = appeler le 15 ou aller aux urgences pédiatriques immédiatement. Ce signe est le reflet d’une infection bactérienne à méningocoque qui provoque des hémorragies (d’où le sang sous la peau) et qui peut tuer si on ne réagit pas rapidement. Aux urgences, le médecin confirmera qu’il s’agit bien de cette maladie (voir ici pour la photo de purpura fulminans), puis il injectera immédiatement une dose d’antibiotique pour contrer l’infection.

– l’enfant ne supporte pas qu’on le touche, pleure et est inconsolable ou si il est plaintif, somnolent, peu réactif à vos attentions et a un comportement inhabituel avec une fièvre élevée (supérieure à 38,5°C), ou présente une raideur du cou. Ces signes témoignent d’un retentissement au niveau du cerveau. Il vaut mieux ne pas attendre pour partir à la recherche de l’explication de ce changement de comportement. Des examens seront nécessaires pour éliminer une méningite (atteinte des enveloppes du cerveau).

– l’enfant vomit ou a des diarrhées importantes et refuse de manger ou boire plusieurs repas / biberons/tétées de suite. Si les diarrhées sont accompagnées de sang, si l’enfant a un teint très pâle > ne pas attendre, il va falloir apporter de l’eau et des ions (perdus dans les vomissements / diarrhées), voire plus et éliminer une possible infection bactérienne.

Maintenant que vous avez lu ce paragraphe et que vous vous dites “punaise, tout ça, le stress !”, relisez le premier paragraphe : les infections des voies aériennes sont les plus fréquentes ! Voilà, vous pouvez respirer…

4. Convulsions et fièvre

Un petit mot sur les convulsions lors de la fièvre, encore appelées crises convulsives fébriles. Bien que très impressionnantes, elles sont rarement graves. Le plus souvent elles surviennent avant 2 ans, sont peu fréquentes avant 6 mois et après 5 ans. Les risques sont plus grands si une personne dans la famille en a déjà présenté, ce qui sous-entend une susceptibilité génétique. Toute fièvre bactérienne ou virale peut provoquer des convulsions.

Le paracétamol ne permet pas la prévention des convulsions, qui apparaissent dans les premières heures d’une fièvre supérieure ou égale à 39°C et correspondent en quelque sorte à la “surprise” du cerveau face à l’augmentation intense de la température. Les cellules sont à ce moment là ultrasensibles au moindre signal (hyperexcitabilité cérébrale) et vont interpréter de manière exagérée toute information transmise, ce qui crée une réponse explosive, déclenchant la crise convulsive.

Les cas pour lesquels les convulsions ne sont pas alarmantes :

– âge : 1 à 5 ans

– durée de la crise convulsive de mois de 10 minutes

– les convulsions atteignent tout le corps

– après convulsions, l’enfant est rapidement dans son état normal, il parle, peut marcher etc.

Les cas pour lesquels il y a un doute sur l’évolution :

– âge : moins de 1 an

– convulsions longues supérieures à 10 minutes

– les convulsions ne touchent d’une partie du corps, ou ont commencé par des signes localisés (bras, bouche…) avant d’atteindre tout le corps

– après la crise, le retour à un comportement habituel est long

– l’enfant a déjà eu des problèmes au niveau du cerveau (antécédents de méningite par exemple)

Dans tous les cas, un enfant faisant des convulsions en cas de fièvre, doit idéalement être examiné afin d’éliminer une infection du cerveau / système nerveux central ; la ponction lombaire permettant de faire la part des choses.

Si votre enfant a déjà fait une convulsion fébrile, sachez que votre médecin peut vous prescrire des suppositoires de diazépam (Valium) à utiliser en cas de récidive des convulsions si celles-ci durent plus de 3 minutes. Cela ne vous dispense pas d’aller ensuite aux urgences !

5. Morale de l’histoire

Toutes ces connaissances, utiles pour pouvoir évaluer le degré de gravité d’un état fiévreux représentent la partie médicale de l’affaire, la partie émergée de l’iceberg lorsque l’on est parent. Un petit coup de paracétamol c’est bien sympa, mais il reste toute la partie gestion de l’humeur, du comportement des enfants lorsqu’ils sont malades. Dans ces cas là, quoi de mieux que l’effet placebo des bisous, câlins et autres attentions pour aider à supporter la fièvre et généralement la maladie ?

Sans me lancer dans ce qui pourrait faire l’objet d’un autre article, il est intéressant de relier les observations de la Poule, concernant l’association qui existe plus ou moins dans tous les esprits entre symptôme/maladie et besoin d’un médicament. Je partage son avis sur le fait que les désordres de santé minimes pourraient facilement être “désassociés” des médicaments et ce, dès l’enfance. Bien entendu, sans tomber dans l’excès inverse qui serait le refus de toute médication ! Trouver un juste milieu qui pourrait par exemple être de traiter en premier lieu avec les pansements psychiques tels que le soutien, l’encouragement ou encore suivre soi-même les conseils dispensés à nos enfants pour leur prouver que c’est possible etc. Si ces premiers traitements ne marchent pas, recourir alors sans hésitation aux médicaments.

Ce discours, bien qu’allant à l’encontre des attitudes actuelles, que ce soit médicales ou sociétales (je dois être un parent parfait) est un appel à avoir confiance en son intuition, son jugement, grâce à la connaissance que nous pouvons acquérir par l’observation et les soins que nous accordons à nos enfants. Qu’ils aient quelques semaines ou des années de vie, nous les connaissons bien ; et l’expérience que l’on peut avoir lors des consultations médicales témoigne bien du fait que ce ne sont généralement pas les parents les plus attentifs à leurs enfants qui commettent des erreurs aux issues malheureuses. Arrêtez de vous stigmatiser si vous ne cédez pas à la tentation immédiate de la molécule magique ! Mieux vaut une bonne surveillance de l’évolution, qu’un médicament et une confiance aveugle dans son action “scientifiquement démontrée”…

 

Crédit photo : Trombouze, Vabellon

Enfant malade

vendredi, février 20th, 2009

250px-dr_carter Ne nous voilons pas la face, les enfants ont une fâcheuse tendance à tomber malades, en particulier ceux qui fréquentent régulièrement une collectivité (crèche, école maternelle…). Et si la plupart des conventions collectives prévoit maintenant des journées « enfant malade », elles ne sont pas non plus extensibles à l’infini. En général, la décision de laisser ou pas un enfant malade en garde/à l’école est basée sur deux paramètres (en plus de la disponibilité d’un autre mode de garde) : son état nécessite-t-il la présence parentale (ou a minima un adulte rien que pour lui) ? Risque-t-il de contaminer ses petits camarades ?

Pour vous aider dans ce dilemme cornélien, la Direction générale de la santé a publié un Guide des conduites à tenir en cas de maladie transmissible dans une collectivité d’enfants. Vous y trouverez pour les principales maladies infantiles contagieuses :

  • L’agent pathogène responsable de l’infection,

     

  • le réservoir,

     

  • les modalités de transmission de l’agent pathogène plus spécifiquement dans la collectivité (et les phases de contagiosité de la maladie),

     

  • l’existence des populations particulièrement exposées ou présentant un risque de gravité,
     

  • les mesures à prendre au sein de la collectivité qui sont :
    • éviction ou non du sujet malade,
    • application de mesures d’hygiène habituelles ou renforcées spécifiques selon le mode de contamination.
    • les mesures préventives de l’infection et les mesures, parfois urgentes, à mettre en œuvre dans la collectivité et l’entourage du malade lorsque survient cette infection.
  •  

Il faut bien noter que l’angle d’attaque est surtout celui de l’intérêt de la collectivité, plus que celui de l’enfant malade (même s’il n’est pas négligé bien sûr). Ce sont donc des propositions générales sur lesquelles l’avis du médecin traitant doit prévaloir. Quoi qu’il en soit, ces fiches fournissent un récapitulatif sérieux sur toutes ces maladies, ce qui devrait intéresser à mon avis un public plus large que les parents d’enfants gardés en crèches ou scolarisés.

(Photo : c’est dommage hein, toutes ces news médicales… enfin voilà d’où vient cette photo du Dr Carter : http://www.armchaircommentary.com/2008/04/john-carter-is.html)

Silence on vaccine

mercredi, décembre 10th, 2008

Hier soir, n’écoutant que mon dévouement entier à mes lecteurs adorés, j’ai regardé Silence on vaccine sur France 5 au lieu de découvrir le dernier Desperate housewives. J’espère que vous mesurez l’ampleur du sacrifice. D’autant plus que, comme je vous l’avais déjà révélé il y a quelques temps, je ne suis pas du tout dans la tendance anti-vaccin. Je dois dire qu’en médecine j’ai une conception plutôt « traditionnelle » : par exemple ce n’est pas chez moi que vous trouverez de l’homéopathie, parce qu’entre le principe de la chose (la mémoire de l’eau… hem hem) et l’absence de preuve d’une efficacité supérieure au placebo, je ne vois pas trop l’intérêt. Une fois qu’on sait que c’est un placebo -et je précise que le placebo est un effet tout à fait significatif, y compris sur les enfants et les animaux-, ben ça ne marche plus du tout. Globalement il me semble que si un remède n’a aucun effet secondaire, c’est qu’il n’a pas d’effet (autre que placebo) du tout. Bien joué la Poule, tu viens de perdre (au moins) la moitié de ton lectorat. Bon je ne rejette pas toutes les médecines alternatives : j’ai observé sur ma personne (prête à tout je vous dis) les effets de l’ostéopathie par exemple, et il m’arrive d’utiliser des huiles essentielles (de toute façon une grande partie de notre pharmacopée dite allopathique est constituée de molécules synthétisées les plantes). Euh, il reste du monde ?

Arrêtons-là le massacre et parlons du documentaire en question. Alternant témoignages de victimes (présumées ou prouvées -la preuve étant extrêmement difficile à apporter dans ces cas-là), de chercheurs et de militants, c’est une charge virulente contre la vaccination, qui fera frissonner même les moins hypocondriaques. Tour à tour sont abordés les problèmes du thimérosal (conservateur à base de mercure), de l’hydroxyde d’aluminium, des prédispositions à certaines complications, de la difficulté à obtenir des compensations pour les victimes, ou encore des lobbies pharmaceutiques.

Globalement je partage l’avis de Télérama sur ce documentaire : il soulève de vrais problèmes mais le parti pris est tel que ça affaiblit considérablement l’argumentation proposée. Sur une question aussi complexe, une telle absence de nuance est assez catastrophique pour la crédibilité globale : tous ces points font l’objet de débats au sein de la communauté scientifique (voir par exemple ici la position de la Santé publique québecoise sur le thimérosal ou encore d’autres arguments), il aurait été bien plus intéressant de retranscrire ce débat et cette incertitude en montrant une palette de positions. Ceux qui étaient déjà persuadés que la vaccination est dangereuse seront confortés dans leur position et les autres (comme votre dévouée Poule) resteront sceptiques. Bref ça ne fait pas avancer le schmilblick. C’est bien dommage car certaines questions mériteraient vraiment plus d’attention. J’ai bien aimé une des dernières interventions (le Pr Gherardi il me semble) qui soulignait que sans remettre en cause l’intérêt et le bénéfice des vaccins, on pouvait quand même se pencher sur les complications entraînées, et d’une part améliorer la détection des individus à risque, et d’autre part la prise en charge de ceux déjà touchés. Il ne me semble pas non plus insurmontable de lancer des recherches pour voir si on ne pourrait pas remplacer thimérosal et aluminium par d’autres substances moins controversées. Et il est clair qu’on a encore du chemin à faire pour émanciper totalement la décision publique du poids de l’industrie pharmaceutique.

Pour mémoire, l’intérêt d’un vaccin est déterminé en comparant le nombre de complications dues à la maladie si personne n’était vacciné au nombre de complications dues au vaccin. On pourrait probablement (et on devrait !) travailler à réduire ce nombre de complications (notamment en identifiant mieux les personnes à risque). Rappelons aussi qu’une couverture vaccinale importante permet de protéger également ceux qui ne peuvent pas être vaccinés. Et qu’enfin aucun vaccin n’est fiable à 100% et que le fait que des personnes vaccinées tombent malades n’est donc pas une démonstration de l’inutilité du vaccin : ce qu’il faut comparer c’est la proportion de personnes qui tombe malade parmi les vaccinés et à celle parmi les non vaccinés (et à condition que la taille de ces deux populations soit comparable). Tout est expliqué par l’OMS ici : Six idées fausses courantes sur la vaccination.

La listériose

mercredi, juillet 23rd, 2008

 On en parlait ce matin aux infos, alors j’en profite pour faire un petit point sur le sujet, d’autant plus que je constate que la plupart des femmes enceintes que je connais n’a que des idées très vagues sur le sujet.

La listériose est une infection provoquée par la bactérie Listeria monocytogenes (d’où son nom, pas très originaux ces scientifiques). La maladie est bénine chez les personnes en bonne santé (quelque chose entre pas de symptôme et une grippe) mais peut avoir des conséquences dramatiques pour une femme enceinte, ou plus exactement pour son bébé. L’infection peut en effet entraîner une fausse couche ou un accouchement prématuré, avec un bébé souvent mort-né ou gravement malade. C’est pourquoi on recommande aux femmes enceintes de consulter immédiatement en cas de fièvre supérieure à 38.5°C, puisque c’est un des symptômes de cette infection (mais de beaucoup d’autres aussi, ne voyez pas déjà le pire si le thermomètre s’affole). Une antibiothérapie est alors mise en place, mais il est difficile de trouver des chiffres sur le succès du traitement. Contrairement à la toxoplasmose ou à la rubéole (autres infections craintes par le gros bidon), on ne peut être ni immunisé ni vacciné.

Le meilleur traitement est donc la prévention, puisque la principale voie de contamination est l’alimentation.  Je vous livre telles quelles les recommandations de l’Institut de veille sanitaire (InVS) :

1- Listeria monocytogenes résiste au froid mais est sensible à la chaleur. Or parmi les aliments les plus fréquemment contaminés par L.m., certains sont consommés sans cuisson.

La consommation de ces aliments à risque en l’état doit être évitée :
   – éviter de consommer des fromages au lait cru (ainsi que le fromage vendu râpé) ;
   – éviter la consommation de poissons fumés, de coquillages crus, de surimi, de tarama, etc.
   – éviter de consommer crues des graines germées telles que les graines de soja

L.m peut également contaminer, lors de leur fabrication, des produits qui subissent une cuisson au cours de leur préparation mais sont ensuite consommés en l’état. Si la contamination de ces produits intervient après l’étape de cuisson, ces produits présentent le même risque que des produits crus
contaminés.

Il s’agit pour l’essentiel de produits de charcuterie :
   – éviter les produits de charcuterie cuite tels que les rillettes, pâtés, foie gras, produits en gelée, etc.
   – pour les produits de charcuterie type jambon, préférer les produits préemballés qui présentent moins de risque d’être contaminés.

Note de la PP : On voit donc que la congélation ne débarrasse pas de la bactérie (qui comme la plupart de ses congénères résiste sans problème à des températures de -80°C).  On voit aussi que les aliments incriminés ne posent plus de problème s’ils sont cuits : non au saumon fumé sur son blini, oui à la quiche saumon fumé-épinard, non au toast de foie gras, oui à la poularde farcie au foie gras. Et si vous avez des envies irrépressibles de jambon, saucisson et autres, prenez les aliments industriels emballés qui sont stérilisés par irradiation plutôt qu’à la coupe chez le boucher du coin. Pour info, la charcuterie Monop est de très bonne qualité (et je suis TRES difficile en jambons).

2- Listeria monocytogenes est ubiquitaire, les aliments sont contaminés par contact avec l’environnement :
   – enlever la croûte des fromages ;
   – laver soigneusement les légumes crus et les herbes aromatiques ;
   – cuire les aliments crus d’origine animale (viande, poissons, charcuterie crue telle que les lardons).

Ces mesures sont suffisantes pour éliminer les germes qui se trouvent en plus grande quantité en surface de ces aliments. Les steaks hachés, qui sont des aliments reconstitués (et pour lesquels cette notion de contamination en surface ne peut être retenue), doivent impérativement être cuits à coeur.

Note de la PP : dommage pour le steack tartare aller-retour et les sushis.

3- Afin d’éviter des contaminations croisées (d’un aliment à l’autre) :
   – conserver les aliments crus (viande, légumes, etc.) séparément des aliments cuits ou prêts à être consommés ;
   – après la manipulation d’aliments non cuits, se laver les mains et nettoyer les ustensiles de cuisine qui ont été en contact avec ces aliments.

Note de la PP : Donc on coupe les carottes pour l’entrée avant de débiter ses escalopes de poulet crues si on ne veut pas laver la planche entre les deux.

4- Les règles habituelles d’hygiène doivent également être respectées :
   – les restes alimentaires et les plats cuisinés doivent être réchauffés soigneusement avant consommation immédiate ;
   – nettoyer fréquemment et désinfecter ensuite avec de l’eau javellisée son réfrigérateur ;
   – s’assurer que la température du réfrigérateur est suffisamment basse (4°C) ;
   – respecter les dates limites de consommation.

Note de la PP : A la télé, la dame de l’InVS (qui est ma copine !) a notamment expliqué qu’une fois ouverts il fallait rapidement consommer les aliments (dans les 2-3 jours). Et -faut-il le rappeler ?- on consomme rapidement un produit décongelé et on ne le recongèle pas (sauf s’il a été cuit entre temps ; ex : vous utilisez des oignons surgelés dans votre tagine, vous pouvez quand même congeler le reste de tagine, surtout après deux heures de cuisson) !

Je précise aussi qu’à mon avis ce sont ces recommandations-là qui font autorité. La connaissance des contaminations alimentaires n’est pas vraiment le boulot des sages-femmes et gynécologues, c’est celui d’agences comme l’InVS ou l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments). L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), qui est chargé de la communication vers le grand public, propose un certain nombre de brochures très bien faites (plus que les deux autres, qui sont moins accessibles je trouve) sur tous les sujets de santé (alimentation, alcool, dépression, SIDA, etc). Si vous avez un doute sur un aliment, c’est à mon avis vers ces instituts qu’il faut se tourner. Par contre, si vous craignez qu’il ne soit trop tard, c’est bien sûr le médecin ou la sage-femme qui vous suit qu’il faut consulter.

Si vous suivez à la lettre ces recommandations, vous risquez de vous attirer l’incrédulité, voire les moqueries de votre entourage (surtout la génération précédente chez qui ce discours de prévention était totalement absent). Il faut savoir que la listériose est un problème relativement récent qui n’existe que dans les pays industrialisés. On compte quelques centaines de cas par an en France, ce qui est évidemment très peu (même s’il y a probablement des cas non recensés car passant pour une simple crève). Dans ce contexte, certaines femmes trouvent que le risque est trop faible pour se priver de toutes ces bonnes choses, d’autant que leurs mère et/ou belle-mère leur répètent à l’envi qu’elles ont bien mangé et bu tout ce qu’elles voulaient et que leurs enfants se portent comme des charmes (ce qui n’est évidemment pas un raisonnement acceptable, l’absence de preuve n’étant pas la preuve de l’absence). Il est vrai qu’on a probablement plus de « chances » de se prendre une voiture en traversant la rue que d’attrapper la listériose en craquant sur un camembert coulant ou un plateau de sushis. Mais l’exposition à cette maladie est un risque relativement facile à maîtriser (dit celle qui a failli pleurer à une soirée où il n’y avait que des poissons crus, marinés ou en rillettes -dont elle rêvait pour apaiser ses nausées- et qui n’a mangé que des blinis). Quoi qu’il en soit, c’est comme toujours au gros bidon de peser le pour et le contre avant de se jeter sur le saumon fumé (ou de passer Noël aux carottes râpées -bien rincées, attention !), mais au moins avec les recommandations à jour : pas très logique de se priver de camembert si on se gave de foie gras à côté. Un de ces quatre il faudra que je vous parle toxoplasmose aussi (mais ça m’a semblé moins urgent car celles qui sont immunisées ne sont pas concernées).

Et si vous voulez tout savoir sur Listeria et la listériose, un topo complet est disponible ici (c’est là que j’ai trouvé la jolie photo de la bête).