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Encore un don : le cordon

vendredi, juillet 15th, 2011

Un des (nombreux) sujets d’arrachage de cheveux pour les futurs parents : faut-il donner ou pas le sang du cordon ombilical ? Déjà le dilemme est tout relatif : la procédure n’est pour le moment proposée que par une quarantaine de maternités, inégalement répartie dans l’Hexagone. Pour ma part, n’ayant pas été confrontée au problème pour les naissances des poussins puisque les maternités où j’ai accouché ne le proposaient pas, je n’avais pas trop creusé le sujet. L’idée me semblait plutôt belle : sauver des vies par un don altruiste et désintéressé et de coût négligeable, qui dirait non ? Mais en fouillant dans les archives du blog Midwife thinking (un incontournable découvert récemment grâce à la lettre périnatalité et dont certains articles sont traduits ici), je suis tombée sur ce billet (malheureusement pas traduit).

Que nous dit cette sage-femme ? Elle récuse le terme de « sang du cordon » qui lui semble trompeur : le bébé, le cordon et le placenta forment un tout cohérent en ce qui concerne la circulation sanguine, c’est donc du sang du bébé qu’il faudrait parler. Le prélèvement est en outre difficilement compatible avec l’attente de l’arrêt total de cette circulation bébé-placenta pour couper le cordon (même si on peut envisager certaines pratiques intermédiaires). Or dans un autre billet (celui-là disponible sur le blog français), elle nous explique tout l’intérêt pour l’enfant de maintenir aussi longtemps que possible cette connexion (et elle n’est pas la seule à défendre cela, on peut aussi citer le Dr David Huchton par exemple, un obstétricien qui en parle dans le très réputé British Medical Journal). En outre, le volume à prélever est loin d’être négligeable : Rachel Reed -la « sage-femme qui réfléchit »- nous dit qu’il est au minimum de 45 mL, tandis que le site français sur le don de sang de cordon en demande 70. Un rapide calcul nous indique qu’un nouveau-né de 3,5 kg a un volume sanguin d’environ 268 mL, le prélèvement représente donc au minimum 15 à 25% (1/4 !) du volume total (les chiffres utilisés pour le calcul sont compatibles avec une coupure « tardive » du cordon, donc représentent plutôt une estimation haute du volume sanguin total). Pour comparaison, le don du sang minimum (400 mL) représente environ 7% du volume total d’un homme de 80 kg. Et Rachel Reed nous informe que le prélèvement de sang maximum recommandé chez un nouveau-né est de 5% du volume total, soit environ 15 mL. L‘information donnée aux parents qui envisagent ce don quant à ses conséquences semble donc légèrement elliptique. Il est en tout cas abusif de prétendre que le sang qui n’est pas donné sera jeté : il pourrait également profiter au bébé à qui il appartient.

Quels sont les bénéfices d’un tel don ? Ce qu’on recherche ici ce sont les cellules-souches, qui permettent de soigner environ 75 maladies (et notamment des cancers comme certaines leucémies). On peut distinguer trois grands types de destinataires de ces greffes de cellules souches :

  • l’enfant lui-même : cela se fait via un stockage (onéreux) dans des banques privées qui sont interdites en France. En outre les cas où il est possible d’utiliser ses propres cellules souches sont extrêmement rares : on estime dans une fourchette de 1/400 à 1/200 000 la probabilité que cela arrive au cours de la vie d’une personne. Selon les avis, on va d’une assurance-vie pour l’enfant à une exploitation fort lucrative des parents prêts à tout pour bien faire. A noter que Rachel Reed pratique en Australie, où ces banques privées fleurissent et engendrent d’importants enjeux financiers : beaucoup des prélèvements pratiqués là-bas le sont dans cette optique (et les sages-femmes y sont souvent rémunérées au prélèvement par les entreprises).
  • un proche malade : c’est notamment ce qu’on appelle le bébé-médicament ; autorisé en France sous certaines conditions. Je n’en parlerai pas, je suis intimement convaincue que dans ce type de situation si difficile chacun fait du mieux qu’il peut et n’a absolument pas besoin qu’une pétasse de blogueuse vienne lui faire la morale en prime.
  • un anonyme : c’est ce qui est privilégié en France, comme pour les autres dons du même type (sang « normal », organes…). L’idée de pouvoir fournir à ces personnes (500 transplantations en 2009) de façon anonyme et gratuite le traitement dont elles ont besoin est bien sûr à défendre, et sur ce point je suis plutôt heureuse de l’organisation française qui limite les dérives mercantiles.

Comment obtenir alors ces précieuses cellules souches ? Outre le don de cordon, on peut procéder grâce à un don de moëlle osseuse. Mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi on ne s’intéresse pas plus à une source quasi-infinie de cellules souches facilement récupérables (surtout si comme moi vous utilisez une coupe menstruelle), sans aucun effet indésirable sur la donneuse : le sang menstruel. Certaines firmes américaines ne s’y sont d’ailleurs pas trompées en créant d’ores et déjà des banques privées de sang menstruel (alors même qu’aucune technique thérapeutique n’a encore été mise au point). Mais il existe plusieurs types de cellules-souches, et il n’est pas dit que celles du sang menstruel soient interchangeables avec celles du sang de cordon. Cryo-Cell, une firme de biotechnologies (à l’origine de la banque de sang menstruel C’elle), a d’ailleurs testé avec succès l’utilisation conjointe de cellules-souches menstruelles et ombilicales.

Tel qu’il est pratiqué en France actuellement, le don du sang de cordon est donc un acte altruiste et généreux, mais dont on peut craindre qu’il ne soit fait au détriment du bébé (même si l’immense majorité des nouveaux-nés français -y compris d’ex nouveaux-nés comme vous et moi- a subi et subit toujours un clampage précoce du cordon et ne semble pas s’en porter si mal, comme quoi c’est résistant ces petites bêtes…). Il est en tout cas inacceptable que cela continue à être présenté de façon si biaisée, en n’évoquant jamais le bénéfice potentiel pour l’enfant de garder le sang placentaire et d’attendre que le cordon ait fini de battre pour le couper. Il me semble donc crucial d’améliorer l’information qui l’entoure, et de développer (ou renforcer) les recherches autour d’autres sources de cellules-souches, comme la moëlle osseuse et le sang menstruel, ou encore le lait maternel (vous noterez ici que les femmes ont des super pouvoirs ; à quand des cellules-souches dans le sperme -en fait ce serait plutôt l’inverse ?). Il faut aussi travailler sur la pratique, pour prélever moins de sang, et de façon à laisser battre le cordon aussi longtemps que possible.

Pour ma part, n’étant pas enceinte le choix est théorique, mais je crois que je refuserais le don du sang de cordon tant qu’il n’est pas possible de le faire sans priver le bébé d’une quantité non négligeable de sang. Par contre je veux bien donner mon sang menstruel à qui le demandera, ma graisse (dont je fais des réserves importantes à cette seule fin bien sûr), du lait (enfin quand j’allaite), du sang « normal » (quand l’occasion se présente, et ça fait un bail) et mes organes (sous certaines limites). Il faudrait que je m’inscrive au registre des donneurs de moëlle ; quant au don d’ovocytes j’y ai réfléchi mais j’avoue qu’entre les contraintes que ça impose et le concept même (j’aurai un peu l’impression -très irrationnelle et personnelle- de donner un de mes enfants) je ne suis pas très chaude. Et vous ? Ce n’est bien sûr pas un concours, d’autant plus que n’importe qui ne peut pas donner n’importe quoi, mais je trouve toujours intéressant d’échanger sur quoi donner, ou pas, et pourquoi.

Photo : Comment parler de sang sans vous offrir une photo de ces charmants vampires ? (et pour ceux qui ne connaissent pas encore Vampire Diaries, c’est comme une boîte de Pringles : tu sais que ça n’a pas grand intérêt mais tu ne peux pas t’empêcher de la finir)

(Et avec mes excuses pour le titre de billet foireux)

Point technique : le blog a maintenant une page Facebook que vous pouvez « aimer ». Pour le moment je ne m’en occupe pas beaucoup (point positif : vous ne serez pas trop spammés), mais vous pouvez aussi en faire un espace pour discuter, partager des infos ou poser des questions aux autres poulettes quand vous ne trouvez pas de billet sur le sujet, par exemple. Vous pouvez aussi me suivre sur Twitter (où je suis plus active) et même me retrouver sur Google + (et au passage m’expliquer à quoi ça va me servir et comment, merci). Si vous voulez me parler à moi et rien qu’à moi, le plus sûr reste de m’envoyer un mail à lapoulepondeuse @ gmail.com

Stériliser or not stériliser, that is the question

mardi, avril 15th, 2008

Suite à une petite conversation en commentaire avec anne, je suis allée fouiller sur le site de l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), qui a émis un certain nombre de recommandations sur les biberons (préparation, conservation, nettoyage). Celles-ci concernent à la fois les biberons de lait maternel et de lait maternisé, donc peuvent intéresser le plus grand nombre.

On peut trouver le rapport complet ici (116 pages -mais la moitié est une traduction en anglais-, avec certaines parties concernant les crèches et les services pédiatriques, pas passionnantes) et un petit résumé sous forme de questions-réponses (mais moins complet forcément).

Leur conclusion est claire : de façon générale, il n’y a pas lieu de stériliser les biberons. Par contre il faut les laver minutieusement (si au lave-vaisselle, la température doit être d’au moins 65°C), et les faire sécher à l’air libre (jamais au torchon). Si on ne peut pas les faire sécher, il faut les laisser au frigo. Et bien sûr toujours se laver les mains avant de préparer un biberon.

Pour utiliser un tire-lait, il faut le laver d’abord à la main puis éventuellement au lave-vaisselle. Il est recommandé de passer à l’eau bouillante (pas l’eau chaude du robinet qui est un nid à microbes) la téterelle et le flacon de recueil, et de les laisser refroidir à sec. Ne pas utiliser de stérilisation chimique à froid (pourquoi, mystère). Par contre le récipient de conservation n’a pas besoin d’être stérile du moment qu’il est bien propre (comme expliqué plus haut). Là je ne comprends pas trop pourquoi il faut ébouillanter le flacon de recueil mais pas celui de conservation. Si quelqu’un a une explication… Sans compter que s’il faut faire bouillir son tire-lait au boulot, on est mal barrées.

D’après le rapport, les stérilisateurs vendus dans le commerce ne remplissent par ailleurs pas les normes actuelles pour être qualifiés de procédés de stérilisation (ce qui ne veut pas dire qu’ils soient totalement inefficaces non plus).

Conservation du lait maternel : 4 h à température ambiante, 48 h au frigo, 4 mois au congélateur.

Conservation du lait maternisé : 1 h à température ambiante, 30 h au frigo.

Dans tous les cas, il faut le mettre au frais le plus vite possible. Si on veut remplir un biberon par étapes (par exemple avec la coquille recueil lait -totalement ignorée par le document, dommage), il faut refroidir le nouvel apport de lait avant de le mélanger au reste (qui est bien sûr déjà au frigo). Et attendre que le biberon soit totalement rempli pour le congeler. Apparemment les bacs à glaçon pour la surgélation ne font pas partie des contenants recommandés (flacons/biberons en polypropylène, polycarbonate ou verre), même s’il peut être bien pratique.

A noter que l’eau utilisée pour les biberons ne doit pas venir d’un dispositif de filtration (type carafe Brita par exemple), qui auraient tendance à accumuler les bactéries. Et l’eau embouteillée doit être (une fois ouverte) conservée au frigo, et pas plus de 24 heures (ha, ha, ha). Sachant qu’il ne faut pas chauffer les biberons au micro-ondes (hi, hi, hi).

Notez que l’Afssa ne recommande pas en général de chauffer les biberons ; nous avons d’ailleurs vite proposé cela au poussin qui heureusement a été d’accord : c’est vraiment beaucoup plus pratique (surtout en déplacement).

Que faire de toutes ces recommandations ? A mon humble avis, s’en inspirer au quotidien, mais rester cool, surtout quand le poussin commence à utiliser ses petites menottes pour porter tout ce qui passe à sa jolie petite bouche édentée… Quelle est l’utilité de donner des biberons stériles alors qu’il est en train de mâchonner votre chaussure qui sort du métro ?

Sevrage et allaitement mixte

jeudi, mars 27th, 2008

bib  Autant clarifier tout de suite : ce billet n’est pas un débat pour savoir jusqu’à quand allaiter. C’est l’affaire personnelle de chacune et ce n’est pas à moi de m’en mêler. Il s’agit juste de donner quelques pistes à celles qui souhaitent arrêter avant le sevrage « naturel », pour aider à la transition.

D’abord -si c’est possible- il vaut mieux éviter que le sevrage soit concomitant avec un autre changement important dans la vie du poussin (au hasard : maman retourne au travail). Il est aussi préférable pour tout le monde de prévoir un peu de temps (pour passer d’un allaitement exclusif au 100% biberon compter au moins une semaine et idéalement deux voire trois). Et plus le poussin est diversifié (moins il tète), plus c’est facile. Enfin, la physiologie de la lactation fait que c’est plus simple de sevrer après 2-3 mois qu’avant, quand on a encore des montées de lait.

D’autre part, il peut être judicieux de commencer par introduire le biberon avec du lait maternel, histoire de faire une découverte à la fois. Cela peut être fait dès que l’allaitement est bien installé sans le compromettre. Certains poussins refusent totalement le biberon, même avec du lait maternel. Mieux vaut que ce ne soit pas la mère qui donne le premier biberon (volontaire désigné : au hasard, le père), car l’enfant risque de ne pas comprendre pourquoi elle ne lui propose pas son sein préféré. Il peut même être préférable qu’elle quitte la pièce. Comme toute nouveauté alimentaire, le premier bib est plus facilement accepté si vous n’attendez pas que le bébé hurle de faim. Mieux vaut lui proposer quand il est à peu près de bonne humeur, quitte à ce qu’il n’en prenne qu’un petit peu la première fois. Si il refuse totalement, n’insistez pas sur le coup et reproposez plus tard. Il faut savoir que certains bébés sont très difficiles sur la tétine ; parfois essayer une autre marque peut s’avérer payant.

A propos de tétine, il vaut mieux en choisir une à faible débit (pour nouveau-né, deux trous maximum), même si votre poussin est plus âgé. Ainsi vous optimiserez vos chances qu’il continue à prendre le sein pour les autres tétées.

Autre petit problème technique : quelle quantité de lait préparer ? Au sein on n’a pas la moindre idée du volume ingurgité, et même s’il a déjà pris des biberons de lait maternel, il n’est pas dit qu’il lui faille les mêmes quantités de lait artificiel. Un truc simple est de proposer le volume suggéré sur la boîte de lait pour l’âge de l’enfant. S’il en laisse, c’est qu’il a eu assez. Par contre s’il le siffle en entier, vous pouvez rajouter 30 ml au prochain. Personnellement, je préfère en préparer juste un peu plus pour être sûre que le poussin ait assez.

Une fois ce premier contact établi, vous allez pouvoir remplacer une tétée par un biberon. Mieux vaut éviter de commencer par la tétée du matin ou par celle du soir, l’idéal étant celle de la fin d’après-midi où la lactation est généralement plus faible. Si vous sentez un peu de tension dans les seins, n’hésitez pas à tirer un peu de lait pour éviter un engorgement. Si nécessaire, vous pourrez tirer un peu moins de lait chaque jour jusqu’à ce que vos seins s’habituent à moins produire. Ensuite il faut éviter de supprimer deux tétées consécutives, et attendre deux-trois jours entre deux suppressions de tétées. Notez que le temps d’ajustement du corps n’est pas forcément linéaire : personnellement il m’a fallu une semaine pour ne plus avoir les seins tendus après avoir supprimé une tétée, alors que pour les autres en 24 heures c’était plié.

Si le poussin tète encore la nuit (et que vous aimeriez qu’il arrête…), vous pouvez assez rapidement proposer un biberon à la place. Certes il faut se lever, allumer la lumière et tout, mais : 1. le papa peut s’en occuper pendant que vous dormez du sommeil du juste et 2. si le repas de la nuit est la seule tétée qu’il reste au bébé, sa valeur affective risque de vite dépasser sa valeur nutritive. Ne vous méprenez pas, j’adore faire des câlins à mon poussin, mais la nuit honnêtement je préfère dormir.

De fil en aiguille, vous arrivez généralement à la situation suivante : il vous reste une tétée le matin et une tétée le soir, situation merveilleusement compatible avec votre reprise du travail, généralement connue sous le nom d’allaitement mixte. Cette situation est-elle pérenne ? Je n’en suis pas sûre, et je ne suis pas la seule : encore un bel article de Co-naître, L’allaitement mixte, est-ce possible ? du Dr Claire Laurent. D’abord, pour certaines femmes la lactation peut rapidement se tarir, et n’être relancée que par un allaitement exclusif, ce qui n’est pas le but du schmilblick si on ne veut plus allaiter. Ensuite, certains bébés préfèrent le biberon et se désintéressent totalement du sein. Enfin, même si -comme votre amie la poule pondeuse– vous avez une lactation généreuse et un poussin totalement bilingue sein-biberon, ça risque de ne pas suffire malgré tout. Ainsi, j’avais fini par supprimer la dernière tétée (du soir) car au bout de 45 minutes de tétée intensive le poussin ne semblait toujours pas vraiment rassasié. Et pourtant il y avait toujours du lait à la fin de la tétée, mais le débit ne suivait pas. Donc remplacement par un biberon. Je dois dire que j’ai toujours considéré l’allaitement surtout du point de vue nutritionnel, mais je sais que pour certaines c’est le côté affectif qui prévaut (ce que je respecte bien sûr entièrement). Dans ce cas je pense qu’il est possible de garder une tétée « câlin » par ci par là pendant longtemps. Mais sinon ne vous leurrez pas : l’allaitement mixte est dans la grande majorité des cas la transition vers le sevrage total.

(image : http://www.villiard.com/images/bebes/boire-biberon.jpg)

L’allaitement rend-il beau, riche et intelligent ?

samedi, mars 15th, 2008

Vous avez sans doute remarqué la foultitude d’articles sous laquelle on croule régulièrement : oui l’allaitement protège l’obésité, mais finalement il n’augmenterait le QI que si on possède un certain gène, sauf qu’il rendrait significativement moins addict à TF1, mais tout en augmentant les chances de gagner la Star Ac’, etc etc. Que penser de tout ça ?

A mon humble avis, ces études prennent le problème à l’envers. Il n’y a pas à prouver que le lait maternel et le sein sont supérieurs au biberon et au lait artificiel. Ils le sont, c’est sûr. On a un peu tendance à l’oublier je trouve, mais c’est le lait maternisé et le biberon qui imitent l’allaitement maternel, et non l’inverse. Donc c’est à eux de prouver leur innocuité, et non pas à l’allaitement d’établir sa supériorité. On devrait s’inquiéter de ce que les enfants nourris au lait artificiel ne rentrent pas dans les courbes des allaités plutôt que l’inverse.

Ceci étant posé, est-on une mère indigne si on ne peut/veut allaiter son bébé, et ce jusqu’au sevrage naturel ? Certes les laits artificiels sont moins bons, mais ils ne sont pas mauvais pour autant. Et vue la multitude de formules disponibles (incluant des laits végétaux, bios ou que sais-je), on doit pouvoir en trouver un qui convienne à chaque bébé et soit un bon substitut au lait maternel, même s’il n’est pas aussi parfait. Tout le monde sera d’accord pour dire que l’air des Alpes est plus pur et moins pollué que l’air parisien, et qu’il serait donc meilleur pour un enfant. Jette-t-on pour autant l’opprobre sur tous les parents parisiens ? Non, car le bien-être d’un poussin est multi-factoriel. Et il ne sera pas heureux si ses parents ne le sont pas, surtout si leur mal-être provient (en partie) de choix liés au bébé qui ne leur conviennent pas.

On dit souvent « mieux vaut un biberon donné avec amour qu’un sein donné à contre-coeur ». Je crois que globalement un poussin sera en meilleure santé, tant physique que psychologique, avec un biberon et une mère équilibrée qu’avec du lait maternel et une mère dépressive (en caricaturant).

Ceci dit, nous avons en France un vrai problème avec la promotion de l’allaitement. Comment expliquer que tant de femmes abandonnent rapidement l’allaitement, plus ou moins à contre-cœur, car pas assez de lait, trop douloureux ou autre, alors que 98% des Scandinaves allaitent. A moins que se rouler nue dans la neige après le sauna affecte significativement la production de lait, nous pouvons donc en déduire que la très grande majorité des femmes devrait être parfaitement capable d’allaiter, si seulement on prenait la peine de lui expliquer convenablement de quoi il retourne. Si cela vous intéresse, je vous conseille la lecture de cet article de l’institut Co-naître, qui est une analyse scientifique très fouillée du problème : Allaitement maternel : l’insuffisance de lait est un mythe culturellement construit, par Gisèle Gremmo-Freger (2003). Il faudrait aussi qu’au moindre signe de problème physique de la mère et/ou de l’enfant, le corps médical propose d’abord des pistes pour continuer l’allaitement plutôt que de préconiser le sevrage. C’est tout à fait logique si on se rappelle que c’est le biberon la roue de secours. Et je ne me lancerai pas sur la longueur du congé maternité et son effet ravageur sur la poursuite de l’allaitement.

Quant à l’entourage de la jeune maman, son rôle semble parfois être de l’enfoncer dans sa culpabilité quoi qu’elle choisisse : il lui assènera avec autant de conviction « Quoi, tu l’allaites encore ? Mais tu ne penses qu’à ton propre plaisir égoïste/Tu dois être épuisée » que « Pauvre enfant comment peut-il supporter cet infâme bout de plastique et ce lait infect ? » (rayer la mention inutile).

Et l’OMS ? Qui n’a pas entendu ces fameuses recommandations : allaitement exclusif jusqu’à six mois puis diversification avec lait maternel jusque vers deux ans ? C’est tout à fait fondé, mais n’oublions pas que le M d’OMS signifie « mondiale » : la vocation de cette noble institution est de s’adresser à la grande majorité de la planète qui n’a pas les sous pour se payer du lait artificiel de qualité et ne dispose pas non plus d’eau potable sûre. Il est clair que le lait artificiel est un luxe de pays riche et un véritable massacre s’il est mal utilisé. Et les campagnes éhontément organisées par les fabricants dans les pays du tiers-monde, qui plus est sous couvert de philanthropie et d’humanitaire, sont un scandale à propos duquel on aimerait un peu plus d’indignation de la part des institutions concernées. A ce propos, voir cet article très complet de la FAO sur l’allaitement maternel et les risques d’autres pratiques dans les pays en voie de développement.

Si vous êtes enceinte et que vous vous posez l’inévitable question « sein ou biberon », n’oubliez pas que c’est votre corps et votre bébé. Vous seule savez ce qui est bon pour l’un comme pour l’autre. Renseignez-vous, lisez, prenez des idées et des conseils à droite et à gauche, mais au final c’est votre décision et personne ne devrait vous demander de la justifier. Et vous avez même le droit de changer d’avis en cours de route. Jeunes et futurs pères, donnez votre avis, discutez, mais au final respectez et soutenez vos femmes dans leur choix, elles en auront vraiment besoin.

Si vous souhaitez allaiter, sachez que les débuts peuvent être difficiles (à ce propos un autre excellent article de Co-naître : « Tu enfanteras dans la douleur, tu allaiteras dans le bonheur » de Mariella Landais, 2005), mais ne laissez personne vous faire douter de votre capacité à nourrir votre bébé. Avant la naissance, prenez contact avec des personnes susceptibles de vous soutenir efficacement, comme des sages-femmes libérales ou des associations de soutien à l’allaitement. N’hésitez pas à en voir plusieurs pour trouver quelqu’un avec qui vous vous sentiez à l’aise. Ainsi, à la moindre difficulté vous serez heureuse d’avoir quelqu’un qui vous proposera des solutions adéquates et vous aidera à les mettre en œuvre.