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Le maternage

mardi, juillet 22nd, 2008

Je vous ai indirectement parlé de maternage dans ces colonnes, et il me semble maintenant intéressant de revenir sur ce sujet. Si on en croit ce site web dédié au maternage,

Le maternage désigne l’art de s’occuper d’un enfant à la manière d’une mère. Cela sous-entend d’une part, que la manière de faire d’une mère diffère de celle de toute autre personne amenée à s’occuper d’un enfant qui n’est pas le sien. On sait bien que personne n’est plus habilitée que la mère biologique à interpréter les signaux de son nouveau-né et à y répondre adéquatement. Cela sous-entend aussi que le maternage est inscrit biologiquement en chaque mère. C’est ce qu’on appelle communément l’instinct maternel.

En pratique, le maternage s’inscrit généralement dans une approche très « nature » et tournée vers l’écologie. Suivi médical minimum pendant la grossesse, accouchement avec aussi peu d’intervention que possible (idéalement à la maison), allaitement long (jusqu’au sevrage naturel), couches lavables (voire hygiène naturelle infantile ou HNI pour les intimes), portage (avec un porte-bébé physiologique bien sûr), cododo, nourriture bio, éducation non-violente, etc. Petite récap sympa ici. Les materneuses sont généralement en froid avec le corps médical : puisque le postulat de base est que la mère sait le mieux ce qui est bon pour son enfant, elle finit tôt ou tard par remettre en question ce que lui préconise le médecin (à tort ou à raison, ce n’est pas le débat), lequel ne le prend généralement pas très bien. En particulier, elles rejettent pour la plupart totalement ou partiellement la vaccination et se tournent en priorité vers homéopathie, naturopathie et autres médecines alternatives. Si vous vous reconnaissez dans tout ça et souhaitez échanger avec d’autres materneuses, j’ai repéré deux forums sur lesquels vous trouverez votre bonheur (mais il y en a sûrement d’autres) :

http://lesmaterneuses.superforum.fr/

http://bebe-nature.forumactif.com/

Le maternage est notamment inspiré par d’autres cultures (voir Jean Liedloff et les indiens Yeqwana, son livre Le concept du continuum étant une des bibles du maternage), à tel point que le Figaro Madame a lancé le terme d’ethnopuériculture. C’est un des aspects sur lesquels je bloque un peu. Je trouve bien sûr qu’il est arrogant et stupide de prétendre que le mode de vie à l’occidentale est la seule et l’unique vérité, et qu’on a tout à gagner à voir ce qui se fait ailleurs et à s’inspirer des pratiques des autres. Mais de là à les ériger comme modèle absolu et à qualifier nos sociétés de dégénérées, je trouve qu’il y a un grand pas que je ne franchirai pas. N’oublions pas que ce sont dans les mêmes sociétés africaines qu’on portent leurs bébés en permanence, qu’on les allaite à volonté et qu’on dort avec, mais aussi qu’on pratique la polygamie et l’excision. Les Balinais dont Jean Liedloff vante (à juste titre) les mérites éducationnels liment les dents des adolescents pour les débarrasser des mauvais esprits (personnellement je risquerais fort de devenir le mauvais esprit de la personne qui tient la lime…).

En ce qui me concerne, on peut me définir comme materneuse puisque j’élève mon poussin en fonction de ce que nous (son père et moi) pensons et sentons être le mieux pour lui. Pourtant (entre autres hérésies) il n’a pas été allaité longtemps, il lui arrive de pleurer tout seul deux minutes avant de s’endormir et je ne vois pas de différence entre homéopathie et effet placebo…  Plus sérieusement, j’aime bien lire et me documenter, découvrir des théories et mieux comprendre le développement de l’enfant, mais j’essaie de toujours garder un certain recul, et surtout de ne pas tout prendre comme parole d’évangile. Je fais le tri, entre ce qui me parle et ce qui me semble moins approprié. Un des risques d’être à fond dans le maternage, à mon avis, c’est de s’oublier complètement, et ça n’est jamais bon. Par exemple, on vous a dit qu’il fallait allaiter un enfant complètement à la demande, mais vous avez le droit d’en avoir marre, et d’instaurer des règles (surtout s’il s’agit d’un bambin qui a tout à fait la capacité de gérer un peu d’attente). On a aussi le droit de n’adhérer qu’à une partie de la kyrielle de pratiques généralement associée au maternage : sinon on va devenir une sainte martyre qui n’en peut plus de laver des couches, de mixer des purées bio et de donner 17 tétées par nuit (retour à la case précédente : ne pas s’oublier). Il faut garder à l’esprit ce point fondamental : un enfant n’est pas heureux si sa mère n’est pas heureuse. Et il n’apprendra pas le respect s’il sent que sa mère ne se respecte pas elle-même.

J’ai fait un onglet maternage dans la liste de liens, qui présente des sites que je trouve assez radicaux. Je les lis avec intérêt même si je suis loin d’adhérer à tout ce qui y est écrit. J’imagine (j’espère !) que les lecteurs de ce blog font pareil : je ne veux pas m’ériger en grand gourou de la parentalité, juste aider les parents à comprendre les tenants et les aboutissants des options qui s’offrent à eux pour qu’ils puissent faire un choix éclairé (même si c’est avec un soupçon de ma mauvaise foi naturelle…). Je mets aussi l’accent sur certaines pratiques liées au maternage car elles souffrent souvent d’un déficit de promotion, et on ne peut pas faire un vrai choix si on ne connaît pas toutes les alternatives.

C’est comme ça que je vois le maternage : c’est à vous de prendre les décisions (avec le papa, même si pour certaines décisions concernant le corps de la mère c’est à elle de trancher et au père de dire « amen »), pas au pédiatre, pas à la copine (même si elle est materneuse !), pas à la grand-mère, pas à votre aîné, et pas au bébé. Il est souvent intéressant d’entendre l’avis de tout le monde, et surtout de faire confiance à ses enfants, mais au final c’est vous qui tranchez.

Le concept du continuum

lundi, février 11th, 2008

Continuum Comme beaucoup de parents, je lis un peu tout ce qui me tombe sous la main lorsqu’il s’agit d’éducation et de comment s’y prendre avec nos poussins. En général, ce qui me plaît le plus, ce sont les auteurs qui prônent grosso modo de faire selon son intuition sans trop se prendre la tête (ahem, d’où l’intérêt de lire ce genre de bouquin…). Récemment j’ai voulu en savoir plus sur le concept du continuum, la bible du maternage. Pour vous rassurer immédiatement sur ma crédibilité de blogueuse, je ne l’ai pas lu. Malgré tout, j’ai fait un grand tour sur le site officiel et je pense en avoir retiré la substantifique moëlle. N’hésitez pas à me reprendre dans les commentaires et à nous faire profiter de votre expérience.

L’auteur, Jean Liedloff, a participé à plusieurs expéditions au Venezuela où elle a pu partager la vie des Indiens Yequanas dans la forêt amazonienne. Ayant constaté à quel point ce peuple et en particulier leurs enfants avaient l’air heureux et paisible, elle a tenté de comprendre les bases de leurs principes d’éducation. Voici les principaux points qu’elle a développés :

  • le bébé doit être depuis la naissance en contact physique permanent avec sa mère ou une autre personne ; il ne doit quitter les bras (ou un porte-bébé) que vers 6-8 mois lorsqu’il commence à se déplacer
  • il doit dormir dans le lit de ses parents (avec les parents bien sûr) jusqu’à ce qu’il le quitte de sa propre initiative (généralement vers 2 ans)
  • il faut l’allaiter complètement à la demande
  • on doit répondre immédiatement à ses demandes (faim, sommeil, câlin, etc) sans dévaluer l’enfant comme pénible, mais sans non plus en faire le centre de l’attention

Bon, autant vous dire que ça ne me paraît pas transposable tel quel au mode de vie occidental (au mien en tout cas). En même temps, ça n’est pas très grave, car notre mode de vie n’est pas celui des Yequanas, donc il ne me semble pas choquant que les enfants y soient préparés différemment. Ce qui me semble le plus intéressant, c’est le dernier point, celui qui à mon sens est le corps de cette théorie.

L’idée de répondre à la demande aux besoins de l’enfant (ou au moins du nouveau-né) est de plus en plus populaire en Occident. Cette pratique centrée sur l’enfant peut tendre à le mettre sur un piédestal et à lui donner un sentiment de toute-puissance. Pour Jean Liedloff, c’est nocif. L’enfant a besoin de sentir que l’adulte qui s’en occupe sait ce qu’il fait et ce qu’il veut, et pas qu’il recherche son assentiment pour chaque acte simple du quotidien. En outre, c’est l’enfant qui doit s’intégrer dans la vie de ses parents et non l’inverse. Elle prône ainsi que les parents vaquent à leurs activités habituelles en compagnie de l’enfant sans chercher ni à en faire le centre ni à le repousser. Si au cours de cette activité l’enfant manifeste un besoin, il faudrait y répondre simplement puis retourner à cette activité dès que le besoin est satisfait, voire si c’est possible continuer ce qu’on faisait en s’occupant de l’enfant. Pour elle, les enfants sont naturellement sociaux, c’est-à-dire que leur disposition innée est de collaborer avec les adultes et de participer à leurs activités.

Je trouve ceci extrêmement intéressant pour plusieurs raisons. D’une part, cela va à l’encontre de l’idée reçue selon laquelle une éducation plutôt fusionnelle et à l’écoute de l’enfant devrait obligatoirement créer de petits tyrans. D’autre part, je suis largement déculpabilisée de tous ces moments où je suis avec mon poussin sans vraiment m’occuper de lui (sans parler de toutes ces tétées pendant lesquelles j’ai bouquiné, parlé au téléphone, regardé la (trash) télé… shame on me !).

Evidemment, tout ceci est très séduisant sur le papier : des enfants calmes et heureux, des parents qui n’élèvent jamais la voix… N’oublions pas que les Indiens Yequanas vivent quasi-nus (« tu vas mettre tes chaussures oui ! »), n’ont pas de canapé Roche Bobois en soie sauvage écrue (« aaaaah nooooooon pas le nutella »), ne doivent pas aller à l’école ou chez le pédiatre (« dépêche-toi maintenant on est en retard »), et n’ont pas de gadgets coûteux (« arrrgll mon iphone dégouline de bave »). En prime ils profitent d’une structure sociale resserrée où la mère peut facilement confier son enfant à sa famille ou à d’autres enfants plus grands.

Malgré tout, ces pistes me semblent intéressantes. Quelqu’un a testé ?