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Eduquer sans punition (1)

lundi, mai 16th, 2011

Avec le spot télé récent militant pour l’interdiction de tout châtiment corporel, beaucoup de débats autour de l’éducation des enfants ont refait surface. Je suis souvent déprimée par ce que je lis sur la question, et j’ai rarement le courage de poster l’unique (ou presque) commentaire en défense de ce type d’initiative (même si le spot en lui-même est loin d’être parfait mais ce n’est pas l’objet de mon billet). J’ai déjà abordé beaucoup de ces points dans d’autres billets (j’essaierai d’en faire une petite compilation à la fin de celui-ci), donc j’espère par avance que les plus fidèles lecteurs m’excuseront pour les redites.

Comme l’indique le sous-titre du blog, j’ai peu de certitudes en matière d’éducation et de puériculture. J’ai trouvé certaines solutions (allaitement, portage…) qui fonctionnent bien pour moi et pour ma famille, et je les partage ici, mais loin de moi l’idée de détenir la vérité absolue. Une des rares choses dont je suis certaine : les châtiments corporels, même légers, sont inutiles, car inefficaces et nocifs. Et il me semble que les punitions ne sont pas beaucoup plus performantes. Avant d’aller plus loin, il me semble important de préciser que cette affirmation n’a pas vocation à juger les parents qui les utilisent ou les ont utilisés. De nombreuses raisons peuvent expliquer le recours à une tape ou une fessée, mais à mon sens rien ne les justifie (à part la légitime défense mais j’ai du mal à imaginer un adulte dont l’intégrité physique soit sérieusement menacée par un enfant de deux ans). C’est d’ailleurs ce que les lois de notre société prévoient pour les adultes : toute violence corporelle est interdite, sauf en cas de légitime défense. A chaque fois que vous dites « ça n’a jamais fait de mal à personne », ou « il m’a poussé(e) à bout », ou « il faut bien qu’il comprenne les limites », pensez à cette phrase dans la bouche d’un homme qui parle de sa femme : intolérable. Pourquoi serait-ce différent pour un enfant ? Je ne pense pas qu’un enfant dont les parents aimants lui donnent une fessée ou une tape occasionnelle soit traumatisé à vie ou que ses parents soient maltraitants ou défaillants, mais simplement que tout le monde se porterait mieux sans. Je ne veux pas non plus m’ériger en modèle : je retranscris ici mes objectifs et mes idéaux, qui ne sont hélas pas ma pratique quotidienne, jalonnée d’erreurs et de défaillances variées.

D’abord un point essentiel mais que je ne vois que rarement évoqué : tout comme ils sont immatures physiquement, les enfants sont immatures psychologiquement. Ils n’ont souvent pas la capacité d’avoir le comportement et la gestion des émotions que nous attendons d’eux, ou en tout cas pas en permanence et en toute circonstance. Par exemple, le fait qu’un enfant ait accepté sans broncher qu’aujourd’hui Maman n’achèterait pas de bonbon au supermarché ne veut pas dire que demain, après avoir -au hasard- zappé sa sieste (mais cela peut aussi être une combinaison de facteurs plus subtiles à identifier), il parvienne à rester dans les meilleures dispositions lors d’un événement similaire. Or on n’attend d’un bébé de trois mois qu’il marche ou d’un enfant de deux ans qu’il escalade le Mont Blanc, et j’ose espérer qu’on n’imagine pas qu’une bonne claque ou une séance d’isolement accélèrerait l’acquisition de ces aptitudes. Au contraire, le parent lambda prendra simplement en compte cet état de fait dans son organisation, par exemple en s’équipant d’un dispositif type poussette ou porte-bébé, ou tout simplement en s’arrangeant pour ne pas emmener l’enfant. Bien sûr, le développement de la maturité psychologique est plus long et complexe à appréhender que le développement moteur, et les enfants, notamment par leur maîtrise du langage, peuvent nous donner l’illusion d’être plus avancés qu’ils ne le sont. Par ailleurs, certains auteurs comme Gordon Neufeld avancent que le développement de ces capacités ne peut se faire que si la sécurité physique et affective de l’enfant est garantie : la meilleure façon d’aider l’enfant à les acquérir ne serait donc pas de le punir ou de le frapper. Enfin n’oublions pas que nous-mêmes sommes rarement en pleine capacité de gérer nos émotions et d’adapter parfaitement notre comportement aux circonstances (comme en témoignent les fois où poussés à bout nous crions, insultons et/ou tapons nos enfants) : comment imaginer et exiger d’un enfant qu’il soit plus compétent que nous ?

Cela nous amène au point suivant : les enfants, surtout petits, apprennent par imitation. Donc la meilleure façon d’apprendre à un enfant à ne pas taper, c’est de ne pas taper. A ne pas crier, de ne pas crier. Je vous laisse poursuivre la liste (ou regarder cette petite vidéo, perturbante mais meilleure que celle citée en début d’article je trouve)… Je ne vous cache pas que ça ne m’arrange pas vraiment : bien sûr qu’il est plus simple de gueuler un bon coup que maintenant mon coco tu vas la boucler ou tu t’en prends une, que de travailler chaque jour, à chaque instant sur moi-même pour ne pas céder à mon premier instinct. Ne soyons pas non plus simplistes, l’imitation n’est pas le seul canal d’apprentissage, et il n’est évidemment pas automatique que nos enfants reproduisent tous nos défauts. Mais ne nions pas pour autant son importance. Pour ma part, après avoir traversé une phase avec quelques pétages de câble (genre hurlements et claquage de porte -finalement la version adulte du gosse qui se roule par terre si on y réfléchit…), j’ai constaté que de prendre sur moi pour les éviter autant que possible donnait vraiment de meilleurs résultats et une meilleure ambiance à la maison. Et à la réflexion, demander de mes fils un comportement adulte en me comportant comme si j’avais 18 mois est assez paradoxal…

Tout cela (ainsi que certaines lectures), à contre courant de ce que la « sagesse » populaire nous répète, m’a amenée à réfléchir à la place que je souhaite donner aux enfants, et aux miens en particulier, à ce que j’attends d’eux, à ce que je veux leur transmettre et leur apprendre. Le spectre du parent impuissant et permissif tyrannisé par un enfant-roi n’est jamais loin, mais il révèle en négatif le parent « idéal », qui mène sa famille mieux qu’un général dirige ses troupes et à qui les enfants obéissent au doigt et à l’œil. Assis couché tais-toi donne la papatte. Ma grand-mère me disait un jour : « C’est dramatique, aucun de mes petits-fils ne serait capable de faire la guerre de 14. » Moi je ne trouve pas ça dramatique du tout, bien au contraire. J’espère bien que mes fils ne passeraient pas quatre ans dans les tranchées à tenter de zigouiller des inconnus sans se poser de sérieuses questions. Et qu’avant ça ils n’éliraient personne proposant ce type de programme. On ne fait plus des bons petits soldats pour qui la valeur suprême est d’obéir à l’autorité. On fait (avec plus ou moins de succès, je vous l’accorde) des adultes responsables, qui se posent des questions et réfléchissent à ce qu’ils veulent eux et forgent leur propre échelle de valeurs. En réalité, on est sans doute plutôt dans la transition à tirer à hue et à dia, ce qui explique la confusion actuelle.

Au-delà des clichés entretenus par certains médias, il suffit de parler avec des profs (si vous n’en avez pas dans votre entourage, vous pouvez lire Princesse Soso par exemple) pour comprendre qu’il y a effectivement un nombre non négligeable d’enfants et d’adolescents en pleine carence éducative. Je n’ai pas d’expertise sur cette question, et ne souhaite pas verser dans le café du commerce, mais il me semble que les appels à la fermeté parentale, y compris physique, sont un peu simplistes. « Vous n’avez qu’à être plus ferme », plus facile à dire qu’à faire. « Sans fessée les parents sont dépossédés de leur autorité’, mais bien sûr. La vérité, c’est qu’élever des enfants demande un temps, une énergie, un investissement personnel conséquents. La vérité, c’est que les enfants ont un bullshitomètre de compétition et qu’ils ont besoin d’adultes de qualité en face d’eux. La fessée et les punitions ne sont qu’un coup de peinture pour tenter d’empêcher un édifice en ruines de s’écrouler, quand ce qu’il faut à l’enfant c’est d’être vraiment pris en charge, par des adultes en cohérence les uns avec les autres. Pour une vision en profondeur de la complexité du problème, je vous invite à lire Jean-Pierre Rosenczweig, qui est juge des enfants dans le 9-3, et qu’on peut donc imaginer assez bien en prise avec la réalité.

Pour moi, l’éducation c’est, comme le dit François de Singly : Aider l’enfant à devenir lui-même. C’est prendre en compte que les enfants sont à la fois des personnes dignes du même respect que les adultes, et qu’ils sont petits et donc ont des besoins différents. Je souhaite que mes poussins me respectent, pas qu’ils me craignent. Qu’ils écoutent ce que j’ai à leur dire parce qu’ils savent que je les aime et que je veux qu’ils soient heureux. Pas parce qu’ils ont peur que je me fâche ou que je les frappe. Cela veut dire aussi qu’en retour je les respecte aussi et que j’accepte qu’ils ne soient pas toujours d’accord avec moi, qu’ils aient d’autres idées, qu’ils fassent d’autres choix. Ce n’est pas simple, car j’en suis (avec le Coq*) responsable, et leur manque de maturité physique et psychologique demande à ce que nous prenions pour eux des décisions et que nous les appliquions. C’est l’exercice de l’autorité parentale. Comme le formule très clairement l’article 371-1 du Code civil :

L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient au père et à la mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.

 

Avant la fin de la semaine, deuxième partie : des idées concrètes pour s’en sortir au quotidien. En attendant, quelques lectures qui m’ont aidée à clarifier ma vision des choses (les deux premiers sont pour moi des incontournables) :

  • Retrouver son rôle de parent, de Gordon Neufeld et Gabor Maté
  • Parents efficaces, de Thomas Gordon
  • Comment aider l’enfant à devenir lui-même ?, de François de Singly (je n’ai pas fait de compte-rendu, shame on me)
  • Isabelle Filiozat : Au coeur des émotions de l’enfant et Il n’y a pas de parent parfait (pas de billet non plus, bouououh) ; je ne suis pas une grande fan du style de Filiozat mais je suis globalement d’accord avec son message et je sais qu’il est très parlant pour d’autres.

Je n’ai pas lu mais cela a l’air intéressant :

  • Plaidoyer pour l’enfant roi, de Simone Korff Sausse (voir un résumé ici)

 

*Ces billets visent à exposer mes réflexions et points de vue, pas ceux du Coq, d’où leur rédaction à la première personne du singulier. Cela ne veut pas dire qu’il ne les partage pas et encore moins qu’il n’est pas pleinement investi dans l’éducation de nos enfants, mais ce n’est pas ce que je souhaite aborder ici.

Photo : Le prof le plus pédagogue d’Hogwarts en pleine action

Allez Edwige !

jeudi, novembre 19th, 2009

fessee Vous avez sans doute entendu l’info : la célèbre pédiatre Edwige Antier, qui est également députée UMP, souhaite faire voter une loi qui interdise tout châtiment corporel, y compris la si populaire fessée. La loi serait inscrite au code civil et non au code pénal, ce qui fait qu’elle aurait surtout une valeur symbolique. Si vous traînez un peu sur ce blog, vous vous doutez que j’applaudis des deux mains l’initiative. Par contre je trouve la façon dont elle a été reçue très déprimante. J’ai hésité à refaire un billet sur le sujet mais ce concert de clichés sur l’enfant-roi-à-qui-une-bonne-paire-de-baffes-ne-ferait-pas-de-mal m’a décidée à exprimer une autre voix.

Je me suis déjà largement exprimée sur le sujet dans ces colonnes et vous n’êtes pas sans savoir que si j’ai renoncé à beaucoup de principes, je reste très engagée sur celui d’éduquer sans taper. Je crois, comme François de Singly, que notre société est en train de changer profondément, qu’il n’est plus question de former des bons petits soldats mais au contraire des adultes responsables, épanouis, formés à l’esprit critique et à l’exercice démocratique. Les tapes et autres fessées ne vont à mon avis pas du tout dans ce sens. A court terme elles sont peut-être efficaces pour faire intégrer un interdit mais à long terme l’enfant comprend que le vrai problème est de ne pas se faire prendre, sans avoir compris la raison de l’interdit. Et l’autre message est que si on est le plus grand, le plus fort, celui qui a raison, voire celui qui a été poussé à bout, alors on a le droit de faire valoir son point de vue par la brutalité physique. Or nos lois sont claires : la seule raison acceptable de s’en prendre physiquement à autrui c’est la légitime défense… Sans compter le problème de l’enfant devenu grand : certes les bambins peuvent nous en faire voir de toutes les couleurs (j’ai le même à la maison…) mais que faire avec un ado ? Donner une tape sur la main à un grand dadais d’1,90 m pour l’empêcher de fumer ou de dépasser son forfait ? Quant à l’argument qu’une bonne fessée n’a jamais fait de mal à personne, et puis qu’on s’en est pris enfant et qu’on ne s’en porte pas plus mal… il est mis à mal par les nombreuses études qui montrent au contraire que les châtiments corporels sont délétères pour les enfants (voir une liste ici par exemple). Notons enfin que toutes les professions qui s’occupent d’enfants (nounous, puéricultrices, enseignants, animateurs…) ont interdiction formelle d’utiliser ces châtiments corporels et que pour autant ils semblent s’en sortir pas si mal.

Et il y a encore bien d’autres raisons, mais le vrai problème est comment faire ? Car contrairement à ce qu’on lit partout, élever un enfant sans fessée (voire sans punition) ce n’est pas renoncer à lui poser des limites, ça n’a même rien à voir. C’est à mon avis la seule faiblesse de l’initiative : dire aux gens qu’ils doivent abandonner des pratiques inutiles et nocives, c’est bien, mais ne pas leur proposer de nouvelles façons de faire, c’est un peu court. Tout d’abord nous avons encore une vision bien ancrée de l’enfant comme un petit être manipulateur pervers qu’il faut mater à tout prix et qui doit comprendre qui commande. Or de la même façon que les enfants sont immatures physiquement, ils sont immatures psychologiquement. Les enfants mettent du temps à apprendre à marcher, puis à pouvoir le faire sur de longues distances. On n’imagine pas leur donner une fessée pour qu’ils marchent plus vite ou plus longtemps, on les met simplement dans un porte-bébé ou une poussette jusqu’à ce que leurs capacités soient suffisantes. De la même façon être en mesure de résister à une pulsion, de prendre en compte les besoins et les sentiments de l’autre, de gérer une déception ou simplement d’évaluer les conséquences d’un acte demandent une certaine maturité cérébrale, qui n’est vraiment atteinte -quand elle l’est…- qu’après l’adolescence (même si elle se construit au fur et à mesure). Cet apprentissage est long et difficile, avec de nombreux ratés. Il est également très frustrant pour les adultes qui l’accompagnent, surtout qu’ils sont confrontés à des attentes irréalistes de la société vis-à-vis de l’enfant. C’est très pénible de traîner un enfant qui fait une crise en rentrant du square/du magasin/autre, j’en sais quelque chose, mais voilà, les enfants c’est fatigant et parfois très pénible, ça fait partie du job. En plus, l’organisation de notre société ne nous facilite pas la tâche : que ce soient les parents qui travaillent et doivent jongler entre plusieurs vies dans une même journée ou ceux qui restent au foyer et se retrouvent isolés en tête à tête avec un ou plusieurs petits et peu de contacts adultes, notre patience est déjà mise à rude épreuve.

Et plus concrètement, il y a plein d’outils pour apprendre la vie en société à nos enfants sans passer par les menaces physiques, et on en a déjà cité pas mal sur ce blog.

Des livres (vous n’êtes pas obligés de tous les lire, et si vous lisez déjà les articles écrits par votre poule préférée vous pourrez faire un peu de tri) :

Des documents courts à lire sur le net :

D’autres articles du blog sur le même thème (avec plein de commentaires très intéressants) :

Pour finir, je tiens à rappeler que les parents sont juste humains. Si vous arrivez jusqu’à ce blog et que vous avez lu tout ça, c’est probablement parce que comme moi vous aimez vos enfants et que vous essayez de faire de votre mieux. Loin de moi la prétention de vouloir dire qui est un bon parent et qui ne l’est pas. Notre société a une fâcheuse tendance à nous juger et à nous accabler de tous les torts plutôt qu’à nous aider. Nous essayons de trouver une nouvelle façon d’élever nos enfants mais nous manquons cruellement de références et d’exemples, et les vieux réflexes ont vite fait de reprendre le dessus. Les enfants nous font perdre patience, ils nous poussent dans nos derniers retranchements et souvent même au-delà. On finit par faire des choses dont on n’est pas fier (moi la première), et je crois que finalement le fait justement qu’on se remette en question et qu’on reconnaisse nos erreurs, est un bel exemple pour nos enfants, ainsi qu’une occasion pour nous d’évoluer.

Pour finir je vous laisse méditer sur cette définition du mot « parents » :

Deux personnes qui apprennent à un enfant à parler et à marcher, pour ensuite lui dire de s’asseoir et de se taire.

(Image : Ne vous inquiétez pas, la fessée entre adultes consentants resterait autorisée…)

Parler pour que les enfants écoutent…

jeudi, mai 7th, 2009

faber_mazlish Ça y est ! Je l’ai enfin lu ! Le fameux livre de Faber et Mazlish : Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent. Je l’ai lu en anglais, car d’une part je voulais éviter une mauvaise traduction, et puis plus prosaïquement la VF est plus difficile à trouver (voir les occasions, les bibliothèques et la Leche League par exemple).

Ma première impression (confirmée par le Coq, qui a fini par s’y mettre aussi) : c’est un copié-collé du Parents efficaces de Gordon ! Etant donné que ce sont tous des auteurs étatsuniens, je me demande même comment ils ne sont pas tous en procès les uns avec les autres (si ce n’est que ça ne collerait pas trop avec l’approche communication non violente ?). Et d’après les dates indiquées dans chacun de ces livres, Gordon est antérieur, ce qui me pousse à lui donner la primeur de l’idée.

Enfin faisons quelques instants abstraction de Gordon et penchons-nous sur le livre du jour. A mon avis, son principal intérêt est d’être extrêmement didactique, avec des tas d’exemples et de trucs très concrets, des BD (mais 80’s style, j’ai mis une trentaine de pages à réaliser que la mère ne portait pas une charlotte de douche mais une sorte de bandeau étrange) et des récapitulatifs d’une page en fin de chapitre à photocopier et à accrocher dans la maison. Je ne vais pas parler de la substantifique moelle, parce que je l’ai déjà fait dans mon article sur Parents efficaces (oups je reparle quand même de Gordon).

C’est donc un bon livre mais :

  • soit vous avez déjà lu le Gordon et vous pouvez donc vous en passer,
  • soit vous l’avez déjà lu et vous n’avez cure de mon article,
  • soit vous n’avez ni l’un ni l’autre et je crois que je vous conseillerais quand même Gordon (malgré la mauvaise traduction et les exemples datés), parce qu’il met mieux en perspective notre conception de l’enfant et la façon dont nous voyons notre relation avec lui : en plus de l’aspect pratico-pratique, il a un côté plus « philosophique » que je trouve plus intéressant. D’un autre côté, Gordon peut sembler rébarbatif à certains, ou en tout cas plus que Faber et Mazlish. Donc disons que Parler pour que les enfants… sera peut-être plus abordable.

Et vous, vous préférez lequel ?

Au coeur des émotions de l’enfant

lundi, novembre 17th, 2008

La bibliothèque de mon quartier n’est pas très bien achalandée, donc quand j’ai vu qu’ils avaient Au coeur des émotions de l’enfant d’Isabelle Filliozat, j’ai sauté sur l’occasion. Il faut dire que ce livre a très bonne presse auprès des tenants de l’éducation non violente (dont je suis).

Quelques mots sur l’auteur d’abord : psychologue et psychothérapeute, Isabelle Filliozat est aussi mère de deux enfants. Elle a écrit un certain nombre de bouquins, et anime régulièrement conférences et formations. Elle exerce du côté d’Aix-en-Provence. Pour en savoir plus, voir son site web et notamment sa présentation.

Le livre est globalement facile et agréable à lire (beaucoup d’exemples), et les idées qui y sont développées tout à fait dans la lignée de mes lectures précédentes. En vrac :

– Les enfants sont de véritables buvards à émotions qui ont une forte tendance à prendre pour eux les problèmes et peurs de leurs parents, ce qui les conduit à des comportements bizarres et souvent inadéquats, voire franchement pénibles. La solution étant que le parent prenne conscience de son problème et en parle à l’enfant pour l’en délester.

– Si on ne répond pas aux besoins d’un enfant, il en déduit que c’est lui qui est indigne qu’on s’occupe de lui, plutôt que d’attribuer la responsabilité de son malheur à ses parents (ou à ceux qui s’occupent de lui). L’auteur fait bien sûr le distingo entre les besoins, physiques (nourriture, hygiène…) et moraux (réconfort…), et les désirs (bonbons, jouets…).

– La colère est une émotion saine qu’il convient d’exprimer (et d’accompagner chez l’enfant). Ce qui pose problème est différent : ce sont la violence et l’agressivité qui peuvent découler d’une colère mal gérée.

Je ne peux pas vous en dire plus car le Poussin s’est pris d’amour pour le livre et ne veut plus le lâcher.

Globalement un livre intéressant et agréable à lire, même si l’omniprésence d’exemples un peu psychomagiques, où l’enfant passe sans transition de petit démon à petit ange juste parce que maman lui a dit qu’elle était stressée parce que ses Manolo Blahnik lui font mal aux pieds (désolée j’ai regardé Sex and the City hier), peut parfois être un peu irritant. Bon je suis un peu de mauvaise foi (mais c’est ce qui fait mon charme… non ?), d’autant plus que l’auteur rappelle que le psy n’est pas la réponse à tout. En fait le vrai problème de ce livre c’est de l’avoir lu après Gordon Neufeld et Thomas Gordon. Parce que globalement ça ne m’a pas apporté grand chose de plus, et que j’ai trouvé la théorie de Neufeld beaucoup plus fouillée et riche, et les conseils de Gordon plus pragmatiques et mieux expliqués.

En bref j’ai trouvé ce livre intéressant, mais pas indispensable. Du coup j’hésite à me mettre en chasse du Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent de Adele Faber et Elaine Mazlish, qui est apparemment difficile à trouver. Quelqu’un l’a lu  ? ça vaut le coup ?

Parents efficaces

jeudi, octobre 9th, 2008

 Après en avoir entendu le plus grand bien par Fleur, je suis tombée l’autre jour chez Auchan sur Parents efficaces : une autre écoute de l’enfant de Thomas Gordon. Pas cher en plus (5 € et des brouettes), l’occasion fait le larron. Autant vous le dire tout de suite, je n’ai pas regretté. Sauf peut-être la traduction, dont je soupçonne qu’elle ait été faite par des Québécois (« Jean a vidé tout le placard à chaudrons de la cuisine. » Euh, on est chez Harry Potter là ??). Sans compter le petit effet 70’s (le livre a été écrit en 1970) qui donne aux dialogues des exemples un petit air de sortir des studios d’AB Productions. Mais à mon avis il faut passer outre, parce que le fond est vraiment intéressant. C’est une vraie remise en question de la conception de l’éducation et de la place de l’enfant telles que généralement admises dans notre société. Et je trouve que le livre est très complémentaire de Hold on to your kids (voir ici et ), ce dernier étant plutôt théorique tandis que Parents efficaces se concentre sur la pratique.

D’abord quelques mots sur l’auteur. Thomas Gordon était (il est mort en 2002) docteur en psychologie clinique, et s’est rendu célèbre par sa méthode de résolution des conflits « sans perdant », qu’il a appliquée à l’éducation mais aussi pour les enseignants et le monde de l’entreprise. Il a été proposé trois fois pour le prix Nobel de la paix. Ses travaux sont dans la lignée de ses illustres prédécesseurs Carl Rogers et Abraham Maslow.

Il nous invite à reconsidérer la place que nous accordons à nos enfants et la façon dont nous voulons diriger leur comportement. Pour lui, les enfants ne sont pas des petits démons à dompter à tout prix, mais des personnes à part entière, qui bien qu’immatures ont droit à être respectées et traitées comme telles. L’éducation vise là à aider l’enfant à développer sa personnalité et à s’épanouir plus qu’à lui inculquer de gré ou de force une certaine façon de se comporter. Autant vous dire tout de suite que si vous souhaitez des enfants « à l’ancienne », qui ne parlent que lorsqu’on leur donne la parole et sont « sages comme des images », ça ne sert à rien de lire ce livre. Par contre il ne faut pas croire que pour autant l’auteur prône la permissivité et le laisser-faire : l’enfant doit apprendre à respecter les besoins des autres (à commencer par ses parents) tandis que ses parents respectent les siens.  

Alors quelle est cette fameuse « méthode sans perdant » ? Gordon part du principe que chaque individu a ses besoins, qu’il doit combler. Les conflits arrivent lorsque la satisfaction des besoins de deux personnes (ou plus) apparaît inconciliable.  

La première étape est de déterminer qui a un problème. Si votre enfant a perdu son camion préféré, c’est lui qui a un problème. S’il joue du tambour pendant que vous essayez de faire la sieste, c’est vous qui avez un problème. Votre enfant traîne pour s’habiller le matin et vous met en retard : c’est la relation qui a un problème.

Comment résoudre un problème appartenant à l’enfant ? Gordon préconise l’écoute active, afin de conduire l’enfant à trouver lui-même une solution à son problème. En pratique, ça consiste à écouter l’enfant expliquer son problème en reformulant ce qu’il vient de dire. La reformulation ne doit pas être une bête répétition mais montrer que l’adulte a bien décodé les sentiments exprimés (souvent indirectement) par l’enfant. Par exemple à « j’ai perdu mon camion » on répond « Tu es triste d’avoir perdu ton camion. » Cela peut paraître une façon très contre-intuitive de répondre mais apparemment ça marche. Dans le doute vous pouvez juste faire « hmmm » ou ne rien dire. Si vous vous abstenez d’avancer tout jugement ou solution, l’enfant va petit à petit cheminer jusqu’à trouver lui-même la solution à son problème. Petit à petit, il comprendra qu’il peut régler ses problèmes seul et viendra moins souvent vous bassiner avec. L’écoute active lui donnera en outre l’impression d’avoir été compris et il ne pourra pas vous en vouloir si la solution ne lui convient finalement pas puisque c’est lui qui l’aura trouvée. Cette façon de faire s’applique aussi lorsque l’enfant se fait mal. Dire « Oh mon pauvre tu as mal/tu as eu peur » est plus efficace que « Ce n’est rien arrête de pleurer tout de suite. » (Attendez quand même qu’il pleure effectivement, on a tous vu des enfants qui après une chute attendent que l’adulte les regarde pour se mettre à pleurer…).

Si c’est vous qui avez un problème avec le comportement de l’enfant, il faut l’exprimer à l’aide d’un « message-je ». C’est-à-dire « Je trouve très pénible que tu fasses beaucoup de bruit avec ton tambour pendant que je fais la sieste, ça m’est insupportable. », plutôt que « Arrête ce bruit horrible tout de suite » ou encore « Tu es insupportable avec ton tambour ». A noter que « je trouve que tu es un gros con » n’est pas un « message-je » mais un « message-tu » déguisé (même si ça soulage grave). Il faut que le message exprime clairement votre sentiment, donc n’hésitez pas à prendre le ton proportionnel à votre énervement. Par ailleurs l’enfant ne va pas forcément deviner vos besoins si vous ne les exprimez pas. Il faut également exprimer son vrai sentiment. Par exemple si votre enfant s’est perdu dans le magasin, votre vrai sentiment est la peur que vous avez éprouvée qu’il lui arrive quelque chose, suivie du soulagement de l’avoir retrouvé. Le problème est que personne n’aime ressentir cette peur, alors généralement elle se transforme vite en colère et en agressivité contre celui qui vous l’a causée. Mais c’est la peur qu’il faut exprimer à l’enfant, pas l’agressivité qui en découle. Vous pouvez aussi exprimer vos besoins préventivement, par exemple en aménageant votre maison pour qu’il ait un petit coin où il puisse tout déranger et jouer tranquille. 

Si les deux personnes ont un problème, elles doivent ensemble chercher une solution qui permettent de satisfaire les besoins des deux : c’est la Troisième Méthode (oui oui, avec des majuscules s’il vous plaît). La discussion doit être conduite à base d’écoute active et de messages-je. Cela ne marchera que si vous exprimez vraiment vos besoins, en faisant la part de ce qui est important pour vous et de ce qui ne l’est pas (si vous restez totalement bloqué sur votre position initiale). Il faut également considérer comme valables les solutions proposées par l’enfant. Dans l’exemple de l’enfant qui traîne et vous met en retard le matin, c’est peut-être qu’il voudrait passer plus de temps avec vous : se réveiller cinq minutes plus tôt pour commencer la journée par un gros câlin familial pourrait permettre à tout le monde de partir du bon pied ? Ou peut-être qu’il traîne pour s’habiller parce qu’il n’aime pas les habits que vous lui avez sortis : les choisir ensemble la veille permettrait de résoudre le problème. Avec ce type de solution, vous n’avez pas transigé sur votre vrai besoin (être à l’heure le matin) et vous avez pu prendre en compte le besoin de l’enfant. Et comme tous les êtres humains, l’enfant est beaucoup plus motivé pour appliquer une décision à laquelle il a participé et pour laquelle on s’est assuré de son accord. 

Alors pourquoi Troisième Méthode ? Gordon appelle Première Méthode le mode de résolution des conflits où les parents imposent leur solution (ils gagnent), et Deuxième Méthode celui où c’est l’enfant décide (c’est lui qui gagne). La première est la plus répandue, et reflète bien la place accordée aux enfants : ils n’ont qu’à obéir. Pourtant si on y réfléchit personne n’accepterait qu’on lui parle de la façon dont on s’adresse aux enfants. Chacun a pourtant des conflits avec son conjoint, ses voisins, ses amis, ses collègues, et trouve un moyen de les résoudre sans recourir à une méthode autoritaire. La Première Méthode marche tant qu’on arrive à faire peur à l’enfant, mais que faire quand les menaces ne prennent plus ? Entrer dans une escalade de violence, physique et/ou verbale ? La Deuxième Méthode n’est pas meilleure, car elle rend les enfants égoïstes et incapables de s’insérer socialement, puisque ne sachant pas prendre en compte les besoins des autres. Quant aux parents ils finissent par en vouloir sérieusement à ces mômes qui leur rendent la vie infernale. 

Bien sûr le résumé que je vous fais est assez grossier, et si cette façon de faire vous intéresse, le mieux est encore de lire le livre. Celui-là ou un autre car il y a aussi Parents efficaces au quotidien, tome 2 et Eduquer sans punir : apprendre l’auto-discipline aux enfants, sans compter les livres à destination des enseignants et des managers, qui peuvent également appliquer ces techniques. Si quelqu’un les a tous lus et sait par lequel il vaut mieux commencer (et à quel point ils sont redondants) qu’il ou elle n’hésite pas à nous en faire part dans les commentaires. La méthode Gordon se décline également sous forme de stages et de formations, voir par exemple Gordon France.

Si vous êtes intéressés par l’éducation dite non violente (pas de châtiments de corporels, mais aussi sans punition ni récompense), voici quelques liens pour amorcer ou approfondir la réflexion :

N’hésitez pas à en ajouter d’autres en commentaire !