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Entre leurs mains

dimanche, décembre 15th, 2013

 J’ai eu la chance d’être invitée à l’avant-première du film Entre leurs mains, un documentaire sur l’accouchement à domicile. J’y allais un peu nez au vent, n’ayant pas trop suivi le projet, et j’ai eu une très bonne surprise. Après quelques minutes, j’ai été happée et je n’ai plus vu le temps passer. D’habitude je n’aime pas trop les documentaires militants (même quand ils militent pour des causes que je soutiens), qui ont une fâcheuse tendance à en faire des tartines aux dépens de l’honnêteté intellectuelle la plus basique. Ce n’est pas le cas d’Entre leurs mains, qui fait un excellent travail, tout en sobriété et en finesse. J’ai aussi beaucoup apprécié l’équilibre délicat entre l’émotion et les arguments rationnels (ainsi que l’absence des chants mayas chers à mon amie 10 lunes). Très simplement, le film suit quatre sages-femmes qui ont fait ce choix d’accompagner des femmes et des couples dans leurs projets de naissance physiologique et respectée, à la maison ou en plateau technique. Il aborde aussi bien les raisons qui poussent les femmes dans ce choix, les questions que suscite cette approche de la naissance (tant du côté parents que du côté sage-femme), que les obstacles qui s’empilent contre elle.

Quelques mots d’abord sur l’accouchement à domicile (AAD) et l’inévitable question de la sécurité. On parle là d’une pratique extrêmement définie et cadrée, et pas comme on l’entend souvent d’un retour en arrière ou d’accoucher « comme les Africaines » (qui comme chacun sait forment un grand tout homogène). En réalité, il s’agit plutôt d’accoucher comme les Allemandes, les Suissesses, les Néerlandaises, les Anglaises… Les femmes qui font ce choix sont soigneusement sélectionnées en amont grâce au suivi prénatal : sont exclus les jumeaux (ou plus !), les bébés en siège, les prématurés et toutes les pathologies. Elles doivent également pouvoir être transférées facilement vers une maternité en cas de complication. La présence continue auprès de la femme de la sage-femme, avec les compétences et le matériel appropriés, permet une détection précoce des problèmes pouvant survenir en cours de travail. L’Association nationale des sages-femmes libérales récapitule tout cela dans sa charte de l’AAD.  Par ailleurs, la revue Cochrane sur le sujet, publiée en 2012, conclut qu’en l’état des connaissances… on ne peut pas conclure. Globalement il faut être vigilant sur les études sur le sujet qui mélangent souvent plusieurs types de naissances à domicile : non planifiées, avec une variété d’accompagnement (aux USA notamment il y a plusieurs « sortes » de sages-femmes, aux compétences différentes)…

Personnellement, ce que j’ai vu en filigrane tout le long du film et dans le débat qui a suivi, c’est le féminisme, même si le mot n’a jamais été prononcé. Des femmes qui se battent pour faire respecter leurs choix et leur corps, ça vous dit quelque chose ? Des femmes qui se battent pour offrir cette liberté, cette autonomie à d’autres femmes (les sages-femmes sont majoritairement des femmes même s’il y a aussi des hommes) ? Se battre est bien le mot, puisque tout est fait pour décourager ces pratiques. Au delà de l’opprobre qui pèse tant sur les femmes (forcément folles inconscientes) que sur les sages-femmes (des sorcières, voire des gourous sectaires), et qui use même les meilleures volontés, il y a la résistance active du reste du système de santé : les maternités qui refusent les inscriptions des femmes ayant un projet d’AAD (alors que c’est justement la condition de la sécurité), les femmes en transfert mal accueillies, les plateaux techniques qui restent fermés aux sages-femmes libérales (sauf de très rares exceptions)… et surtout l’assurance, obligatoire pour tout professionnel de santé, qui monte à 20 000 € par an pour pratiquer l’AAD, ce qui est totalement inenvisageable dans les conditions actuelles de leur rémunération (une sage-femme qui va se rendre disponible 24h/24 7j/7 pour accompagner une femme qui accouche, aussi longtemps que nécessaire, touchera 313,60 € de la Sécu, incluant le suivi des suites de couches). Ainsi ces sages-femmes travaillent à la limite de la légalité, risquant de fortes amendes, de la prison et la radiation de l’Ordre des sages-femmes (soit l’interdiction d’exercer leur passion et surtout leur gagne-pain).

Clarifions également un autre malentendu : personne dans le film (ou dans les défenseurs de l’accouchement physiologique que je connais d’ailleurs) ne milite pour interdire la péridurale ou pour imposer une nouvelle façon de faire aux femmes. Il ne s’agit surtout pas de faire de l’accouchement une nouvelle épreuve de bonnematernitude. L’objectif est d’une part que les femmes bénéficient d’informations leur permettant un choix éclairé, et d’autre part que ce choix ne soit pas purement virtuel. A mon sens, le problème relève de plusieurs difficultés :

  • les réticences de certains professionnels de santé à remettre en cause leurs pratiques, en dépit des preuves scientifiques de leur inutilité voire de leur nocivité (ainsi le monitoring continu entraîne plus d’interventions sans diminuer la mortalité infantile par rapport au monitoring intermittent, ainsi l’utilisation du Syntocinon augmente le risque d’hémorragie de la délivrance, etc), le tout mâtiné d’un certain paternalisme
  • un système de santé qui pense faire des économies sur le dos des femmes en remplaçant les sages-femmes par des machines-qui-font-PING (poke les Monty Python -à voir ABSOLUMENT)
  • l’inflation du risque médico-légal qui se retourne contre les patientes, les médecins et sages-femmes étant généralement poursuivis pour n’être pas intervenus plutôt que pour l’avoir fait inutilement

Le film en outre ne veut absolument pas opposer l’AAD à la naissance à l’hôpital, mais demande leur coexistence, ainsi qu’une meilleure prise en compte de la physiologie dans les maternités. Au delà des quelques inévitables sombres connards, il y a dans les hôpitaux une large majorité de gens qui font du mieux qu’ils peuvent avec les contraintes qu’ils subissent (de moyens, mais aussi de formation insuffisante sur l’accouchement physiologique -point bien abordé dans le film).

En tant que femme, en tant que féministe, je pense que ce film doit être aussi largement diffusé que possible. Il est intéressant de noter qu’il n’a pu voir le jour que grâce au soutien financier des particuliers, parmi lesquels une large majorité de femmes, si j’en crois le générique de fin. Il faut que les femmes et les filles (et aussi les hommes) sachent qu’une naissance peut être un évènement puissant et paisible, très loin des représentations hystériques qu’on en donne habituellement. Il faut mettre parmi les revendications féministes de premier plan : « une femme qui accouche, une sage-femme » (j’en avais déjà parlé il y a un moment, et c’est apparemment le cas au Royaume-Uni, d’après une des sages-femmes du film). Il n’est pas acceptable que 85% des femmes qui subissent une épisiotomie ne soient pas consultées (voire même pas informées). En France on est à 800 000 naissances par an : même en enlevant les naissances multiples et celles qui ont la « chance » d’accoucher deux fois dans l’année, ça fait quand même un paquet de femmes concernées.

Pour voir le film : il sera diffusé (en version courte) pendant les vacances sur Public Sénat (qui fait partie des financeurs, ayant identifié la dimension politique du sujet). Les dates sont disponibles ici (je comprendrai que ce ne soit pas votre priorité le 24 décembre à 22h30…). J’étais bien entourée pendant la projection, et mes camarades sages-femmes ont eu la souris plus vive que la mienne pour donner leur avis :

I have a dream

mercredi, décembre 8th, 2010

sagefemme E-zabel témoignait l’autre jour sur son blog de son expérience du baby blues et de la dépression du post-partum. Il est évidemment crucial d’informer les femmes de la possibilité de l’un comme de l’autre afin de les préparer au mieux à les affronter le cas échéant ; un tel billet est un formidable moyen de communiquer sur cela et je ne vais pas ici le décrire. Ce qui m’interroge, c’est la part de responsabilité de l’entourage de la jeune mère dans ces cas. En effet, autant il est important de savoir qu’il y a des processus hormonaux qui peuvent influencer l’humeur et le comportement, de façon parfois très forte, autant je trouve que les hormones ont parfois bon dos. Une jeune femme qui pleure à la maternité ? C’est les hormones, c’est le baby blues ! Êtes-vous sûr que ça n’a rien à voir avec le fait que depuis 6 heures du matin un(e) parfait(e) inconnu(e) entre dans sa chambre toutes les demi-heures environ pour des choses aussi urgentes que la prise de température ou une photographie de son bébé ? Alors que son bébé venait enfin de s’endormir du sommeil du juste vers 5h53 ? Ou encore cette vague impression d’avoir Hiroshima entre les jambes grâce au duo gagnant forceps/épisio ? Le fait qu’il faille rendre des comptes précis sur la quantité de lait ingérée (à la goutte près) et de selles produites (description quantitative et qualitative) sur les dernières 24 heures, qui conduit généralement les mères inexpérimentées à culpabiliser d’avoir oublié si bébé a tété 12 ou 17 minutes le sein gauche à 3h54 du matin et celles qui ont plus de bouteille à mentir ? Qu’on suggère insidieusement qu’elle affame son bébé si elle l’allaite et qu’elle l’empoisonne si elle le biberonne ? Qu’elle rentre chez elle pour trouver un bazar sans nom et ne peut compter que sur elle-même pour assurer un semblant d’ordre au foyer (heureusement ceci est de moins en moins fréquent, n’est-ce pas Messieurs ?) ? Vous devez commencer à voir où je veux en venir ?

Je ne suis pas professionnelle de santé, je ne suis pas psychologue, je ne suis pas dans une association, je n’ai même pas eu de baby blues, ce qui vous donne une idée de ma légitimité sur la question, mais je voudrais partager et discuter ici quelques idées avec vous, pour mieux entourer les femmes autour de la naissance et ainsi limiter et prévenir tant baby blues que dépression du post partum.

A mon avis, une des clés de la prévention c’est la sage-femme. Pas n’importe quelle sage-femme, ma sage-femme, ta sage-femme, leur sage-femme… En clair : une femme, une sage-femme. C’est ce que j’ai eu pour la grossesse, la naissance et les suites de couches de Pouss2 et c’est tellement logique. L’accompagnement global n’implique absolument pas d’accoucher chez soi sur une peau de mouton en brûlant de l’encens et en priant mère Gaïa d’épargner son bébé. On peut avoir une péridurale, une césarienne, passer une semaine à la maternité… tout est possible en fonction des besoins et envies de la femme et de son enfant ! Bien sûr le fait que ce soit cette sage-femme qui soit présente à l’accouchement, pendant toute sa durée, et exclusivement auprès de cette femme, peut poser des problèmes d’organisation (même si les sages-femmes en accompagnement global s’y engagent), qui pourraient être résolus en créant des petites équipes (deux à cinq sages-femmes par exemple dont il y a toujours une de garde ou d’astreinte), de telle façon à ce que la femme en travail et la sage-femme qui l’accompagne se connaissent. Pour moi, bien plus qu’une batterie d’examens, c’est là la vraie sécurité médicale autour de l’accouchement. Ce n’est pas une démédicalisation de la naissance que je souhaite, c’est une autre médicalisation. La sage-femme est compétente pour déceler toute pathologie et y répondre, que ce soit en pratiquant les premiers gestes (réanimation du bébé, délivrance artificielle, prescription de médicaments, etc) ou en passant le relai au médecin. Et ce dernier cas ne veut pas dire que la sage-femme ne peut pas garder sa place auprès des parents, afin d’assurer cette continuité si précieuse, qui lui permettra aussi de déceler les premiers signes d’une pathologie.

Je vais caricaturer*, mais à votre avis qui est plus à même de détecter une dépression du post-partum ? Le gynéco que vous voyez un quart d’heure dont la moitié les jambes en l’air ou la sage-femme qui vous reçoit trois quarts d’heure à parler de votre grossesse et de votre accouchement ? Et lors d’un accouchement, qui voit en premier que quelque chose ne va pas : la sage-femme qui court entre plusieurs femmes en travail en surveillant des monitorings continus (dont l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé reconnaît d’ailleurs qu’ils n’ont pas de meilleurs résultats qu’une écoute discontinue tout en entraînant plus d’interventions comme les césariennes) ? ou celle qui est auprès de la parturiente, qu’elle a appris à connaître au cours des derniers mois, et qui verra tout de suite une pâleur, un tremblement ou tout autre signe subtil potentiellement annonciateur d’un problème** et déclenchera immédiatement les tests médicaux ad hoc pour confirmer ou infirmer cette suspicion ? A qui la femme aura-t-elle plus de facilités à dire son ressenti, à confier une intuition que quelque chose ne va pas pendant l’accouchement, à avouer ses faiblesses, son découragement, ses difficultés après la naissance? Quelqu’un qu’elle a vu trois fois entre deux portes ou quelqu’un avec qui elle a noué une vraie relation de confiance ?

Il a été établi à de nombreuses reprises l’importance des processus psychologiques pendant la grossesse (certains hélas poussant le raisonnement un peu trop loin et incriminant la mère pour absolument tout et n’importe quel problème, ce qui en plus de ne pas être basé sur grand chose d’autre que leur pifomètre est hyper culpabilisant pour les femmes qui n’y peuvent pas grand chose). Alors pourquoi ne pas s’appuyer beaucoup plus largement sur les sages-femmes, qui ont la double compétence d’accompagnement humain ET médical ? Pourquoi ne pas leur permettre ainsi d’exercer pleinement leur profession, en respectant les besoins psychologiques de la mère tout en garantissant sa sécurité physique et celle de son bébé ?

En pratique, cela ne veut pas du tout dire que tout le monde doit accoucher de la même façon, mais simplement pouvoir trouver la sage-femme (ou la petite équipe) avec qui vivre sa grossesse, son accouchement et les suites, à la maternité, à la maison ou en maison de naissance, en fonction des souhaits des parents et des impératifs liés à d’éventuelles pathologies. Les sages-femmes hospitalières pourraient voir le mode d’organisation refondé pour travailler en ce sens, quant aux sages-femmes libérales une plus grande place pourrait leur être accordée, tant dans les maternités (avec l’ouverture plus généralisés des plateaux techniques, permettant aux femmes d’accoucher à la maternité mais en n’étant accompagnée que par la sage-femme libérale, comme je l’ai fait pour Pouss2) qu’à domicile et dans les (futures) maisons de naissance. A mon avis cela serait une belle piste pour s’assurer que chaque femme a les soins dont elle a réellement besoin : ni trop, ni trop peu ; un suivi sur mesure plutôt que des protocoles rigides et pas toujours efficaces.

Concrètement, si vous êtes enceinte ou si vous souhaitez une grossesse, je ne peux que vous encouragez à chercher une sage-femme, qui deviendra votre sage-femme. Dans l’état actuel du système français, c’est souvent plus simple de chercher une sage-femme libérale, qui aura généralement plus de temps à accorder en consultation (la mienne prévoyait 40-45 minutes par consultation pré-natale, ce qui se traduisait généralement par une heure !) et qui pourra venir vous voir à la maison après la naissance (et pourquoi pas à la maternité aussi, même si ce n’est pas vraiment dans nos mœurs ?). Malheureusement, elle ne pourra que rarement vous accompagner pendant la naissance, mais si cette possibilité vous intéresse cela vaut vraiment le coup de chercher. Elle peut en tout cas dès le début de la grossesse faire le point avec vous sur ce que vous souhaitez pour votre accouchement et vous aider à choisir une maternité dans votre coin en fonction de cela. Bien sûr, si vous n’accrochez pas, n’hésitez pas à changer, je crois vraiment que le facteur humain est capital dans cette relation. N’hésitez pas à faire cette démarche, même si vous êtes dans un cas particulier (jumeaux par exemple) ou pathologique (menace d’accouchement prématuré, suspicion de malformation, etc). Pour trouver une sage-femme, outre le bouche à oreille, vous pouvez consulter les pages jaunes, l’annuaire de l’ANSFL et celui du site Périnatalité (qui est d’ailleurs plein d’infos intéressantes). Au niveau financier, les consultations sage-femme sont remboursées par la sécurité sociale ; certaines pratiquent des dépassements d’honoraires (remboursables par les mutuelles en fonction de votre couverture) mais pas toutes.

Voici enfin quelques articles du blog autour de ce sujet :

Une femme, sa sage-femme : ce n’est peut-être qu’un rêve, mais je crois qu’il est à notre portée. Et vous ?

*Ces questions un peu provocatrices ne visent pas à remettre en question les personnes et leurs compétences mais plutôt l’organisation de notre système de soins

**Dans Au monde (dont vous trouverez une fiche de lecture ici), Chantal Birman raconte qu’elle a repéré une détresse fœtale qui n’était pas visible par les examens classiques par le rire inhabituel de la mère.

Photo : affiche trouvée sur le site de l’Association Corporative des Etudiants Sages-femmes

J’accouche bientôt et j’ai peur de la douleur

mardi, décembre 1st, 2009

trelaun Le titre de ce billet n’est pas une confession de la Poule (euh OK en fait si…) mais le titre d’un livre de Maïtie Trélaün dont je vais entreprendre ici un compte-rendu de lecture. C’est un livre récent (2008), publié aux éditions du Souffle d’or, n’existant pas en poche donc pas donné (22€ d’après la couverture), en ce qui me concerne je l’ai donc emprunté (toujours à ma prof de yoga qui est bien mieux achalandée pour ce type de bouquins que la bibliothèque du quartier…).

L’auteur est une sage-femme expérimentée (presque 30 ans de pratique) qui travaille en accompagnement global, en plateau technique comme à domicile. Elle propose toute une réflexion autour de la douleur de l’accouchement, étayée par des explications illustrées sur la physiologie du processus (rôle des hormones, progression du bébé dans le bassin, etc), sur les gestes médicaux pouvant y être associés, des références à des études scientifiques médicales, des réflexions sur le rôle de la culture et du sacré, et des témoignages de parents (y compris quelques récits de naissances). Bref  j’ai beaucoup apprécié la méthode. Le fond est également assez équilibré, même si bien sûr le sujet en lui-même est à haut potentiel de culpabilisation. Je précise pour vous donner une idée que j’ai eu une péridurale pour la naissance du Poussin, que je l’ai bien vécue (mais si, mais si), et que je ne me suis pas sentie agressée par le livre…

Au niveau du contenu il y a un certain nombre de réflexions intéressantes sur l’accouchement (l’auteur parle d’enfantement pour le processus physiologique). Dans la lignée de Michel Odent, l’auteur insiste sur le respect des processus hormonaux à l’œuvre lors de l’accouchement, dont les bénéfices sont multiples pour la mère comme pour l’enfant. Bien sûr on ne peut pas faire abstraction de ces connaissances mais c’est à mon avis une vraie épée à double tranchant quant à la culpabilisation maternelle : « tu n’as pas été capable d’avoir un accouchement physiologique donc ton enfant va devenir un psychopathe asocial », est une conclusion facilement tirée par la mère et pire, par d’autres qui pensent qu’il y aurait besoin d’en remettre une couche. Bref je reste toujours perplexe sur la façon optimale de communiquer ces informations (si vous avez des idées ?), même si je trouve que ça n’est pas trop mal fait dans ce livre.

Concernant le rôle de la douleur, il est proposé que de la même façon qu’elle nous protège des blessures dans d’autres cas (par exemple je me brûle la main donc je la retire immédiatement avant que ça ne s’aggrave), elle a pour rôle de guider la future mère dans le processus d’enfantement, pour qu’elle prenne les positions les plus adaptées pour faire progresser le bébé (d’où à mon avis l’absurdité de dire « je veux accoucher sur le côté » ou « je veux accoucher à quatre pattes », mieux vaut dire « je veux pouvoir choisir ma position au moment M »). Ce serait également une épreuve initiatique dont la femme ressortirait grandie, renforcée dans ses capacités de mère. L’auteur note d’ailleurs que ses patientes ont la réputation d’être plus « habiles » avec leur bébé que les jeunes mamans lambda auprès des auxiliaires de puériculture, j’ajouterai qu’il y a probablement un effet de sélection de ses patientes : une femme qui choisit l’accompagnement global cherche généralement à prendre une plus grande autonomie et n’arrive généralement pas là par hasard. M. Trélaün remarque d’ailleurs que dans beaucoup de cultures sont organisées des épreuves initiatiques pour les garçons, l’accouchement étant considéré comme suffisant pour les filles (et dans le monde occidental c’était l’armée pour les hommes…). Personnellement je reste plus dubitative sur ce point, certains de ces rites notamment étant extrêmement violents à mon goût ; je ne suis pas sûre que la comparaison soit toujours heureuse. Ceci dit, on compare souvent l’accouchement sans péridurale à une épreuve sportive d’endurance, comme un marathon ou l’ascension du Mont Blanc, notamment pour les bénéfices du dépassement de soi et de ses limites.

L’auteur fait également la différence entre douleur et souffrance, et insiste bien sur l’importance de ne pas tomber dans le dolorisme, façon Ste Future maman vierge et martyre. Pour une raison ou pour une autre, si une parturiente ne peut accueillir la douleur, que cela devient une souffrance qui la fait finalement sortir de la physiologie, alors il ne faut pas hésiter à recourir à la péridurale. Globalement, je suis d’ailleurs assez d’accord avec sa façon de voir l’utilisation de la péridurale. C’est un outil fabuleux mais ça ne doit pas être l’unique réponse à la douleur ; on peut citer : techniques de préparation (haptonomie, sophrologie, yoga…), soutien par un accompagnant (père, sage-femme, doula…), liberté de position (notamment avec la possibilité de suspendre par exemple), bain, ballon… Il est vrai qu’il y a un certain nombre de maternités où les alternatives à la péri se réduisent en gros à mordre dans un morceau de cuir (en faisant bouillir des linges propres façon Dr Quinn femme médecin). N’oublions pas la fameuse phase de désespérance, encore peu connue des femmes et des personnels soignants, qui entraîne un certain nombre de péridurales peu utiles et finalement mal vécues (puisque très proches de la fin de l’accouchement). Bien sûr, et comme le souligne l’auteur, ce n’est pas à chacun d’attendre que l’autre fasse le premier pas en lui rejettant la responsabilité, mais aux femmes comme aux équipes soignantes d’œuvrer ensemble en ce sens.

Il y a aussi un chapitre très intéressant sur l’eau et l’accouchement, avec beaucoup d’informations sur ce qu’un bain peut entraîner aux différents stades du travail. L’effet analgésique et détendant du bain est bien connu, mais saviez-vous que l’immersion provoquait la sécrétion d’une hormone, l’ANP, qui est un antagoniste de l’ocytocine (essentielle à la bonne progression de l’accouchement) ? Ceci dit sa libération est lente et prend environ deux heures : il ne faut donc pas rester trop longtemps dans le bain et en sortir si le travail semble s’arrêter. Il vaut mieux également éviter que la mise au monde à proprement parler ait lieu dans l’eau (même si ça n’est pas interdit bien sûr) : l’effet de l’ANP peut notamment entraîner plus d’hémorragies de la délivrance (en ralentissant les contractions utérines) et la surveillance de telles hémorragies est plus compliquée si la femme est dans le bain. J’ajouterai que vous n’êtes pas sans savoir qu’en sortant du ventre maternel le bébé appuie au passage sur le rectum de sa maman et que si celui-ci n’est pas vide… je ne vous fais pas de dessin (sinon allez voir l’excellente chronique de Mère indigne sur le sujet)… mais imaginez en prime si vous êtes dans le bain… désolée pour ceux qui lisent en mangeant…

Pour revenir à des considérations moins scatologiques, il n’est pas recommandé d’avoir un plan prédéfini en tête pour la naissance (du style « je prendrai un bain pour me soulager »), l’important étant au contraire de se laisser aller et d’obéir aux sensations et aux besoins du moment. Chaque naissance est différente, et surtout imprévisible. Le plan doit être justement d’accepter l’imprévisible au fur et à mesure qu’il se présente, même si ça n’empêche pas de préparer certaines alternatives au cas où (pour reprendre l’exemple : s’assurer qu’on accès à une baignoire/piscine même si finalement on ne l’utilise pas).

Globalement j’ai donc trouvé que ce livre était une lecture très intéressante, même si c’est ensuite à chacun de faire le tri dans ce qui lui convient ou pas, et j’aurais tendance à le recommander à tous ceux qui sont concernés de près ou de loin (les femmes enceintes donc mais aussi les pères, le personnel soignant, pourquoi pas une femme qui a mal vécu son accouchement, etc). Il y a d’ailleurs un chapitre sur les hommes dont je ne désespère pas que le Coq lise les neuf pages d’ici le mois de janvier…

Revenons maintenant à une étude citée dans le livre (p. 150) qui a fait débat dans les commentaires du billet précédent. Il s’agit d’une étude où deux groupes de femmes ont eu pour certaines une péridurale avec des anesthésiants, et pour d’autres une péridurale avec simplement du sérum physiologique. L’étude a été faite en triple aveugle, c’est-à-dire que ni l’anesthésiste, ni la parturiente, ni l’accoucheur ne savent qui a du sérum phy et qui a l’anesthésiant. D’après le compte-rendu dans le livre, la satisfaction suite à l’anesthésie était identique dans les deux groupes, ce qui bien sûr ne manque pas de provoquer la surprise, voire l’incompréhension. J’ai donc cherché à en savoir plus. Passons sur le fait qu’il y a des coquilles dans la citation de l’étude (ce qui est souvent le signe d’une citation qu’on a repris chez quelqu’un d’autre sans retourner au papier d’origine… impression renforcée par la présentation des résultats sous forme d’une citation dont on ne comprend pas d’où elle vient et qui cite les deux articles…), l’internet et PubMed permettent de contourner ce genre de difficultés et j’ai pu mettre la main sur le résumé de cette étude, ainsi que de celle qui a suivi (également citée). Malheureusement je n’ai par contre pas pu mettre la main sur les papiers complets. Ceci dit dans ce type d’article le résumé est écrit par les auteurs et passé au crible du comité de lecture donc on peut considérer que c’est relativement fidèle.

Que nous dit le résumé de la première étude (Chestnut et al, 1987, Anesthesiology, 66(6): 774-80) ?

Son but est d’étudier l’influence d’une anesthésie péridurale à la bupivacaïne pendant le deuxième stade du travail* sur le mode d’accouchement (notamment extractions instrumentales). Il y a deux groupes de 46 femmes, l’un qui va recevoir la bupivacaïne et l’autre le sérum physiologique. Mais ceci n’aura lieu qu’à partir de 8 cm de dilatation : jusque là les 92 femmes ont une péridurale « normale ». Or c’est pendant la première phase du travail (donc avant les 8 cm et la substitution par du sérum phy) que les deux groupes ont des taux de satisfaction équivalents (96 et 98 %). Pendant la deuxième phase, les auteurs observent une différence statistiquement significative de satisfaction relative à l’anesthésie (82% des femmes ayant la bupivacaïne vs 41% pour le sérum phy). Concernant les effets de l’anesthésie sur le déroulement du travail :

  • nombre égal de césariennes dans les deux groupes (13%)
  • temps de travail plus long pour la deuxième phase sous produit anesthésiant (124 minutes) que sous sérum phy (94 minutes)
  • 70% d’extractions instrumentales (forceps, ventouse) pour le groupe sous anesthésiant vs 28% sous sérum phy
  • scores d’Agpar des nouveaux-nés non statistiquement différents

Donc on voit bien que l’anesthésiant utilisé (la bupivacaïne en l’occurrence) a des effets importants, significativement supérieurs au placebo, tant en termes de fonctionnement de l’analgésie qu’en termes de conséquences sur le déroulement de la naissance.

Passons maintenant à la seconde étude (Chestnut et al, 1990, Anesthesiology, 72(4): 613-8). Je vais être plus rapide car c’est un protocole très similaire à la première, la principale différence étant de tester un autre mélange de produits anesthésiants, en l’occurrence bupivacaïne à 0.0625% et fentanyl à 0.0002%. En outre, la substitution entre produit anesthésiant et sérum phy a lieu cette fois à dilatation complète, et les deux groupes de femmes ont des tailles différentes (29 anesthésiées, 34 sous placebo). Là encore, autant les scores de douleur sont équivalents pendant la première phase (avant le test à proprement parler donc), autant ils sont significativement plus élevés avec le sérum phy. Par contre les différences observées en termes d’extractions instrumentales ou de durée du travail ne sont pas statistiquement significatives entre les groupes.

D’après ces informations, l’interprétation proposée par Maïtie Trélaün ne me semble donc pas conforme à ce qui est rapporté dans ces études. Pour moi les conclusions des ces résumés sont que l’analgésie péridurale a une efficacité bien supérieure à celle du placebo (même si il y a aussi un effet placebo -et sans doute une combinaison d’autres facteurs-, le taux de satisfaction pour le sérum phy étant loin d’être négligeable) et qu’elle peut avoir des effets sur le déroulement du travail qui peuvent dépendre des produits utilisés. Bien sûr ces conclusions pourraient être remises en question par une lecture complète des publications en question ; il faudrait aussi faire une biblio de ce qui a été publié depuis (ça date un peu), et prendre en compte d’autres facteurs, toutes sortes de choses que j’ai une grande flemme de faire. Mais quoi qu’il en soit j’ai du mal à voir comment on pourrait en déduire que la péridurale n’est pas plus efficace que le placebo.

J’avoue que ça me pose question sur le reste des études citées dans le bouquin, et cela doit rappeler à chacun de prendre avec précaution avec les études brandies à tort et à travers comme montrant tout et son contraire. Evidemment c’est du boulot et du temps d’aller rechercher les études à la source, ça demande parfois des ressources supérieures à ce qui est simplement accessible sur le net, et je suis la première à ne pas m’embêter avec l’exercice…

Bon je vous laisse j’ai rendez-vous avec l’anesthésiste (et ce n’est pas une blague !).

*C’est-à-dire la sortie du bébé, le premier stade étant la dilatation du col et le troisième la délivrance du placenta (voir ici pour la description détaillée).

Mes choix pour cette grossesse (1)

lundi, septembre 7th, 2009

c-est-mon-choix Exceptionnellement aujourd’hui (et demain sans doute vu que c’est en deux parties) un billet mon-nombril-moi-je-personnellement.com. Plusieurs d’entre vous m’ont demandé ce que j’avais choisi pour mon suivi de grossesse de l’Oeuf (ah la célébrité, on n’a plus de vie privée…), j’en arrive donc à la conclusion que c’est un sujet qui vous intéresse. Evidemment l’idée n’est pas d’expliquer à tout un chacun qu’il faut faire comme moi, il me semble au contraire que c’est quelque chose d’éminemment personnel, qui pour chaque femme évolue au fil des grossesses, tant en fonction de ses envies que de son état de santé (et de celui du bébé). Et ce qui est idéal pour l’une ne l’est pas pour l’autre. Mais peut-être que la lecture de ces billets (il y aura deux parties) pourra vous amener à réaliser d’une part qu’on a finalement le choix sur beaucoup de choses, et d’autre part qu’il existe certaines alternatives dont on n’a pas toujours connaissance. Je précise enfin que j’attends mon deuxième enfant (après une première grossesse « normale » suivie d’un accouchement par voie basse que j’ai bien vécu) et que -pour l’instant au moins- ma grossesse actuelle n’a pas de caractère pathologique.

J’ai choisi un accompagnement global par une sage-femme libérale avec un accouchement en plateau technique. En Français, cela signifie que toutes mes consultations prénatales ainsi que les séances de préparation à l’accouchement sont assurées par la même sage-femme, laquelle ira ensuite avec moi à la maternité pour l’accouchement, pour lequel elle m’accompagnera seule (et je serai sa seule patiente). Le bébé et moi resterons moins de 24 heures à la maternité (idéalement départ après les deux heures de surveillance post-natale) et les suites de couches seront assurées à la maison, toujours par la même sage-femme. Bien sûr tout cela c’est dans l’hypothèse où tout se passe bien, en cas de problème nous bénéficions de la présence des équipes de la maternité (anesthésiste, pédiatre, obstétricien…). Il est également possible d’avoir la péridurale (puisqu’un anesthésiste rôde dans les parages) tout en restant ensuite suivie exclusivement par la sage-femme.

J’ai opté pour cette solution car je souhaite nous donner au bébé et à moi toutes les chances pour avoir une naissance physiologique, dans les meilleures conditions de confort et de sécurité. Il me semble qu’avoir une sage-femme rompue à ce type d’exercice, qui a appris à me connaître au fil de la grossesse, et qui se consacre exclusivement à ma petite personne (enfin ce jour-là je serai plutôt énorme mais passons), est le meilleur moyen d’atteindre ce but. Bien sûr, la naissance est un événement hautement imprévisible et ce n’est pas une garantie que tout se passera bien, mais je pense que je le vivrai mieux sachant que j’ai fait tout ce que je pouvais. Le petit plus dans mon cas est que ma sage-femme est organisée avec d’autres sages-femmes et des obstétriciens partageant la même « philosophie » de la naissance. Ainsi si pour une raison ou une autre elle n’est pas disponible au moment de la naissance (c’est un vrai scandale mais elle n’est qu’humaine), elle peut être remplacée par une autre sage-femme, certes moins familière mais dans le même état d’esprit. Et si la grossesse ou l’accouchement prennent un caractère pathologique, c’est un des obstétriciens du groupe qui intervient. Par contre le côté négatif c’est que leur accord est avec une clinique privée, où je n’aurais probablement jamais mis les pieds autrement.

Autant vous le dire, je suis une privilégiée : ce type d’accompagnement est un luxe. D’abord financier : avoir une sage-femme rien que pour soi disponible 24h/24 7 jours/7 ça se paie, et même si ça ne me semble pas choquant ça représente un certain investissement. Les dépassements d’honoraires sont pratiqués pour les consultations (mais celles-ci durent près d’une heure), ainsi que pour l’accouchement (comparables à ceux d’un obstétricien en clinique sauf que la sage-femme accompagnera tout le travail alors que l’obstétricien vient généralement juste pour la fin). C’est dommage que ça ne soit pas mieux considéré par la Sécu, car ce qu’on paie d’un côté on l’économise de l’autre en gestes et interventions évités, sans compter qu’évidemment une mère et son bébé coûtent moins cher à la maison avec une visite de sage-femme par jour qu’en séjour à la maternité. D’autre part ce type d’arrangement (l’ouverture des plateaux techniques aux sages-femmes libérales) reste exceptionnel dans les maternités françaises (moins de trente sages-femmes libérales le pratiquent d’après l’ANSFL) : selon l’endroit où vous habitez il est possible qu’il n’y en ait aucune. Et à Paris intra-muros, alors qu’on compte environ 25 maternités, seules deux cliniques ont ouvert leur plateau technique (et aucun hôpital public), à quoi s’ajoute le cas un peu particulier de la maison de naissance des Bluets. Cependant, on peut plus facilement trouver une sage-femme libérale pour un accompagnement semi-global (c’est-à-dire comme l’accompagnement global sauf l’accouchement qui est fait en maternité avec l’équipe de garde), ou dans certains cas s’orienter vers un accouchement à domicile (AAD). Si vous êtes intéressée, en plus du bouche à oreille, vous pouvez aller voir :

Dans le deuxième billet je vous parlerai plus en détail du suivi de grossesse. D’ici-là vous pouvez aller (re)lire ces billets sur le même thème :

(Photo : je vous signale que j’ai écrit ce billet avec une perruque, des lunettes de soleil et un filtre pour brouiller ma voix)

Trop de césarisées

lundi, décembre 8th, 2008

C’est le JDD qui reprend une étude de la Fédération Hospitalière de France (FHF, pas trouvé l’étude sur leur site), avec ces résultats : le taux de césariennes a doublé en un peu plus de 20 ans (de 10,9% en 1981 à 20,1% en 2007). Cela veut dire qu’actuellement un bébé sur cinq naît par césarienne. Or si cette opération s’avère vitale dans certains cas, il est clair qu’elle n’est pas dénuée de risques, tant pour la mère (mortalité 3,5 fois supérieure à la voie basse) que pour l’enfant (risque de fragilité pulmonaire accru, entre autres). L’OMS, cet empêcheur de jouer du bistouri tranquille, préconise un taux de 15%. D’après le JDD, les raisons avancées de cette popularité de la césarienne sont les suivantes :

  • Optimisation de l‘organisation et du budget des services en programmant des césariennes quand le personnel est disponible
  • Augmentation des grossesses tardives et multiples qui sont statistiquement plus sujettes à complications
  • Crainte des poursuites judiciaires : un obstétricien sera poursuivi pour n’avoir pas fait la césarienne à temps, mais jamais pour avoir fait une césarienne injustifiée
  • Publication de l’étude Hannah (2000) montrant que la césarienne était moins risquée pour l’enfant que la voie basse en cas de présentation en siège, même si son interprétation porte à controverse (y compris par le CNGOF)
  • Hausse de la demande de césariennes de convenance

Pour ce dernier point, rappelons que la césarienne est une intervention chirurgicale, donc autant sur le coup c’est bien plus rapide et indolore qu’une voie basse, autant ça se paie ensuite pour les suites de couches.

Un autre point intéressant de cette étude est le top 100 du taux de césariennes par maternité, au sein duquel prédominent largement les cliniques privées de niveau 1. La palme (le César ?) revient à la clinique de la Muette avec un beau 43,3 %. En moyenne, le taux de césariennes est supérieur d’un point dans les maternités privées de niveau 1 à celui des maternités de niveau 3, toutes publiques et supposées accueillir les cas les plus pathologiques (même s’il y a toujours des surprises). J’avais déjà expliqué ici que privilégier une petite clinique à un gros hôpital n’était pas toujours une stratégie gagnante si on voulait un accouchement aussi physiologique que possible (même si bien sûr il s’agit d’une tendance globale à laquelle existent de nombreuses exceptions).

Les cliniques visées se défendent par les arguments suivants :

  • La césarienne n’est pas avantageuse financièrement (seulement 347 €).
  • Ce sont les femmes qui leur demandent des césariennes de convenance.
  • L’étude ne prend pas en compte le nombre d’accouchements, ce qui introduit un biais statistique (argument réfuté par la FHF).
  • Le taux de césarienne n’est pas un bon indicateur de la qualité des soins.

Tout ceci est fort intéressant, mais on peut regretter que comme souvent, l’article suppose qu’on ne peut accoucher qu’en maternité, ce qui n’est pas (tout à fait) le cas. Comme déjà évoqué ici, on peut accoucher :

  • en maternité
  • en maternité mais avec une sage-femme libérale ayant accès au plateau technique dans le cadre de l‘accompagnement global
  • en maison de naissance (si on n’habite pas en France ou alors près des frontières du Nord-Est)
  • à la maison avec une sage-femme libérale
  • à la maison sans assistance médicale (même si ça n’est pas recommandé, je ne crois pas que ce soit illégal)

Malheureusement, en France tout est fait pour orienter les couples vers la première option et pour décourager les autres possibilités ; d’ailleurs je vous rappelle que vous pouvez faire quelque chose (pour le moment j’ai eu une réponse convenue de l’Ordre des sages-femmes et pas un mot ni de Roselyne, ni du directeur de l’AP-HP, et pas plus de mon député, à qui j’avais envoyé une copie). Attention, il ne s’agit pas de stigmatiser les maternités ou les mères qui y accouchent (comme la Poule pondeuse par exemple), mais encore une fois d’offrir un vrai choix aux futurs parents. Il me semble en tout cas que ça pourrait être une bonne piste pour réduire un peu ce taux : ça n’empêchera pas les femmes de demander des césariennes de convenance mais ça devrait au moins diminuer la part due à l’optimisation du fonctionnement des services.

Si vous avez ou devez accoucher par césarienne, ce billet n’est pas là pour vous culpabiliser non plus : bien sûr qu’il y a un nombre non négligeable de cas où l’opération est incontournable, et heureusement qu’elle existe. A la maternité où j’ai accouché, ils recommandaient de prendre le rendez-vous des six semaines après la naissance avec l’obstétricien qui a pratiqué l’opération, afin de pouvoir lui poser toutes vos questions et de « refaire le film » ensemble. Et si vous ne le vivez pas bien, j’ai entendu beaucoup de bien de l’association Césarine. Peut-être certaines commentatrices qui sont passées par là pourront nous en dire plus ?