Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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FCS : le témoignage d’Ella

Par  • Le 25 février 2013 à 11:58 • Catégorie : Fausse couche, Guests, Surmonter

 Initialement, j’avais lancé un appel à témoignages d’IVG, parce qu’il me semblait qu’on manquait cruellement de parole sur ce sujet, de témoignages de femmes qui sont passées par là. Et puis Ella (une chouette sage-femme qui tient le blog Ella et Valentin) m’a envoyé son texte, qui ne parle pas d’IVG mais d’un sujet aussi tabou ou presque, la fausse-couche précoce. Quand vous l’aurez lu je pense que vous comprendrez pourquoi il m’a alors paru inévitable d’élargir ma proposition initiale de publication de témoignages d’IVG aux fausses-couches. Je suis consciente qu’entre ces témoignages et le fait que je n’écris pas beaucoup, le blog prend une teinte assez sombre, alors n’hésitez pas à naviguer dans les archives si vous trouvez cela trop pesant. Mais place au témoignage d’Ella, que je remercie du fond du coeur pour sa confiance.

Été 2010. Il fait beau, on est jeunes, amoureux. Depuis sept mois, on a décidé de faire un bébé. On rentre de vacances, et la prise de sang est positive. Un bébé pour le printemps. On est heureux… Je suis zen, tranquille, je ne fais aucune écho précoce. Tout va bien, pourquoi ? J’ai des nausées, je vomis, mais ça va. Et puis les nausées passent. Je suis bien. Je suis enceinte de 2 mois.

Septembre. Ce matin, mon homme souriait: « dans une semaine, première écho ! » Mais en me levant, je saigne. A l’écho, dans mon ventre, il n’y a plus qu’un œuf vide. Mon bébé s’est envolé il y a 1 mois…

Je prend des comprimés, pour faire partir cet œuf sans vie. J’ai mal, vraiment mal. Physiquement. Psychologiquement. Je rencontre un anesthésiste, au cas où. Cet abruti me parle d’IVG. Je crie, je pleure, je hurle, je fais un scandale jusqu’à ce qu’il efface ces trois lettres de mon dossier. « Mais c’est la même chose », me dit-il. Deux ans après, je le hais encore.

Un dimanche matin, mon corps laisse partir ce petit œuf…

Je n’ai aucun soutien. J’entends que ce n’est pas grave, que je suis jeune, que j’en aurais d’autres. Qu’il vaut mieux ça que d’accoucher d’un avorton. Que ce n’est pas normal que je pleure autant, que je devrais voir un psy.

Moi, j’ai juste besoin qu’on me prenne dans les bras, et qu’on me laisse faire mon deuil.

 

Janvier 2011. La prise de sang est positive, de nouveau. J’ai peur, mais je me dis qu’il n’y a pas de raison que ça recommence. Je fais une écho quand même, à 6SA. Tout va bien.

A 8 SA, une garde chargée, des pertes marrons. A l’écho, le petit cœur clignote. Je respire.

Mais dans la nuit, le sang. Dans mon ventre, il n’y a plus rien. Mon utérus n’est rempli que de sang. Le petit cœur ne clignote plus.

Je m’effondre. Je prend un arrêt de travail, note une date plusieurs semaines plus tard, le fait signer au médecin. Je suis incapable de travailler.

Je pleure. Beaucoup. Je tricote. Énormément. Maille après maille, je construis de mes mains ce que mon ventre ne peut faire. Je me coupe des gens. Je ne veux plus entendre leur non-compassion.

 

Avril 2011. Troisième prise de sang positive. J’ai peur cette fois, très peur. A 6 SA, l’écho révèle un décollement important. Repos strict.

J’ai des nausées, je vomis. Je m’en fiche. Le matin, je ne suis pas tranquille tant qu’une vague ne m’a pas envoyé la tête dans la cuvette.

Pendant quatre mois, je suis morte de trouille chaque jour. Ma collègue finit par me prêter un sonicaid. Tous les jours, j’écoute le cœur de mon bébé. J’ai du mal à m’y attacher. Je lui parle peu. Je suis heureuse d’être enceinte, mais j’ai du mal à créer un lien avec l’enfant que je porte.

 

Aujourd’hui, mon fils va bien. Il vient d’avoir un an. C’est un bébé intense, avec un besoin de contact énorme. Fusionnels ? Oui, on l’est. Je le porte, je l’allaite. Je le laisse le moins possible. Je ne peux pas.

Et mes autres bébés ? J’ai porté trois enfants, mais pour tout le monde, je n’en ai qu’un seul. Les autres, il faudrait que je les oublie. C’est le passé, paraît-il.

Mais ces anges m’ont faites mère, malgré tout. Ils n’ont fait que traverser ma vie mais m’ont apporté beaucoup. Sans eux, serais-je la mère que je suis…? j’en doute.

Souvent , je pense à eux. Qui étaient-ils ? Garçon, fille ? Je suis triste de les avoir perdus. D’un autre côté, sans ces deuils, le petit garçon que je regarde grandir chaque jour ne serait pas là… Ils sont partis pour lui laisser la place.

Non, ils n’étaient pas « rien ». Ils sont mes enfants. Mes petits anges partis si vite, passés dans ma vie comme des étoiles filantes. Mon deuil d’eux n’est pas fait. Je pleure encore en repensant à ces moments. Et déclenche l’incompréhension de mon entourage.

Une fausse-couche, ce n’est pas rien.

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Photo : Nuwandalice sur Flickr

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