Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


« « Préc. Une histoire ordinaire : mon IVG douce-amère    |     Suiv. 2013 » »

Quand la grossesse n’est pas désirée : que faire ?

Par  • Le 27 novembre 2012 à 7:44 • Catégorie : IVG, Surmonter
 Après le touchant témoignage de Nanette, je vous propose de faire le point sur la situation des grossesses non désirées et des alternatives disponibles pour les femmes.
Malgré l’arsenal contraceptif disponible pour les couples occidentaux, les grossesses non souhaitées restent une réalité. Mauvaise information sur la contraception et la fertilité, méthode de contraception inadéquate et/ou mal appliquée (comme le dit l’INPES, la meilleure contraception c’est celle qu’on choisit -pas celle que le gynéco a l’habitude de prescrire…), ou tout simplement malchance (aucune contraception n’est fiable à 100%) sont autant de raisons pouvant expliquer la relative stabilité des interruptions volontaires de grossesse (IVG) au cours des années (un peu plus de 200 000 par an en France, à mettre en regard des 800 000 naissances). Bien sûr, toutes les grossesses non plannifiées ne conduisent pas à un avortement ; certaines femmes (en couple ou seules) choisissent de garder l’enfant, d’autres encore mènent la grossesse à terme mais abandonnent l’enfant à la naissance (ainsi l’accouchement sous X concernait 680 femmes en 2009 d’après l’INED).Il peut sembler paradoxal de parler de grossesse non désirée dans un blog pour parents, mais comment passer sous silence un acte qui concernerait jusqu’à 40% des femmes françaises ?

Quelles options ?

Concrètement, différentes options s’offrent aux femmes qui ne souhaitent pas poursuivre une grossesse, en fonction notamment du terme auquel elles se trouvent.
  • Echec avéré ou soupçonné de la contraception : oubli d’un comprimé de pilule quelques jours avant ou après un rapport sexuel, déchirure du préservatif, perte du DIU (dispositif intra utérin, nom officiel du stérilet)… ou tout simplement rapport non protégé. Un simple passage à la pharmacie permet de se procurer la “pilule du lendemain” (appelée “plan B” par les Anglo-saxons) sans ordonnance. Plus elle est prise proche du rapport supposé fécondant, plus elle est efficace : il n’est donc pas idiot d’en avoir une d’avance dans sa trousse à pharmacie. Des explications détaillées sur la contraception d’urgence sont disponibles ici. Une option moins connue est la pose d’un DIU au cuivre, qui est pourtant la méthode la plus efficace, et qui a l’avantage d’être également une des méthodes les plus fiables hors de ce contexte d’urgence. Le DIU peut être posé par un médecin (généraliste ou gynéco) ou une sage-femme (même si elles sont loin d’être toutes formées à cela), y compris chez une jeune fille, une femme n’ayant jamais eu d’enfant ou une mère allaitante n’ayant pas encore eu son retour de couches. Rappelons également qu’hors cette utilisation d’urgence le DIU au cuivre a une action spermicide et qu’il n’est donc pas abortif ; quant à son cousin aux hormones il bloque l’ovulation. Dans tous les cas, que ce soit par l’absence d’ovule ou par l’absence de spermatozoïde, il n’y a généralement pas de fécondation.
  • Quand la grossesse est avérée (soit à partir de 2 semaines de grossesse SG = 4 semaines d’aménorrhée SA) : il faut passer par une IVG. En France, c’est possible jusqu’à 14 SA. Les mineures peuvent être dispensées de l’autorisation parentale si elles sont accompagnées par une personne majeure, qui a la charge de les soutenir pendant toute la procédure. En pratique, la femme doit passer par deux consultations médicales, espacées d’au moins sept jours (délai pouvant être raccourci si on est proche des 14 SA). Entre les deux est proposé un entretien dit psycho-social, qui est obligatoire pour les mineures.

Deux techniques d’IVG sont possibles :

  • la méthode instrumentale dite “chirurgicale” qui doit être pratiquée en milieu hospitalier, sous anesthésie (locale ou générale), et qui s’accompagne généralement d’une courte hospitalisation (moins de 12 heures) : il s’agit d’une aspiration de l’embryon à travers le col de l’utérus.
  • la méthode médicale dite “médicamenteuse”, qui n’est possible que jusqu’à 7 SA mais peut être faite en ville ; concrètement la femme prend des pilules abortives et évite ainsi l’anesthésie et le geste chirurgical. Toutefois cette méthode est légèrement moins efficace et une aspiration peut s’avérer nécessaire dans un second temps en cas d’échec.

Il est regrettable de constater qu’en France les centres d’IVG sont surchargés et les délais pour obtenir une consultation s’allongent, rendant l’avortement de facto impossible dans certains cas (ainsi il peut être extrêmement difficile d’obtenir une IVG au mois d’août).

Après le délai de 14 SA, la seule option est d’obtenir une IVG dans un pays dont les délais sont supérieurs, et notamment l’Espagne (24 SA). Mais si en France l’IVG est remboursée à 80% aux assurées sociales (100% pour les mineures sans consentement parental et pour les femmes dépendant de l’aide médicale d’Etat -AME, et maintenant pour toutes), cela sera souvent plus coûteux à l’étranger.

Et après ?

Une IVG telle qu’elle est pratiquée dans les pays occidentaux par un médecin ne laisse normalement pas de séquelle physique et ne compromet pas la possibilité d’avoir ensuite des enfants (bien sûr comme toute procédure médicale celle-ci a des risques inhérents quoique faibles). Rappelons par contre que les avortements clandestins auxquels les femmes sont contraintes lorsque l’IVG est interdite s’accompagnent eux de risques avérés : infections, stérilité, voire mort de la femme. Si vous lisez l’anglais, je vous recommande ce témoignage d’une gynéco étatsunienne sur ce que peut donner un avortement clandestin dans un pays occidental. Plus généralement, on estime que 47 000 femmes meurent chaque année dans le monde des suites d’un avortement clandestin, et si vous voulez mettre des personnes derrière ce chiffre lisez ce billet de Sophie, sage-femme qui raconte son expérience humanitaire (et puis tout son blog, non mais). Et en France, avant 1975 et la loi Veil, ça se passait comme ça. L’ANAES estime qu’on est passé de 332 décès par an en 1963 à 0 à 2 actuellement. En Irlande, récemment, une jeune femme est morte faute d’avoir pu avorter.

Psychologiquement, il semble difficile de faire des généralités tant les circonstances pouvant conduire à l’avortement sont variées ; certaines font ce choix dans un contexte de pression de l’entourage (futur père, parents de la femme etc), d’autres suite à un événement traumatisant (un viol par exemple) ; et bien sûr pour beaucoup c’est la décision logique. Certaines femmes le font à contre-coeur, d’autres restent ambivalentes et pour d’autres enfin c’est une évidence. L’initiative “IVG : je vais bien, merci” recense ainsi des témoignages en ce sens. Pour autant, si l’IVG ne doit pas être présentée comme un traumatisme obligatoire (“L’institution nous oblige à pleurer”), il ne faut pas non plus en déduire qu’elle ne peut pas en être un (voir aussi cet article de G.M. Zimmermann).

On peut également déplorer un accompagnement parfois déficitaire des femmes par certains soignants, parmi lesquels persiste la vision de l’IVG comme un signe de l’irresponsabilité de la femme (incapable de prendre correctement une contraception, menant une vie à leurs yeux dissolue, privilégiant son propre plaisir à tout le reste…). En Thaïlande, où l’avortement est réservé aux cas extrêmes (viol ou risque pour la santé de la mère), les femmes qui vont consulter suite à une procédure « sauvage » qui tourne mal sont accueillies par un curetage sans anesthésie (extrêmement douloureux), voire une ablation de l’utérus, sans autre motif que de les punir. Cela peut paraître bien loin mais avant la loi Veil de telles pratiques (les curetages à vif) avaient également lieu dans les hôpitaux français, l’absence d’anesthésie n’ayant aucune justification médicale.

Appel à témoignages

Quoi qu’il en soit, les nombreuses réactions que Nanette et moi avons reçues suite à son témoignage m’ont montré que les femmes avaient un fort besoin de parole et d’échange sur ce sujet. Plus de 40 ans après le Manifeste des 343, la honte et la culpabilité sont encore trop présentes et ce n’est pas acceptable. A ma petite échelle, je vous propose donc de publier dans ces colonnes vos témoignages d’IVG. Personnellement, je trouve que ça a toute sa place sur un blog dédié à la parentalité : ce sont simplement différentes facettes d’un même sujet. Si vous souhaitez partager votre histoire, envoyez simplement un mail à lapoulepondeuse chez gmail point com. Je m’engage évidemment à protéger votre anonymat. Et désolée à l’avance pour les inévitables délais de publication dus à mon débordement chronique.

 Photo : Simone Veil à la tribune de l’Assemblée nationale en 1974. Merci.

Tagged as: , , , , ,


« « Préc. Une histoire ordinaire : mon IVG douce-amère    |     Suiv. 2013 » »

Comments are closed.


« « Préc. Une histoire ordinaire : mon IVG douce-amère    |     Suiv. 2013 » »