Les modes de garde

Ou pour citer Laurent Fabius : « Qui va garder les enfants ? »

D’abord que les choses soient claires, je ne pense pas qu’il y ait un mode de garde idéal dans l’absolu, même s’il y a sans doute un mode de garde idéal pour une situation donnée. Et il y a bien sûr le principe de réalité : rares sont les familles ayant accès à tous les modes de garde, que ce soit par une offre déficiente ou par difficulté financière. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte pour définir le bon mode de garde, tant du côté de l’enfant (âge, personnalité, antécédents médicaux…) que de celui des parents (horaires et lieu de travail, préférences…). Une illustration de ces facteurs avec un témoignage anonyme de la Poule P., blogueuse :

Notre premier enfant, P1, a été gardé dès ses 3 mois 1/2, c’est un enfant qui a toujours mis du temps à accorder sa confiance, et nous habitions dans un quartier où il était quasiment impossible d’avoir une place en crèche et où il y avait bien une dizaine d’assistantes maternelles à moins de 10 minutes à pied de chez nous. C’est donc cette dernière option que nous avons retenue. Pour notre deuxième enfant, P2, j’ai pris six mois de congé parental, il avait donc 8 mois lorsque j’ai repris le travail. Il a toujours été très extraverti ; en outre nous habitons maintenant à 50 mètres d’une crèche (où nous avons obtenu une place) et à 10 minutes de l’assistante maternelle la plus proche. Il va donc à la crèche. A noter que nous avons également une nounou qui prend les enfants à 16h30 et s’en occupe chez nous jusqu’à 19 h (sinon la crèche fermant à 18h15 est incompatible avec nos horaires de travail habituels).

Comme vous pouvez le voir, j’ai donc testé les principaux modes de garde existants (damned, grillée, vous m’avez reconnue !). J’ai même testé le congé parental et la halte-garderie. Je vous propose donc un petit dossier en plusieurs épisodes pour évoquer ces différentes possibilités.

Par ailleurs, la question des modes de garde pose inévitablement celle du travail parental et en particulier maternel. Vaste question, donnant lieu à des débats à côté desquels les négociations israélo-palestiniennes font figure de petits poneys jouant aux bisounours. Ici il ne sera pas question de se prononcer en faveur de l’un ou de l’autre, mais plutôt de souhaiter (on peut toujours rêver) que de plus en plus ce soit une vraie affaire de choix et pas seulement une situation subie (que ce soit un parent en congé parental faute de mode de garde ou un parent qui ne peut rester auprès de son enfant par sa situation financière). Je pense en plus qu’au-delà de l’opposition caricaturale entre la mère workaholic qui voit ses enfants une fois par semaine et la mère au foyer qui n’a jamais eu d’emploi rémunéré et n’a pas l’intention d’en avoir, extrêmes bien peu fréquents actuellement, il y a tout un panel de possibilités pour les couples (mais oui, ça n’est pas que le problème des mères !), entre les temps partiels, les congés parentaux (de quelques mois à quelques années), le télé-travail, la création d’entreprise, la réorientation, et ce tant pour l’homme que pour la femme.

Pour pacifier un peu le débat, je voudrais vous citer l’étude NICHD conduite aux Etats-Unis sur plus de 1000 enfants depuis 1991 (encore en cours !), elle-même reprise dans le rapport Tabarot sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance (que je vous invite à lire). Il faut tout de même savoir que les Etats-Unis sont à peu près le seul pays occidental à ne pas offrir de congé maternité obligatoire, c’est-à-dire qu’à moins d’un arrangement spécifique dans l’entreprise les mères sont supposées reprendre le travail immédiatement, ce qui pose un cadre pour partie différent du nôtre. Que nous dit le petit prospectus récapitulatif à destination des parents (traduction par moi-même, à feuilleter si vous lisez l’anglais) ?

Children who were cared for exclusively by their mothers did not develop differently than those who were also cared for by others.

Les enfants qui ont été exclusivement gardés par leurs mères ne se sont pas développés de façon différente de ceux qui ont également été gardés par d’autres.

Et encore :

Parent and family characteristics were more strongly linked to child development than were child care features.

Les caractéristiques parentales et familiales étaient plus fortement liées au développement de l’enfant que l’étaient les caractéristiques du mode de garde.

L’étude nous donne également des critères de définition d’un mode de garde de bonne qualité :

  • Adult-to-child ratio—How many children is each adult taking care of? in general, the lower the number of children an adult is caring for, the better the observed quality of that care and the better the children’s developmental outcomes.
  • Nombres d’enfants par adulte- De combien d’enfants s’occupe chaque adulte ? En général, plus le nombre d’enfants dont un adulte doit s’occuper est faible, meilleure est la qualité du mode de garde et meilleur est le développement de l’enfant.
  • Group size—How many children are in the child’s classroom or group? Smaller groups are associated with better observed quality of care.
  • Taille du groupe- Combien d’enfants y a-t-il dans le groupe ou la classe de l’enfant ? De plus petits groupes sont associés à une meilleure qualité effective du mode de garde.
  • Caregiver’s education level—Did the caregiver complete high school? college?  Graduate school? Higher caregiver education predicts higher quality of observed care and better developmental outcomes for children.
  • Niveau d’éducation de l’adulte- L’adulte a-t-il le bac ? Des études supérieures ? Un bac +5 ou plus ? Plus l’adulte a fait d’études et meilleurs sont la qualité du mode de garde et le développement des enfants.

Mais l’impact de cette qualité reste limité :

Children who receive higher quality care show slightly more positive outcomes than do those in lower quality care.

Les enfants qui bénéficient d’un mode de garde de haute qualité montrent des résultats légèrement plus positifs que ceux dont le mode de garde est de moins bonne qualité.

Quel temps passé en garde ?

The amount of time that children spend in child care from infancy through age 4½ is not related to their cognitive outcomes prior to school entry.  Children who spend many hours in child care, however, show somewhat more behavior problems and more episodes of minor illness than those in fewer hours of child care.

Le temps passé en garde par les enfants depuis leur premiers mois jusqu’à 4 ans 1/2 (aux Etats-Unis l’école maternelle n’est pas organisée comme en France : pas systématique et commence plus tard) n’est pas liée à leurs résultats cognitifs à l’entrée à l’école. Les enfants qui passent de nombreuses heures en garde, cependant, montrent un peu plus de problèmes comportementaux et plus d’épisodes de maladies bénignes que ceux y passant moins d’heures.

Garde collective ou individuelle ?

Center-based child care is associated with both positive and negative effects.  This type of care is linked to better cognitive development through age 4½ and to more positive social behaviors through age 3. But, center-based and large-group settings are also associated with more problem behavior just before and just after school entry. These types of care are also linked to more ear infections and upper respiratory and stomach illnesses during the first 3 years of life.

Un mode de garde collectif a à la fois des effets positifs et négatifs. Il est lié à un meilleur développement cognitif jusqu’à l’âge de 4 ans 1/2 et à des comportements sociaux plus positifs jusqu’à 3 ans. Mais une garde collective, en particulier en grand groupe, est également associée à une augmentation des problèmes de comportement avant et après l’entrée à l’école. C’est enfin lié à plus d’infections de l’oreille (otites) et de maladies respiratoires (bronchiolites, rhinos etc) et digestives (gastros) pendant les trois premières années de vie.

En bref, c’est finalement le contexte familial et parental qui reste prépondérant :

The following characteristics predicted children’s cognitive/language and social development:  parents’ education, family income, and two-parent family compared to single-parent family; mothers’ psychological adjustment and sensitivity; and the social and cognitive quality of home environment.

Les caractéristiques suivantes prédisent le développement cognitif, verbal et social des enfants : le niveau d’étude des parents, le revenu familial, le « nombre de parents » (deux valent mieux qu’un) ; la sensibilité et l’ajustement psychologiques des mères ; et la qualité sociale et cognitive de l’environnement familial.

Pour conclure, et avant de détailler plus avant (dans de prochains billets, à venir au cours de la semaine) les grands types de modes de garde (collectif, à la maison et chez un-e assistant-e maternel-le, pas forcément dans cet ordre d’ailleurs), je dirai donc que l’important est de trouver un mode de garde en lequel vous ayez vraiment confiance, car je crois qu’il y a toujours un moment où on doute, où l’enfant pleure à la mort quand on le laisse, et à ce moment-là si de façon générale on n’est pas très satisfait de la situation c’est vraiment très douloureux. En outre, il est probablement difficile pour l’enfant de s’attacher à la personne qui s’en occupe s’il sent que ses parents ne l’approuvent pas vraiment (cf les travaux de Gordon Neufeld et Gabor Maté).

En bref écoutez-vous, écoutez vos enfants, et laissez pisser les fâcheux qui tentent de conforter leurs propres choix en critiquant les vôtres.

D’autres lectures en attendant la suite :

Photo : c’est quasiment la première réponse de Google quand on cherche « Daycare » (crèche)…

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125 Responses to “Les modes de garde”

  1. @Nolwenn, j’entends bien ton argument et il fait sens mais crois-moi c’est pas vraiment dans l’air du temps que l’Etat reprenne des compétences aux collectivités locales (l’idée étant de leur demander d’en faire + avec – d’argent 🙄 )…

  2. @pâte à crêpe, ici on a pris le luxe de la nounou en périscolaire et on regrette pas, tant pour eux que pour nous d’ailleurs. Après Pouss1 a mis vraiment beaucoup de temps à être à l’aise à l’école, il n’accorde pas facilement sa confiance et il n’aime pas les grands groupes d’enfants, donc pour lui c’était particulièrement précieux je pense.

  3. @Suzie, trop bonne idée !!

  4. @pâte à crêpe, moi je propose autre chose dans le billet sur les assmats, suspense :mrgreen:

  5. @pétrolleuse, ça va vite d’être dans l’illégalité, je me souviens avoir négocié pied à pied de ne pas payer les frais d’entretien quand Pouss1 n’y était pas et depuis j’ai appris que c’était illégal…

  6. @landrellec, brrr c’est dur cette histoire de crèche ! Je dois dire que pour nous, autant la crèche est super, autant il y a certaines des puers qui ont vraiment l’air d’être juste là pour toucher le virement, pas de la maltraitance mais juste de l’apathie et déjà ça fait mal quand on tombe sur elles…

  7. @Mère geek, n’importe qui peut garder des enfants à domicile a priori, même si en 2007 circulaient des rumeurs quant à une possible professionnalisation (mais depuis je n’ai pas vu grand chose)

  8. @La fille eaux yeux couleur menthe à l’eau, c’est super, 10 ans avec la même, c’est presque la famille à ce niveau-là 😀

    @assmatcoco, eh y en a quand même un certain nombre de positifs 😉

  9. Je ne sais plus à qui répondre dans le débat sur les assmats véreuses ou pas ; je pense simplement qu’il faut être conscient qu’il y a des abus des deux côtés (assmats et parents), ce qui ne permet pas bien sûr de juger l’ensemble d’une profession à l’aune de certains individus. Comme certains témoignages de parents (et aussi d’assmatcoco et de suzie) l’ont montré, il y a aussi des super pros qui font énormément pour les familles.

  10. Suzie dit :

    @La poule pondeuse, Bien évidemment, mais les gens ont plutôt tendance à retenir le côté « malhonnête » de certaines assmats et l’image de la profession en pâtit. Il y a des assmats qui abusent vraiment et d’autres qui le font par ignorance de la loi… je le vois tous les jours sur le forum auquel je participe pour aider mes collègues (et les parents) dans leurs soucis contractuels. Il est certain qu’il faudrait plus de professionnalisation. Mais il faudrait aussi former les parents qui en tant qu’employeur sont responsables du contrat de travail et qui bien souvent ignorent eux-mêmes tout du droit concernant leur assistante maternelle. Il faut dire que ce n’est pas évident.
    D’autre part, et pour conclure, même si dans certaines quartiers il est difficile de trouver une assmat, refusez de travailler avec celles qui fraudent. Si tous les parents le faisaient, elles seraient bien obligées de « rentrer dans le droit chemin ». Et je le rappelle en cas de problème, seul le parent employeur est responsable du contrat de travail : si vous faites travailler de manière illégale une assmat, même à sa demande, c’est vous qui serez redevable en cas de constatation de fraude.

  11. Lola SurLaToile dit :

    @pâte à crêpe, Ma n°1 a testé la garde à l’école, jusqu’à 18h30 sa première année de maternelle, et un peu moins la 2ème année (j’avais commencé à prendre quelqu’un en plus pour prendre à la crèche et à l’école). Ça lui faisait certes de longues journées, mais comme elle faisait la sieste l’après-midi (et que c’est une enfant qui s’adapte facilement partout) ça allait. J’ai changé de mode de fonctionnement pour n°2 qui lui, plus fatigable et plus sensible, ne me paraissait pas en mesure de supporter ce rythme (et donc les enfants ont été récupérés à 16h30 par une nounou).

  12. rysy dit :

    Merci La Poule pour les articles et à tous pour les commentaires.
    Ici, j’ai juste attendu 13 mois en congé parental une place en crèche en région parisienne. D’ailleurs, nous avons (enfin) eu deux places en septembre dernier. Nous avons opté pour la crèche d’entreprise qui
    1/ est ouverte de 8h à 20h,
    2/ n’exclut pas les enfants qui ont un vague soupçon de peut-être éventuellement une conjonctivite (= mon gamin avec une petite laryngite est accepté),
    3/ je n’ai pas eu de jour de grève.

    Sinon, travaillant entre autres sur la question de l’égalité pro F/H, j’ai eu connaissance d’un super guide qui décortique tous les modes de garde, ciblant les personnes en intérim et lesquelles les problématiques de garde d’enfants sont complexes (pas de CDI, horaires variables…). Pour en savoir plus, http://www.fastt.org/Quelles-solutions-pour-faire.html Si vous êtes concerné(e)s, n’hésitez pas à vous procurer ce guide.

    Il y a aussi une étude assez concise sur les modes de garde là :http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/er763.pdf

  13. michmaa dit :

    @sophie,

    bonjour,

    Je n’ai pas de théorie sur l’âge de la « sociabilisation » mais l’Asticot est entré en crèche à 3 mois et nous avons pu constater qu’il s’est attaché très tôt à certains des autres bébés et un peu plus tard nous avons pu assister à de très jolis moments de complicité et d’empathie (genre le grand qui emmène son doudou au petit qui pleure). Je les ai vu se battre pour un jouet mais aussi partager, rendre à César, faire un bisou après avoir poussé, s’excuser pour passer, faire de la place, bref, vivre ensemble.
    Au final, c’est avec beaucoup de regret que nous l’avons retiré de la crèche à 2 ans pour cause de petit frère + congé parental + déménagement. Il commençait justement à parler suffisamment bien de certains copains.

  14. sophie dit :

    @michmaa, je vois les mêmes choses à la crèche, mais la socialisation n’est pas un impératif à cet âge-là. Aller chez une assmat avec 2 autres enfants prépare aussi bien à la vie en société que de passer ces journées avec une dizaine d’enfants, et c’est nettement moins fatiguant pour les petits.

  15. @rysy, oh merci pour les liens ! La crèche d’entreprise ça a l’air chouette, mais moi avec 1 h de métro dans chaque sens et des déplacements relativement fréquents y a pas moyen (de toute façon y en a pas… :mrgreen: ).

  16. @sophie, tout à fait ! la socialisation, c’est-à-dire en gros d’intégrer les normes sociales et la façon de se comporter avec les autres, ne peut être enseignée par les autres enfants qui ne la maîtrisent pas, mais bien par les adultes. Après ça n’empêche pas les enfants de s’apprécier mutuellement et de profiter de la compagnie des autres, même si il faut faire attention aux problèmes d’attachement aux pairs (cf http://www.poule-pondeuse.fr/2008/09/08/hold-on-to-your-kids-1/)

  17. […] billet clôt le dossier sur les modes de garde (voir aussi l‘assistant-e maternel-le et la crèche). Merci à tous pour vos commentaires qui […]

  18. […] La poule pondeuse, vous a concocté une série d’articles très complets sur les modes de garde. A lire […]

  19. Bonjour,
    Il est vrai que c’est très compliqué de trouver « le » mode de garde idéale pour son enfant. Pour ma part je suis passé par une crèche inter entreprise. Qu’en pensez-vous? il y’en t’il quelques unes d’entres vous qui sont passé par ce mode de garde?

  20. Bonjour,
    Merci pour ce billet..;et je suis absolument d’accord avec vous il n’y a pas de de mode de garde idéale pour ma part je suis toujours passé par la crèche pour mes deux petits bouts car je me suis toujours dit qu’il fallait faire en sorte que l’enfant puise apprendre à grandir en communauté…
    Qu’en pensez-vous?

  21. Kapri dit :

    At last! Someone who unssdetanrd! Thanks for posting!

  22. I second the “when Rage Bob comes into play, search for a card named curse of pierced heart and put it into your hand.”Into play would defeat the purpose because the stupid curse needs to sit in hand doing nothing until it is entirely futile to even consider running out.

  23. http://www./ dit :

    jajajajaj bueno solamente me queda decir que lean el discurso que dio el profeta jose smith en el funaral del elder king follet” es muy interesante en especial el significado de lo ultimo que escribiste.comenten si lo leyeron si no no van a entender a lo que me refiero con seguir las cosas al pie de la letra

  24. Marie dit :

    Merci beaucoup pour ce récapitulatif des différents modes de gardes existants.

  25. Cathy dit :

    Merci beaucoup pour toutes ces informations !

    Cathy