Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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Boire ou se reproduire, faut-il choisir ?

Par  • Le 1 novembre 2011 à 18:42 • Catégorie : Faire un bébé, Grossesse

Un récent dossier de la revue médicale Prescrire relance le débat : peut-on boire (de l’alcool, what else ?) pendant la grossesse  ? Il faut savoir tout d’abord que Prescrire jouit d’un prestige important au sein de la communauté médicale française (plus que Top Santé par exemple…), étant un des rares lieux de débat scientifique médical exempt de l’influence de l’omniprésente industrie pharmaceutique. Ses recommandations sont donc le fruit d’une étude poussée et critique de la littérature internationale. Je n’ai pas accès à l’intégralité du dossier, n’étant pas abonnée, mais le résumé public, s’il rappelle bien sûr les risques liés à la consommation excessive d’alcool, ne recommande pas pour autant l’abstinence totale :

En pratique, il est important d’informer des risques liés à la consommation d’alcool durant la grossesse, mais de manière nuancée, sans culpabiliser d’une éventuelle consommation minime d’alcool. Cette information répétée semble utile pour réduire la consommation des femmes qui ont une consommation à risque. En leur conseillant de ne pas dépasser 4 verres par semaine, et 2 verres en une occasion.

Alors, après avoir appris qu’on se privait de fromages au lait cru pour de mauvaises raisons, va-t-on découvrir qu’on s’abstient en vain d’un bon verre de vin ? Rappelons d’abord que l’alcool ne pose potentiellement problème qu’à partir du moment où la circulation sanguine maternelle se connecte à celle de l’embryon, soit entre deux et trois semaines de grossesse (soit le moment où en théorie vous observez un retard de règles et faites votre test : qui a dit que la nature était mal faite ?).

Par ailleurs, une étude a même montré de meilleurs résultats pour les enfants dont les mères avait bu un peu d’alcool pendant la grossesse (1-2 verres par semaine) par rapport à ceux dont la mère s’était abstenue ; de là à encourager un petit verre aux femmes enceintes…

Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que -contrairement à beaucoup de molécules actuellement médiatisées, comme BPA, parabens etc- la toxicité de l’alcool est tout à fait avérée. Il est notamment reconnu comme « cancérogène pour l’homme » (Groupe 1 du CIRC, soit le plus haut niveau de certitude) et comme tératogène (c’est-à-dire qu’il provoque des malformations congénitales).

Je trouve également intéressant de s’intéresser à ce qu’on sait sur l’impact de l’alcool via le lait maternel. Celui-ci est moins important que lors de la grossesse, puisqu’il y a un effet de dilution (le foetus partage le sang maternel et est donc exposé à la même concentration en alcool, alors que le bébé allaité ingère le lait alcoolisé, celui-ci étant alors dilué dans son sang par l’appareil digestif). En outre, le bébé ne tète pas (toujours) en continu donc il peut éviter le moment où le lait est le plus concentré en alcool, alors que le foetus voit son sang renouvelé en permanence par la circulation maternelle via le placenta. Rappelons enfin que la concentration en alcool du lait est à peu près égale à celle du sang. Ainsi, la Leche league en compilant diverses études montre qu’on n’est pas obligée de complètement renoncer à l’alcool lorsqu’on allaite :

A court terme, l’absorption par la mère d’une dose d’alcool inférieure à 1 g/kg d’alcool pur ne posera généralement aucun problème au bébé allaité.

L’alcootest pour lait maternel Milkscreen se base quant à lui sur une limite de 0.03 % d’alcool dans le lait (notez que chaque rapport utilise une unité différente ce qui ne simplifie pas la comparaison ; mais cela correspondrait à un à deux verres « standard », selon les individus et les circonstances) au-delà de laquelle on observerait un changement des habitudes de sommeil et de tétée des nourrissons, mais ce seuil est également sujet à débat. On voit en tout cas qu’une dose peu importante peut affecter le comportement du bébé : même si cela n’est pas du même ordre qu’une malformation ou qu’un retard de croissance, je trouve que cela incite à la prudence, d’autant plus que comme on l’a vu le bébé allaité est moins exposé que le foetus et qu’il est également plus mature (donc plus résistant, notamment par la mise en place progressive de l’équipement enzymatique permettant de métaboliser l’alcool).

Bref, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. Je pense que tout le monde sera d’accord pour dire qu’un verre de vin pour toute la grossesse n’aura probablement pas d’impact visible sur le bébé, et pour dire qu’une bouteille de vin par jour ce n’est pas une bonne idée. Mais où est la limite entre les deux : c’est bien cela qui fait débat. Il est probable aussi que les variations individuelles soient trop importantes pour pouvoir fixer une limite claire et adéquate pour le plus grand nombre (autre que 0). Et dans le doute, on recommande de ne pas boire du tout. Je comprends la nécessité d’un message simple, surtout dans un pays où l’alcool est hyper banalisé (quoi ? la bière et le cidre ça compte comme de l’alcool ?), mais en même temps je déteste qu’on décide pour moi. Croit-on vraiment que les femmes sont incapables d’appréhender elles-mêmes ce type de problème ? Qu’elles n’ont pas le bien-être et la santé de leur bébé au coeur de leurs préoccupations ? Est-ce qu’on ne peut pas plutôt les laisser décider des risques qu’elles souhaitent prendre ou pas ? Quoi qu’il en soit, j’aime bien l’approche de Prescrire : « informer des risques (…) de manière nuancée, sans culpabiliser ». Et je ne vois pas pourquoi elle ne ferait pas consensus.

Image : « Attention : la consommation d’alcool peut entraîner la grossesse. » Et cet article est dédié à Mère Bordel à qui je pense à chaque fois que je vois une bouteille de vin…

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