Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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R.E.S.P.E.C.T.

Par  • Le 30 décembre 2010 à 22:17 • Catégorie : J'avoue, Réfléchir
Aretha Franklin

Aretha Franklin

Pour 2009, je vous faisais des vœux, que je renouvelle bien sûr cette année : qu’elle vous soit aussi douce et légère qu’un pyjama de bébé. En 2010, j’ai pris une résolution, à laquelle j’ai essayé de me tenir tant bien que mal. Pour 2011, je prends à nouveau une résolution. Je veux qu’on me respecte, en tant que femme et en tant que mère. Le manque de respect pour les femmes, y compris en tant que mères est tellement implicite dans notre société que ce n’est que depuis peu que j’en prends vraiment conscience. Il y a internet et les blogs bien sûr, avec Olympe, Emelire, A dire d’elles, la Fée myrtille et bien d’autres qui me pardonneront j’espère mon manque d’exhaustivité. Il y a aussi mes lectures papier, comme L’amour en plus d’Elisabeth Badinter (que j’ai trouvé bien plus intéressant que son dernier opus). Récemment, trois lectures ont contribué à la montée de mon ras-le-bol :

  • Le chœur des femmes, de Martin Winckler. Si vous ne connaissez pas encore le bonhomme, courez voir son site qui regorge d’infos médicales utiles et à jour sur la contraception notamment. Quant au roman, il met en scène (entre autres) un médecin (dont on devine facilement qu’il est une sorte d’alter ego littéraire de l’auteur) qui se bat pour que ses confrères donnent aux patientes le respect et l’écoute qui leur sont dues. On y apprend notamment que les femmes pourraient très bien être examinées en position « à l’anglaise » (allongées sur le côté) plutôt que dans la position gynécologique classique (poétiquement baptisée « poulet de Bresse » par certains), ce qui serait plus confortable, tant physiquement que psychologiquement. Y sont aussi reprises les préconisations de l’auteur pour rendre la pose d’un DIU moins douloureuse, qui ne semblent malheureusement pas beaucoup suivies en France. Et à part ça le livre se lit tout seul, même s’il y a quelques passages un peu téléphonés (oh l’interne sûre d’elle qui ne rêve que de chirurgie et pas d’histoires de bonnes femmes est devenue encore plus humaine et engagée que le gentil médecin : pas possiiiiible !). Pour en savoir plus voir par exemple la critique de Telerama.
  • Le site d’un gynécologue, sur lequel je suis tombée par hasard. Voilà un médecin qui est sans doute animé par les meilleures intentions, et doit sincèrement penser avoir le bien-être et la santé des femmes comme priorités. Mais quel paternalisme transpire de ses écrits ! Une rubrique est intitulée « Côté mamans : maladies et petits bobos » : à qui s’adresse-t-on ? A des femmes majeures en pleine possession de leurs moyens intellectuels ou à des enfants de cinq ans ? Je n’attends pas d’un médecin qu’il me parle de mes « petits bobos » ou m’enjoigne de « prendre mes petits cachets roroses et bleubleus pour faire dodo et être en pleine foforme » mais qu’il me parle d’adulte à adulte. Cette condescendance s’étend d’ailleurs aux sages-femmes (comme le faisait remarquer Chantal Birman dans Au monde, la façon dont sont reconnues les sages-femmes est assez symptomatique du traitement réservé aux femmes), et après que je l’ai interpellé sur Twitter, un étudiant sage-femme répondant à l’étrange pseudonyme de Gromitflash a vivement réagi sur son blog (notre échange de tweets incluait aussi 10 lunes qui a vu aussi rouge que son avatar). Par ailleurs le site présente un certain nombre d’erreurs, ou au moins d’opinions personnelles de l’auteur présentées comme des vérités générales, au mépris des études et recommandations officielles. Je n’ai pas le courage de tout détailler, mais il y a des exemples particulièrement flagrants dans les pages sur l’épisiotomie (a-t-il seulement lu les recommandations de ses pairs du CNGOF ?), sur l’allaitement (« plus une société est évoluée, moins l’allaitement maternel est prisé » : les pays scandinaves seraient-ils restés à l’âge de pierre ?) ou encore sur l‘accouchement (avec la position « libre » qui est une légère variante de la position gynécologique : sait-il qu’on peut accoucher sur le côté, à quatre pattes, accroupie et j’en passe ?). Bien sûr l’exercice médical n’est pas plus la simple mise en œuvre de directives que la maîtrise d’une langue étrangère ne se résume à la connaissance de son dictionnaire. Mais n’est-ce pas un manque de respect flagrant pour ses patientes (pour ne pas parler d’incompétence) que de s’asseoir allégrement sur les dernières études et avancées ?
  • L’art d’accommoder les bébés, de Geneviève Delaisi de Parseval et Suzanne Lallemand. Je suis en train de le lire et j’ai bien l’intention d’y consacrer un billet, tellement il me plaît. Je ne vais donc pas détailler, mais les auteurs analysent avec beaucoup de finesse et de mordant le traitement réservé aux mères depuis plus d’un siècle. Un livre à mettre entres toutes les mains !

Alors voilà mon plan d’attaque. Plutôt que de me lamenter sur ce que je voudrais que les autres fassent, autant prendre les choses (et ma petite personne) en main.

  • Changer le vocabulaire. C’est peut-être symbolique, mais je ne veux plus qu’on m’appelle maman (à part mes poussins bien sûr). Quand j’appelle l’école, la crèche ou toute autre chose pour les enfants, je me présente par mon nom et en tant que mère de Pouss1/Pouss2. On est entre adultes que je sache. Tant pis pour Google (et désolée pour mes consœurs), mais ici ce n’est pas un « blog de maman ». Et j’encourage toutes celles qui veulent être prises au sérieux à abandonner « bidou » et « gygy » pendant qu’on y est.
  • Ne plus me laisser faire. Si j’avais seulement eu l’aplomb pour répondre à l’anesthésiste qui m’appelait « ma belle », ou à la pédiatre qui menaçait Pouss1 d’une fessée s’il n’arrêtait pas de pleurer… Et à défaut d’avoir le courage de dire à ma gynécologue qu’elle examine avec la délicatesse d’un panzer, j’irai voir quelqu’un d’autre (oui j’ai l’inclination pour le conflit d’une serpillère, il faut que je me soigne).
  • J’adore me délasser les neurones en lisant la presse féminine, mais je n’achèterai plus de magazine avec les mots « maman » (cf premier point), « régime », « maigrir », « minceur » et « horoscope » sur la couverture (sauf s’il y a un article sur ce blog à l’intérieur, je n’ai pas pris pour résolution de renoncer à ma mégalomanie). Pour ceux que le point sur les régimes laisse perplexes (et pour les autres aussi) je ne peux que recommander ces articles de Mona Chollet : « Culte du corps », ou haine du corps ? et Sortir du « harem de la taille 38 ». D’ailleurs à moins d’une raison médicale, comme en 2010, je ne ferai pas de régime (à moins qu’une diète composée exclusivement de Côte d’or ne soit reconnue sous cette appellation). Oui, j’ai du gras et de la cellulite qui ne rentrent que rarement dans un 38, et alors ? Et j’invite tout le monde (si ce n’est déjà fait) à aller voir le site du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS). Pour l’horoscope je crois que ça se passe de commentaire.

Et vous ?

Photo : En voilà une qui sait demander qu’on la respecte et qui ne fait même pas du 38.

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