Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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Le congé parental

Par  • Le 17 novembre 2010 à 13:24 • Catégorie : Education, Eduquer

sound-of-music_l1231807675 Prête à tout pour la basse-cour, j’ai testé pour vous… le congé parental !

D’abord le congé parental d’éducation, c’est quoi ? Il s’agit d’une disposition du droit du travail français, qui permet au parent qui le souhaite de prendre un congé total ou partiel jusqu’aux trois ans de l’enfant. Il suffit que le parent ait plus d’un an d’ancienneté à la naissance de l’enfant pour que le congé ne puisse être refusé par l’employeur, qui devra simplement en être averti par lettre recommandée un mois avant qu’il ne commence (le congé, pas l’employeur). Tous les détails sont sur le site du ministère ad hoc (je ne mets pas son nom complet, ça change à chaque remaniement). Ce congé parental peut ouvrir le droit à une allocation de la Caisse d’allocations familiales appelée complément de libre choix d’activité, sous certaines conditions (tout est expliqué sur le site de la CAF). Selon le revenu du parent qui prend cette option, cela peut avoir plus ou moins de conséquences sur le budget familial. Quoi qu’il en soit cela mérite d’être étudié soigneusement avant de prendre la décision.

Pour ma part, je ne suis pas vraiment desperate housewife dans l’âme, mais plusieurs éléments m’ont poussée à allonger mon congé maternité (dix semaines en post-natal) de six mois de congé parental. D’une part je trouve le congé post-natal vraiment trop court, tant pour moi que pour bébé, d’autant plus avec un projet d’allaitement (même si allaitement et travail ne sont nullement incompatibles, c’est tout de même plus simple à la source, surtout avec un tout petit). D’autre part, il se trouve que nous avons déménagé deux semaines après la naissance de Pouss2 (ce que je ne recommande à PERSONNE), la destination de notre déménagement n’ayant été connue que peu de temps avant. Donc avec un Pouss2 né en janvier et un Pouss1 qui devait commencer l’école en septembre, il m’a semblé plus simple d’éviter de chercher en panique un mode de garde pour deux enfants, qui en outre n’aurait duré que quelques mois pour l’un, et d’avoir un peu de temps pour accompagner la première rentrée de Pouss1.

Le hic c’est qu’avec un Coq qui cumulait un travail prenant (et à près d’une heure de chez nous) avec la prise en charge du déménagement et des travaux qui s’ensuivaient, je me suis retrouvée à m’occuper quasi-seule de mes deux poussins. Comme vous vous en doutez sûrement, ça n’a pas été facile tous les jours. Forte de cette expérience, voici quelques conseils à considérer si l’aventure vous tente (notez que ça peut aussi servir en congé maternité) :

  • Se faire aider. Autant que possible. S’occuper entièrement seul d’un (et a fortiori plusieurs) enfant(s) n’est pas un fonctionnement habituel pour l’être humain. Je ne suis pas spécialiste, mais il me semble qu’aucune société ne fonctionne de cette façon. Bien sûr c’est en général la mère qui s’occupe principalement de ses enfants, mais elle trouve toujours quelqu’un à qui les refiler de temps à autre (les « allomères » dont parle Sarah Blaffer Hrdy). Pour le cas qui nous intéresse, ce n’est pas parce que vous avez pris un CPE que vous devez vous occuper des enfants 24h/24 7j/7. Bien sûr il y a l’autre parent, et quand c’est possible la famille élargie, ainsi que les amis, voisins, etc. Il existe aussi des modes d’accueil collectifs pour ce type de situation : les haltes-garderies, qui ne prennent généralement les enfants que pour quelques demi-journées par semaine. J’ai d’ailleurs eu une place pour Pouss1, qui a plus servi à l’ouvrir sur d’autres horizons qu’à me libérer du temps puisqu’au final j’avais au mieux 2h30 avant de retourner le chercher (et -léger détail- Pouss2 sur les bras). Certaines crèches proposent aussi des créneaux à temps partiel pour boucher les trous. Bien entendu, l’aide ne s’arrête pas à la garde d’enfant. Congé parental d’éducation ne veut pas dire qu’en prime vous devez vous farcir toute la popote, le ménage, les courses etc. Nous sommes des fidèles d’Auchandirect et avons eu la chance de pouvoir garder notre femme de ménage pendant le congé. Honnêtement je pense que si j’avais du faire le ménage en prime l’issue aurait été soit un placement des enfants suite à une visite de notre domicile par les services sociaux soit mon internement en psychiatrie. Par contre je trouve que ce n’est vraiment pas évident de caser deux enfants, à tel point que je n’ai même pas pu profiter du congé pour faire ma rééducation périnéale (et je ne vous parle même pas d’activités un peu plus présentables dans les dîners mondains).
  • Voir du monde. L’idéal est d’avoir quelques amies (désolée pour les quelques hommes concernés…) dans la même situation et proches géographiquement, mais ça n’est pas toujours évident. A défaut, il y a de plus en plus d’initiatives pour les futurs et jeunes parents qui permettent de sortir un peu et de rencontrer du monde : réunions d’associations sur l’allaitement (voir ici l’article de Ségolène sur le sujet), ateliers de portage ou de massage de bébé, baby gym, maisons vertes, etc. Pour savoir ce qui se passe près de chez vous, vous pouvez par exemple contacter la PMI (qui ne sert pas qu’à culpabiliser les mères allaitantes). Ainsi on peut échanger sur les difficultés et découvrir qu’on n’est pas les seuls chez qui ça ne se passe pas comme chez Laurence Pernoud. Les bébés (même très jeunes) aiment bien aussi qu’il y ait un peu de mouvement et trouvent généralement nos activités (lire, être sur l’ordinateur, téléphoner…) ennuyeuses. Et puis vous allez découvrir les bébés des autres, qui d’une part sont tous moches par rapport au vôtre, et d’autre part font généralement un truc qui vous semble franchement insupportable et que le vôtre ne fait pas, ce qui vous le rendra d’autant plus aimable. Pour ma part, j’ai trouvé que le gros hic de beaucoup de ces activités est qu’elles se déroulent en début d’après-midi : LE moment de la (longue) sieste de Pouss1. Et bien sûr ce n’est pas parce que vous êtes en congé que la vie doit tourner autour des couches. Pourquoi pas voir une expo ? Faire une balade ? Du shopping ? Il peut aussi y avoir des concerts « adaptés », pas trop bruyants (évitez le pogo sur Rage against the machine), où on peut facilement aller et venir, par exemple un groupe de jazz dans un bar (maintenant qu’ils sont tous non fumeurs -les bars, pas les groupes de jazz)), ou un événement en plein air, où d’éventuels cris de bébé passeront plus facilement inaperçus. En ce qui me concerne j’ai fait un certain nombre de répétitions musicales (je chante) avec Pouss2 sous le bras, ça s’est plutôt bien passé. Si vous avez peur de sortir avec bébé, commencez facile : pas trop loin, un endroit d’où on peut partir facilement, avec des gens bienveillants… Le portage rend les choses vraiment plus pratiques, j’ai pu faire plein de choses seule avec les deux (métro, TGV, McDo, cafés, etc). Attention, autant internet est vraiment devenu un super lieu de rencontre pour les parents, autant ça n’est pas la même chose que de voir des gens en vrai. Ne serait-ce que parce que pour le poussin, se retrouver au milieu d’autres personnes, éventuellement dans un lieu inhabituel, c’est bien plus intéressant que d’être chez lui avec sa mère vissée à son ordinateur.
  • Connaître et respecter ses limites. Les enfants n’ont pas leur pareil pour nous pousser à bout, et plus loin encore. Avec le manque de sommeil qui est généralement le lot des parents d’enfants en bas âge, c’est un cocktail explosif. Encore une fois, c’est normal de n’avoir pas envie de s’occuper tout le temps de ses enfants, même (et surtout…) si on est en congé parental. Repérez les moments où la mayonnaise monte pour essayer si possible d’éviter les situations explosives. Acceptez qu’on ne peut pas toujours être disponible pour accompagner ses enfants, idéalement en passant le relai à quelqu’un, et si personne n’est disponible en vous isolant. Personnellement je pense qu’il vaut mieux dire à un enfant qu’on craque et le laisser hurler seul que de péter une durite devant lui (ou pire sur lui). Evidemment, parfois ce n’est pas possible, parce que même si le grand ne veut pas mettre ses chaussures vous avez quand même rendez-vous chez le médecin pour le bébé dans dix minutes (ah ça sent le vécu ?). J’ai testé pour vous, et je peux vous dire que de surenchérir dans les cris et l’énervement ne fonctionne pas, sans compter que c’est complètement contre-productif à moyen terme, l’enfant fonctionnant surtout par imitation. C’est plus efficace de rester calme et déterminé, même si c’est beaucoup plus difficile. On peut sortir momentanément évacuer sa rage en criant un bon coup et/ou en tapant sur un objet inanimé (avez-vous donc une âme ?), ou encore se promettre une « récompense » pour plus tard (un carré une tablette de chocolat, un bon bouquin/une bonne série, un coup de fil, un achat plaisir… enfin ce qui vous motive !). Dans une journée, essayez de ménager quelques plages pour vous (à commencer par une douche, et non bébé ne deviendra pas psychopathe parce qu’il a pleuré tout seul le temps que vous vous rinciez les cheveux).
  • Préparer l’après. Même si vous voulez vous consacrer à vos enfants, y compris après leurs trois ans, il y a bien un moment où vous aurez envie de faire autre chose. Personnellement ça ne me semble pas très sain de construire toute sa vie autour de ses enfants (ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas s’y consacrer à 100% sur certaines périodes bien sûr). Si vous reprenez votre poste à l’issue du congé, « facile ». Il « suffit » de chercher un mode de garde dès que vous avez votre date de reprise et de vous tenir un peu au courant de ce qui se passe avant celle-ci. Si vous êtes dans un secteur où les choses bougent très vite, ça peut être utile de se remettre un peu dans le bain avant, par quelques lectures, ou en allant à un colloque par exemple. Si vous souhaitez vous réorienter, voir point 1 : il va être essentiel de trouver quelqu’un pour garder un peu votre poussin pendant vos diverses démarches pour mûrir votre projet (si vous n’en avez qu’un -de poussin, pas de projet- et qu’il fait de grandes siestes ça aide). Cette coupure peut vraiment être un bon moment pour réfléchir à autre chose. Enfin une autre option peut être de s’engager dans le secteur associatif, si vous n’avez pas de projet professionnel à court/moyen terme, afin de changer un peu d’air.

Pour ma part, le bilan est plutôt positif ; de toute façon je ne voyais pas vraiment de meilleure alternative, ce qui aide grandement à faire accepter la situation par tout le monde. D’ailleurs, lorsqu’est venu le moment de reprendre, je dois dire que j’étais un peu en overdose des poussins. J’étais donc parfaitement unifiée dans ma décision de les confier, l’un à l’école et l’autre à la crèche, ce qui a été un atout certain pour que les poussins s’adaptent à la nouvelle donne. Au niveau professionnel, n’en déplaise à Elisabeth, je n’ai pas l’impression de m’être trop tiré une balle dans le pied, ayant retrouvé à peu près ce que j’avais laissé, et l’interruption (un peu moins d’un an au total avec le congé maternité) ne se verra même pas sur mon CV puisque je n’ai pas quitté mon poste. A dire vrai, étant passée assez rapidement d’un extrême (m’occuper à plus de 95 % des enfants) à l’autre (travailler à temps complet à une heure de mon domicile), je crois que l’idéal serait sans doute une solution intermédiaire (qui n’est pas compatible avec mon poste actuel).

Au-delà des études, qui montrent tour à tour que les enfants qui ne sont pas gardés à temps plein par leurs parents (voire leur mère pour les plus réacs) deviennent ou pas des délinquants asociaux, je pense que c’est ça qui est vraiment important : un choix réfléchi et assumé, plutôt qu’une contrainte plaquée sur les parents.  Sans compter que dans la vraie vie tout ne se passe pas toujours comme on a envie, et certains choix auxquels nous aspirons peuvent nous être refusés par les circonstances (que ce soit de devoir travailler pour des raisons financières ou de devoir rester à la maison par absence de mode de garde -ce qui serait le cas d’environ un quart des congés parentaux, d’après le rapport Tabarot). Un enfant s’épanouira plus difficilement s’il passe ses journées avec une mère dépressive, qui ressent la situation comme un enfermement imposé. Et inversement, il aura plus de difficultés à s’adapter à la séparation si elle est très mal vécue par un de ses parents. Dans une société où les parents sont relativement isolés, le développement de modes de garde de qualité et répondant à la diversité des situations (temps partiel, accueil ponctuel…) est en tout cas une vraie nécessité. Enfin je sais que ce n’est pas le style de la basse-cour, mais par pitié finissons-en avec les « mommy wars » : la vie avec des enfants en bas âge est difficile et fatigante, qu’on travaille ou pas. Chaque situation a des avantages et des inconvénients, et surtout chaque famille a des contraintes et des envies différentes. La parentalité n’est pas un concours.

Photo : une scène prise sur le vif pendant mon congé, au pied de la montagne Sainte-Geneviève

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