Comment ne pas être une mère parfaite

purves Depuis le temps que Ficelle et Béatrice m’en faisaient l’apologie, quand j’ai vu passer Comment ne pas être une mère parfaite de Libby Purves dans les livres prêtés par ma prof de yoga prénatal je me suis jetée dessus comme la vérole sur le bas-clergé*. Portant sur la période allant de la grossesse aux trois ans de l’enfant, ce livre se veut une sorte d’anti-Laurence Pernoud (sauf que l’auteure étant anglaise n’est sans doute pas familière avec feue notre Laurence nationale). Ecrit dans un style assez pétillant il se lit vite et avec plaisir (et la traduction est assez bonne, avec des références au goût du jour -au moins pour la nouvelle version 2004, l’originale datant de 1986- et généralement francisées quand nécessaire). Mère de deux enfants, l’auteure alterne entre des anecdotes personnelles et des trucs et astuces incluant des idées proposées par d’autres parents qu’elle a sondés pour l’écriture du livre. Globalement ce sont plutôt des conseils de bon sens déculpabilisants, pragmatiques et sans dogmatisme forcené : la présentation générale étant « voilà quelques propositions, piochez ce qui peut vous convenir et laissez le reste », évidemment je ne peux pas dénigrer une telle vision des choses quand c’est ce que j’essaie autant que possible de mettre en œuvre dans ces colonnes.

Je ne résiste pas au plaisir de vous mettre quelques citations décrivant certains phénomènes de façon particulièrement savoureuse :

  • Le complexe de la cousine Elisabeth : c’est chez la femme enceinte un « besoin irrépressible d’aller voir d’autres femmes enceintes et de comparer ses impressions ».
  • « Les parents se comportent tous un peu comme ces gens qui, à leur retour de week-end, déclarent qu’ils n’ont pas eu une goutte de pluie alors qu’en réalité il a plu des cordes pendant deux jours. Tout cela signifie que […] la visite d’une amie accompagnée d’un bébé un peu plus grand (ou un peu différent) peut vous faire douter de vos capacités. »
  • Pour se préparer au terrible two : « Je conseillerais à tous les parents de suivre des stages intensifs qui les prépareraient à affronter ces créatures versatiles. […] Si vous pouviez vous arranger pour devenir l’imprésario d’un groupe punk pendant quelques années, je crois que vous auriez compris l’essentiel. Tout ce qui vous permet de cotoyer des gens délirants sans perdre votre calme vous sera utile. »
  • « Les parents qui ont deux enfants ou plus ont une chose en commun : ils sont exaspérés par les plaintes et les inquiétudes de ceux qui n’en ont qu’un. C’est comparable au mépris que ressent une jeune accouchée devant l’idéalisme à tout crin d’une amie qui attend son premier bébé. »

Ceci étant dit il y a aussi des passages ou des choses que j’ai moins aimés. La plus sournoise pour un livre se voulant déculpabilisant est l’aptitude de l’auteure à parler de sa super carrière (elle est journaliste) parfaitement conciliée avec sa vie de famille comme si c’était à la portée de tout un chacun. Expliquer que descendre le Mississipi à sept mois de grossesse lui a permis de faire disparaître tous ses symptômes désagréables (jusqu’au retour…), ou comment passer en direct à la radio est excellent pour les nausées de grossesse, certes, mais ça ne me semble pas très pertinent pour la majorité des femmes. Je suis d’accord qu’il n’est pas forcément utile de passer sa grossesse à se regarder le nombril** mais on a aussi le droit d’être une grosse loque avachie sur le canapé. Personnellement j’ai trouvé sa façon de parler de l’allaitement (qu’elle défend) assez sympa et décomplexée, mais l’expérience de ce blog notamment m’a montré que s’il y avait un sujet dont la seule évocation tirait d’emblée sur la corde à culpabilité c’est bien celui-là. Je peux donc volontiers imaginer que ces passages mettent certaines lectrices mal à l’aise, même si on est loin de certains discours moralistes. Elle a parfois aussi un avis un peu à l’emporte-pièce sur certains points, comme l’accouchement à domicile (selon elle réservé aux brebis mais elle avoue ne pas être très objective sur le sujet). Quant aux trucs et astuces qu’elle donne, je n’ai pas encore eu l’occasion d’en tester (autres que ceux que je ne connaissais pas déjà…) ; c’est clair qu’il y a à prendre et à laisser mais elle le dit elle-même.

En bref, je dirais que comme le livre existe en poche, c’est un cadeau sympa à faire ou à se faire, pendant la grossesse ou après.

* Le Coq prétend que je suis la seule à utiliser cette expression un peu désuète mais je l’aime bien.

**L’autre jour une femme du yoga qui m’a expliqué avoir demandé -et obtenu- d’être arrêtée à trois mois pour « profiter de sa grossesse » : je suis la seule à halluciner un peu ? D’un autre côté n’envisageant pas de faire l’impasse sur le congé patho alors que ma grossesse n’est justement pas pathologique je passe sans doute pour une grosse flemmasse par rapport à d’autres…

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112 Responses to “Comment ne pas être une mère parfaite”

  1. Oui, j’ai bien aimé aussi ce bouquin. Par contre, j’ai moyennement apprécié les suivants : comment ne pas élever des enfants parfaits (sur ce plan-là, je n’ai pas vraiment eu besoin de ses conseils :lol:) et comment ne pas être une famille parfaite.

    Tout cela faisait un peu redite. Il vaut mieux se contenter du premier : une fois qu’on l’a compris, on est opérationnelle pour tout le reste.

  2. @La Femme des Steppes, justement je me posais la question de l’intérêt des suivants mais j’avais totalement oublié de le mentionner dans l’article… enfin je suis fixée, merci !

  3. carabosse dit :

    J’ai lu suite à ton article… ben franchement trés déçue, j’ai détesté ce ton condescendant et ces explications à l’encontre du titre du bouquin 🙄 « Comment être une mère parfaite selon moi » aurait été un meilleur titre…

    Pas grave, je me rattrape sur l’essai de M. de sigly, plus difficile mais carrément rassurant 😉

    A bientôt 😛

  4. Béatrice dit :

    @carabosse, Moi j’ai toujours hurlé de rire avec ces trois bouquins, ça doit dépendre de chacune, comme toujours 😆

  5. @carabosse, ah oui, les goûts et les couleurs… Faut que je mette la main sur l’essai en question, j’y pense, j’y pense !

  6. carabosse dit :

    @La poule pondeuse, En fait, j’ai trouvé ce qui me gênait : ce mépris normalisé des femmes enceintes vis à vis des femmes sans enfants puis des femmes avec un enfant vis à vis des femmes enceintes puis des femmes avec deux enfants vis à vis de celles ayant un enfant 🙁 … Ce cycle du mèpris ou du « regarde j’en bave plus que toi » est trop courant dans nos sociétés et génère beaucoup de violence à mon goût. Chacun vit ses expériences et tous les ressentis sont valables…

    Peut-être suis-je trop dans mon monde 😉

  7. @carabosse, c’est marrant je disais justement à Ficelle l’autre jour que je trouvais ça bien vu. Sauf que je ne parlerais pas de mépris mais plutôt d’irritation face à quelqu’un qui peut s’ériger en donneur de leçon sur une situation qu’il ne comprend pas bien (du style « quoi tu lui redonnes un bonbon parce qu’il pleure ? mes enfants ne mangeront pas de bonbons avant d’avoir 18 ans » etc).

  8. Zam dit :

    Bonjour,

    Premiers pas sur le site de la Poule Pondeuse et je suis un peu choquée à la lecture de certains commentaires liés à cet article. Pourquoi culpabiliser les femmes enceintes arrêtées sans urgence médicale ? N’y aurait-il pas un peu de jalousie sous-jacente là-dessous ? On peut se sentir très fatiguée par sa grossesse sans qu’il y ait aucun danger ni pour soi-même ni pour le bébé. Si on se sent bien dans sa grossesse tout en continuant à travailler, tant mieux, soyons libre de le faire sans nous faire black-lister par nos employeurs/clients. Mais être enceinte, ça peut aussi être pour certaines l’impression d’être passées au rouleau compresseur un peu plus chaque jour, tant physiquement que psychologiquement. Et physiologiquement, ça se défend. Alors si rien ne justifie médicalement d’être arrêtée, on fait quoi ? On démissionne pour rechercher du boulot dans une petite année ? Ça me parait un peu « raide » et injuste pour celles qui ne peuvent pas se le permettre (soit la majorité). N’oublions pas que nous ne vivons pas toutes nos grossesses de la même façon et laissons-nous le droit de le faire sans culpabilité !

  9. Anne Cé dit :

    @Zam, si on se sent très fatiguée par sa grossesse, si on a « l’impression d’être passées au rouleau compresseur un peu plus chaque jour, tant physiquement que psychologiquement. » c’est clairement à mon avis une justification médicale pour un arrêt pathologique.

    pour ma part, je n’ai pas eu besoin de cet arrêt patho pour mes deux grossesses (et tant mieux pour moi) et je peux te dire que cela suscite généralement l’étonnement tant les gens ont l’impression que c’est un dû ! 😯

  10. @Zam, bienvenue ! Personnellement je laisse autant que possible chacun s’exprimer mais je pense que nous devons nous garder des jugements hâtifs. J’encourage les femmes à demander d’être arrêtée si elles en sentent le besoin parce qu’en moyenne avec deux enfants dans une vie ce n’est pas 15 jours ou même 1 mois par grossesse qui vont jouer sur une carrière (et ça peut faire la différence pour le bébé). Mais je pense qu’il ne faut pas être naïf et qu’il y a sans doute des gens qui abusent du système (même s’ils sont loin d’être la majorité).

  11. […] Mother Fucker, elles fleurissent comme un printemps arabe les mères qui en ont marre de la mère parfaite lisse et effacée […]

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