Les Etatsuniens ont de la chance. Déjà ils ont Barack Obama : il est beau, il est sympa, il est classe, il est intelligent, il va sauver le monde. Et en plus il existe vraiment. Bref.
Et puis alors que nous autres Français on en est encore à débattre pour savoir si l’allaitement est compatible avec le féminisme (sans parler des petits pots et des couches lavables…), ils sont passés à une question bien plus intéressante : la libération de la mère allaitante passe-t-elle par un plus long congé maternité ou par des conditions optimales pour tirer son lait au travail ? Ou encore que veut-on promouvoir dans l’allaitement ? Le lait maternel ou le fait de téter le sein ? Les deux ?
Le débat est parti d’un article bien documenté et très intéressant de Jill Lepore dans le New Yorker que vous pouvez lire ici. On y trouve une mise en perspective historique pleine de détails savoureux. Par exemple on y apprend que Linné lors de sa première tentative de classification des êtres vivants en 1735 avait mis les humains dans la classe des Quadrupèdes, ce qui avaient été assez mal pris par ses contemporains, déjà peu enclins à se classer parmi les animaux, et s’était finalement rabattu sur l’appellation Mammifères (qu’il a lui-même créée). L’idée étant que personne à l’époque ne pouvait nier que le petit d’homme était allaité par sa mère. Linné avait d’ailleurs beaucoup prêché contre les nourrices.
L’auteur rappelle également l’accent mis par les autorités sur l’allaitement maternel et sa glorification, tant en Europe qu’aux USA… jusqu’à la fin du XIXème siècle où on observe deux phénomènes concomitants : apparition des premiers substituts au lait maternel et tarissement supposé de la lactation des femmes. J’aime particulièrement son résumé de l’histoire de la nourriture : quand les riches mangent du pain blanc et donnent du lait maternisé, les pauvres mangent du pain complet et allaitent ; ensuite ils échangent.
La situation actuelle (qui n’est pas sans rappeler nos problèmes hexagonaux) est la suivante : on dit aux mères que le mieux est d’allaiter exclusivement pendant (au moins) 6 mois, mais elles n’ont généralement que 12 (10 ici) semaines de congé post-natal. Alors que donner aux bébés entre deux ? Apparemment aux USA au moins, l’Etat met l’accent sur la possibilité pour les femmes de tirer leur lait : exemption de taxes sur les tire-lait, pressions sur les entreprises pour mettre à disposition des mères des endroits confortables pour faire marcher les machines, etc. Pour Jill Lepore, ce sont de pâles substituts d’un vrai congé maternité. L’art féminin de l’allaitement est devenu la science du lait maternel.
Ce qui nous amène donc à une question intéressante : que veut-on dire par allaitement maternel ? Faire téter un bébé au sein ou boire le lait de sa mère ? Qu’est-ce qui est vraiment important ? Les professionnels de la santé bucco-dentaire mettent en avant les effets bénéfiques de la tétée au sein sur le développement des structures faciales, même s’il me semble qu’on les entend beaucoup moins que les explications sur les bénéfices du lait. Et bien sûr, la proximité physique induite entre la mère et l’enfant favorise l’établissement d’un lien d’attachement solide, dont les effets bénéfiques sur le psychisme des enfants (et des parents) n’est plus à démontrer. Ceci dit, rien n’empêche de donner un biberon en peau à peau et d’en faire un super moment de câlin (à part peut-être ces objets étranges ? encore qu’apparemment on peut s’en servir pour donner un biberon à un enfant en porte-bébé et garder les mains libres).
Là où l’auteur va un peu loin, c’est quand elle nous dit « Quand est-ce que le droit des femmes est devenu le droit des femmes à travailler ? ». Je ne suis pas la seule à tiquer : une chroniqueuse trouve que Jill Lepore « jette le bébé avec le reste de lait tiré ». Elle souligne que le soutien aux femmes qui souhaitent rester chez elles pour allaiter ne doit pas se faire aux dépens de celles qui veulent retourner bosser et pouvoir y tirer sereinement leur lait. Je pense également que c’est à chaque famille de voir ses priorités et de trouver ses compromis et ses solutions.
Par contre, dans un pays où on attend de l’Etat qu’il mette en place des politiques de santé publique et de prévention d’envergure, quel doit être le message à faire passer ? Et surtout quelles mesures pour encourager sa mise en pratique ? Le budget et les moyens étant par nature limités, sur quoi faudrait-il insister ? Comment donner vraiment le choix aux femmes ? On en a déjà discuté ici, mais il me semble qu’un système de congé parental vraiment flexible, correctement rémunéré et permettant un relai entre les parents irait dans ce sens. D’ailleurs ça a l’air de plutôt bien marcher chez nos voisins scandinaves non ?
Tant qu’on est dans cette thématique, j’en profite pour vous signaler cette excellente interview de Sylviane Giampino, psychanalyste et psychologue, relayée par le site Les papas = les mamans (une mine d’articles très intéressants et bien faits). Le sujet : Les femmes qui travaillent sont-elles coupables ? Sylviane Giampino y fait une synthèse assez réussie entre féminisme et besoins de l’enfant, loin des poncifs éculés et autres clichés habituels.
Et pour finir sur une vraie question existentielle : peut-on tirer son lait en public, comme cette femme au bord de l’engorgement qui s’est « soulagée » dans le train de banlieue (une main pour se tenir à la barre, l’autre sur le tire-lait), ou encore à un bar en sirotant son verre de vin ?
(Photo : AP Photo/Alex Brandon, trouvée sur http://www.boston.com/bigpicture/2008/12/2008_the_year_in_photographs_p.html, et spéciale dédicace pour ma mômman. En même temps c’est plus sympa qu’un tire-lait non ?)
Tags: Allaitement, congé maternité, Jill Lepore, New Yorker, sein, tire-lait, travail
Pour ma part, j’ai tiré mon lait pendant 4 mois au boulot, mais les conditions de confort et d’hygiène étaient loin d’être optimales 😕
Merci beaucoup pour cet article qui est complètement d’actualité en France puisque de plus en plus de femmes tirent leur lait au travail…sans le dire ! 😉
Bon, par contre, le conge mat des ameriquains me fait moyennement envie…et si la question se posait en France entre conge plus long ou tirer son lait au travail, je pense que la majorite choisirait la 1ere solution.. Mais on en revient toujours a la question de la liberte individuelle. Perso, je serais plus pour un conge a la scandinave et surtout le choix pour le papa de s’arreter egalement. Avec une compensation correcte, j’en connais un qui aurait ete ravie de s’occuper de sa fille a plein temps pendant quelques temps. (plutot que de commencer a la mettre en creche au mois de janvier et recuperer toutes les saletes de virus qui trainent a cette periode…)
Entre avantage de l’allaitement vs. avantage du lait maternel: la aussi, je considere plutot cela comme un tout.. Certaines femmes vont le faire en pensant d’abord a la sante de leur bebe et d’autre d’abord au plaisir d’allaiter.. enfin meme si l’un ne se conjugue pas forcement avec l’autre…Parfois ca vient, parfois pas…
tres interessant l’article du Newyorker et la photo d’intro est tres touchante… quelle bouille…
Concernant le tirage de lait au boulot, ici j’ai tenu 2 semaines. Je devais aller a l’infirmerie et elles me trouvaient toujours un petit bureau vide avec un lavabo. Par contre, je devais aller dans un autre batiment, demander une cle, qu’elles cherchent le bureau vide etc etc, ca me prenait au minimum 30 min…Alors entre arriver a l’heure a la creche pour recuperer ma puce ou tirer mon lait le midi, j’ai choisi. SI cela avait ete plus facile, je l’aurai fait plus longtemps, mais j’etais tellement crevee que le lait manquait.
Par contre, tirer mon lait au bureau (je veux dire assise a mon bureau) au milieu de l’enorme open space tout vitre… euh non… et autant j’etais sans complexe aucun pour allaiter ma fille en public autant tirer en public…ca me choque un peu quand meme…surtout dans un train de banlieue, avec les regards lubriques qui peuvent trainer…
bon aller, je file lire l’article de Sylviane Giampino…maintenant que ma poussinette toute malade s’est endormie apres sa kine… (un article sur les conges enfant malades et solutions de remplacement??) 😆
PS: et je vois que je suis plutot bavarde en ce moment…oups, je ne m’en etais pas rendue compte… mais quand on a un blog de qualite, il faut lui faire honneur
Hello!
Moi je voudrais parler du bib ( http://babble.com/best-baby-self-feeding-systems-podee-pacifeeder-savi-baby-bottle-straw-ai-non-foogo-leak-proof-thermos-bebe-sling-ergo/ ) ca me fait largement penser au biberon a tube egalement appelé « tueur de bébé » (google est votre ami) Ca me fait froid dans le dos.
Deja les bébé a 3 mois qui boivent leur bib tout seul, ca me fait de la peine (vu dans la salle d’attente de mon medecin)
@MissBrownie, je veux bien le croire. Moi à mon boulot y avait pas de frigo et on était dans des algécos donc j’ai même pas tenté.
@Véronique, ça va venir je pense !
@Charlotte, je vois très bien le compromis entre temps pour tirer et être à l’heure à la crèche. Me souviens de m’être posé la question un jour où je me battais avec le mixer pendant que le poussin pleurait qu’il avait la dalle derrière : n’aurait-il pas mieux valu lui donner un petit pot ? 😕 On doit tous faire des choix de ce type en permanence, pas toujours facile.
@Laeti, pour le bib à tube, je pense que comme toujours c’est l’utilisation qu’on en fait plus que l’objet qui est à critiquer. Par exemple pouvoir donner le bib à un petit dans le porte-bébé pendant qu’on s’occupe du grand (un peu comme si on allaitait), ça ne me choque pas. Mais c’est clair qu’il y a de grandes possibilités de dérive.
« ls ont Barack Obama : il est beau, il est sympa, il est classe, il est intelligent, il va sauver le monde. Et en plus il existe vraiment. » Excellent ! 😛
Hello,
Je voulais juste préciser qu’il n’y a pas que chez les scandinaves qu’un réel congé parental correctement rémunéré existe!
Je travaille au Grand duché du Luxembourg et là, pour la naissance de tout bébé, vous avez droit:
– à 2 mois de congé prénatal (OBLIGATOIRE)
– à 2 mois de congé postnatal (OBLIGATOIRE)
– à 1 mois de prolongation de congé postnatal en cas d’allaitement
et chaque parent à la possibilité de prendre 6 mois de congé parental à temps plein (mais pas en même temps) ou 12 mois (là je crois qu’on peut cumuler) à mi-temps. Le tout, pour une rémunération de 1711.08€ net/mois (temps plein).
Ensuire, si après, vous souhaitez allaitez encore, il est possible de demander une réduction de travail de 1h30 par jour (rémunérée comme heure de travail par l’employeur) à disposer dans la journée en fonction, soit pour tirer son lait, soit pour pouvoir se rendre sur le lieu de garde du bébé ou, comme moi, pour pouvoir maintenir un allaitement en début et fin de journée.
Donc, tout cumulé: j’ai arrêté de travailler début mars pour un petit poussin né le 30 avril – congé maternité jusqu’à fin juillet suivi de 6 mois de congé parental (poussin a donc 9 mois) et je peux continuer à l’allaiter matin et soir sans soucis!
Elle est pas belle la vie?
Ceci étant dit, je me rend bien compte que je suis une petite privilégiée… et que ce genre de mesures devraient être beaucoup plus courante.
Je précise aussi que l’employeur ne peut en aucun cas refuser ces mesures, sous peine de lourdes amendes. Il est également INTERDIT pour une femme enceinte de faire des heures supplémentaires ou heures tardives – là aussi très lourdes sanctions pour l’employeur en cas de contrôle ou de plaintes!
Cependant, vous vous doutez bien qu’il y a des compensations: aller travailler me prend 1h (pour 35km), la durée hebdomadaire de travail est de 40h…
Tout ça pour dire qu’il y a toujours un revers à la médaille!
@la belle bleue, merci
@Bunny, c’est où qu’on émigre ?
@Bunny, en région parisienne aussi on met facilement 1h pour aller bosser !
@La poule pondeuse, Au luxembourg!
Une chose est sûre, et je rejoins entièrement Kate Harding dans son article, si on voyait PLUS de femmes allaiter en public, comme c’est le cas en Allemagne (où le problème est même inversé par rapport à la France : la mère qui travaille est TRES mal vue 😕 ), on aurait moins de complexes à le faire, on donnerait l’exemple aux petites filles (enfant, je n’ai jamais vu de femme allaiter…) et les mauvais esprits auraient le bec cloué. En Allemagne, je suis mal vue lorsque je fume (ok, on ne va pas dériver vers un autre débat, hummmm ?) en poussant la poussette ; en France, j’étais mal vue lorsque je tentais d’allaiter dans une salle d’attente. Un juste milieu à trouver, sans aucun doute. J’émigrerais peut-être au Luxembourg pour BB2 !
Humm le luxembourg… a envisager plus serieusement, c’etait pas vraiment dans notre top shopping list mais ca le deviendra peut etre du coup 🙂 …il fera de toute facon le meme temps qu’ici…(un peu plus au nord..). Ca va on a un peu le temps d’y songer avant bb2…
@ la poule : a quand un google map des connections sur ton site? j’ai l’impression que les commentaires fusent de partout!!
@La poule pondeuse,
Ah ouais, sympa cette fonction « répondre » !
@Meduse69, bon on va faire doubler la population du Luxembourg avec les promesses alléchantes de Bunny ! 😆
@Charlotte, pourquoi pas, enfin c’est surtout français, même s’il y en a quelques unes d’un peu partout.
Moi aussi j’envisage une émigration au Luxembourg maintenant…
Mais que faire de ma maison chèrement construite et dans laquelle ma fille est née ????
Et si le Luxembourg émigrait en France ???? 😆 😆 😆
@Aurelie Buisson, on va demander l’harmonisation européenne sur la législation luxembourgeoise sinon 😉
@La poule pondeuse,
C’est la meilleure solution je crois !
😆
Je rectifierais deux-trois choses : aux USA, on a peut-etre Obama, mais le conge maternite n’existe pas. Comme future maman, je vais probablement bosser jusqu’a l’accouchement, je peux perdre mon emploi apres trois mois d’absence, je ne suis payee que pendant 6 semaines (parce j’ai pris une assurance que je paye), delai au-dela duquel, il est estime normal de reprendre son travail [8 semaines en cas de cesarienne].
Je dois bien admettre que par contre l’allaitement et l’alimentation en lait maternel est plus que populaire. Meme les creches ou assistantes maternelles acceptent de gerer les biberons (lait maternel ou lait en poudre). Mais, contrairement a ce qui a ete mentionne, il n’y a pas plus de structures sur les lieux de travail qu’en France pour que les mamans puissent pomper leur lait et le conserver pendant la journee.
J’echangerai ma place avec une maman Francaise pour tout l’or du monde!
@Froggie, bien sûr je ne voulais pas dire que les USA c’était le paradis, mais qu’au moins sur ce sujet le débat était un peu plus intéressant qu’en France !
@La poule pondeuse, faudra en parler à Sarko… lol!
A moins que tu ne te présentes aux prochaines présidentielles!
Votons pour la poule!!!
@Bunny, http://www.poule-pondeuse.fr/2008/12/03/la-poule-pondeuse-presidente/ 😉
Oyé, oyé! Ceci est un appel à témoins: dans le cadre d’un sujet sur « allaitement et travail » pour un magazine dont je/nous tairons le nom ici 😉 , je recherche deux mamans qui vivent soit en Alsace soit en région parisienne et qui seraient ok pour témoigner à visage découvert
sur ce sujet. Critères de sélection: les mamans que je recherche continuent ou ont continué à allaiter APRES la reprise du travail ou au contraire, ont souhaité le faire mais ont été freinées par différents obstacles. Elles ont donc sevré leur enfant ou repoussé la reprise de leur activité. Vous pouvez me contacter ici: lefeuilletondeficelle@gmail.com MERCI à toutes pour votre aide!!
Pour que ça réapparaisse quelques… minutes! Venez lire ce qu’il y a écrit ci-dessus!!! 😉
je sais que l’article est ancien mais je veux rebondir sur ce que dis froggie…
le probleme numero 1 des USA c’est que chaque etat a ses propres regles… donc ce qui est vrai pour froggie en Georgie est different pour moi dans l’Ohio… Ce qui reste vrai c’est que les 12 semaines dont tu parles, toutes femmes y a le droit mais c’est sans solde!
Pour mon experience, j’avais droit a 6 semaines payes (sans assurance speciale, juste offert par mon employeur) a repartir comme je veux avant et apres la grossesse plus 6 semaines non payees (ah oui les 12 semaines c’est pas en plus des conges mater payes!). Du coup, j’ai fini le travail le jeudi midi parce que j’avais « mal au dos » (on est naive a la premiere grossesse, on reconnait pas bien le debut du travail…) et j’ai accouche le vendredi… Je suis sorti de la mater le dimanche (2 jours pour accouchement par voie basse; 3 a 4, selon les assurances, pour une cesrarienne) avant ma montee de lait et ait passe une premiere nuit paniquee, avec un poussin hurlant au sein de 23h a 6 du mat, sans savoir ce qui m’arrivait. J’ai repris le boulot apres 8semaines car pour cause de visa mon mari ne peut pas travailler et donc plus de 2 semaines sans solde c’etait pas envisageable…
Je terminerai en disant que 8 semaines de conge comprennant 6 semaines de visite (3sem parents et 3sem beaux parents, qui ont decide d’un commun accord entre eux et sans nous consulter d’overlappe sur 3j) bah c’est une grosse connerie que je ne renouvellerai pas!
Ah, et aussi, ici c’est obligatoire de fournir un acces a une salle pour tirer le lait pour les entreprises de plus de 1000 employes (je crois) et comme je suis dans un hopital, ils fournissent meme les pompes de grade medical, c’est sympa! Par contre, il faut avoir un chef comprehensif comme le mien car ca me prend 20-25min 3 fois par jour… que je compense bien evidemment…
@lilly, merci beaucoup pour ce témoignage très éclairant !