Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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Parents efficaces

Par  • Le 9 octobre 2008 à 7:17 • Catégorie : Bibliothèque, Education, Réfléchir

 Après en avoir entendu le plus grand bien par Fleur, je suis tombée l’autre jour chez Auchan sur Parents efficaces : une autre écoute de l’enfant de Thomas Gordon. Pas cher en plus (5 € et des brouettes), l’occasion fait le larron. Autant vous le dire tout de suite, je n’ai pas regretté. Sauf peut-être la traduction, dont je soupçonne qu’elle ait été faite par des Québécois (« Jean a vidé tout le placard à chaudrons de la cuisine. » Euh, on est chez Harry Potter là ??). Sans compter le petit effet 70’s (le livre a été écrit en 1970) qui donne aux dialogues des exemples un petit air de sortir des studios d’AB Productions. Mais à mon avis il faut passer outre, parce que le fond est vraiment intéressant. C’est une vraie remise en question de la conception de l’éducation et de la place de l’enfant telles que généralement admises dans notre société. Et je trouve que le livre est très complémentaire de Hold on to your kids (voir ici et ), ce dernier étant plutôt théorique tandis que Parents efficaces se concentre sur la pratique.

D’abord quelques mots sur l’auteur. Thomas Gordon était (il est mort en 2002) docteur en psychologie clinique, et s’est rendu célèbre par sa méthode de résolution des conflits « sans perdant », qu’il a appliquée à l’éducation mais aussi pour les enseignants et le monde de l’entreprise. Il a été proposé trois fois pour le prix Nobel de la paix. Ses travaux sont dans la lignée de ses illustres prédécesseurs Carl Rogers et Abraham Maslow.

Il nous invite à reconsidérer la place que nous accordons à nos enfants et la façon dont nous voulons diriger leur comportement. Pour lui, les enfants ne sont pas des petits démons à dompter à tout prix, mais des personnes à part entière, qui bien qu’immatures ont droit à être respectées et traitées comme telles. L’éducation vise là à aider l’enfant à développer sa personnalité et à s’épanouir plus qu’à lui inculquer de gré ou de force une certaine façon de se comporter. Autant vous dire tout de suite que si vous souhaitez des enfants « à l’ancienne », qui ne parlent que lorsqu’on leur donne la parole et sont « sages comme des images », ça ne sert à rien de lire ce livre. Par contre il ne faut pas croire que pour autant l’auteur prône la permissivité et le laisser-faire : l’enfant doit apprendre à respecter les besoins des autres (à commencer par ses parents) tandis que ses parents respectent les siens.  

Alors quelle est cette fameuse « méthode sans perdant » ? Gordon part du principe que chaque individu a ses besoins, qu’il doit combler. Les conflits arrivent lorsque la satisfaction des besoins de deux personnes (ou plus) apparaît inconciliable.  

La première étape est de déterminer qui a un problème. Si votre enfant a perdu son camion préféré, c’est lui qui a un problème. S’il joue du tambour pendant que vous essayez de faire la sieste, c’est vous qui avez un problème. Votre enfant traîne pour s’habiller le matin et vous met en retard : c’est la relation qui a un problème.

Comment résoudre un problème appartenant à l’enfant ? Gordon préconise l’écoute active, afin de conduire l’enfant à trouver lui-même une solution à son problème. En pratique, ça consiste à écouter l’enfant expliquer son problème en reformulant ce qu’il vient de dire. La reformulation ne doit pas être une bête répétition mais montrer que l’adulte a bien décodé les sentiments exprimés (souvent indirectement) par l’enfant. Par exemple à « j’ai perdu mon camion » on répond « Tu es triste d’avoir perdu ton camion. » Cela peut paraître une façon très contre-intuitive de répondre mais apparemment ça marche. Dans le doute vous pouvez juste faire « hmmm » ou ne rien dire. Si vous vous abstenez d’avancer tout jugement ou solution, l’enfant va petit à petit cheminer jusqu’à trouver lui-même la solution à son problème. Petit à petit, il comprendra qu’il peut régler ses problèmes seul et viendra moins souvent vous bassiner avec. L’écoute active lui donnera en outre l’impression d’avoir été compris et il ne pourra pas vous en vouloir si la solution ne lui convient finalement pas puisque c’est lui qui l’aura trouvée. Cette façon de faire s’applique aussi lorsque l’enfant se fait mal. Dire « Oh mon pauvre tu as mal/tu as eu peur » est plus efficace que « Ce n’est rien arrête de pleurer tout de suite. » (Attendez quand même qu’il pleure effectivement, on a tous vu des enfants qui après une chute attendent que l’adulte les regarde pour se mettre à pleurer…).

Si c’est vous qui avez un problème avec le comportement de l’enfant, il faut l’exprimer à l’aide d’un « message-je ». C’est-à-dire « Je trouve très pénible que tu fasses beaucoup de bruit avec ton tambour pendant que je fais la sieste, ça m’est insupportable. », plutôt que « Arrête ce bruit horrible tout de suite » ou encore « Tu es insupportable avec ton tambour ». A noter que « je trouve que tu es un gros con » n’est pas un « message-je » mais un « message-tu » déguisé (même si ça soulage grave). Il faut que le message exprime clairement votre sentiment, donc n’hésitez pas à prendre le ton proportionnel à votre énervement. Par ailleurs l’enfant ne va pas forcément deviner vos besoins si vous ne les exprimez pas. Il faut également exprimer son vrai sentiment. Par exemple si votre enfant s’est perdu dans le magasin, votre vrai sentiment est la peur que vous avez éprouvée qu’il lui arrive quelque chose, suivie du soulagement de l’avoir retrouvé. Le problème est que personne n’aime ressentir cette peur, alors généralement elle se transforme vite en colère et en agressivité contre celui qui vous l’a causée. Mais c’est la peur qu’il faut exprimer à l’enfant, pas l’agressivité qui en découle. Vous pouvez aussi exprimer vos besoins préventivement, par exemple en aménageant votre maison pour qu’il ait un petit coin où il puisse tout déranger et jouer tranquille. 

Si les deux personnes ont un problème, elles doivent ensemble chercher une solution qui permettent de satisfaire les besoins des deux : c’est la Troisième Méthode (oui oui, avec des majuscules s’il vous plaît). La discussion doit être conduite à base d’écoute active et de messages-je. Cela ne marchera que si vous exprimez vraiment vos besoins, en faisant la part de ce qui est important pour vous et de ce qui ne l’est pas (si vous restez totalement bloqué sur votre position initiale). Il faut également considérer comme valables les solutions proposées par l’enfant. Dans l’exemple de l’enfant qui traîne et vous met en retard le matin, c’est peut-être qu’il voudrait passer plus de temps avec vous : se réveiller cinq minutes plus tôt pour commencer la journée par un gros câlin familial pourrait permettre à tout le monde de partir du bon pied ? Ou peut-être qu’il traîne pour s’habiller parce qu’il n’aime pas les habits que vous lui avez sortis : les choisir ensemble la veille permettrait de résoudre le problème. Avec ce type de solution, vous n’avez pas transigé sur votre vrai besoin (être à l’heure le matin) et vous avez pu prendre en compte le besoin de l’enfant. Et comme tous les êtres humains, l’enfant est beaucoup plus motivé pour appliquer une décision à laquelle il a participé et pour laquelle on s’est assuré de son accord. 

Alors pourquoi Troisième Méthode ? Gordon appelle Première Méthode le mode de résolution des conflits où les parents imposent leur solution (ils gagnent), et Deuxième Méthode celui où c’est l’enfant décide (c’est lui qui gagne). La première est la plus répandue, et reflète bien la place accordée aux enfants : ils n’ont qu’à obéir. Pourtant si on y réfléchit personne n’accepterait qu’on lui parle de la façon dont on s’adresse aux enfants. Chacun a pourtant des conflits avec son conjoint, ses voisins, ses amis, ses collègues, et trouve un moyen de les résoudre sans recourir à une méthode autoritaire. La Première Méthode marche tant qu’on arrive à faire peur à l’enfant, mais que faire quand les menaces ne prennent plus ? Entrer dans une escalade de violence, physique et/ou verbale ? La Deuxième Méthode n’est pas meilleure, car elle rend les enfants égoïstes et incapables de s’insérer socialement, puisque ne sachant pas prendre en compte les besoins des autres. Quant aux parents ils finissent par en vouloir sérieusement à ces mômes qui leur rendent la vie infernale. 

Bien sûr le résumé que je vous fais est assez grossier, et si cette façon de faire vous intéresse, le mieux est encore de lire le livre. Celui-là ou un autre car il y a aussi Parents efficaces au quotidien, tome 2 et Eduquer sans punir : apprendre l’auto-discipline aux enfants, sans compter les livres à destination des enseignants et des managers, qui peuvent également appliquer ces techniques. Si quelqu’un les a tous lus et sait par lequel il vaut mieux commencer (et à quel point ils sont redondants) qu’il ou elle n’hésite pas à nous en faire part dans les commentaires. La méthode Gordon se décline également sous forme de stages et de formations, voir par exemple Gordon France.

Si vous êtes intéressés par l’éducation dite non violente (pas de châtiments de corporels, mais aussi sans punition ni récompense), voici quelques liens pour amorcer ou approfondir la réflexion :

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