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IVG : la tête ou le coeur – le témoignage de Leila

lundi, mars 4th, 2013

Un nouveau témoignage d’IVG aujourd’hui avec Leila, que je remercie beaucoup de venir partager avec nous. Si vous aussi vous souhaitez raconter votre histoire d’IVG ou de fausse-couche, il suffit de me l’envoyer à lapoulepondeuse at gmail point com. Si vous vous trouvez dans une situation de grossesse non désirée, un billet d’information est disponible ici (c’est aussi sous ce billet que je vous demande de commenter si vous voulez discuter autour de l’IVG, les commentaires du témoignage étant réservés à celui-ci). 

 Bruxelles, janvier 2013. Je me sens mal. Très mal. Je n’arrive plus à dormir. Ma tension est très basse. Je suis épuisée. J’ai mal au ventre, des nausées. Je pleure beaucoup. Je dois m’absenter au travail, le temps de comprendre ce qui se passe dans mon corps. J’imagine le pire. Après quelques jours, maman me propose de faire un test de grossesse. C’est impossible, je suis sous stérilet. Je le fais quand même.

Positif.

Je ne me sens pas enceinte, je n’ai pas pu connecter avec l’embryon. Je suis malade. Je sens que je n’y arriverai pas. J’ai déjà deux enfants, de 4 et 6 ans. J’ai 39 ans, mon mari 44. Maman, notre unique soutien, a 68 ans. Cette fois-ci, ni mon mari ni ma maman n’ont l’énergie nécessaire pour m’entourer. Moi aussi je suis fatiguée : déjà deux amours à gérer, un travail aux horaires fatigants.

Je suis de plus en plus mal. Ma tête tourne : que se passera-t-il si je n’ai pas la force physique  de mener cette grossesse à terme ? Pour moi mais
aussi pour le futur bébé ? Que se passera-t-il s’il y a un problème (risques plus élevés à cet âge quand même ; j’avais bu un peu et pris
quelques médicaments, ne me sachant pas enceinte), pour moi ou pour lui ? Que se passera-t-il pour mes deux amours, déjà là et bien réels ?
J’ai peur, très peur. Je panique. Quelle sera notre vie avec trois enfants ? Je n’y arriverai pas. Je ne saurai pas gérer cela. Comment pouvoir leur payer des études, leur accorder assez de temps dans toutes les étapes que la vie réserve ?
J’ai peur, il faut se décider, le délai pour l’IVG approche.

Je me décide, c’est la moins mauvaise solution, je me sens mal, je pleure, je pleure, je pleure beaucoup. Je n’ai pas de réel choix. La veille, j’avais rediscuté avec ma mère et mon mari. Aucun d’eux ne m’a poussée à le garder. Je ne leur en veux pas, ils sont fatigués eux aussi.
Le jour de l’intervention (8 semaines et 5 jours d’aménorrhée), je verse toutes les larmes de mon corps. Je suis prise d’une tristesse infinie.
L’embryon n’a pas souffert. Moi tellement ! Inconsciemment, j’aurais voulu le garder, j’aurais voulu être plus jeune, avoir plus d’entourage, pouvoir assurer à tous mes enfants un avenir digne et leur offrir une mère détendue…

Aujourd’hui, environ un mois après l’intervention, je suis encore infiniment triste quand j’y repense, c’est-à-dire à peu près à chaque
minute. Je ne sais pas quel autre chemin ma vie aurait pu prendre. Mais je sais que l’IVG peut nous arriver à toutes. Que c’est une épreuve extrêmement douloureuse et éprouvante psychologiquement (en tout cas pour moi ce fut le cas).
Et que, parfois, on ne peut parler de réel choix. Car le vie nous rattrape. Accueillir un bébé, ce n’est pas seulement l’aimer ni lui changer ses couches. C’est aussi se sentir assez solide pour pouvoir répondre à tous ses autres besoins, et ce toute sa vie durant.

La tête a parlé.
Pour le cœur, c’est autre chose…

Photo : Doug88888 sur Flickr

FCS : le témoignage d’Ella

lundi, février 25th, 2013

 Initialement, j’avais lancé un appel à témoignages d’IVG, parce qu’il me semblait qu’on manquait cruellement de parole sur ce sujet, de témoignages de femmes qui sont passées par là. Et puis Ella (une chouette sage-femme qui tient le blog Ella et Valentin) m’a envoyé son texte, qui ne parle pas d’IVG mais d’un sujet aussi tabou ou presque, la fausse-couche précoce. Quand vous l’aurez lu je pense que vous comprendrez pourquoi il m’a alors paru inévitable d’élargir ma proposition initiale de publication de témoignages d’IVG aux fausses-couches. Je suis consciente qu’entre ces témoignages et le fait que je n’écris pas beaucoup, le blog prend une teinte assez sombre, alors n’hésitez pas à naviguer dans les archives si vous trouvez cela trop pesant. Mais place au témoignage d’Ella, que je remercie du fond du coeur pour sa confiance.

Été 2010. Il fait beau, on est jeunes, amoureux. Depuis sept mois, on a décidé de faire un bébé. On rentre de vacances, et la prise de sang est positive. Un bébé pour le printemps. On est heureux… Je suis zen, tranquille, je ne fais aucune écho précoce. Tout va bien, pourquoi ? J’ai des nausées, je vomis, mais ça va. Et puis les nausées passent. Je suis bien. Je suis enceinte de 2 mois.

Septembre. Ce matin, mon homme souriait: « dans une semaine, première écho ! » Mais en me levant, je saigne. A l’écho, dans mon ventre, il n’y a plus qu’un œuf vide. Mon bébé s’est envolé il y a 1 mois…

Je prend des comprimés, pour faire partir cet œuf sans vie. J’ai mal, vraiment mal. Physiquement. Psychologiquement. Je rencontre un anesthésiste, au cas où. Cet abruti me parle d’IVG. Je crie, je pleure, je hurle, je fais un scandale jusqu’à ce qu’il efface ces trois lettres de mon dossier. « Mais c’est la même chose », me dit-il. Deux ans après, je le hais encore.

Un dimanche matin, mon corps laisse partir ce petit œuf…

Je n’ai aucun soutien. J’entends que ce n’est pas grave, que je suis jeune, que j’en aurais d’autres. Qu’il vaut mieux ça que d’accoucher d’un avorton. Que ce n’est pas normal que je pleure autant, que je devrais voir un psy.

Moi, j’ai juste besoin qu’on me prenne dans les bras, et qu’on me laisse faire mon deuil.

 

Janvier 2011. La prise de sang est positive, de nouveau. J’ai peur, mais je me dis qu’il n’y a pas de raison que ça recommence. Je fais une écho quand même, à 6SA. Tout va bien.

A 8 SA, une garde chargée, des pertes marrons. A l’écho, le petit cœur clignote. Je respire.

Mais dans la nuit, le sang. Dans mon ventre, il n’y a plus rien. Mon utérus n’est rempli que de sang. Le petit cœur ne clignote plus.

Je m’effondre. Je prend un arrêt de travail, note une date plusieurs semaines plus tard, le fait signer au médecin. Je suis incapable de travailler.

Je pleure. Beaucoup. Je tricote. Énormément. Maille après maille, je construis de mes mains ce que mon ventre ne peut faire. Je me coupe des gens. Je ne veux plus entendre leur non-compassion.

 

Avril 2011. Troisième prise de sang positive. J’ai peur cette fois, très peur. A 6 SA, l’écho révèle un décollement important. Repos strict.

J’ai des nausées, je vomis. Je m’en fiche. Le matin, je ne suis pas tranquille tant qu’une vague ne m’a pas envoyé la tête dans la cuvette.

Pendant quatre mois, je suis morte de trouille chaque jour. Ma collègue finit par me prêter un sonicaid. Tous les jours, j’écoute le cœur de mon bébé. J’ai du mal à m’y attacher. Je lui parle peu. Je suis heureuse d’être enceinte, mais j’ai du mal à créer un lien avec l’enfant que je porte.

 

Aujourd’hui, mon fils va bien. Il vient d’avoir un an. C’est un bébé intense, avec un besoin de contact énorme. Fusionnels ? Oui, on l’est. Je le porte, je l’allaite. Je le laisse le moins possible. Je ne peux pas.

Et mes autres bébés ? J’ai porté trois enfants, mais pour tout le monde, je n’en ai qu’un seul. Les autres, il faudrait que je les oublie. C’est le passé, paraît-il.

Mais ces anges m’ont faites mère, malgré tout. Ils n’ont fait que traverser ma vie mais m’ont apporté beaucoup. Sans eux, serais-je la mère que je suis…? j’en doute.

Souvent , je pense à eux. Qui étaient-ils ? Garçon, fille ? Je suis triste de les avoir perdus. D’un autre côté, sans ces deuils, le petit garçon que je regarde grandir chaque jour ne serait pas là… Ils sont partis pour lui laisser la place.

Non, ils n’étaient pas « rien ». Ils sont mes enfants. Mes petits anges partis si vite, passés dans ma vie comme des étoiles filantes. Mon deuil d’eux n’est pas fait. Je pleure encore en repensant à ces moments. Et déclenche l’incompréhension de mon entourage.

Une fausse-couche, ce n’est pas rien.

D’autres billets sur le même sujet :

Photo : Nuwandalice sur Flickr

Quand la grossesse n’est pas désirée : que faire ?

mardi, novembre 27th, 2012
 Après le touchant témoignage de Nanette, je vous propose de faire le point sur la situation des grossesses non désirées et des alternatives disponibles pour les femmes.
Malgré l’arsenal contraceptif disponible pour les couples occidentaux, les grossesses non souhaitées restent une réalité. Mauvaise information sur la contraception et la fertilité, méthode de contraception inadéquate et/ou mal appliquée (comme le dit l’INPES, la meilleure contraception c’est celle qu’on choisit -pas celle que le gynéco a l’habitude de prescrire…), ou tout simplement malchance (aucune contraception n’est fiable à 100%) sont autant de raisons pouvant expliquer la relative stabilité des interruptions volontaires de grossesse (IVG) au cours des années (un peu plus de 200 000 par an en France, à mettre en regard des 800 000 naissances). Bien sûr, toutes les grossesses non plannifiées ne conduisent pas à un avortement ; certaines femmes (en couple ou seules) choisissent de garder l’enfant, d’autres encore mènent la grossesse à terme mais abandonnent l’enfant à la naissance (ainsi l’accouchement sous X concernait 680 femmes en 2009 d’après l’INED).Il peut sembler paradoxal de parler de grossesse non désirée dans un blog pour parents, mais comment passer sous silence un acte qui concernerait jusqu’à 40% des femmes françaises ?

Quelles options ?

Concrètement, différentes options s’offrent aux femmes qui ne souhaitent pas poursuivre une grossesse, en fonction notamment du terme auquel elles se trouvent.
  • Echec avéré ou soupçonné de la contraception : oubli d’un comprimé de pilule quelques jours avant ou après un rapport sexuel, déchirure du préservatif, perte du DIU (dispositif intra utérin, nom officiel du stérilet)… ou tout simplement rapport non protégé. Un simple passage à la pharmacie permet de se procurer la “pilule du lendemain” (appelée “plan B” par les Anglo-saxons) sans ordonnance. Plus elle est prise proche du rapport supposé fécondant, plus elle est efficace : il n’est donc pas idiot d’en avoir une d’avance dans sa trousse à pharmacie. Des explications détaillées sur la contraception d’urgence sont disponibles ici. Une option moins connue est la pose d’un DIU au cuivre, qui est pourtant la méthode la plus efficace, et qui a l’avantage d’être également une des méthodes les plus fiables hors de ce contexte d’urgence. Le DIU peut être posé par un médecin (généraliste ou gynéco) ou une sage-femme (même si elles sont loin d’être toutes formées à cela), y compris chez une jeune fille, une femme n’ayant jamais eu d’enfant ou une mère allaitante n’ayant pas encore eu son retour de couches. Rappelons également qu’hors cette utilisation d’urgence le DIU au cuivre a une action spermicide et qu’il n’est donc pas abortif ; quant à son cousin aux hormones il bloque l’ovulation. Dans tous les cas, que ce soit par l’absence d’ovule ou par l’absence de spermatozoïde, il n’y a généralement pas de fécondation.
  • Quand la grossesse est avérée (soit à partir de 2 semaines de grossesse SG = 4 semaines d’aménorrhée SA) : il faut passer par une IVG. En France, c’est possible jusqu’à 14 SA. Les mineures peuvent être dispensées de l’autorisation parentale si elles sont accompagnées par une personne majeure, qui a la charge de les soutenir pendant toute la procédure. En pratique, la femme doit passer par deux consultations médicales, espacées d’au moins sept jours (délai pouvant être raccourci si on est proche des 14 SA). Entre les deux est proposé un entretien dit psycho-social, qui est obligatoire pour les mineures.

Deux techniques d’IVG sont possibles :

  • la méthode instrumentale dite “chirurgicale” qui doit être pratiquée en milieu hospitalier, sous anesthésie (locale ou générale), et qui s’accompagne généralement d’une courte hospitalisation (moins de 12 heures) : il s’agit d’une aspiration de l’embryon à travers le col de l’utérus.
  • la méthode médicale dite “médicamenteuse”, qui n’est possible que jusqu’à 7 SA mais peut être faite en ville ; concrètement la femme prend des pilules abortives et évite ainsi l’anesthésie et le geste chirurgical. Toutefois cette méthode est légèrement moins efficace et une aspiration peut s’avérer nécessaire dans un second temps en cas d’échec.

Il est regrettable de constater qu’en France les centres d’IVG sont surchargés et les délais pour obtenir une consultation s’allongent, rendant l’avortement de facto impossible dans certains cas (ainsi il peut être extrêmement difficile d’obtenir une IVG au mois d’août).

Après le délai de 14 SA, la seule option est d’obtenir une IVG dans un pays dont les délais sont supérieurs, et notamment l’Espagne (24 SA). Mais si en France l’IVG est remboursée à 80% aux assurées sociales (100% pour les mineures sans consentement parental et pour les femmes dépendant de l’aide médicale d’Etat -AME, et maintenant pour toutes), cela sera souvent plus coûteux à l’étranger.

Et après ?

Une IVG telle qu’elle est pratiquée dans les pays occidentaux par un médecin ne laisse normalement pas de séquelle physique et ne compromet pas la possibilité d’avoir ensuite des enfants (bien sûr comme toute procédure médicale celle-ci a des risques inhérents quoique faibles). Rappelons par contre que les avortements clandestins auxquels les femmes sont contraintes lorsque l’IVG est interdite s’accompagnent eux de risques avérés : infections, stérilité, voire mort de la femme. Si vous lisez l’anglais, je vous recommande ce témoignage d’une gynéco étatsunienne sur ce que peut donner un avortement clandestin dans un pays occidental. Plus généralement, on estime que 47 000 femmes meurent chaque année dans le monde des suites d’un avortement clandestin, et si vous voulez mettre des personnes derrière ce chiffre lisez ce billet de Sophie, sage-femme qui raconte son expérience humanitaire (et puis tout son blog, non mais). Et en France, avant 1975 et la loi Veil, ça se passait comme ça. L’ANAES estime qu’on est passé de 332 décès par an en 1963 à 0 à 2 actuellement. En Irlande, récemment, une jeune femme est morte faute d’avoir pu avorter.

Psychologiquement, il semble difficile de faire des généralités tant les circonstances pouvant conduire à l’avortement sont variées ; certaines font ce choix dans un contexte de pression de l’entourage (futur père, parents de la femme etc), d’autres suite à un événement traumatisant (un viol par exemple) ; et bien sûr pour beaucoup c’est la décision logique. Certaines femmes le font à contre-coeur, d’autres restent ambivalentes et pour d’autres enfin c’est une évidence. L’initiative “IVG : je vais bien, merci” recense ainsi des témoignages en ce sens. Pour autant, si l’IVG ne doit pas être présentée comme un traumatisme obligatoire (“L’institution nous oblige à pleurer”), il ne faut pas non plus en déduire qu’elle ne peut pas en être un (voir aussi cet article de G.M. Zimmermann).

On peut également déplorer un accompagnement parfois déficitaire des femmes par certains soignants, parmi lesquels persiste la vision de l’IVG comme un signe de l’irresponsabilité de la femme (incapable de prendre correctement une contraception, menant une vie à leurs yeux dissolue, privilégiant son propre plaisir à tout le reste…). En Thaïlande, où l’avortement est réservé aux cas extrêmes (viol ou risque pour la santé de la mère), les femmes qui vont consulter suite à une procédure « sauvage » qui tourne mal sont accueillies par un curetage sans anesthésie (extrêmement douloureux), voire une ablation de l’utérus, sans autre motif que de les punir. Cela peut paraître bien loin mais avant la loi Veil de telles pratiques (les curetages à vif) avaient également lieu dans les hôpitaux français, l’absence d’anesthésie n’ayant aucune justification médicale.

Appel à témoignages

Quoi qu’il en soit, les nombreuses réactions que Nanette et moi avons reçues suite à son témoignage m’ont montré que les femmes avaient un fort besoin de parole et d’échange sur ce sujet. Plus de 40 ans après le Manifeste des 343, la honte et la culpabilité sont encore trop présentes et ce n’est pas acceptable. A ma petite échelle, je vous propose donc de publier dans ces colonnes vos témoignages d’IVG. Personnellement, je trouve que ça a toute sa place sur un blog dédié à la parentalité : ce sont simplement différentes facettes d’un même sujet. Si vous souhaitez partager votre histoire, envoyez simplement un mail à lapoulepondeuse chez gmail point com. Je m’engage évidemment à protéger votre anonymat. Et désolée à l’avance pour les inévitables délais de publication dus à mon débordement chronique.

 Photo : Simone Veil à la tribune de l’Assemblée nationale en 1974. Merci.