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L’allaitement en public

mercredi, avril 4th, 2012

 Il y a quelques jours, une femme a été virée d’une boutique MAC (le maquillage, pas les ordinateurs) pour avoir osé y allaiter son bébé. Au delà du bad buzz pour la marque (jusqu’ici je n’ai vu que des réactions indignées, comme celle d’Eve ou sur le baby blog) cela me donne un bon prétexte pour enfin publier ce billet qui trainait dans mes cartons.

Personnellement, je n’arrive pas à comprendre comment on arrive encore à se poser la question de l’allaitement en public. Je ne vois simplement pas comment en France en 2012 on peut être choqué par la vue d’une femme qui allaite au point de vouloir la cacher. Je ne dis pas qu’on n’a pas le droit de ne pas apprécier la scène et j’entends bien que comme toute population les femmes allaitantes doivent compter parmi elles quelques abruties de première classe mais là n’est pas la question. Je trouve incommodantes les personnes qui vident une demi bouteille de parfum par jour mais je ne vais pas les insulter ou suggérer qu’on réglemente ou interdise le port public de parfum. Supporter que les autres offensent mon goût est le prix à payer pour ma propre liberté. On pourrait arrêter l’article là mais je trouve intéressant de creuser ce que ce malaise peut cacher.

Qu’est-ce qui peut bien motiver l’idée de proscrire l’allaitement en public ?

Est-on choqué par la vue du sein ? D’une part, on ne montre que très peu son sein en allaitant, puisqu’il est caché par la tête du bébé, et avec un peu de pratique et des vêtements à peu près adaptés (pas forcément des vêtements prévus pour l’allaitement, même si ça aide) on arrive facilement à préserver sa pudeur. Je ne résiste pas à vous citer cette phrase mythique d’Eve :

[On réagit] comme si à chaque fois qu’elle se préparait à allaiter, une femme se mettait à faire tournoyer ses seins avec des pampilles sur les tétons à la manière d’une danseuse burlesque.

(Ségolène, tu vois ce qui manque chez MamaNana !)

Et surtout, quelle hypocrisie ! Si la vue d’un sein vous offense, militez d’abord contre le topless à la plage et surtout contre la pub, où le sein fait vendre à peu près tout et n’importe quoi. Est-on arrivé à un point où un sein qui ne fait rien vendre choque ? Ou est-ce l’idée de voir qu’un sein peut avoir une fonction non érotique qui pose problème ? Comme la bouche, le sein peut être utilisé à des fins sexuelles ; pourtant on ne se cache pas pour manger (en tout cas pas en France). Tiens d’ailleurs il fait quoi ce bébé qui tète ?

L’autre possibilité c’est que c’est l’acte de la tétée qui choque. Alors oui, on a parfaitement le droit de ne pas aimer l’allaitement, on peut se sentir mal à l’aise face à cet acte. Mais là il me semble que c’est à la personne qui est gênée de se poser des questions plutôt que d’en vouloir à la mère allaitante. Moi-même, bien qu’ayant allaité Pouss2 jusqu’à 14 mois, j’ai tellement peu l’habitude de voir des bambins téter que les rares fois où cela m’arrive j’ai souvent un moment d’inconfort. Mais je trouve ma réaction inappropriée et ce n’est en rien le problème de la femme et de son enfant. Et j’imagine que si j’en voyais plus souvent (ou si j’en avais vu depuis ma plus tendre enfance) ça ne me ferait ni chaud ni froid.

Globalement, cette réaction de gêne voire de dégoût est souvent instinctive, fruit de notre histoire personnelle et du conditionnement social. A propos de ce dernier, il me semble que cette stigmatisation de l’allaitement en public par certains participe de la façon dont l’allaitement est instrumentalisé par notre société pour imposer aux femmes une énième contrainte. On explique d’une part que pour être une bonne-mère-qui-veut-le-mieux-et-plus-encore-pour-son-enfant il FAUT allaiter, et on fait à côté de ça tout pour que l’allaitement échoue et qu’il soit le plus insatisfaisant possible le temps de sa courte durée : mettre en permanence en doute la capacité de la femme à nourrir correctement son enfant en accusant l’allaitement de tous les maux, imposer des règles de fréquence inutiles et nocives… et en particulier pour ce qui nous intéresse aujourd’hui :

  • entretenir le mythe d’une affectation unique du sein qui est soit sexuel soit nourricier et ne peut passer de l’un à l’autre, avec le corps de la femme tourné vers le plaisir de l’homme ou celui de son bébé, sans se soucier du sien à elle
  • suggérer que la femme qui allaite ne doit pas se montrer et donc contraindre les femmes à devoir concilier allaitement (et donc de rester cloîtrée à la maison) et indépendance financière par le travail, puisque le modèle de la femme au foyer n’est pas franchement valorisé socialement

Donc quoi qu’on fasse, on perd toujours sur au moins un tableau, coupable de n’avoir pas su résoudre la quadrature du cercle.

Alors bien sûr si on n’en a pas envie, si on ne le sent pas, il ne faut pas se forcer. Les débuts de l’allaitement en particulier sont parfois laborieux et seront souvent plus sereins à l’abri des regards, pas toujours bienveillants. N’oublions pas certains bébés qui ont absolument besoin de calme et de concentration pour téter. Mais si vous en avez le souhait je vous encourage chaudement à allaiter partout et sans complexe. Je ne suis pas fan des accessoires visant à rendre « discret » l’allaitement (qui ont à mon avis l’effet inverse et qui participent à cette idée que l’allaitement c’est bizarre et honteux) mais si cela peut rendre certaines plus à l’aise alors il ne faut pas hésiter. Un bon compromis peut être d’allaiter dans l’écharpe ou le porte-bébé, même si ce ne sera pas toujours facile voire possible, notamment selon l’âge et le gabarit de l’enfant.

Comme vous l’avez compris, je ne suis pas vraiment d’accord avec l’image de l’allaitement qu’on donne le plus souvent, qui passe sans intermédiaire du devoir moral sublime sur l’autel de Mère Nature à l’infernale contrainte esclavagisante. Alors que ça devrait juste être un truc aussi ordinaire et habituel qu’un bébé, qui peut être aussi bien génial, pénible, jouissif, douloureux, pratique, galère, etc. Et je trouve que beaucoup de femmes ne peuvent choisir réellement librement d’allaiter ou pas car elles n’ont vu personne allaiter, ou peut-être juste une copine pour qui ça s’est mal passé. On ne peut pas vraiment réaliser ce que c’est d’allaiter en lisant une brochure, en écoutant une séance de préparation à la naissance ou en regardant quelques photos ! D’autant plus que même si bien sûr il y a de grandes règles communes, chaque allaitement est unique, et vécu différemment par chaque femme. Pour vraiment appréhender ce que c’est, ce que ça veut dire d’allaiter, et pouvoir ainsi faire un vrai choix, il faudrait en voir, et beaucoup. Les initiatives comme celle de Maman sur Terre (qui s’appelle maintenant Mother Earth) de rassembler des témoignages d’allaitement permettent de se faire une idée de la diversité des allaitements, mais cela ne remplace pas de voir en vrai des bébés qui tètent et d’en discuter avec leur mère (et leur père !). Pensez-y la prochaine fois que vous mettrez bébé au sein devant autrui : vous rendez un double service à la collectivité. Eh oui, d’une part vous protégez les oreilles délicates des alentours en leur évitant d’être percées par des cris stridants de bébé affamé et d’autre part vous aidez les mères et les futures mères à se faire leur propre idée sur l’allaitement.

Et pour une prochaine fois un débat que je n’ai pas encore vu en France : est-il acceptable de tirer son lait en public ? Joker !

Addendum le 6 avril : Ségolène a publié un billet très intéressant sur l’allaitement hors de chez soi, et MAC a répondu à Stadire du Baby blog

Image : Mère s’apprêtant à allaiter en public (et tentative éhontée de racoler un peu de lectorat masculin)

France vs. USA

jeudi, avril 17th, 2008

J’ai vu hier sur Babble (souvenez-vous) un article intitulé C’est bon ? An expat fact-checks France’s rep as a parenting paradise (c’est-à-dire Une expat vérifie la réputation de la France comme paradis des parents). Donc apparemment pour les Américains (ou plutôt les Etatsuniens devrais-je dire) la France est un paradis pour les femmes enceintes et les jeunes parents (un peu comme les Pays-bas en matière de naissance pour nous…). Notre réputation là-bas est telle que si on en croit l’auteur, les livres sur la maternité ne devraient contenir qu’une seule ligne : « Epousez un Français ». J’ai trouvé très intéressant de nous voir par le bout US de la lorgnette.

Voici les principaux avantages que nous aurions et que nos amies outre-Atlantique nous envient :

  • Vin et fromage enceinte : Officiellement, ni le vin (ou aucune autre forme d’alcool d’ailleurs) ni le fromage au lait cru ne sont recommandés pendant la grossesse. Mais autant il y en a certaines (comme moi) qui suivent scrupuleusement les recommandations sanitaires (m’en fous j’aime pas le fromage), autant l’ambiance générale reste encore assez cool sur le sujet, ou au moins plus cool qu’aux US. Apparemment là-bas prendre un coca light enceinte revient à s’exposer à la vindicte publique, à cause de… la caféine ! Donc nous sommes probablement juste un peu moins parano sur le sujet. Et je passe sur la pression insupportable qu’on met sur les femmes enceintes pour qu’elles aient la silhouette de Kate Moss pendant et après la grossesse (ça mérite un billet à part !).
  • Crèche gratuite : Là l’auteur n’a pas d’autre choix que de reconnaître une vaste part de mythe sur ce douloureux sujet. Les places en crèche ne sont pas nombreuses, et on se précipite sur n’importe laquelle parce que de toute façon il n’y en a pas d’autre, alors qu’apparemment les US moms visitent un certain nombre de lieux pour choisir celui qui leur semblera digne d’accueillir leur progéniture. Par contre il est clair que la maternelle -gratuite tant que vous allez dans le public- a peu d’équivalents dans le monde (et aucun aux US). A cette occasion, on découvre qu’aux Etats-Unis on commence le pot vers 3-4 ans plutôt que 2 ans – 2 ans 1/2 comme chez nous (d’ailleurs je crois qu’à l’inverse la grossesse dure 40 semaines contre 41 chez nous, comme quoi…).
  • Enfants bienvenus : Apparemment en France les enfants sont bien accueillis dans les restaurants et mariages, et il est de bon ton d’aller partout avec eux. Pour les mariages, je suis tout à fait d’accord (au passage, petit débat pour les commentaires : est-il acceptable de donner le sein à l’église ?), pour le reste il me semble que la réalité est plus nuancée. Et je ne pense pas que l’auteur ait jamais essayé de prendre le métro avec une poussette… En plus, si on en croit cette expat au Texas (mais depuis de retour à Paris), aller au ciné avec 3 enfants dont un bébé aux US : peace of cake !

Je rajouterai qu’apparemment aux Etats-Unis il y a une vraie controverse sur l’allaitement en public, un peu/beaucoup hypocrite, du genre « Couvrez ce sein que je ne saurez voir ». Diverses solutions allant de ridicules à franchement pénibles ont été proposées pour calmer les puritains : allaiter aux toilettes ou dans un local prévu à cet effet (en général un grand placard…), porter une sorte de couverture/tente/burqa pour étouffer gentiment l’enfant qui tète, ou encore se promener avec des biberons de lait maternel tiré (tellement pratique !). Une mère a même été virée d’un avion car elle refusait d’allaiter dans les toilettes. Autant vous dire que l’affiche de J’ai toujours rêvé d’être un gangster n’aurait probablement pas fini dans tous les couloirs de métro/abribus là-bas.

Et ne parlons pas des coûts médicaux : là encore, après avoir lu notre (ex)Texane, vous trouverez très raisonnables les dépassements d’honoraire de votre toubib… 

Hum je réalise que mon billet risque de passer pour de l’anti-américanisme primaire, ce qui n’était pas vraiment mon intention ! J’aimais beaucoup d’ailleurs le blog de la Desperate housewife du Texas, qui donnait une vision très nuancée de ce pays (malheureusement elle ne publie plus beaucoup depuis qu’elle est rentrée à Paris), et je vous invite à faire un petit tour dans les archives. Et puis c’est eux qui ont fait Babble, après tout.