Posts Tagged ‘psychologie’

L’annonce faite à l’aîné

mercredi, juillet 29th, 2009

Sandro_Botticelli_080 Voilà un billet qui ne concerne qu’une petite partie de la basse-cour (mais probablement amenée à s’agrandir) : comment annoncer sa grossesse au futur aîné ?

Heureusement, le temps où on ne disait rien aux enfants jusqu’au moment où leur mère disparaissait une semaine pour revenir avec un nouveau-né est révolu. Ce qui nous amène à la première question : quand faut-il l’annoncer ? Vous trouverez probablement pléthore d’experts pour vous donner une série de dates (toutes différentes selon l’expert) avant lesquelles il ne faut rien dire ou au contraire après lesquelles il faut à tout prix avoir craché le morceau. En fait c’est très simple : vous additionnez les chiffres de la date de vos dernières règles, vous multipliez par le logarithme (népérien of course) de votre tour de poitrine (exprimé en pouces), à quoi vous ajoutez le cosinus de l’angle formé avec votre cher et tendre au moment crucial, lui-même divisé par l’âge du capitaine. Le chiffre obtenu vous donnera la date adéquate en jour julien (spéciale dédicace pour Blandine) ; sinon je fais des consultations spéciales sur rendez-vous et en cash uniquement. Bref. Voilà plutôt quelques questions à vous poser pour vous aider à vous décider si oui ou non c’est le moment de passer aux aveux.

Comment êtes-vous affectée par la grossesse ? Si vous êtes une grosse loque qui se traîne avec difficulté du canapé aux toilettes (toute ressemblance… blabla… purement fortuite… tout ça tout ça…), il peut être utile de fournir un minimum d’explications au poussin avant qu’il ne se fasse sa propre idée sur la question. Lorsqu’en prime on travaille, on doit déjà en général faire comme si de rien n’était toute la journée, c’est encore plus dur de faire ça le soir en rentrant. Si vous restez relativement fidèle à vous-même, il sera plus facile de différer.

Quelle est votre politique de dissémination de la nouvelle ? On ne peut pas exclure de gaffe dans un sens comme dans l’autre : un parent qui s’empresse d’en parler au poussin ou le poussin qui est ravi de partager la nouvelle avec la terre entière. Pour la discrétion du poussin, cela dépendra grandement de son âge : évidemment s’il ne parle pas ça limite les risques, ceci dit dans un commentaire sur un autre article, Amé nous signale que sa fille de 2 ans l’imitait en train de vomir… A vous de voir si vous pensez qu’il peut tenir sa langue.

Et si ça finit mal ? J’ai la chance de ne pas avoir (encore) été confrontée à ce cas de figure, mais il me semble impossible qu’un enfant, quel que soit son âge, puisse ne pas percevoir d’une façon ou d’une autre la douleur de ses parents dans cette situation. Il me semble que des explications simples mais honnêtes sont préférables à un mensonge ou à une absence totale de communication, mais je veux pas préjuger de situations complexes et terriblement éprouvantes.

Il faut enfin savoir que certains tout petits ont des facultés quasi extra-lucides pour repérer la grossesse et peuvent vous annoncer que vous êtes enceinte avant que vous ne le sachiez vous-même. Dans ce cas la question ne se pose plus trop… Et si vous allaitez encore l’aîné, la grossesse entraîne souvent un changement dans la composition et la quantité du lait, qui peut lui mettre la puce à l’oreille.

En bref il me semble que le choix de l’annoncer doit être fait en fonction de votre ressenti et de votre relation avec l’aîné, sans oublier ce que lui-même peut ressentir ou les doutes qu’il peut avoir (il est quand même préférable d’éviter de le laisser spéculer trop longtemps, les enfants sont prompts à prendre le blâme des problèmes de leurs parents).

Une fois la décision prise, comment amener le problème ? « Chéri, il faut qu’on parle… » Évidemment l’âge de l’enfant est un facteur clé du choix de la façon de procéder. A mon avis, mieux vaut rester simple et factuel, et répondre aux éventuelles questions plutôt que risquer de donner à l’enfant des informations qu’il n’est pas prêt à recevoir. Éviter de faire des promesses qu’on ne peut pas tenir (« Tout restera comme avant », « Tu vas avoir un super copain de jeu », « Le bébé t’aime déjà » etc) et rester honnête (le mensonge par omission est autorisé, voire recommandé dans certains cas : faut-il vraiment expliquer immédiatement à un enfant de 18 mois comment le bébé est arrivé là et comment il va en sortir ?). Le bébé est issu d’un désir et d’une décision du couple, les autres enfants n’ont pas à en porter les conséquences ou à en assumer le choix, même s’il est clair que cela va entraîner des changements importants dans leur vie.

Le concept du bébé dans le ventre de maman peut paraître assez abstrait à un tout petit, surtout tant que le ventre de maman ne paraît pas si différent de celui qu’elle a après un repas gastronomique. Il y a plein de livres pour enfants sur le sujet, personnellement j’en ai testé trois (dont deux recommandés par Fleur) :

  • Et dedans, il y a de Jeanne Ashbé : tout à fait charmant, pas gnangnan, plutôt drôle, et abordable par les plus jeunes (avec des petits rabats à soulever) ; permet de montrer ce qu’il y a dans le ventre de maman.
  • Et après, il y aura, toujours de Jeanne Ashbé : dans la même veine que le précédent, mais pour expliquer ce que va impliquer la venue du bébé (une fois sorti).
  • Il y a une maison dans ma maman, de Giles Andreae : celui-là je l’ai acheté parce qu’Amazon me le proposait avec les deux autres (comme quoi il y a des techniques marketing plus efficaces que d’autres sur moi… et ne parlons pas du club des créateurs de beauté ou je vais de voir fonder « CCB-oliques anonymes »…) ; je n’ai pas regretté du tout il est tout aussi charmant et un peu second degré (il y a une page où la maman s’endort toute habillée sur le canapé, une autre où elle dévalise le frigo, toute ressemblance… blabla… purement fortuite…). Il accorde aussi une place importante au père qui apparaît quasiment partout. Le Poussin l’adore, je ne sais pas pourquoi exactement mais pour le moment c’est son préféré des trois.

Pour celles qui y sont sensibles, je précise qu’aucun de ces livres ne fait de référence au mode d’alimentation du nouveau-né (en clair sein ou biberon) ou à son lieu de naissance (maternité ou maison).

Pour un aîné plus grand, certains livres peuvent aussi être très utile pour aborder les détails pratiques de comment le bébé est arrivé là et par où il va en sortir. Ici nous n’avons pas eu l’occasion de tester mais vous trouverez des idées sur le site de Fleur (et elle en aura sûrement à donner en commentaires).

Je ne connais pas de support vidéo intéressant mais n’hésitez pas à nous faire part de vos idées dans les commentaires.

Et pour finir voici une pub (comme quoi je ne suis définitivement pas insensible au marketing… pourtant c’est pour des couches jetables et j’utilise des lavables…) qui vous aidera à comprendre comment l’aîné perçoit l’arrivée du petit nouveau.

(Image : L’annonce à Marie de Sandro Boticelli, attention c’est culturé la basse-cour)

Etre parent aujourd’hui

mercredi, avril 22nd, 2009

brainy (en France ou dans un pays occidental)

Être parent aujourd’hui, c’est n’avoir jamais été aussi près du « Un enfant si je veux, quand je veux. » C’est avoir le taux de mortalité infantile et maternelle le plus bas connu par l’humanité : perdre un enfant est devenu exceptionnel. C’est disposer d’un niveau de connaissance encyclopédique sur l’enfant, son développement, sa psychologie… C’est (en théorie) pouvoir le confier à du personnel qualifié à un coût acceptable.

Mais…

Être parent aujourd’hui, c’est souvent l’occasion d’une première rencontre de près avec un bébé. Qui avait déjà changé une couche, donné un bain ? Qui avait déjà vécu (en tant qu’adulte ou adolescent) sous le même toit qu’un nouveau-né ? Nous n’avons plus de neveux, cousins, frères, voisins, etc sur lesquels nous faire la main. Notre principale source de connaissance du bébé provient des médias, où des femmes au physique parfait accouchent en 5 minutes d’un bébé de 6 mois tout propre sans cordon ombilical pendant que des médecins leur hurlent « Pousseeeeeeeeeez ! ». Pour beaucoup d’entre nous, le bébé est un parfait inconnu dont la moindre déviation du Laurence Pernoud nous plonge dans une perplexité qui vire rapidement à la panique.

C’est manquer de repères, de soutien : notre société étant centrée sur la famille nucléaire, notre famille plus large n’est pas toujours proche géographiquement et nous ne connaissons pas nos voisins. Les parents au foyer sont plus facilement isolés, restant 24 h sur 24 seuls ou presque avec des tout petits, alors que c’est très difficile. Nous sommes en plein changement de paradigme par rapport à la vision de l’enfant inculquée à nos parents et grands-parents, ce qui rend leur aide parfois impossible et souvent difficile. Comment concilier les informations contradictoires et démêler les conseils utiles des interférences nuisibles ?

Nous sommes ensevelis sous les informations alarmistes, échaudés par les derniers scandales sanitaires (amiante et sang contaminé pour ne pas les citer). Comment trouver un matelas bio ? Des biberons sans BPA ? Le gras trans ? L’huile de palme ? Les cosmétiques ? Les produits laitiers ? Quels vaccins ?

Et surtout nous avons la pression. Les dernières avancées de la psychologie, même s’il n’est pas ici question de réfuter leur pertinence et leur intérêt, sous-entendent que les parents (et surtout la mère) sont responsables (mais pas coupables ?) de tous les maux de leurs enfants. Aussi odieux que puissent être les comportements des enfants, ils trouvent tous leur origine dans un problème de l’adulte. Et tant que vous n’aurez pas affronté et réglé votre traumatisme originel, vous subirez la double peine : supporter un enfant au comportement problématique et votre problème à vous, avec en bonus la culpabilité de ne pas en avoir trouvé la clé.

Votre enfant se réveille la nuit ? Votre faute. Votre enfant fait des cauchemars ? Votre faute. Votre enfant a tapé sa copine de crèche ? Votre faute. Votre enfant se roule par terre dans le magasin ? Votre faute. Votre enfant n’a pas dit bonjour à Mamie ? Votre faute. Et ça vaut aussi pour sa santé physique : c’est vous qui lui avez donné de la courgette avant la carotte, pourquoi croyez-vous qu’il soit allergique aux acariens maintenant ? Vous l’avez laissé manger des Haribos ? Ne venez pas vous plaindre qu’il soit hyperactif, avec tous ces colorants et ce sucre. Il est trop gros ? Votre faute. Trop maigre ? Votre faute.

Même les experts auto-proclamés qui passent habituellement leur temps à se chamailler à l’antenne ou dans les magazines pour vendre leur prose sont unanimes : que ce soit parce que vous avez été trop ferme ou pas assez, c’est vous qui avez rendu cet enfant infernal (notez que ce sont également eux qui ont fixé des normes de comportement pour votre enfant qui semblent prévues plutôt pour la reine d’Angleterre que pour un enfant de 3 ans). Vous n’avez pas allaité ? C’est mal. Vous allaitez encore ? C’est mal aussi. Vous reprenez le travail ? Mère indigne. Vous restez à la maison ? Mère castratrice. Et maintenant vous culpabilisez ? Mais arrêtez il va en avoir de l’eczéma le pauvre petit.

Comme le rappelle si bien Hillary Clinton : Il faut tout un village pour élever un enfant. Alors chers experts, chers donneurs de leçon, chers moralisateurs et autres culpabilisateurs : au boulot ! Pas la peine de venir changer des couches ou jouer les Super Nanny, merci bien (quoi que si vous voulez faire un peu de ménage faut pas se gêner), mais bougez-vous pour que la société nous donne les moyens de vos belles ambitions. C’est bien beau de prôner l’importance du lien parent-enfant et de l’autre côté rendre les enfants indésirables dans de nombreux endroits. C’est bien beau de clamer partout qu’il faut allaiter si en même temps on saborde consciencieusement les efforts des mères pour le faire (sur ce sujet un article intéressant ici). C’est bien beau de dire aux parents de rétablir leur autorité sans utiliser les méthodes d’antan et sans leur donner de nouvelles pistes. Et je suis sûre que vous trouverez plein d’autres exemples. Alors oui, un enfant a généralement deux parents, qui sont prêts à prendre leurs responsabilités, mais il a aussi une famille, des amis, des voisins, des profs, des élus, une communauté religieuse, un médecin, bref il fait partie d’une société. Cette société n’a pas à remplacer les parents (sauf en cas de problème), ni à les culpabiliser à tort et à travers, mais tout simplement à les soutenir. Et on peut déjà s’y mettre nous-mêmes…

(Image : http://www.smurf.com/smurf.php/www/who/fr/brainy)

Les caprices (3)

vendredi, février 27th, 2009

bon_de_colere Et maintenant, après la première et la deuxième partie, le moment que tout le monde attend : c’est bien beau toute cette théorie mais dans la vraie vie on fait quoi ? Il n’y a pas de solution miracle bien sûr, mais comme toujours quelques pistes et idées, à tester (ou pas) selon ses affinités et son intuition du moment.

D’abord même si les crises et colères sont inévitables, on peut quand même essayer d‘en prévenir certaines, c’est toujours ça de pris. Un enfant qui s’énerve est souvent un enfant fatigué (ou qui a faim), ou encore qui s’ennuie. Attention parce que plus il est énervé (et fatigué), plus il peut être difficile à coucher. Quand la marche est bien acquise (ou même avant), prendre l’habitude d’emmener l’enfant se défouler dehors au moins une fois par jour peut faire retomber un peu la pression (même si bien sûr ce n’est pas toujours possible).  On peut aussi repérer quelques situations qui déclenchent l’hystérie à coup sûr, et tenter de les éviter quelque temps. C’est une stratégie très délicate, parce qu’il y a des choses qu’il faudra bien que l’enfant apprenne à gérer un jour. Et pour les situations délicates inévitables et exceptionnelles (comme les voyages par exemple), mettre toutes les chances de son côté (prévoir jeux et occupations, nourriture préférée etc). Il ne faut pas non plus oublier que les petits enfants ne connaissent pas forcément les règles du jeu : un bon briefing au préalable et au calme pour bien détailler ce qu’on attend comme comportement de la part de l’enfant peut faire des merveilles. Autre truc : le faux choix, qui permet à tout le monde de sauver la face. Exemple : c’est la crise pour se brosser les dents. « Tu préfères te brosser les dents avec la brosse à dent rouge ou avec la verte ? » « Tu veux d’abord mettre ton pyjama ou d’abord te brosser les dents ? » Et puis s’observer soi-même : avez-vous remarqué comme les choses s’enveniment plus facilement quand on est soi-même fatigué/énervé/frustré/autre ? Enfin, si l’enfant veut jouer avec vous alors que vous avez autre chose à faire, il est parfois plus simple et productif de prendre tout de suite un peu de temps pour l’enfant et de vaquer à vos occupation seulement après.

Ensuite quand arrive l‘élément déclencheur (par exemple refus de donner quelque chose à l’enfant), on peut toujours tenter une distraction vers quelque chose qui serait acceptable pour les deux et proposer rapidement un substitut. On peut aussi verbaliser immédiatement ce qui se passe « Tu es déçu de ne pas avoir ça « , « ça t’énerve beaucoup quand ça se passe comme ça », éventuellement enchaîner par une proposition d’autre chose, ou tenter de valoriser l’enfant qui essaie de gérer son mécontentement. On peut aussi l’encourager à taper dans un coussin, à crier dans une « boite à colère », à faire une bataille d’oreillers, à aller faire un tour dehors (selon l’âge et la configuration du lieu), bref à extérioriser de façon acceptable pour tous.

Quand l’enfant est en pleine crise, il n’est capable d’entendre ni raisonnement ni réconfort ni menace ni rien. On peut soit le « contenir » physiquement (surtout s’il risque de se faire mal) et accompagner sa colère, soit au contraire s’éloigner (ou l’éloigner) pour le laisser se calmer seul. Je ne pense pas qu’il y ait une méthode supérieure à l’autre, plutôt que chacune est plus ou moins adaptée à chaque situation. Pour accompagner il faut avoir suffisamment de ressources sur le moment, si au contraire on est sur le point de piquer soi-même une colère mieux vaut s’éloigner. Il y a des crises qui sont assez théâtrales et se calment plus vite quand il n’y a pas de public, d’autres au contraire qui emportent tellement l’enfant qu’il a besoin d’être « cadré ». Certains enfants peuvent criser de façon très extrême : se taper/griffer/tirer les cheveux, vomir, avoir des spasmes du sanglot, etc.  On a testé pour vous le tapage de tête : pas facile, et pas de truc infaillible, si ce n’est un mélange de tout ce qui est cité ici (et une mèche de cheveux pour cacher les bleus…).

Les interventions qui humilient ou brutalisent l’enfant (cris, menaces, fessée, douche froide…) peuvent être efficaces sur le coup mais risquent d’être assez dommageables sur le long terme : il est meilleur pour l’enfant d’apprendre à exprimer sa colère de façon acceptable que d’être forcé à la réprimer. Je pense qu’il vaut mieux les éviter et lorsqu’on dérape (tout le monde est humain), s’excuser auprès de l’enfant quand tout le monde s’est calmé. Si on est dans un endroit public, tenter autant que possible de minimiser les dégâts, et essayer de garder la tête haute (et froide). Strollerderby vous propose cinq excuses à donner si quelqu’un s’en mêle (et ce quelqu’un ne saura pas si elles sont vraies ou pas, niek niek) :

  1. Il n’a pas fait sa sieste.
  2. Quelqu’un lui a donné un bonbon (tout le monde sait que le sucre ça rend fou).
  3. Il est malade.
  4. Il a deux ans.
  5. Ce n’est pas le mien, sa maman lui manque.

Bien sûr, accompagner une colère ne veut pas dire céder à la demande à l’origine de la colère. Parfois, la demande n’est d’ailleurs qu’un prétexte et y céder peut aussi déclencher la crise. Dans ce cas les demandes vont s’enchaîner tant que vous y cédiez jusqu’à arriver à la crise, et la stratégie de céder à un petit truc pour avoir la paix foire complètement (mais il y a d’autres cas où ça marche à merveille). On sait aussi qu’une crise peut être une façon de tester le parent, de chercher la limite, dont l’enfant a besoin (et le parent aussi !). C’est donc assez complexe et subtil. Pourquoi a-t-on dit non ? Parce qu’on a eu une sale journée au boulot et qu’on est de mauvaise humeur ? Parce qu’on a peur d’être catalogué comme parent laxiste ? Parce qu’il y avait un danger ? Parce que ce que fait/demande l’enfant n’est pas acceptable pour vous ? Il y a un équilibre très délicat entre rester sensible à la détresse et aux larmes de son enfant et tout faire pour éviter le moindre cri ou pleur. Et puis bien sûr il faut un minimum de cohérence, mais ce n’est pas grave de dire oui une fois et non la suivante : céder une fois sur quelque chose un jour un peu difficile n’empêche pas de refuser le lendemain. Dire « oui » quand on pense « non » et vice versa peut entraîner une grande confusion pour un tout petit, qui est extrêmement sensible à la communication non verbale (par laquelle transparaîtra le fond de votre pensée).

Quelques lectures :

Si vous avez d’autres trucs, n’hésitez pas à les partager !

(Image : http://www.u-p-r.org/ab/index.php?page=article&id=69)

Les caprices (1)

mercredi, février 25th, 2009

tantrum-1 Je n’aime pas beaucoup ce terme de caprice lorsqu’on l’emploie pour les petits enfants.

D’abord un caprice c’est quoi ? Si on en croit le trésor informatisé de la langue française :

Disposition de l’esprit à des enthousiasmes passagers, à des changements brusques dans l’humeur, les résolutions ou les sentiments.

Manifestation irréfléchie de la volonté, généralement soudaine, obstinée et sujette à de brusques revirements.

Caprice d’enfant, de femme, de malade

En particulier, PSYCHOLOGIE, langage courant Exigence obstinée et irréductible souvent accompagnée de colère. Les « caprices » ou « entêtements » de l’enfant (MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 412).

Donc on voit d’une part que les caprices sont supposés être le fait des êtres faibles (et aux facultés intellectuelles inférieures ?) comme les enfants, les femmes et les malades. Déjà ça commence bien. D’autre part, la définition n’est pas la même pour les enfants que pour les adultes : tandis que pour les adultes il s’agit de faire la girouette et de changer tout le temps d’avis, pour l’enfant cela recouvre en fait une obstination à obtenir quelque chose. Effectivement les crises piquées par les petits procèdent plutôt de la deuxième option que de la première. Même si les deux attitudes sont pénibles pour l’entourage, je suis donc surprise de constater qu’on les regroupe sous le même vocable. C’est pourquoi je préfère parler de colère ou de crise plutôt que de caprice, cela me semble mieux refléter la situation d’une part et d’autre part être plus neutre. Les Anglo-saxons eux parlent de « tantrum » (généralement traduit par « crise » ou « colère »), que Wikipedia définit ainsi :

A tantrum is an emotional outburst of ill humor or a fit of bad temper wherein the higher brain functions are unable to stop the emotional expression of the lower (emotional and physical) brain functions. It can be categorized by an irrational fit of crying, screaming, defiance, and a resistance to every attempt at pacification in which even physical control is lost. The person may not stand or sit on their own. Even when the « goal » of the person is met, he or she is not calmed.

Un « tantrum » est une explosion émotionnelle ou une passade de mauvaise humeur lors de laquelle les fonctions cérébrales supérieures sont incapables d’arrêter l’expression émotionnelle des fonctions cérébrales inférieures (émotionnelles et physiques). On peut le catégoriser comme un passage irrationnel de cris, hurlements, défi et de résistance à toute tentation de pacification lors duquel on perd jusqu’à la maîtrise physique. La personne peut en être incapable de rester debout ou de s’asseoir seule. Même lorsque le « but » de la personne est atteint, elle ne se calme pas. [traduction maison à la louche]

Vous allez sans doute me trouver terriblement anglophile, mais je dois dire que je trouve cette définition beaucoup plus juste et intéressante que la nôtre.

Mais revenons à nos moutons. D’abord, à quel âge fait-on des caprices ? Pour certains, c’est à peine sorti du ventre que le nouveau-né tente de mener en bateau ses parents (à quand le fœtus capricieux ?). Heureusement, cette idée tend à disparaître et l’âge minimal du caprice à augmenter. Ceci dit, il reste extrêmement variable selon l’adulte à qui vous poserez la question : voir par exemple cette question Yahoo où les réponses des internautes vont de deux jours à deux ans et demi, voire trois ans, avec toute la gamme des possibilités entre les deux (et je découvre la « meilleure réponse » après avoir écrit le premier paragraphe, comme quoi…). A mon avis, cela dépend de ce qu’on veut dire par caprice. Si caprice = pleur apparemment injustifié (du point de vue de l’adulte), alors c’est clair que ça commencera à peine sorti du ventre. Cela vaut aussi pour la définition du trésor de langue française : un nouveau-né qui a faim fera preuve d’une « exigence obstinée et irréductible souvent accompagnée de colère ». S’il s’agit de se rouler par terre dans une allée de supermarché, cela sous-entend qu’au minimum l’enfant marche (sinon on ne voit pas bien comment il se serait retrouvé là…), alors ce sera aux alentours d’un an (les plus précoces peuvent marcher vers neuf mois). On voit bien que cela dépend de la définition qu’on en donne, et qu’elle est très variable selon les individus.

Ce qui semble par contre largement partagé c’est l’intention associée au caprice : l’enfant-roi, voire l’enfant-tyran, qui veut manipuler et avoir à sa botte ses parents-esclaves. Alors si la question est « à partir de quel âge les enfants tyrannisent-ils leurs parents ? » la réponse est « avant même de venir au monde ». Dès la conception les ennuis commencent : ils viennent quand on n’en voulait pas et ne viennent pas quand on en veut. Après vous êtes enceinte, vous n’avez plus le droit de rien faire, vous vomissez tripes et boyaux, vous êtes épuisée, et si vous êtes un homme vous devez vous cogner une folle hystérique aux mensurations de cétacé à la place de votre chérie habituelle. Enfin je ne vais pas vous faire un dessin : à tout âge un enfant a un côté pénible. Ce qui change juste c’est sa façon de vous rendre chèvre.

Et demain la suite : au programme besoins et envies, et puis surtout comment s’y prendre (sauf que ça ce sera peut-être pour vendredi, suspense !).

(Photo : http://www.babble.com/CS/blogs/strollerderby/2008/08/23-End/Tantrum-1.jpg)

Bonnes surprises

mardi, novembre 18th, 2008
  • Après le carton rouge à Votre Bébé, je salue le magazine Parents du mois de décembre qui fait un chouette article pour défendre Dolto, et reprend une à une les idées reçues sur cette grande dame (on peut voir déjà l’édito ici). Et puis je ne sais pas bien quel est le rapport avec Françoise, mais l’article est illustré par des photos d’enfants en couches lavables (je dois devenir une experte du sujet car j’ai tout de suite repéré qu’elles venaient de La P’tite prairie…), sans parler de fin du féminisme ni de retour à l’âge de pierre. En fait on n’en parle même pas du tout, si on n’a pas l’habitude on doit probablement penser qu’ils portent de drôles de culottes. Dans un grand élan de bonté je vous ai scanné la chose et vous pouvez la télécharger ici : dolto_parents_dec08
  • A la Halle aux chaussures, j’ai trouvé une paire de petites baskets à la semelle à peu près souple et sans voûte plantaire pour 18€. Et puis ce n’est pas là que vous serez emmerdés par des vendeuses qui veulent absolument mettre des chaussures orthopédiques aux enfants. Je suis toujours adepte des Preschoolians mais pour une raison que je ne m’explique pas le Poussin est dans une faille spatio-temporelle où il commence à être serré dans le 20 mais nage complètement dans le 21. Ayant lu des trucs horribles sur les chaussures trop petites qui déforment les petits pieds souples et malléables de nos chérubins dans d’atroces souffrances il a bien fallu trouver une solution. Et puis je ne pouvais pas décemment laisser passer une bonne excuse de racheter des chaussures, même si ce n’est pas pour moi.

Hold on to your kids (2)

mardi, septembre 9th, 2008

 

Pour ceux qui l’auraient ratée, la première partie est ici.

Alors en pratique que faire ? Si on est convaincu par cette théorie, il devient évident que les modes de garde et de scolarisation de notre société sont organisés en dépit du bon sens, même s’il y a une prise de conscience réelle de ces enjeux par les professionnels. La faute en est notamment à l’importance grandissante accordée à l’indépendance, l’autonomie et la socialisation des enfants. Il faut accepter que les enfants sont des êtres dépendants, au moins jusqu’à l’adolescence (incluse). La question est : de qui veut-on qu’ils dépendent ? de leurs parents qui en assument la responsabilité ? ou d’enfants de 8 ans ? D’autre part, le concept de « socialisation » n’a pas de fondement tant que les enfants sont immatures. Ils doivent d’abord construire leur propre personnalité pour pouvoir se frotter aux autres sans perdre leur identité. Ils ne peuvent donc être ensemble que sous la supervision active d’un adulte, avec lequel ils ont au préalable établi un lien d’attachement (pas forcément aussi fort qu’avec leurs parents bien sûr). Petit à petit, ils acquièrent la capacité d’accueillir simultanément des sentiments contradictoires, et donc de se mettre à la place de l’autre. Ainsi seulement peuvent-ils montrer de vraies capacités de socialisation.

Les auteurs soulignent ainsi que les enfants qui sont orientés vers leurs pairs sont très à l’aise quand ils commencent l’école, ce qui à première vue provoque la joie des parents et des enseignants, tandis que ceux orientés vers les adultes y viennent d’abord avec réticence. Cependant cette facilité apparente cache un vrai problème : ces enfants aiment aller à l’école pour y retrouver leurs camarades, pas pour apprendre. Sans compter que les retards psychologiques causés par cette orientation contre nature ne vont pas aider leurs capacités d’apprentissage.

Cela ne veut pas dire qu’il faille bannir les crèches, garderies et écoles, mais plutôt les réorganiser pour donner une part plus importante au rôle de l’adulte, et diminuer celle dévolue aux interactions entre les enfants (cette fameuse « socialisation »). Il faut que l’enfant sente que ses parents passent une sorte de relais d’attachement à l’adulte référent (maîtresse, puéricultrice), et que celui-ci s’en saisisse.

Les conseils pratiques (que je n’ai pas trouvé très bien organisés dans le livre et vous retranscris tant bien que mal) pour cultiver l’attachement avec ses enfants (ou ceux dont on s’occupe)  :

  • Ne jamais oublier que c’est à l’adulte de prendre l’initiative et c’est à lui qu’incombe la responsabilité de maintenir le lien. Si la relation se délite, il ne peut en vouloir qu’à lui-même.
  • Interagir très fréquemment avec l’enfant et chercher son contact, au moins visuel, pour réactiver l’attachement : de la même façon que devant un nouveau-né on va tout faire pour attirer son attention et obtenir un sourire, il faut répéter ce rituel avec les enfants (évidemment de plus en plus subtilement au fur et à mesure qu’ils grandissent) aussi régulièrement que possible, et surtout avant toute autre interaction (notamment pour tout acte d’autorité).
  • Offrir aux enfants l’occasion de s’accrocher (psychologiquement) à nous et inviter leur dépendance : d’une façon ou d’une autre, il faut que l’enfant se sente bienvenu, qu’on lui donne envie de s’attacher. Il ne faut pas hésiter à donner de l’attention à l’enfant même quand il n’en réclame pas : celui-ci doit sentir que l’amour et l’attention du parent ne dépendent pas (entièrement…) de son comportement et de ses réalisations. Contrairement aux oisillons, les enfants n’ont pas besoin qu’on les pousse hors du nid : au contraire, plus on les pousse, plus ils s’accrochent (même si ce n’est plus forcément à nous).
  • Faire la boussole : guider l’enfant dans toute situation inconnue et prendre l’initiative à base de « Voici ce que nous allons faire », « Tu peux t’asseoir ici » etc. C’est pourquoi certains programmes envoient les enfants/ados difficiles passer une semaine dans un environnement naturel hostile, où ils n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers l’adulte pour survivre.
  • Ne pas hésiter à réorienter l’attachement vers soi : cependant il faut être conscient que plus l’enfant est orienté vers les autres enfants, et plus c’est une tâche difficile qui demandera une patience et une motivation quasi-infinies. De plus il faut être bien prêt à en assumer la responsabilité : briser un attachement est une violence psychologique extrême qui ne doit pas être entreprise à la légère. Garder toujours à l’esprit que c’est la relation qui compte, et pas le comportement. Ce dernier ne pourra être réglé qu’une fois la relation restaurée.
  • Ne pas combler systématiquement l’ennui en invitant un copain : selon les auteurs, l’ennui provient d’un attachement déficient qui prévient l’émergence de la personnalité de l’enfant. Il faut donc au contraire renforcer cet attachement afin d’aider cette émergence. Un enfant qui s’ennuie souvent n’est en fait pas assez mature pour avoir de vraies interactions avec d’autres.
  • Privilégier les amitiés de l’enfant avec des enfants orientés vers les adultes : idéalement il faudrait avoir un minimum de lien avec leurs parents (frères et soeurs, cousins-cousines, enfants de vos amis etc).
  • Cultiver des petits rituels familiaux : dîner ensemble, faire une balade le dimanche… Il ne faut pas hésiter à les imposer aux enfants.
  • Eviter de prendre toutes ses vacances sans les enfants (ou de les laisser au Mickey club toute la journée) : moins on passe de temps avec, plus le lien d’attachement s’affaiblit, plus les enfants sont difficiles à gérer, et plus on veut passer ses vacances sans.
  • Etre très vigilant sur ces notions d’attachement lorsqu’on confie ses enfants : il faut que l’enfant comprenne qu’il est pris en charge par le nouvel adulte et ce avec la bénédiction de ses parents. Ne pas hésiter à laisser un petit souvenir (doudou, photo, tissu avec son parfum, etc). Et surtout s’assurer qu’un lien se crée bien entre l’enfant et l’adulte qui le garde. L’absence d’attachement crée en effet un vide immense que l’enfant remplira avec la première personne voulant remplir cet office, tel une oie de Lorenz.
Autre question qui doit maintenant vous tarauder : comment maintenir un semblant de discipline dans son foyer sans mettre en péril notre précieux lien d’attachement ? Car encore une fois, à nul moment les auteurs ne prônent la permissivité : au contraire, il est capital de mettre des limites à l’enfant et de ne pas douter de la « hiérarchie » naturelle. Les parents ont la responsabilité donc ce sont eux qui prennent les décisions : combler tous les besoins ne veut pas dire répondre à toutes les envies. La discipline exposée dans le livre tend à unir plutôt qu’à diviser, et a l’air du genre qui porte ses fruits à long terme, plus qu’en 15 jours. Personnellement, c’est trop tôt pour tester alors je vous laisse juger par vous-mêmes.
  • Pour rappeler un enfant à l’ordre, mieux vaut utiliser la connexion que la séparation (style « au coin pour 5 minutes »). La séparation peut être efficace à court terme justement car elle est basée sur le besoin de proximité provoqué par l’attachement, mais risque de dommager la relation à long terme. Lorsqu’un enfant a un comportement inadéquat, il faut commencer par activer le lien, en ramenant l’enfant vers soi, tant psychologiquement que physiquement : « Hé hé, tu as l’air de bien t’amuser. Viens voir par ici qu’on discute deux minutes ». Et ça plutôt que « File dans ta chambre, on en reparlera quand tu seras calmé ». Ensuite on peut donner des indications très claires de ce qu’on attend avec beaucoup plus de chances qu’elles soient reçues.
  • Mettre l’accent sur la relation, pas sur le comportement. De façon intéressante, les auteurs expliquent que le principe de réaction immédiate marche bien sur les animaux mais pas vraiment sur les enfants. Un gamin en pleine crise ne peut pas assimiler ce qu’on lui dit, autant pisser dans un violon. Surtout il ne faut pas laisser entendre qu’on ne peut pas gérer l’enfant, mais au contraire garder le contrôle de soi (à défaut de contrôler la situation). Il est plus profitable de « refaire le film » au calme après coup.
  • Aider l’enfant à s’adapter face à la frustration : d’abord rester très ferme sur l’objet de la frustration (typiquement « non on ne fera pas ça ») sans négocier ou tergiverser, puis ensuite amener l’enfant à verser les « larmes de la résignation » en le réconfortant (« tu espérais vraiment que ce serait différent », « c’est vrai que c’est difficile pour toi »), pour l’aider à accepter ce qu’il ne peut changer. Ce serait la meilleure conduite avec un bambin en crise d’opposition.
  • Solliciter une bonne intention plutôt qu’exiger un bon comportement. Ainsi l’enfant sent que l’accent est mis sur sa volonté (« crois-tu que tu pourrais mettre tes chaussures avant de partir ? ») plutôt que sur celle de l’adulte (« je veux que tu mettes tes chaussures »). Lorsque l’enfant malgré tout n’a pas le comportement attendu, ne pas hésiter à dire « je sais bien que tu ne l’as pas fait exprès » ou ce genre de phrase.
  • Essayer de tempérer un comportement impulsif plutôt que de l’arrêter. Du style « je sais bien que tu aimes ta petite soeur, tu ne voudrais pas lui faire de mal » plutôt que « Arrête de taper ta soeur ». Cela marche d’autant mieux quand les émotions ne sont pas encore trop intenses (ou après coup). Cependant cela demande de la part de l’enfant une maturité suffisante pour pouvoir ressentir des sentiments contradictoires simultanément. Dans ce cas, il faut essayer de séparer son comportement de sa personne : « tu as vraiment été emporté par ta colère/l’envie de taper ta soeur » pour l’aider à accomplir la maturation nécessaire.
  • Lorsque l’enfant est trop immature pour produire de lui-même le comportement requis, il faut le guider : « maintenant c’est au tour de ton frère » « ici il faut parler tout doucement » etc. La difficulté est de donner des instructions compréhensibles immédiatement par l’enfant.
  • Une autre piste lorsqu’un enfant est trop immature est de lui éviter de se retrouver dans une situation qui déclenche une crise. Tout le monde sera d’accord qu’on ne peut pas demander à un enfant de deux ans de rester parfaitement calme pendant 1h30 de concert classique. De la même façon, il faut essayer d’identifier les situations « à risque » en fonction de la maturité de l’enfant. Cependant il est inévitable et indispensable qu’il apprenne tôt ou tard à gérer la frustration, c’est donc un équilibre délicat à gérer.
Ah ça a l’air bien joli tout ça (surtout avec mon résumé à la hâche), mais évidemment pas toujours très réaliste (il y a notamment une description d’un petit village de Provence idyllique plein de gens parfaitement attachés, pourtant je ne crois pas qu’il y ait beaucoup de personnes qui pratiquent ce type de discipline, là ou ailleurs). Cependant ce sont des pistes intéressantes à explorer, et à mon avis des concepts essentiels à connaître.
Et rappelons-nous ceci : la priorité est la relation d’attachement. Tant qu’elle n’est pas bien établie, le reste ne marchera pas : on ne peut attendre ni comportement adapté, ni maturation psychologique. Elle doit rester notre priorité, même si c’est loin d’être facile tous les jours.

Hold on to your kids (1)

lundi, septembre 8th, 2008

Parmi mes lectures estivales (Voici, Glamour…) s’est glissé ce livre : Retrouver son rôle de parent (ou en VO Hold on to your kids), de Gordon Neufeld et Gabor Maté. Les auteurs sont Canadiens, le premier est psychologue et le second médecin. Je dois dire qu’à première vue, un livre qui annonce que les temps ont changé, que les enfants et ados sont plus difficiles et plus mal élevés qu’avant, qu’y a plus de saison ma brave Simone et qu’à notre époque les enfants se tenaient bien (et la fermaient), ça ne me fait pas très envie. Mais la personne qui me l’a prêté a insisté que c’était ‘achement intéressant alors j’ai passé outre, et bien m’en a pris. Je crois que c’est probablement le livre le plus intéressant qu’il m’ait été donné de lire sur la parentalité. Il intéressera aussi beaucoup les professionnels de l’enfance (éducateurs, profs, puéricultrices, nounous, etc). Comme je suis vraiment très sympa, je vais vous raconter un peu (enfin vous allez voir la tartine) mais si ça vous parle, je vous recommande vraiment de mettre la main dessus.

La plus grande partie du livre nous explique le concept psychologique d’attachement. Développée chez l’homme par John Bowlby en 1969, cette théorie décrit le lien si particulier qui se met normalement en place entre l’enfant et le(s) parent(s) qui l’élève(nt). Il a également été observé chez les animaux pour lesquels au moins un des parents s’investit dans l’éducation des jeunes (typiquement oiseaux et mammifères). En gros, dès sa naissance, l’enfant a un besoin émotionnel fort d’attachement, qui est normalement comblé par ses parents, à la fois par une satisfaction de ses besoins physiques (faim, froid etc) et de ses besoins psychologiques (amour, réconfort…). Un lien très particulier se crée alors, l’enfant se tournant vers l’adulte dès qu’il a un besoin à satisfaire tandis que l’adulte est prêt à faire pour l’enfant toutes sortes de choses qu’il ne ferait pour personne d’autre (mettre les mains dans le caca, se lever 15 fois la nuit, vous voyez ce que je veux dire). Ce lien fera également que l’enfant suivra volontiers les directives données par l’adulte qui devient en quelque sorte sa boussole, son point de repère. Un bon lien d’attachement entre l’enfant et ses parents rend la parentalité facile, puisqu’il pousse les parents à se « sacrifier » pour leurs enfants (ou en tout cas rend les sacrifices plus doux) et pousse les enfants à obéir aux parents et à tout faire pour leur être agréable (mais si, mais si). Si vous voulez en savoir plus, vous avez l’article wikipedia (en anglais, le français est assez vide), et si vous voulez en savoir beaucoup plus, il y a ce livre : L’attachement. Concepts et applications, par Nicole et Antoine Guedeney (par contre j’avoue je ne l’ai pas lu).

Une bonne relation d’attachement est indispensable à la maturation psychologique d’un enfant : tant qu’il ne ressent pas de sécurité à ce niveau-là et craint de perdre l’objet de son attachement, toute son énergie sera dévouée à obtenir cette sécurité. Il est donc capital qu’il sente que ses parents l’aimeront et s’en occuperont quoi qu’il fasse, quoi qu’il soit. C’est de sentir cet amour inconditionnel qui va lui permettre d’exprimer sa vulnérabilité, elle-même indispensable à son développement psychologique. Tant qu’il ne peut pas transformer la frustration en tristesse (qui est une forme de vulnérabilité), il ne pourra pas la gérer. C’est aussi ce qui lui permettra de laisser s’exprimer des sentiments contradictoires (« j’ai très envie de jouer avec cette porcelaine Ming » et « je n’ai pas envie qu’on me gronde ») et ainsi de s’intégrer harmonieusement dans la société.

L’apport des auteurs à cette théorie -au demeurant relativement bien établie- est le suivant. Dans les sociétés occidentales modernes, les enfants ne s’attachent plus à leurs parents, mais à d’autres enfants. C’est notamment criant à l’école. Voyez un enfant qui tout à coup ne veut plus travailler, veut avoir les mêmes chaussettes Spiderman/le même ensemble jean slim-string que les copains/copines, devient insupportable et agressif avec ses parents/profs, passe toute sa soirée sur MSN/à envoyer des textos/sur Facebook avec ses copains et semble devenu imperméable à tout, carotte comme bâton (son langage se réduisant à « bof » et « j’m’en fous »). Ce sont les principaux symptômes de l’attachement à ses pairs (aux autres enfants). On dirait le portrait d’un ado mais en fait ça peut très bien commencer plus tôt, et même à l’adolescence, quand ce type de comportement s’exacerbe, il n’est pas vraiment normal.

En quoi est-ce gênant ? D’une part, l’attachement est bipolaire. C’est-à-dire qu’on ne peut avoir plusieurs figures d’attachement que si elles sont compatibles. Par exemple, la baby sitter ou les grands-parents sont compatibles avec les parents. Mais les parents ne sont pas compatibles avec Mattéo et Léa. Donc plus l’enfant s’attache à d’autres enfants, et plus il rejette les adultes en général et ses parents en particulier. Il devient agressif et n’a plus aucune intention de suivre une quelconque indication ou ordre venant de leur part. Déjà un premier problème pour les parents ainsi que pour les adultes encadrant l’enfant (profs, éducateurs…).

D’autre part, on a vu que l’enfant attendait de la figure d’attachement un amour inconditionnel pour pouvoir accomplir harmonieusement son développement psychologique. Ses copains sont totalement incapables de lui offrir cela. L’enfant alloue donc en vain toute son énergie à tenter de combler ce vide, énergie qu’il ne peut alors plus consacrer à sa maturation. De plus pour garder ces attachements éphémères, l’enfant doit se blinder contre sa vulnérabilité et ne jamais la laisser paraître. Il doit éteindre sa compasssion, sa tristesse, sa curiosité mais aussi sa joie. Il doit juste avoir l’air cool. Tout le temps. Pour être accepté il tente de ressembler aux autres et étouffe sa propre personnalité. Il ne peut donc pas connaître de maturation psychologique. Cela a également un retentissement important sur son comportement : tout le monde est d’accord pour dire qu’il est plus facile d’obtenir un comportement « acceptable » d’un enfant de 6 ans que d’un enfant de 2 ans. S’il reste bloqué à un stade de développement précoce, ses possibilités comportementales le sont aussi.

Pour les auteurs, un grand nombre des problèmes rencontrés par les parents actuellement vient de là. On se focalise sur le comportement des enfants alors qu’il faudrait commencer par réparer le lien d’attachement. Tant que ce lien n’est pas orienté vers un adulte (qui doit être prêt à en assumer l’immense responsabilité), celui-ci aura les plus grandes difficultés à orienter le comportement de l’enfant. Et toute l’autorité et les claques du monde n’y changeront pas grand chose (à moins vraiment de terroriser l’enfant mais qui voudrait cela ?). Les systèmes disciplinaires « classiques » (carotte et bâton en gros) ne marchent que dans le cadre d’un lien d’attachement fonctionnel.

Une bonne illustration de ce phénomène est à mon avis le problème des jeunes de banlieue (bon permettez-moi deux minutes de faire des grosses généralités pour vous faire passer l’idée, même si je suis tout à fait consciente que la réalité est plus complexe et nuancée). Lorsque les deux parents travaillent beaucoup et que les enfants vont de crèche en école en passant par la garderie dans des structures avec peu de moyens (et donc moins de personnel, qui plus est fréquemment renouvelé), où ils sont toute la journée avec d’autres enfants dans le même cas, la situation est très favorable à un attachement entre pairs. Ainsi cela entraîne la formation de bandes apparemment imperméables à la raison et la perte de l’autorité des parents. Le problème n’est donc pas l’interdiction faite aux parents de coller une bonne rouste (comme on peut l’entendre) mais le rétablissement d’un attachement vers les adultes.

Alors en pratique que faire ?

(à suivre… ici)

Télé Bébé

mercredi, juillet 2nd, 2008

Une jeune psychologue qui m’est proche a eu la gentillesse de m’envoyer des copies de deux articles de la très sérieuse Lettre de Psychiatrie française (n° 175, mai 2008), portant sur l’intérêt de la télévision pour les très jeunes enfants (moins de deux ans), et notamment de programmes qui leur seraient dédiés.

Le premier article est signé par Bernard Gibello, qui entre autres distinctions est médecin, professeur de psychopathologie, chercheur spécialiste du développement de la pensée et de ses troubles et président de l’Association Française de Psychiatrie. On peut donc raisonnablement penser qu’il sait de quoi il parle. Il nous explique notamment comment la pensée se développe chez le nouveau-né et le nourrisson.

Ainsi, le bébé se construit en appréhendant les objets proches par l’ensemble de ses sens (vue, audition, toucher, goût, odorat). Pour « connaître » un objet, un bébé ne peut pas juste le voir : il lui faut le toucher, le mettre à sa bouche, lui faire faire du bruit. Pas besoin d’être un grand psychopathologue pour observer ce type de comportement chez un tout petit. Par ce biais il découvre aussi son corps. L’auteur nous explique que les bébés pensent aussi avec leur corps, ce qui semble relativement incompatible avec un écran de télévision, qui ne fournit des stimulations que visuelles et auditives.

D’autre part, l’interaction avec les personnes qui l’entourent est fondamentale. Le bébé essaie d’imiter les adultes (en souriant par exemple), puis ceux-ci lui répondent et l’encouragent, enclenchant ainsi une sorte de cercle vertueux. Si l’enfant ne reçoit pas de réponse à sa tentative d’interaction, elle avorte. Là encore, on voit mal la télévision sourire à l’enfant au moment où celui-ci sourit.

Pour B. Gibello, la conclusion est sans appel : « interdire totalement la télévision des bébés, et en restreindre l’accès aux plus grands à deux heures par semaine constitue une mesure urgente d’hygiène mentale ».

Le deuxième article est proposé par Serge Tisseron, un psychiatre et psychanalyste relativement connu par le grand public. Il s’attaque notamment au projet de chaîne destinée aux bébés Baby first, et cite un certain nombre d’études scientifiques pour en démontrer la nocivité. Ainsi un pédiatre allemand, Peter Winterstein, a montré que les enfants gros consommateurs de télévision ont une mauvaise représentation de leur corps, qui se traduit par des dessins de personnages déformés voire amputés. Même les programmes vendus comme bénéfiques pour l’enfant, comme les DVD Baby Einstein (très prometteur, sachant que le grand Albert parlait à peine à 3 ans…) et Baby Mozart, ont en réalité un impact négatif sur l’apprentissage du langage chez les enfants de 8 à 16 mois. Par ailleurs, il semble qu’il n’y ait aucune différence entre les programmes dédiés aux bébés, ceux à but éducatif, ceux purement récréatifs et ceux pour adultes : tous ont les mêmes conséquences nocives. Par contre, le fait de se faire lire ou raconter régulièrement une histoire par une « vraie » personne a un effet positif sur l’acquisition du langage.

Enfin l’auteur insiste sur l’importance pour l’enfant d’avoir des jeux solitaires où il puisse endosser tour à tour tous les rôles : le héros et le méchant, celui qui conduit et celui qui se fait conduire, etc. L’abus de télévision l’entraînerait à ne s’identifier qu’à un seul personnage, souvent stéréotypé, et à s’enfermer dans un rôle social unique. Pas de surprise quand on arrive à sa conclusion : la télé pour bébé n’est certainement pas utile, et est probablement nuisible à leur développement psychologique. Serge Tisseron demande l’interdiction de chaînes télé dédiées aux tout petits.

Alors quoi ? On file sa télé à Emmaüs et on a en permanence avec soi une grande chaussette à coller sur la tête de Junior à chaque fois qu’un écran se profile ? Est-ce que la PMI va débarquer si un soir de crise on colle son poussin devant la télé ? Evidemment que non. De toute façon, à moins de vivre avec ses chèvres au fin fond du Larzac, on ne peut pas éviter très longtemps la rencontre bébé-écran. Sans parler des familles avec plusieurs enfants : allez expliquer au petit dernier qu’il ne peut pas regarder Bob l’éponge/Dora/le dernier Disney avec les grands. Je pense qu’il y a aussi une différence entre regarder un film (ou autre) avec le bébé (pas forcément tourné vers l’écran, même si on en a vu se dévisser la nuque pour en savoir plus…) et planter le poussin devant un écran qui sert de baby sitter. Et que celui ou celle qui n’a jamais donné la énième tétée/biberon devant son émission favorite me jette le premier tube cathodique.

A mon avis, le message à retenir c’est qu’il ne faut pas croire ceux qui prétendent que la télé pourrait être bonne pour le développement des enfants (en particulier les moins de deux ans). Et apparemment, les programmes présentés comme « spécial bébé » n’ont aucun intérêt. La télé fait partie du paysage, elle peut rendre service, mais il faut l’utiliser en connaissance de cause.

Si ça vous intéresse, quelques lectures sur le sujet :

http://www.carevox.fr/article.php3?id_article=294

http://squiggle.be/appel/?petition=2

http://familles.blogs.liberation.fr/hefez/2007/11/quest-ce-que-tu.html

http://www.planete-elea.com/article-20607314.html

Dépôt vente

jeudi, avril 10th, 2008

livre_massin Aujourd’hui un livre qui s’adresse à tous les parents et futurs parents : Vous qui donnez la vie, un autre regard sur la grossesse de Christophe Massin. Dans cet ouvrage, pas de recommandations sur le nombre de carrés de chocolat autorisés à la femme enceinte, la quantité de vêtements taille 1 mois à acheter ou encore à quel âge commencer les navets. Il s’agit plutôt de comprendre les processus psychiques et psychologiques à l’œuvre chez les parents et futurs parents depuis la conception jusqu’aux premiers jours de l’enfant. Rassurez-vous ça n’est pas le style : 

– « Docteur, je ne me reconnais plus, j’ai envoyé une assiette à la figure de mon chéri/pleuré devant une pub. »

– « Allons allons ma brave dame, c’est les hormones ». 

Pas non plus le genre « faites ci, faites ça, comme ça, et pas comme ça », mais plutôt des pistes, des idées à explorer et à s’approprier (ou pas) si elles vous parlent.

A partir de son expérience de psychiatre-psychothérapeute et de nombreux témoignages de parents, l’auteur aborde des sujets aussi variés que le désir d’enfant, l’interruption de grossesse (volontaire ou médicale), le rôle de l’équipe médicale pendant la grossesse puis à la naissance, ou encore la place du père. Le livre s’articule ainsi en trois grandes parties : Le choix de la vie, La vie entre les mains de la science, et Père, mère et enfant. Il est à recommander à tous ceux qui veulent prendre un peu de recul sur leur rôle de parent et faire la part des choses dans les émotions fortes et parfois contradictoires qui accompagnent ces moments. Je pense que sa lecture peut aussi aider les personnes qui d’une façon ou d’une autre ont mal vécu certaines choses autour de la grossesse, surtout si elles leur restent encore en travers de la gorge.

Vous êtes conquis ? Mauvaise nouvelle, ce livre a été retiré par l’éditeur. On en trouve encore chez Fnac et Amazon. Et je connais bien l’auteur à qui il en reste un stock. Vous pouvez donc par l’intermédiaire de ce site l’acheter au prix de 20 € (port compris pour la France métropolitaine). Et si vous avez l’esprit midinette, vous pouvez avoir pour le même prix une dédicace de l’auteur. Pour plus de détails, m’envoyer un mail : lapoulepondeuse @ gmail.com (il faut enlever les espaces bien sûr)

Give me a sign

mercredi, mars 12th, 2008

(attention une référence culturelle musicale de haute volée s’est cachée dans le titre)

signe 

Je crois que je ne vais pas tester pour vous : signer avec bébé. Mais reprenons depuis le début. Au cas où vous ne l’auriez pas encore remarqué, j’aime bien zoner sur le net et chercher toutes les nouvelles idées pour me dépatouiller avec mon poussin. Donc fatalement, j’ai fini par tomber sur cette idée : avant que l’enfant n’acquière le langage parlé, on peut lui apprendre des rudiments de langue des signes pour qu’il puisse communiquer plus facilement. Génial, me dis-je : enfin je vais savoir s’il veut encore de la purée, ou plutôt aller changer sa couche. Pour une fois en prime je convaincs le coq de participer à ma dernière lubie. Donc nous allons sur un joli site internet apprendre quelques signes de base (j’adore « papa ») et commençons à assortir nos phrases de gestes façon De Funès dans Rabbi Jacob. Jusqu’ici, tout va bien.

J’en parle avec enthousiasme à ma mère, elle trouve ça naze. Je relativise (entre autres parce qu’elle m’avait aussi dit que je pouvais rentrer de la maternité en voiture avec le poussin dans les bras si le coq ne conduisait pas trop vite). Mais le doute s’est insinué. Deux jours plus tard, je me rends dans un éminent laboratoire de psychologie de l’enfant afin de leur prêter le poussin comme cobaye. Oui, je suis comme ça moi, prête à tout pour la science. En plus on n’a rien eu en échange, même pas un café pour moi. Bref, je profite de ce que je suis avec des pros pour leur demander leur avis.

Eh bien, comme l’avait laissé entendre ma mère, leur opinion est formelle : ça ne servirait à rien. Gloups. La science est formelle : les enfants savent très bien faire comprendre leurs besoins basiques à leurs parents. Effectivement, j’ai réalisé qu’avec 90% de succès environ, le coq et moi savons s’il faut nourrir, changer (l’odeur… quoi que avec les lavables on sent beaucoup moins) ou coucher notre poussin. Et puis la période entre premiers signes et premiers mots serait assez courte, quelques mois au plus.

Du coup, naïfs et influençables comme on est, on a laissé tomber. Je laisse quand même les liens sur le sujet (voir la petite boîte « sites utiles » sur le côté), si il y en a que ça tente. Et je serais très intéressée par les témoignages de ceux/celles avec des enfants plus grands : vous avez essayé ? ou vous pensez que ça aurait pu vous servir ? Les commentaires sont ouverts.

(photo : http://www.forbaby.com.au/modules/babynews/article.php?id=4)