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Mon bébé comprend tout

dimanche, août 21st, 2011

Voilà un livre dont je dois vous parler depuis bien longtemps. C’est encore une fois à une amie fort attachante que j’en dois la lecture. J’avoue que je n’avais pas très envie de me plonger dedans à la base, car il se traîne une sacrée réputation : c’est le livre qui dit qu’il faut que les bébés pleurent (enfin c’est ce que dit sa réputation). Mais n’écoutant que mon courage et mon dévouement pour vous, Basse-cour chérie, j’ai tout lu.

D’abord, un premier point qui n’a pas manqué de me séduire : Aletha Solter est titulaire d’un doctorat en psychologie, a étudié avec Jean Piaget (un monument en psychologie de l’enfant), et assortit la moindre de ses assertions d’une citation de la littérature scientifique en bonne et due forme. J’ai aussi apprécié qu’elle parle assez systématiquement de « parent », et pas juste de la pauvre mômman, sur qui pèseraient toutes les responsabilités (surtout en cas d’échec). J’ai par contre été moins séduite par la traduction, avec notamment cette perle : j’ai fini par comprendre que « couverture de sécurité » était une traduction littérale de « safety blanket », alors que dans ce contexte il s’agit plutôt d’un doudou que d’une couverture de survie. Je ne suis pas fana non plus des « exercices pratiques » à la fin de chaque chapitre, qui m’évoquent plus une McPsychothérapie à emporter (copyright Le Spykologue) que quelque chose de vraiment utile.

Et le fond alors ? Voici déjà les quatre postulats de base, copiés-collés depuis la quatrième de couverture :

  • Le nouveau-né sait de quoi il a besoin.
  • Si ses besoins sont satisfaits et qu’on ne lui fait pas de mal, il sera gai, intelligent et aimant.
  • Le bébé est très vulnérable ; ses peines et ses besoins insatisfaits peuvent avoir des effets durables.
  • Il a la possibilité de guérir spontanément de ses peines s’il peut exprimer ses sentiments de détresse.

Les besoins généraux du bébé tels que décrits dans le livre ne sont pas révolutionnaires (en gros être alimenté, porté et câliné à la demande, avec une forte préférence de l’auteur pour allaitement et sommeil partagé), si on excepte la question des pleurs. En effet, pour l’auteur, les pleurs, lorsqu’ils ne traduisent pas un besoin non satisfait de l’enfant (faim, sommeil, propreté…), sont là pour lui permettre d’exprimer ses sentiments négatifs et sont nécessaires à son équilibre et à son bien-être. Ils ne doivent donc pas être entravés par ce qu’elle appelle des automatismes de contrôle, dont les plus courants sont le doudou (euh pardon, la couverture de sécurité), la tétine, le pouce et même la tétée câlin. Par contre, pour être vraiment libérateurs et réparateurs, les pleurs doivent toujours être versés dans les bras d’un adulte aimant et contenant (à ce sujet, voir aussi cette étude récente, trouvée -encore !- grâce au Spykologue selon laquelle la recette du « bien pleurer » tiendrait en trois termes : « vite, fort et avec un confident »). Si l’enfant est laissé seul, c’est nocif. Donc en gros, c’est LA solution magique à tous les problèmes : une bonne séance de pleurs dans les bras (temps illimité, près d’1 heure d’affilée ce n’est pas un problème…) et vous aurez un enfant charmant, gai, qui dort et fait le café.

Aletha Solter a donc globalement une idée extrêmement exigeante de ce que doit être la parentalité, et martèle régulièrement que c’est une tâche extrêmement difficile, pour laquelle les parents devraient recevoir autant d’aide que possible, tant par leur entourage que par la société. Elle pousse d’ailleurs son raisonnement jusqu’au bout : à moins d’être exceptionnellement bien aidé, un couple ne devrait selon elle pas avoir plus de deux enfants, qui devraient avoir au moins trois ans d’écart.

Pour ma part, je trouve l‘idée de base intéressante, même si développée de façon légèrement psycho-rigide. En effet, notre société a un rapport assez bizarre aux pleurs des bébés et enfants : non seulement un bon enfant est un enfant mort silencieux, mais tout cri doit être a minima ignoré, voire réprimandé. Or nous avons tous de la colère, de la frustration, de la tristesse et d’autres émotions négatives à exprimer. Je ne connais pas beaucoup d’adultes capables de le faire systématiquement de façon productive (ou en tout cas qui ne soit nocive ni pour eux ni pour les autres), même si nous avons à notre disposition un certain nombre de moyens : en parler, pleurer sur une épaule compatissante, faire une activité physique, etc. Un bébé ou un jeune enfant ne peut que pleurer ou crier pour exprimer une vaste gamme d’émotions négatives, à moins carrément de les transformer en problèmes physiques par la somatisation. Il me semble donc assez intéressant et utile pour un parent de savoir qu’il n’est pas forcément anormal ou pathologique de ne pas réussir à consoler immédiatement tout pleur ou cri de leur enfant. Au contraire, accueillir ces manifestations avec compassion peut aussi être bénéfique à l’enfant. C’est finalement une forme d’écoute active, également préconisée par A. Solter, qui cite d’ailleurs Thomas Gordon. A noter que Gordon Neufeld et Gabor Maté, dans Retrouver son rôle de parent, parlent également du rôle crucial des « larmes d’impuissance » pour aider un bambin à accepter la frustration.

Cependant, je ne peux que regretter le caractère assez dogmatique et péremptoire de l’ouvrage, qui me semble bien difficile à mettre en pratique aussi exactement que le préconise l’auteur. En gros, si j’ai bien compris, il faut être prêt à écouter des pleurs, pour une durée indéfinie, à tout moment du jour et de la nuit. Sans parler de ma disponibilité émotionnelle, forcément limitée, il n’est pas compatible avec mon mode de vie de passer 45 minutes à écouter la frustration de mon bébé qui ne veut pas aller à la crèche alors que j’ai une réunion il y a 10 minutes. Je suis aussi bien contente que Pouss2 prenne la tétine dans la voiture, ce qui lui permet de rester à peu près calme dans une situation où on ne peut pas le prendre dans mes bras. Autre problème : comment faire la distinction entre pleurs exprimant un besoin et pleurs de décharge ? Personnellement je trouve que c’est justement un des avantages de l’allaitement : pas besoin de savoir si bébé veut manger, câlin, dormir, consolation ou un mélange de plusieurs, puisque le sein peut lui fournir tout cela, et plus encore. Il me semble qu’une interprétation trop stricte de ces préceptes pourrait d’ailleurs dans certains cas entraîner des problèmes de lactation par stimulation insuffisante. Enfin les pleurs incessants peuvent aussi signaler une vraie pathologie (chez les nouveaux-nés on peut citer notamment le RGO, relativement courant, très douloureux, et pas toujours accompagné de régurgitations), qui demande un traitement médicamenteux et pas seulement de l’empathie pour guérir.

En bref, il me semble important de retenir le message de fond du livre, à savoir que pleurer en présence d’une oreille compatissante est aussi un besoin fondamental des bébés et enfants (voire des adultes mais c’est un autre sujet), tout en le relativisant. Je trouve qu’il est important de dire les faits, même si c’est une vérité qui ne nous arrange pas, mais le dogmatisme « faites comme ça et pas autrement sinon votre enfant va devenir un dangereux psychopathe façon Hannibal Lecter » m’horripile. Je préfère largement l’approche de Sarah Blaffer Hrdy par exemple. Personnellement je n’en recommanderais donc pas la lecture sans l’assortir de certaines précautions fortes. C’est typiquement le genre de livre qui n’est absolument pas fait pour être appliqué à la lettre à mon avis, sous peine de finir complètement chèvre (d’ailleurs on pourrait presque se demander si ce n’est pas là qu’Elisabeth Badinter a trouvé sa caricature de la mère naturaliste allaitante sacrificielle dans laquelle je ne me reconnais absolument pas). Vous pouvez par ailleurs découvrir un certain nombre des théories et propositions d’Aletha Solter sur le site des Parents conscients (j’aime bien ses 20 alternatives à la punition par exemple). Quoi qu’il en soit, il me semble important de toujours garder un certain recul par rapport aux livres en général : ils peuvent bien sûr nous apporter des éclairages passionnants, voire nous permettre de vrais changements, mais n’oublions pas que les choses sont rarement si simples dans la vraie vie et que les bébés, eux, ne les ont pas lus.

Ajout ultérieur : afin que ce billet puisse contribuer aux Vendredis intellos de Mme Déjantée (dont je vous recommande au passage le blog), je complète avec le petit widget associé et un extrait du bouquin (deux, en fait). Vous comprendrez qu’en tant que BHL des Pampers (surnom qui m’avait été donné il y a quelque temps déjà sur un autre blog) je ne pouvais pas rester indifférente à une telle initiative…

Voici un premier extrait, qui montre bien le potentiel de culpabilisation du bouquin :

J’ai expliqué plus haut que le fait de faire attendre un enfant pour sa nourriture peut l’amener plus tard à avoir un appétit insatiable de nourriture ou de boisson. Pour une raison complètement différente, le surallaitement peut conduire au même problème.

Comprendre : si faim et soif de bébé ne sont pas satisfaits avec une précision chirurgicale il va devenir un adulte boulimique et alcoolique.

Pour finir sur une note plus réconfortante, un extrait sur la nécessité d’aider les parents et en particulier des mères :

Une autre raison pour laquelle il peut sembler difficile d’être parent est que beaucoup d’entre eux ne sont pas assez aidés. S’occuper d’un enfant est un travail extrêmement prenant, et on ne peut pas attendre d’une seule et même personne qu’elle lui donne l’attention dont il a besoin tout au long de la journée (et la nuit, aussi !). L’envie d’avoir du temps pour soi, loin de son enfant, ne signifie pas forcément qu’on le rejette. On attend souvent des femmes qu’elles soient les seules à s’en occuper : c’est ridicule ; les mères ont besoin d’aide.

 

 

La tototte : amie ou ennemie ?

mercredi, avril 16th, 2008

Toute personne sans enfant s’est déjà trouvée face au tableau suivant : un bambin de 2-3 ans, tétine à la bouche, marmonnant quelques mots incompréhensibles. Il fait alors tomber la tétine, et s’ensuit une crise terrible jusqu’à ce qu’il retrouve enfin sa tototte chérie. La personne se fait alors un serment solennel « Jamais mes enfants n’auront de tétine ! Pauvre gosse, ses parents sont vraiment trop nuls (et apparemment n’ont pas lu Aldo Naouri) ». Ce que cette personne ignore, c’est que pour la plupart, les parents de cet enfant s’étaient AUSSI fait cette promesse solennelle. Alors, que s’est-il passé ?

Un nouveau-né est un petit être fragile. Son système nerveux notamment est immature, et ne lui permet que peu de relativiser, ou de se dire « ça ira mieux plus tard », s’il a un quelconque désagrément (mal au ventre, faim, un orteil qui gratte, peur de rater la Star Ac’ ou que sais-je). De plus, bien qu’il ait des compétences incroyables, il n’a que peu de moyens de se réconforter tout seul. Et parfois -une fois ses besoins de base satisfaits- même les bras aimants de ses parents ne suffisent pas à le réconforter. La seule solution est alors la succion dite non nutritive, c’est-à-dire le fait de téter sans manger. C’est d’ailleurs souvent utilisé en néonatologie pour soulager les bébés pendant les soins et éviter de les abrutir de médicaments analgésiques.

Comment alors satisfaire ce besoin de succion non nutritive ? A ma connaissance il y a quatre possibilités :

  • donner le sein
  • donner son petit doigt (ou celui du papa, pas de raison que ce soient toujours les mêmes)
  • donner une sucette/tototte/tétine/tututte/tutte/lolette
  • l’enfant prend son pouce

Chacune de ces méthodes a ses avantages et ses inconvénients, mais pour la dernière il est très rare qu’un poussin y arrive avant deux mois, et il faut généralement compter quatre-cinq mois. Donc elle ne s’applique pas dans les premiers mois, là où le besoin de succion est justement le plus intense (peu à peu les bébés arrivent mieux à se réguler, à relativiser, et à trouver d’autres sources de réconfort/distraction). Et si vous n’allaitez pas, la première méthode est a priori exclue.

Le sein : La stimulation quasi-permanente du mamelon assure une bonne production laitière (cette situation n’est cependant pas souhaitable pour tout le monde, rappelez-vous), et la succion du sein est la plus favorable au développement bucco-dentaire. Et on ne risque pas de confusion sein-tétine. Sans compter que c’est à peu près l’idéal en termes de germes et de maladies. Le facteur limitant est généralement la disponibilité de la mère : non, on n’est pas une mauvaise mère si on n’a pas envie d’avoir un nouveau-né pendu au sein 27h/24. Et si l’enfant doit être gardé, il va probablement falloir trouver une autre solution. Mais ça n’est certainement pas une raison pour jeter la pierre (à grands coups de « quoi ? encore au sein ? » et  » tu te fais littéralement bouffer par ce petit fourbe manipulateur ») à celles qui optent pour cette solution, bien au contraire, c’est d’encouragements qu’elles ont besoin.

Le doigt : a priori ne modifie pas les habitudes de succion de l’enfant. De plus comme cette situation est assez paralysante pour le parent, vous êtes sûr de ne pas en abuser et de ne l’utiliser qu’en dernier recours. Au niveau hygiène, il vaut mieux éviter après avoir changé une roue. Ceci dit, surtout si le poussin est allaité, il est protégé vis-à-vis de la flore de la mère, et si celle-ci échange suffisamment de bave avec le père, cela marche aussi pour lui. Par contre il est déconseillé que d’autres personnes que les parents donnent le doigt.

La sulfureuse tétine (*signe de croix*) : Vous permet de faire autre chose pendant que le poussin tète gentiment dans son coin. Par autre chose je ne veux pas forcément dire surfer tranquillement sur le net et vous faire une French pédicure (quoi que…), mais tout simplement prendre une douche, ou conduire jusqu’à la maison, sans que le poussin s’époumone harmonieusement comme si vous essayiez de lui sortir les yeux à la petite cuillère. Peut aider aussi le poussin à s’endormir tranquillement, parfois plus efficacement qu’une berceuse ou que mille deux cent quarante-trois tours de votre appartement dans les bras. Inconvénients : peut entraîner une confusion de succion et/ou une baisse de lait et mettre en danger l’allaitement. Certains poussins ne veulent pas en entendre parler. Accusée de nombreux maux (otites, caries, dents de travers, troubles du langage…), la réalité est en fait plus nuancée, comme le montrent les recommandations de la Société canadienne de pédiatrie. Autre problème : le poussin qui la perd et vous réveille dix-huit fois par nuit pour que vous la lui remettiez. Le manque de sommeil rend créatif, et des parents ont mis en place des tas de solutions : mettre vingt totottes dans le lit pour que l’enfant en trouve facilement une, mettre la tototte sur un élastique tendu en travers du lit, ou encore cette technique apparemment pas si imparable… Au niveau hygiénique, la tototte peut être lavée et stérilisée sans problème, mais que faire si elle tombe dans le métro et que vous n’en avez pas d’autre sous la main ? (réponse : se promener avec une quinzaine de sucettes sur vous) Et puis soyons francs, les bébés ne sont pas franchement mis en valeur avec cet anneau qui pendouille.

Le pouce/les doigts : Votre poussin a trouvé son pouce ? Personnellement c’est ma solution préférée : il l’a toujours sur lui et sait toujours où le trouver. Au niveau hygiène, on essaie de l’empêcher de manger nos chaussures et c’est déjà pas mal. Principal inconvénient : quand viendra le moment d’arrêter, on ne peut pas le contrôler et décider que maintenant c’est fini (enfin il existe des vernis répulsifs à mettre sur l’ongle, ou des remèdes de grand-mère charmants du style coudre la manche du pyjama…). Et au bout d’un moment apparaît une sorte de bouton à la base du pouce (apparemment ni gênant, ni grave).

Conclusion : que faire ? L’usage de la tétine ne devrait pas être systématique (notamment dans les maternités), et on ne doit pas vous l’imposer. Cependant, utilisée avec discernement, elle peut s’avérer précieuse au quotidien : même la Leche League le reconnaît. Ainsi, si vous allaitez, éviter de la donner tant que le réflexe de succion et la lactation ne sont pas bien établis, et n’hésitez pas à privilégier le sein (même temporairement) si l’un ou l’autre vous semblent compromis. Ne jamais tremper la tututte dans un liquide sucré (sauf cadre médical bien défini, notamment si elle est utilisée comme analgésique pour un soin douloureux). On peut aussi essayer de fournir une autre réponse (quand c’est possible bien sûr) : bras, berceuse, écharpe, promenade, etc avant de proposer la tétine. Quand le poussin grandit, on peut enfin commencer à lui proposer d’autres choses à tétouiller, comme un doudou qu’il pourra tenir et utiliser à sa guise (euh là niveau hygiène débarquement imminent de la DDASS…).

Si cela peut rassurer de jeunes parents à qui on prédit que leur poussin passera son bac tototte en bouche, le nôtre a été un véritable accro entre 1 (avant on lui donnait le doigt, les malheureux…) et 3-4 mois. Et je peux vous dire qu’il y a un certain nombre de moments où c’était la seule chose qui le calmait (même le sein qui débordait de lait n’y faisait rien). Ensuite il s’en est progressivement désintéressé et vers 5-6 mois la refusait complètement. Entretemps il a trouvé son pouce, qu’il prend uniquement quand il est fatigué ou quand il a faim. Evidemment, c’est un exemple et chaque poussin est différent. Enfin on n’a jamais vu personne passer son bac avec une tototte (passons sur les négociations au couteau avec le tonton ado du poussin qui voulait lui piquer ses tétines cet été…).

Donc comme toujours, je dirai : écoutez-vous, observez votre enfant, gardez l’esprit ouvert, trouvez votre rythme et vos solutions.