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La rééducation périnéale

jeudi, mai 10th, 2012

Ce billet a été écrit à vingt doigts avec la merveilleuse Dix lunes, la sage-femme qui te donne envie d’avoir autant de gosses si c’est elle qui s’occupe de toi. Il a été préparé suite à la demande de Mme Déjantée (qui réussit à donner envie d’avoir cinq enfants) qui souhaitait que ce sujet fasse l’objet d’un billet Guest sur les Vendredis intellos. Vous le retrouverez donc (outre ici en version intégrale) chez Dix lunes et sur les Vendredis intellos. Après une première partie générale pour tracer les grandes lignes sur le sujet, un échange de points de vue entre la femme (moi) et la sage-femme (Dix lunes -qui n’en est bien sûr pas moins femme).

D’abord, le périnée, c’est quoi ? A ne pas confondre avec le péroné (qui en fait s’appelle la fibula, faut suivre), nous signale Wikipedia, qui le définit fort poétiquement comme « l’ensemble des parties molles fermant le détroit inférieur du pelvis ». En gros, et pour ce qui nous intéresse aujourd’hui, ce « plancher » contient en particulier un ensemble de muscles qui a pour grandes fonctions d’une part le soutien des organes du petit bassin, soit utérus, vessie et rectum (sous peine de prolapsus, nom savant de la descente d’organes), et d’autre part le contrôle des sphincters (urètre, vagin/canal éjaculateur et anus). Messieurs, inutile de prendre cet air dégoûté, vous en avez un aussi.

Et alors, c’est quoi son problème ? La partie musculaire du périnée est mise à rude épreuve tant par les hormones de la grossesse que par l’accouchement, mais aussi par la ménopause. Certaines interventions (forceps, épisiotomie… mais aussi expression abdominale, d’ailleurs formellement déconseillée par la Haute autorité de santé) ou complications (déchirure, gros bébé -bien qu’en soi ce ne soit pas forcément une complication !) lors de l’accouchement peuvent accroître cette fragilisation des tissus. Concrètement, sans aller jusqu’à la descente d’organe, cela peut se manifester par des problèmes plus ou moins sévères (fuites urinaires, incontinence aux gaz, diminution des sensations sexuelles…).

Alors, on fait quoi ? C’est là qu’intervient la fameuse rééducation périnéale. En France du moins, car si la rééducation périnéale est facilement proposée (et donc remboursée)  à toute femme ayant accouché, l’existence même d’une telle thérapie reste embryonnaire dans d’autres pays occidentaux (voir par exemple ce témoignage édifiant d’une Américaine). Elle est fortement recommandée même si vous avez accouché par césarienne, et avant de reprendre le sport. La nécessite d’une rééducation périnéale doit toujours être évaluée lors de la consultation postnatale – six à huit semaines après l’accouchement – même si ce n’est que pour reprendre une activité sportive modérée (cf l’inoxydable trio marche-yoga-natation).

Petit aparté : mais si les forces de l’évolution ont bien fait leur boulot et façonné le corps de femmes pour donner la vie, ne suffirait-il pas de respecter la physiologie pour éviter d’avoir à rééduquer le périnée ?

  • Il est clair qu’un certain nombre des pratiques actuelles d’accompagnement des accouchements sont délétères pour le périnée : outre les interventions citées plus haut, la poussée en inspiration bloquée (dite de Valsalva) et/ou dirigée et la position imposée sont par exemple identifiées comme des facteurs de risque (voir par exemple Albers et al 2006 ou Albers et Borders 2007). Je ne dis bien sûr pas qu’il faut se passer totalement de ces pratiques, mais simplement qu’elles ont souvent un impact sur notre périnée : peut-être plutôt réfléchir au rapport risque-bénéfice avant de les mettre en oeuvre.
  • Par ailleurs notre mode de vie n’est pas très « périnée-friendly », nous vivons avachis sur le canapé dans une sédentarité quasi-totale entre-coupée par ci par là d’efforts violents et inadéquats (ah c’est caricatural ?), au lieu de vivre accroupis en marchant quotidiennement de longues distances tout en portant des poids importants de façon plus physiologique (quoi c’est aussi caricatural ?).
  • Enfin notre société valorise un corps hyper maîtrisé, y compris dans l’excrétion des fluides corporels et autres gaz. On ne transpire pas, on n’a pas ses règles (et si jamais on perd du sang bleu transparent, merci), on ne pète pas… Il ne semble pas impossible que ça sentait le fennec dans les grottes préhistoriques et qu’on n’était pas à une petite fuite urinaire près. Et puis l’espérance de vie étant bien moindre, les femmes mourraient sans doute avant d’arriver au prolapsus…

Qui s’en occupe ? La rééducation peut être prescrite par un médecin ou par une sage-femme (tant qu’elle fait suite à une grossesse pour le second cas) ; elle est principalement pratiquée par les kinés et les sages-femmes libérales (plus rarement proposée en maternité).

Quand s’y mettre ? On attend généralement la visite de contrôle des six semaines post-natales (avec le médecin ou la sage-femme) ; même si certaines maternités donnent l’ordonnance en suite de couches, il vaut mieux attendre d’avoir fait le point à cette occasion, sans compter qu’il faut laisser le temps aux tissus et organes de se remettre en place (et honnêtement qui a envie de travail endovaginal juste après l’accouchement ?). On peut soit profiter du congé maternité/parental (il est admis de venir avec son bébé et les professionnels sont souvent équipés pour cela), soit attendre la reprise du travail.

Comment ça marche ? Plusieurs techniques existent, et je ne suis pas certaine que leur efficacité relative ait été beaucoup étudiée (PubMed n’est pas très bavard sur le sujet, à part un article sur l’efficacité de l’électrostimulation sur les dyspareunies du post partum). Selon l’endroit où vous habitez (et la densité de professionnels de santé), vous n’aurez d’ailleurs peut-être pas le choix de la méthode.

  • L’électrostimulation par sonde : vous avez vu les pubs pour Sport élec au télé-achat ? C’est un peu le même principe : on stimule les muscles du périnée par des courants électriques envoyés par une sonde endovaginale. Paraît que non, c’est pas vraiment comme un vibro.
  • Le biofeedback avec sonde : une des techniques les plus pratiquées. Toujours avec la sonde endovaginale, mais qui là est passive. Vous contractez vos muscles et voyez le résultat sur un écran, au final c’est un peu comme un jeu vidéo mais assez répétitif.
  • Connaissance et maîtrise du périnée (CMP) : il s’agit d’une technique basée sur la visualisation dont le côté indirect et imagé peut être déroutant. En effet, on visualise certains mouvements à différents endroits du périnée sans pour autant tenter de bouger les muscles, et les images (herse, pont levis, vase, etc) ne sont sans doute pas adaptées à toutes. Mais elle présente l’avantage de travailler très spécifiquement et précisément les différents muscles.
  • L’eutonie : si on en croit l‘institut d’eutonie, « l’eutonie propose une recherche adaptée au monde occidental, pour aider l’homme de notre temps à atteindre une conscience approfondie de sa propre réalité corporelle et spirituelle dans une véritable unité. » Bon ça ne parlera pas forcément à tout le monde mais lisez ici le témoignage de Petit Scarabée qui a l’air d’avoir apprécié.
Il y a encore d’autres techniques plus ou moins directes : la pratique du yoga peut contribuer, avec les bandhas ; les boules de geisha sont régulièrement citées pour allier plaisir et rééducation. Les Anglo-saxons parlent beaucoup des exercices de Kegel, qui sont une version un peu rudimentaire du biofeedback (mais pas forcément avec la sonde). Quelle que soit la méthode choisie, il y a généralement une part importante de travail à la maison entre les séances si on veut voir des résultats significatifs.
La poule :
Personnellement, deux enfants, deux histoires. Le seul point commun : j’ai attendu d’avoir repris le travail pour m’y mettre, dans le premier cas parce qu’il n’y avait pas de place plus tôt, dans le second parce que je ne me voyais pas y aller avec Pouss2 ET Pouss1 (3 ans à l’époque et pas encore scolarisé). Je dois dire aussi que c’était dans les deux cas une rééducation « de confort », n’ayant pas eu de traumatisme périnéal majeur (pour Pouss1 une petite déchirure, pour Pouss2 rien du tout) ni de gros dysfonctionnement (juste quelques fuites urinaires pour parler simplement). J’imagine qu’on aborde ça un peu différemment lorsqu’on souffre de problèmes plus sévères.

J’ai donc d’abord testé le biofeedback avec sonde chez une sympathique kiné. Elle m’examinait d’abord pour faire le point et m’aider à trouver les muscles à contracter puis je faisais mon jeu vidéo avec la sonde (différentes intensités et durées de contraction, d’abord allongée puis assise et debout). A propos la sonde est personnelle et s’achète en pharmacie (remboursée sur ordonnance). La kiné recommandait de la garder dans sa poche avant de venir pour qu’elle soit à la température du corps, seul hic elle la passait sous l’eau froide avant de l’installer ce qui ruinait tout l’effet… Et je faisais les exercices entre deux séances (sur le quai du métro… regardez bien les femmes qui ont l’air un peu constipé en attendant le métro…), avec globalement un bon résultat.

Après mon deuxième accouchement, j’ai un temps caressé l’idée de me rééduquer toute seule, en faisant les exercices, en laissant le temps au temps. Mais finalement, après presque 2 ans, avec l’impression persistante que ma vessie avait parfois des velléités d’indépendance, j’ai pris le temps de retourner voir ma sage-femme, celle qui avait accompagné ma grossesse et mon accouchement, et ainsi de tester la méthode CMP. Je dois dire que la première fois que j’en ai entendu parler par une copine j’ai carrément halluciné (« votre urètre est comme un soliflore », mais oui bien sûûûr). Mais après tout, en y réfléchissant l’idée n’est pas si bête, et je l’avais même déjà expérimentée par la pratique du chant. En effet, le périnée, comme le chant, mobilisent des muscles qu’on ne voit pas ; il est impossible d’imiter le mouvement d’un autre, et de pouvoir comparer ce qu’on fait à une référence. La visualisation est donc un moyen assez efficace de contrôler ces organes qu’on utilise plutôt de façon inconsciente, la difficulté étant de trouver la bonne image pour chacun (et aussi simplement d’accepter de se prêter sincèrement à l’exercice). J’ai beaucoup apprécié de pouvoir rapidement acquérir une certaine autonomie et surtout la grande finesse de l’approche, qui va bien plus loin que le simple « serrez mes doigts » et permet de travailler indépendamment les différentes zones (urètre, anus, vulve, vagin etc). On peut ensuite privilégier les exercices dont on a le plus besoin en fonction de sa situation personnelle.

Dix lunes :

La professionnelle que je suis est habituée à l’air mi hagard mi goguenard de la dame qui découvre la CMP. Lorsque nous nous connaissons déjà, le  captal confiance acquis aide à passer cette première phase. Avec un peu de bonne volonté, la femme accepte la règle du jeu, visualiser, ne rien faire, et au départ, ne rien sentir… le plus souvent, il faudra huit à quinze jours d’exercices quotidiens avant de percevoir quelque chose. Mais une fois cette phase là arrivée, bingo, de nouveaux muscles se révèlent et cette conscience sera définitivement acquise, facilement ravivée par quelques exercices si le cerveau venait à se lasser. Et le bénéfice de cette finesse des sensations ne se limite pas à rétablir la continence urinaire…

La poule :

En bref la rééducation périnéale, et en particulier la seconde version, a été pour moi aussi une façon de me (ré)approprier mon corps. Le tabou encore persistant sur la masturbation (même si maintenant toute femme qui se respecte se doit d’avoir une collection de sex toys) interdit implicitement aux femmes l’accès à leur propre vagin. On nous vend même des tampons avec applicateur pour s’assurer qu’on n’y mette pas les doigts ! Par contre il nous est présenté comme normal d’écarter les cuisses chez le médecin et de le laisser faire ses affaires. Eh bien moi j’attends le médecin (ou la sage-femme !) qui proposera une petite caméra ou appareil photo pour me faire une visite guidée de mon anatomie, qui au lieu d’un laconique « tout va bien c’est normal » prendra le temps de me montrer mon col, de m’aider à l’examiner moi-même, qui m’aidera à comprendre comment j’ai été déchirée et comment exactement se place la cicatrice, etc. Idéalement comme je serais chez la même personne dans la durée on pourrait comparer des photos avant/après l’accouchement, pendant la grossesse, etc. On pourrait être aidée pour choisir une coupe menstruelle, un diaphragme (c’est déjà le cas même si peu de professionnels le proposent) ; on pourrait voir les fils du DIU si on choisit d’en porter un, ce qui aiderait aussi à se l’approprier et à mieux comprendre comment il se positionne… Techniquement je ne pense pas qu’il faille un matériel très sophistiqué, ce qui manque c’est sans doute le temps et probablement l’envie chez certains. Et vous, ça vous intéresserait ?

Dix lunes :

Pour être honnête, l’idée était d’écrire un article à deux mains… Et comme je suis de loin la plus paresseuse des deux, j’ai proposé à la poule pondeuse de commencer…  Quand elle m’a envoyé « sa » partie, je ne pouvais que constater : je n’avais rien à ajouter. C’était clair, argumenté, documenté, avec tous les liens qui vont bien… J’aurais surement pu trouver quelques anecdotes pour illustrer tout ça mais à quoi bon ?

Et puis ce dernier paragraphe m’a rendu l’inspiration. Les féministes avaient déjà usé de ce moyen pour se réapproprier leur corps, mieux le connaitre, le comprendre.

En France, dans les années 70, on apprenait aux femmes la mise en place d’un spéculum, on leur proposait de regarder leur vagin, leur col dans une glace. J’ai bénéficié de cet accompagnement mais ce souvenir était resté tapi dans un tiroir mémoriel de mon adolescence, je ne l’avais jamais proposé. Je l’ai fait à quelques occasions depuis cette prise de conscience. Quelques regards interrogateurs sinon franchement étonnés, quelques refus polis et quelques pourquoi pas.. mais une autre fois.

 Au final, est-ce aux professionnels de santé d’assurer cette fonction de réappropriation ? L’essentiel est peut-être  de nous montrer suffisamment disponible pour que la demande puisse si besoin émerger.

A l’inverse, après un accouchement, je suggère régulièrement aux femmes de regarder leur sexe dans une glace, avec ou sans mon aide. Souvent, elles préfèrent avec. Certaines ne l’ont jamais fait et craignent de ne pas bien comprendre ce qu’elles vont voir. D’autres l’ont déjà fait mais craignent de ne pas se reconnaitre. Une cicatrice douloureuse, des points qui tirent, une sensibilité particulière ; à chaque fois, la réalité apaise.. ce n’est finalement « que » ça. Et l’imaginaire plus ou moins terrifiant qui s’était construit cède devant une cicatrice un peu rouge, un fil, un hématome, images finalement banales et beaucoup plus rassurantes.

Mais le temps de l ‘examen et plus encore le temps de la rééducation sont beaucoup plus larges que la simple éducation musculaire. Le « hors sujet »  le plus souvent abordé, surtout dans les semaines postnatales est celui de la sexualité ; la libido plus ou moins éteinte, la confiance en son corps plus ou moins atteinte, l’attente de l’autre plus ou moins pressante… Comment se retrouver ou se redécouvrir.

Enfin bien sur, pour répondre aux interrogations de la poule pondeuse, nous pouvons accompagner les femmes dans une meilleure compréhension de leur anatomie, le repérage du col, des  fils d’un dispositif intra utérin. Nous pouvons les aider à choisir un diaphragme – de  la bonne adaptation de la taille dépend son efficacité. Nous pourrions montrer comment utiliser une coupe menstruelle…

A vous de savoir exprimer vos besoins. Aidez nous à vous aider !

 

Photo : Les Pyrénées, à ne pas confondre non plus.

Et bienvenue aux lectrices (y a-t-il des lecteurs ?) d’Enfant Magazine !

Efficace, inutile ou dangereux ?

lundi, janvier 4th, 2010

doug_ross Pour commencer dignement cette année 2010 (que je vous souhaite bien sûr remplie de bonheur, de succès, de joie et d’enfants qui dorment 12 heures par nuit), je vais partager avec vous une bonne résolution.

Comme vous le savez sans doute si vous lisez régulièrement les articles de la Basse-cour, j’essaie d’avoir l’esprit relativement critique sur les traitements médicaux, en particulier pour ce qui ne me semble pas essentiel (si j’ai une pneumonie et qu’on me prescrit des antibios, je ne crois pas que j’irai faire une recherche avant de les prendre…). Au-delà de la confiance qu’on peut avoir en un praticien (et qui est bien sûr essentielle au bon fonctionnement de la thérapie), je m’appuie sur l‘Evidence-based medicine (EBM pour les intimes) ou Médecine factuelle en français (voir ici ou pour plus d’explications). Ce système de pensée a déjà été pas mal intégré dans la médecine allopathique occidentale, même s’il reste encore beaucoup de travail, notamment en obstétrique (voir par exemple la réticence de certains à abandonner des pratiques démontrées nocives et/ou inutiles comme l’épisiotomie ou le monitoring continu systématiques). A côté, les remèdes plus traditionnels et les médecines alternatives restent moins étudiés, et c’est fort dommage. Il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain, il est clair que notamment les plantes recèlent de molécules actives avec des propriétés thérapeutiques (l‘aspirine vient du saule par exemple, la pénicilline de champignons). Or pour beaucoup de produits de ce type c’est surtout basé sur l’expérience générale d’un praticien, et pas du tout sur des tests standardisés, avec des contrôles, des placebos, des doubles aveugles etc. Scientifiquement je ne trouve pas ça satisfaisant. Et l’argument « c’est naturel donc c’est bien/pas dangereux » n’a à mon sens aucune valeur, je laisse ses tenants le tester par ingestion de ciguë ou d’ammanite phalloïde (garantis bio et sans OGM). S’il y a des molécules actives, il y a forcément des effets indésirables potentiels.

Donc ma résolution pour cette nouvelle année, c’est d’aller voir sur PubMed (THE base de données des articles médicaux) à chaque fois qu’une proposition de traitement me pose question, histoire de voir s’il est utile et quels en sont les risques éventuels. N’ayant accès qu’aux résumés, cela ne donne hélas qu’une vue partielle des études mais je trouve que c’est toujours mieux que rien. Il est révélateur de constater le faible nombre d’études que je trouve à chacune de mes recherches (en général moins de 20).

Voici déjà quelques exemples sur des prescriptions faites au cours de la grossesse. Loin de moi l’idée de vous dire quoi faire ou pas, simplement partager avec vous ce que j’ai trouvé afin que, si cela vous intéresse, cela puisse vous aider à prendre une décision éclairée.

La tisane de feuille de framboisier : à prendre le dernier mois pour préparer l’utérus et les tissus. Je lance donc une recherche sur « raspberry leaf pregnancy ». Bingo, la première entrée est un article « Raspberry leaf -should it be recommended to pregnant women? ». Il s’agit d’une revue de la littérature existante, donc plutôt intéressant puisque permettant de prendre en compte plusieurs études et tests. Le résumé déplore l’absence de recherche sur le sujet ; les quelques données disponibles indiquent un risque possible pour l’enfant à naître et ne permettent pas de mettre en évidence son efficacité. Donc en l’état actuel des connaissances : ça ne sert à rien et c’est potentiellement dangereux. Une autre étude va dans le même sens. On peut tout de même tempérer par une étude randomisée en double aveugle avec contrôle par placebo sur la prise de comprimés de feuille de framboisier à partir de 32 semaines de grossesse. Les auteurs concluent qu’il y a peu de différences significatives entre les deux groupes et qu’il faudrait plus de recherches, notamment sur le dosage. Conclusion : je passe (en plus ça a pas l’air super bon).

Le massage du périnée en fin de grossesse pour éviter épisio et déchirures : résultats de la recherche « antenatal perineal massage ». Une première revue de la littérature ne parle pas de ces massages : sa principale conclusion est que la meilleure protection du périnée passe par la diminution de l’utilisation de l’épisiotomie, pour les autres pratiques on est dans le flou. Une autre quant à elle arrive à la conclusion suivante : les massages du périnée pendant la grossesse diminuent la probabilité d’avoir une épisiotomie, en particulier chez les primipares, et peuvent diminuer les douleurs du périnée du post partum (3 mois après la naissance) chez les femmes ayant déjà accouché par voie basse. Par contre il n’influence pas les déchirures (quel qu’en soit le degré), l’incidence des extractions instrumentales, la satisfaction sexuelle et le risque d’incontinence. Enfin un article dont le résumé ne montre pas très bien sur quoi il se base (revue de la littérature ? essais cliniques ? « on dit » ?) cite le massage du périnée chez les primipares comme moyen de réduire les traumatismes des voies génitales, avec un certain nombre d’autres facteurs (position d’accouchement verticale ou latérale, éviter la poussée de Vasalva*, éviter l’épisiotomie, gérer la sortie de la tête du bébé…). Il y a aussi des études randomisées avec comparaison d’un groupe témoin et d’un groupe faisant des massages (bon on ne peut pas faire ça en double aveugle comme avec un médicament, les femmes ayant tendance à se rendre compte de si elles se massent ou pas…). Les résultats ne sont pas très tranchés (ha ha ha) :

  • Shipman et al (1997) : Le massage du périnée semble avoir certains bénéfices en termes de réduction des déchirures de 2ème et 3ème degré, des épisiotomies et des extractions instrumentales. Ces effets sont plus marqués chez les femmes de 30 ans et plus.
  • Eogan et al (2006) : Le massage permet de limiter la douleur du périnée lors du post partum mais n’influence pas le taux de périnées intacts lors de l’accouchement, pas plus que les lésions du sphincter anal.
  • Meidan et al (2008) : Le massage n’a d’effet ni bénéfique ni délétère sur l’occurrence d’un traumatisme du périnée.

A noter que ces trois études ont été conduites chez des primipares attendant un seul enfant. Par ailleurs, avec les résumés du moins, si on veut se lancer dans le massage, on ne sait pas : quand commencer, à quelle fréquence, combien de temps, faut-il utiliser une huile ou une crème (si oui laquelle ?), avec quelle technique ? J’avoue qu’en ce qui me concerne, n’étant pas très tentée par la chose, je ne trouve pas cela suffisamment convaincant pour lever mes réticences. Mais pour le coup je reconnais que ça ne peut pas faire de mal.

Le massage des tétons en fin de grossesse pour préparer l’allaitement ; après quelques essais infructueux je trouve des articles intéressants avec les mots clés « nipple massage ».

  • Brown et Hurlock (1975) : ils ont demandé à des femmes de préparer un seul sein en se massant les tétons, en appliquant de la crème ou en exprimant du colostrum. Aucune différence n’a été observée entre les seins en termes de sensibilité ou de traumatisme.
  • Whitley (1978) : un sondage a été conduit auprès de jeunes mères et permet de proposer entre autres que le massage des tétons et des seins (avec expression de colostrum) n’est associé ni à un allaitement plus long ni à une prévention des tétons irrités et des engorgements. Cette hypothèse reste à étayer par des études plus poussées.

Je trouve incroyable qu’en ces temps où les pouvoirs publics veulent promouvoir l’allaitement on ne trouve pas plus d’études plus récentes. Ceci dit la Leche league par exemple ne recommande aucune préparation des seins, si ce n’est dans un but de « familiarisation » pour les femmes qui ne sont pas très à l’aise avec l’idée d’allaiter et avec leur corps en général.

Les soins du cordon à la teinture-mère de calendula : je n’ai rien trouvé sur ce sujet sur PubMed, par contre il y a un certain nombre d’articles démontrant l’efficacité du calendula pour d’autres affections. En élargissant ma recherche au grand Google, je suis tombée sur les recommandations de la fédération des sages-femmes suisses sur les soins du cordon. Il ne semble pas très clair qu’il y ait vraiment besoin de traiter le cordon, mais si on le fait le calendula ne semble pas pire qu’autre chose, donc pourquoi pas.

Si vous avez d’autres données sur ces sujets ou sur d’autres pouvant intéresser la basse-cour, n’hésitez pas à les partager.

*qui semble correspondre à notre « inspirez-bloquez-poussez » mais qu’on me corrige si je me trompe.

Photo : après le sondage organisé par Clemys à l’occasion d’un précédent billet, je vous remets George, le grand vainqueur, pour commencer l’année tout en douceur (what else ?).

L’épisiotomie

mardi, juillet 8th, 2008

Sujet hautement controversé et délicat que j’aborde aujourd’hui : l’épisiotomie. Terreur des femmes enceintes (et même des nulligestes !), elle semble unanimement décriée et pourtant reste une pratique courante en France. En 2003-2004, 47% des femmes accouchant par voie basse ont eu une épisiotomie.

D’abord l’épisio (petit nom pour les intimes…) c’est quoi ? D’après wikipedia, l’épisiotomie est un acte chirurgical consistant à ouvrir le périnée au moment de l’accouchement afin de laisser passer l’enfant. Cette incision a idéalement pour but de sectionner le muscle releveur de l’anus. En clair, c’est une incision à la fois de la peau et des muscles qui permet d’agrandir le vagin. Il en existe plusieurs types (en fonction de l’endroit où on coupe) : actuellement sont principalement mises en oeuvre l’épisiotomie médio-latérale (seule utilisée en France) et l’épisiotomie médiane. Voir ici le schéma illustratif. En France, c’est un geste qui peut être pratiqué par une sage-femme ou par un obstétricien (alors que par exemple les forceps ne peuvent être utilisés que par l’obstétricien).

Comment ça se passe ? Ce geste est pratiqué juste avant la sortie du bébé. Lorsqu’il est bien fait, il n’est pas douloureux sur le coup, même sans péridurale (c’est après que c’est une autre paire de manches). Le praticien fait l’incision au moment d’une contraction/poussée. Une fois l’accouchement terminé (y compris l’expulsion du placenta), l’incision est refermée par des points chirurgicaux, avec des fils « classiques » ou résorbables. Si on n’est pas sous péridurale, une anesthésie locale doit être faite pour recoudre.

A quoi ça sert ? On peut distinguer deux types d’indication :

Protéger le périnée d’une déchirure très sévère. On lit et on entend maintenant que l’épisiotomie ne protège pas des déchirures, mais cette affirmation résulte d’une mauvaise interprétation : c’est l’épisiotomie systématique (appliquée à toutes les femmes) qui ne protège pas des déchirures. Les connaissances actuelles montrent aussi qu’une petite déchirure est « mieux » qu’une épisiotomie. Par contre, dans certains cas où le périnée apparaît très mis à mal, ce geste peut effectivement être efficace. D’après l’OMS, l’incidence des déchirures les plus sévères est de 0.4%, et donc cette indication ne devrait justifier l’épisiotomie qu’épisodiquement.

Faciliter et accélérer le passage de l’enfant, surtout s’il donne des signes de détresse. C’est pour ça que paradoxalement il n’est pas rare d’en avoir une pour une naissance prématurée ou un très petit bébé qui ont plus de risques d’être sensibles à un travail qui se prolonge. De la même façon, l’épisiotomie est souvent associée aux extractions instrumentales (avec les forceps par exemple), qui correspondent à des situations de blocage du bébé.

Il faut bien distinguer le problème de l’épisiotomie systématique, qui commence heureusement à être abandonnée en France (voir le communiqué du CNGOF), puisque toutes les études scientifiques ont montré qu’elle n’avait aucun intérêt médical, du geste en lui-même. Il faut d’ailleurs noter que ces études en général s’intéressent à l’intérêt de l’épisio systématique (ou libérale), et pas à celui de l’épisio « tout court ». C’est d’ailleurs le cas de la plupart des gestes et interventions obstétriques : leur mise en oeuvre peut sauver des vies mais à les pratiquer alors qu’ils ne sont pas forcément justifiés ils finissent par créer d’autres problèmes. L’OMS d’ailleurs recommande un taux de 10% (et pas de 0, même si on est encore loin des 30% préconisés par le CNGOF). La confusion entre le geste en soi et la pratique systématique est très présente sur le net et dans les esprits, et peut entraîner une sorte de paranoïa à l’égard des soignants, ainsi qu’un rejet total de toute intervention, qui sera si elle est nécessaire vécue par la femme comme un échec. Il est évident que la façon dont ces gestes sont faits est parfois insupportable d’arrogance et de toute-puissance médicale, et que -comme dans toute profession-, il y a aussi des abrutis finis dans les maternités. Dans cette optique, il y a sans doute un travail d’accompagnement et d’écoute psychologique à mettre en place par le personnel médical (sauf qu’il est en sous-effectif et débordé). Mais entretenir un tel climat de suspiscion ne me semble productif pour personne.

Clairement, l’épisiotomie ne fait plaisir à personne, ni à la femme qui la subit, ni à la sage-femme ou à l’obstétricien qui la pratique. Alors comment la prévenir ? Malheureusement, les taux d’épisiotomie des maternités ne sont que rarement publiés, et l’idéal serait de pouvoir questionner l’équipe médicale avant de s’inscrire pour connaître la politique générale du service. On peut également expliquer à la personne qui vous assiste pour l’accouchement (sage-femme ou obstétricien) qu’on souhaite éviter l’épisiotomie et qu’on préfère prendre le risque d’une petite déchirure. Mais personne ne pourra rien vous promettre : de toute façon un accouchement est imprévisible. On peut aussi se masser le périnée quelques semaines avant le D-day (maintenant on vend même des huiles de massages spécifiques ! business business), mais aucune efficacité n’est garantie (en plus super pratique avec le gros bidon… à moins de mettre son chéri à contribution ? ahem). Enfin on peut lire que de pouvoir choisir sa position d’accouchement pourrait réduire la probabilité d’épisiotomie mais je n’ai pas trouvé de données scientifiques pour étayer cette donnée (il y a aussi le fait que l’épisiotomie est plus souvent faite dans les accouchements « à risque » pendant lesquels les choix de position sont beaucoup plus restreints).

Si malgré tout on n’y coupe pas (trop drôle la poule), que faire ? Dans les premiers jours, certains préconisent d’appliquer de l’argile blanche pour aider à la cicatrisation (il paraît aussi que des bouts de placenta ça marche bien, histoire d’être au top du glamour : slip filet + super serviette maxi méga nuit + bouts de placenta). Par contre la changer régulièrement pour éviter que ça devienne un bouillon de culture. Quand on va aux toilettes, se rincer doucement à l’eau (avec le brumisateur par exemple) et tamponner gentiment avec une petite compresse plutôt qu’utiliser le PQ premier prix de la maternité. La bouée (pour s’asseoir dessus) a apparemment été mise hors jeu, car même si elle apportait un mieux sur le coup, ça se payait après. Idem pour le sèche-cheveu pour sécher la cicatrice (et imaginez un peu la scène !!). Par contre une serviette de toilette pliée peut faire un bon coussin. Eviter les efforts et tous les gestes qui tirent sur la cicatrice. Au niveau psychologique, il ne faut pas hésiter à en parler à l’équipe soignante, voire à demander à la personne qui a pratiqué le geste de vous expliquer pourquoi et comment. Prendre un petit miroir pour examiner le problème peut aussi aider à se réapproprier cette partie du corps, et dans certains cas à éviter d’avoir une grande distorsion entre l’image qu’on en a et la réalité.

Ensuite il faudra apporter un soin particulier à la rééducation périnéale, qui peut aider notamment à se réapproprier en douceur la zone meurtrie. Lors de la reprise des câlins, y aller progressivement et gentiment (ne pas hésiter à utiliser du lubrifiant dans un premier temps). Messieurs, il faudra être « infinite love, infinite patience » (comme disait un grand maître indien) avec votre chérie. Au fur et à mesure de la cicatrisation (quelques semaines), si les tissus ne se referment pas tous à la même vitesse, cela peut créer des tensions douloureuses : ne pas hésiter à consulter, surtout si un peu de paracétamol (seul anti-douleur autorisé si vous allaitez !) ne vous soulage pas.

A plus long terme, certaines femmes se plaignent de douleurs récurrentes, notamment lors des rapports. Si on se trouve dans ce cas, il faut savoir que des solutions existent. Un soutien psychologique peut être très bénéfique, d’autant plus que pour ce type de problème l’aspect psychologique joue souvent un rôle très important. Les médecines alternatives (ostéopathie, acupuncture…) peuvent aussi vous aider. Et si la cicatrice reste très douloureuse, elle peut être reprise par un chirurgien. Cela n’est pas très attirant mais pour les cas les plus extrêmes c’est la seule solution qui reste. Il ne faut pas hésiter à en parler à son gynéco/sage-femme/kiné ou toute autre personne du corps médical en qui on ait confiance.

Un grand merci à la poule accoucheuse pour ses lumières et ses explications.