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D-MER(de toi)

lundi, février 14th, 2011

Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé allaitement… en même temps ça changera des derniers billets à caractère polémique, puisqu’il s’agit aujourd’hui d’un article purement informatif (contrairement à ce que le jeu de mots à deux balles du titre pour lequel je vous présente mes plus plates excuses pourrait laisser croire). Je veux en effet vous parler d’un problème de l’allaitement très récemment décrit aux Etats-Unis, le réflexe dysphorique d’éjection du lait (en anglais dysphoric milk ejection reflex soit D-MER, abréviation que je vais garder le long de l’article). Voici la description qu’en fait le site d-mer.org, qui est à ma connaissance la seule source d’informations sur ce trouble. Je vais donc me contenter de traduire pour les lectrices qui ne liraient pas l’anglais.

D-MER, c’est quoi ?

C’est un trouble récemment reconnu affectant les femmes qui allaitent et se caractérisant par une dysphorie abrupte, soit des émotions négatives apparaissant juste avant l’éjection du lait et se poursuivant sur quelques minutes au plus. Les tests préliminaires indiquent qu’on peut soigner la D-MER et les premières recherches pointent vers une activité dopaminique inadéquate au moment de la montée de lait comme source de la D-MER.

D-MER, ce n’est PAS :

  • une réponse psychologique à l’allaitement
  • une simple nausée lors du réflexe d’éjection, ou tout autre symptôme physique isolé
  • une dépression du post-partum ou un baby blues
  • une aversion générale pour l’allaitement
  • l’aversion pour l’allaitement que peut ressentir une femme enceinte qui allaite un aîné

Que ressent la mère qui souffre de D-MER ?

Les émotions négatives, ou dysphorie, que ressent la mère souffrant de D-MER se manifestent souvent dans son ventre -un sentiment de creux, comme un vide ou un nœud émotionnel dans le ventre. Les mères décrivent un certain nombre d’émotions liées à la D-MER , allant de la crainte à la colère en passant par l’anxiété, émotions faisant toutes partie du spectre de la D-MER, pour laquelle on peut décrire ces trois niveaux. Le point commun entre ces niveaux est la vague d’émotions négatives, juste avant d’allaiter, en allaitant, en tirant du lait et pendant les montées de lait spontanées, s’arrêtant au bout de 30 à 90 secondes, et reprenant généralement à chaque réflexe d’éjection. Un des points clés de D-MER est que la mère se sent bien sauf pour les montées de lait, et que les sentiments sont assez brefs (pas plus de 2 minutes), ce qui rend ce trouble bien différent de la dépression du post-partum.

Il est facile de ne pas réussir à identifier ce trouble puisque :

  1. certaines femmes ont des montées de lait si rapprochées pendant les tétées que les émotions n’ont pas le temps de retomber
  2. beaucoup de femmes ne sentent pas le réflexe d’éjection et donc ne peuvent pas le connecter à leur dysphorie
  3. le fait que la dysphorie ait également lieu pendant les montées de lait entre les tétées rend également cette connexion difficile.

Quelle est le mécanisme expliquant la D-MER ?

Le réflexe d’éjection du lait est causé par l’ocytocine, et s’accompagne d’une chute de dopamine afin d’entraîner une augmentation de la prolactine, qui va permettre de refaire du lait. Les femmes souffrant de D-MER ont une chute plus importante de dopamine, ce qui cause la dysphorie temporaire (voir par exemple ici).

Quelques trucs pour soulager la D-MER

  • Evaluer sa production de lait. L’hyperlactation induit de nombreux réflexes d’éjection, si elle est avérée il existe des trucs pour la modérer (voir par exemple ici).
  • Se distraire pendant la tétée. Lire, discuter, regarder la télé…
  • Boire beaucoup. Il semble que l’hormone anti-diurétique, qui augmente quand on est déshydraté, soit également impliquée.
  • Dormir. Plus facile à dire qu’à faire quand on a un petit bébé…
  • Faire de l’exercice. Cf point précédent. On peut toujours commencer par faire une bonne balade tous les jours.
  • Prendre de la caféine. Attention, pas plus que 150 mg par jour (soit environ 1-2 tasses de café) sinon les effets deviennent négatifs).
  • La solitude. Certaines femmes trouvent leur D-MER pire si elles sont en compagnie, ne pas hésiter à s’isoler.
  • L’orgasme. Il peut aggraver la D-MER par la chute de dopamine qu’il provoque. Bon ça tombe bien, en général ce n’est pas l’activité prioritaire de la jeune mère.
  • Se motiver. Prévoir un petit truc sympa pour après la tétée/journée, auquel on se raccroche pendant les dysphories (« là c’est pas top mais après je me fais une tablette de Côte d’Or »).
  • Suppléments alimentaires. Voir la liste ici, je n’ai pas le courage de tout traduire, d’autant que les noms sont très similaires en français pour la plupart (et n’oubliez pas le traducteur Google).
  • Traitement médical. Pour les cas les plus sévères, le site recommande la bupropione (Zyban et Wellbutrin). Je n’ai aucun avis sur la question, et ce médicament étant sur ordonnance il vous appartient d’en discuter le cas échéant directement avec votre médecin ou votre sage-femme.

Et bien sûr, être informée. On vit généralement plus facilement ces sentiments difficiles si on sait qu’ils sont purement physiologiques et transitoires.

C’est d’ailleurs dans ce but que je me suis précipitée pour écrire cet article. J’ai eu plusieurs témoignages de femmes m’indiquant que l’allaitement les vide, les épuise, les pompe. Je ne savais pas trop quoi leur répondre, car la sécrétion de lait en soi n’est pas supposée être plus fatigante que la sécrétion d’urine, de transpiration ou de sang. Bien sûr, avoir un petit bébé est fatigant, et les tétées correspondent aux moments où on se pose enfin dans une journée bien remplie, sans compter que la prolactine a un effet soporifique. On peut donc ressentir une certaine somnolence pendant les tétées, ce qui peut faire penser que l’allaitement fatigue, alors qu’en réalité il aide à se reposer. Mais ces femmes ne semblaient pas satisfaites par cette explication, et je ne savais pas comment les aider, n’ayant bien sûr pas de raison de remettre en question leur ressenti. Je crois donc que ces explications pourraient leur être d’une aide précieuse, d’autant plus que le contexte actuel force un peu le trait sur l’allaitement : il faut allaiter pour être une bonne mère et c’est forcément un moment de béatitude et d’extase. Imaginez ce que ressent la mère qui souffre de D-MER : à chaque fois qu’elle allaite, ni plénitude, ni quasi-orgasme, mais un horrible sentiment de vide, de colère, de désarroi, menant tout droit sur la pente implacable de la culpabilité. Elle doit être une aberration de la nature, elle qui appréhende de plus en plus la prochaine tétée, alors pourtant qu’elle ne ressent pas de douleur physique. D’ailleurs elle finirait presque par se demander si elle est vraiment faite pour être mère. Pour peu qu’il y ait un contexte qui y soit favorable, la dépression du post-partum n’est probablement pas loin. Tout ça pour un problème de dopamine ! Le site d-mer.org signale que la D-MER peut entraîner des problèmes d’attachement entre la mère et l’enfant, et suggère d’organiser des moments agréables avec le bébé sans tétée (jeu, bain, portage, etc) pour balancer les émotions négatives des tétées.Vous trouverez ici la liste des émotions recensées comme pouvant être liées à la D-MER, je n’ai pas non plus le courage de tout traduire, mais là encore le traducteur Google est efficace pour le mot à mot et je peux aussi répondre aux questions en commentaire.

Bien sûr, les recherches sont encore en cours, il n’y a pas encore eu de publication scientifique sur la question, mais il me semble important que les femmes sachent que ces questions se posent, que ces hypothèses sont testées, et que l’information circule, également parmi les professionnels de santé. On sait que nombre d’entre eux ne sont pas formés à l’allaitement, je crois que c’est aussi à nous de leur parler de tout ça, et ne pas hésiter à leur apporter les documents du site d-mer.org pour discuter de la pertinence d’un traitement si vos symptômes sont trop handicapants. Et n’hésitez pas à témoigner, ici, ailleurs sur la toile ou en vrai (réunions de soutien à l’allaitement par exemple).

Image : « Comment créer un lien avec bébé ». Pas vraiment dans le sujet mais ça allège un peu l’ambiance (et ça me fait beaucoup rire).

La nuit d’avant

lundi, avril 5th, 2010

lmaternite_litsidecar Encore un billet pour vous parler de lait, mais à ma décharge je baigne un peu dedans ces temps-ci. Promis pour les prochains je vais essayer de varier les plaisirs. Il s’agit d’un aspect très concret de l’allaitement mais sur lequel je n’ai pas trouvé grand chose : la nuit précédant la montée de lait. Pour Pouss1, j’étais encore à la maternité, jeune et naïve ; c’était sa deuxième nuit à l’air libre. Moi pleine de bonne volonté je l’allaitais donc à la demande, découvrant avec stupeur que mon bébé, s’il avait bien cinq doigts à chaque main et à chaque pied, devait probablement être pourvu de trois ou quatre estomacs. Mais cette nuit-là sa demande était quasiment continue. Heureusement l’auxiliaire de puériculture, appelée à la rescousse par la jeune poule en panique, m’a immédiatement rassurée : c’était un phénomène normal et passager qui voulait dire que la montée de lait arriverait le lendemain. Effectivement, le lendemain le colostrum avait été remplacé par du lait, et Pouss1 s’était un peu calmé. Pour Pouss2 ça n’a pas raté : il a tété facilement toutes les heures à sa deuxième nuit aérienne. Cette fois pas de panique, j’ai pris mon mal en patience, donné à la demande et telle la chèvre de M. Seguin attendu que le soleil le Coq se lève (nous étions déjà à la maison) pour lui refiler le bébé et dormir jusqu’à midi. Et l’après-midi le lait était là, et le poussin moins acharné au sein. Je dois dire que jusqu’ici, ayant eu deux gros bébés bons téteurs, j’ai accueilli la montée de lait avec soulagement car les quantités répondent plus facilement à la demande et comme ça coule facilement ils tètent moins fort.

Pourquoi est-ce que  je vous raconte tout ça ? Il me semble que c’est typiquement le genre de situation qui entraîne une jeune mère dans une spirale de doute sur son allaitement, et ce d’autant plus si elle est mal entourée et conseillée : « mon lait n’est pas assez bon/pas suffisant pour le bébé » « si c’est ça l’allaitement autant arrêter tout de suite ». Or cette demande acharnée (qui peut avoir lieu dès la deuxième nuit ou plus tard) est à la fois normale et transitoire (un peu comme pour les pics de croissance). Et dans mes nombreuses lectures sur l’allaitement, je n’ai jamais rien vu sur le sujet.

Que faire ? Dans l’idéal, il faut donner au bébé quand il réclame, afin de bien lancer la crèmerie. Cependant, nous ne vivons pas dans un monde idéal, et ça n’est pas toujours possible. On a le droit d’être fatiguée et de vouloir dormir plus d’une demi-heure à la fois ou encore d’avoir mal aux seins. Je dois dire que pour Pouss1,  j’ai accepté sans discuter la proposition de l’auxiliaire de puériculture de l’embarquer 2-3 heures avant de terminer la nuit tant bien que mal (elle lui a même proposé des compléments dont il n’a pas trop voulu… tout ce qu’il ne faut pas faire mais heureusement pour nous sans incidence sur la suite de l’allaitement). Il y a toujours la carte du petit doigt (peut être proposé par le père s’il est dans les parages -il y a maintenant des maternités où il peut rester dormir), voire de la tétine, mais pour cette dernière avec un risque d’interférence avec la succion (surtout si le bébé ne tète pas très bien). Il n’est pas recommandé de donner des compléments de lait artificiel, mais j’imagine qu’il y a des cas où cela peut rendre service sans compromettre l’allaitement (d’autant plus s’ils sont donnés à la pipette plutôt qu’au biberon). Prendre l’enfant dans son lit est aussi une bonne façon de répondre à sa demande sans trop se fatiguer ; on peut se rendormir pendant la tétée et cela évite de se lever sans cesse (surtout juste après l’accouchement). Si on s’assure que le lit ne comporte aucun risque de chute ou d’étouffement (et s’il n’y a pas d’adulte sous l’influence de psychotropes dedans), il n’y a pas de risque accru (voir ici par exemple). Ceci dit, il n’est pas obligatoire de répondre à la demande pour que la montée de lait survienne (d’ailleurs on donne un médicament pour l’empêcher aux femmes qui ne veulent pas allaiter) mais cela facilite le processus.

Cet article se basant beaucoup sur ma propre expérience (puisque je n’ai hélas pas trouvé grand chose sur le sujet), il serait très intéressant de savoir comment ça s’est passé pour d’autres : avez-vous constaté aussi une nuit de folie avant la montée de lait ? Si oui comment l’avez-vous gérée ? Et les bébés au bib ? Ont-il aussi été tout fous une nuit 2 ou 3 jours après leur naissance ?

Photo : l’allaitement des paresseuses ou comment préserver son sommeil