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Dites-le aux femmes enceintes

samedi, octobre 8th, 2011


Marie-Hélène Demey a longtemps enseigné le yoga aux femmes enceintes, y compris à moi lors de ma première grossesse. Ces séances étaient tout à fait remarquables, proposant à la fois un temps de parole et d’échanges et un enchaînement de postures simples, qui ont été pour moi un remarquable traitement de beaucoup des petits maux de la grossesse. L’ouverture et la tolérance étaient également de mise, avec un grand respect pour les choix de chacune. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai accueilli son livre, qu’elle a eu la grande gentillesse de m’offrir.

Marie-Hélène récapitule dans cet ouvrage toute la sagesse ainsi accumulée, pour mieux vivre tant la grossesse que l’accouchement, à la fois sur le plan physique et psychologique. Elle s’intéresse aussi bien aux questions très concrètes, de l’explication des examens médicaux aux positions pour dormir, qu’au cheminement psychologique pour devenir parent. Son propos est émaillé par de nombreux témoignages des femmes (et hommes!) qu’elle a accompagnées. Point positif non négligeable : j’aime beaucoup les photos d’illustration, qui évitent à la fois le mannequin taille 36 avec un faux ventre et un sourire parfait et la vraie femme enceinte en mode Véronique et Davina comme semble l’affectionner Bernadette de Gasquet (ce qui n’enlève rien à l’intérêt de ses livres…).

Je dirais que c’est un bon compagnon de grossesse, surtout pour une femme qui ne sait pas trop à quoi s’en tenir ; un chouette cadeau pour une copine enceinte pour lui donner des infos sans lui faire peur (à l’inverse par exemple je n’offrirais pas Jaccouche bientôt et j’ai peur de la douleur à une amie qui n’a pas exprimé clairement un intérêt pour une naissance sans péridurale). L’équilibre est en effet bien délicat, entre vouloir donner toutes les cartes, éviter de plaquer ses propres envies et regrets sur la situation d’une autre, bref informer sans culpabiliser, ce n’est pas une mince affaire !

C’est un livre qui aide à (re)prendre confiance en soi et en ses capacités de mère. Il permet de faire le plein de sérénité et encourage les femmes à prendre en main et à vivre pleinement ces périodes si particulières de la grossesse, de l’accouchement et des jours qui suivent. Enfin pour celles que cela intéresse, sachez que même si Marie-Hélène est à la retraite, des séances extrêmement fidèles à celles qu’elle avait développées existent toujours à Soleil d’Or (Paris XIVème), ainsi qu’à Accueil Naissance (Paris XIIIème). Je sais, je les ai testées pour ma seconde grossesse.

Je finirai sur une petite citation qui résume parfaitement l’esprit du travail proposé :

Il s’agit d’un accompagnement.

Il permet aux femmes d’accéder en confiance à leurs propres ressources, de s’approprier davantage le moment de la naissance, et d’accueillir plus consciemment l’enfant qui va naître.

La place donnée à la parole et le travail corporel régulier sont les supports d’un cheminement de chacune au milieu des autres, tant sur le plan physique que sur le plan psychique.

Bien-être, autonomie et sérénité en seront les bienfaits.

Ce billet espère participer aux Vendredis Intellos, en espérant que Mme Déjantée ne me tiendra pas trop rigueur du fait qu’il ait été publié un samedi…



R.E.S.P.E.C.T.

jeudi, décembre 30th, 2010
Aretha Franklin

Aretha Franklin

Pour 2009, je vous faisais des vœux, que je renouvelle bien sûr cette année : qu’elle vous soit aussi douce et légère qu’un pyjama de bébé. En 2010, j’ai pris une résolution, à laquelle j’ai essayé de me tenir tant bien que mal. Pour 2011, je prends à nouveau une résolution. Je veux qu’on me respecte, en tant que femme et en tant que mère. Le manque de respect pour les femmes, y compris en tant que mères est tellement implicite dans notre société que ce n’est que depuis peu que j’en prends vraiment conscience. Il y a internet et les blogs bien sûr, avec Olympe, Emelire, A dire d’elles, la Fée myrtille et bien d’autres qui me pardonneront j’espère mon manque d’exhaustivité. Il y a aussi mes lectures papier, comme L’amour en plus d’Elisabeth Badinter (que j’ai trouvé bien plus intéressant que son dernier opus). Récemment, trois lectures ont contribué à la montée de mon ras-le-bol :

  • Le chœur des femmes, de Martin Winckler. Si vous ne connaissez pas encore le bonhomme, courez voir son site qui regorge d’infos médicales utiles et à jour sur la contraception notamment. Quant au roman, il met en scène (entre autres) un médecin (dont on devine facilement qu’il est une sorte d’alter ego littéraire de l’auteur) qui se bat pour que ses confrères donnent aux patientes le respect et l’écoute qui leur sont dues. On y apprend notamment que les femmes pourraient très bien être examinées en position « à l’anglaise » (allongées sur le côté) plutôt que dans la position gynécologique classique (poétiquement baptisée « poulet de Bresse » par certains), ce qui serait plus confortable, tant physiquement que psychologiquement. Y sont aussi reprises les préconisations de l’auteur pour rendre la pose d’un DIU moins douloureuse, qui ne semblent malheureusement pas beaucoup suivies en France. Et à part ça le livre se lit tout seul, même s’il y a quelques passages un peu téléphonés (oh l’interne sûre d’elle qui ne rêve que de chirurgie et pas d’histoires de bonnes femmes est devenue encore plus humaine et engagée que le gentil médecin : pas possiiiiible !). Pour en savoir plus voir par exemple la critique de Telerama.
  • Le site d’un gynécologue, sur lequel je suis tombée par hasard. Voilà un médecin qui est sans doute animé par les meilleures intentions, et doit sincèrement penser avoir le bien-être et la santé des femmes comme priorités. Mais quel paternalisme transpire de ses écrits ! Une rubrique est intitulée « Côté mamans : maladies et petits bobos » : à qui s’adresse-t-on ? A des femmes majeures en pleine possession de leurs moyens intellectuels ou à des enfants de cinq ans ? Je n’attends pas d’un médecin qu’il me parle de mes « petits bobos » ou m’enjoigne de « prendre mes petits cachets roroses et bleubleus pour faire dodo et être en pleine foforme » mais qu’il me parle d’adulte à adulte. Cette condescendance s’étend d’ailleurs aux sages-femmes (comme le faisait remarquer Chantal Birman dans Au monde, la façon dont sont reconnues les sages-femmes est assez symptomatique du traitement réservé aux femmes), et après que je l’ai interpellé sur Twitter, un étudiant sage-femme répondant à l’étrange pseudonyme de Gromitflash a vivement réagi sur son blog (notre échange de tweets incluait aussi 10 lunes qui a vu aussi rouge que son avatar). Par ailleurs le site présente un certain nombre d’erreurs, ou au moins d’opinions personnelles de l’auteur présentées comme des vérités générales, au mépris des études et recommandations officielles. Je n’ai pas le courage de tout détailler, mais il y a des exemples particulièrement flagrants dans les pages sur l’épisiotomie (a-t-il seulement lu les recommandations de ses pairs du CNGOF ?), sur l’allaitement (« plus une société est évoluée, moins l’allaitement maternel est prisé » : les pays scandinaves seraient-ils restés à l’âge de pierre ?) ou encore sur l‘accouchement (avec la position « libre » qui est une légère variante de la position gynécologique : sait-il qu’on peut accoucher sur le côté, à quatre pattes, accroupie et j’en passe ?). Bien sûr l’exercice médical n’est pas plus la simple mise en œuvre de directives que la maîtrise d’une langue étrangère ne se résume à la connaissance de son dictionnaire. Mais n’est-ce pas un manque de respect flagrant pour ses patientes (pour ne pas parler d’incompétence) que de s’asseoir allégrement sur les dernières études et avancées ?
  • L’art d’accommoder les bébés, de Geneviève Delaisi de Parseval et Suzanne Lallemand. Je suis en train de le lire et j’ai bien l’intention d’y consacrer un billet, tellement il me plaît. Je ne vais donc pas détailler, mais les auteurs analysent avec beaucoup de finesse et de mordant le traitement réservé aux mères depuis plus d’un siècle. Un livre à mettre entres toutes les mains !

Alors voilà mon plan d’attaque. Plutôt que de me lamenter sur ce que je voudrais que les autres fassent, autant prendre les choses (et ma petite personne) en main.

  • Changer le vocabulaire. C’est peut-être symbolique, mais je ne veux plus qu’on m’appelle maman (à part mes poussins bien sûr). Quand j’appelle l’école, la crèche ou toute autre chose pour les enfants, je me présente par mon nom et en tant que mère de Pouss1/Pouss2. On est entre adultes que je sache. Tant pis pour Google (et désolée pour mes consœurs), mais ici ce n’est pas un « blog de maman ». Et j’encourage toutes celles qui veulent être prises au sérieux à abandonner « bidou » et « gygy » pendant qu’on y est.
  • Ne plus me laisser faire. Si j’avais seulement eu l’aplomb pour répondre à l’anesthésiste qui m’appelait « ma belle », ou à la pédiatre qui menaçait Pouss1 d’une fessée s’il n’arrêtait pas de pleurer… Et à défaut d’avoir le courage de dire à ma gynécologue qu’elle examine avec la délicatesse d’un panzer, j’irai voir quelqu’un d’autre (oui j’ai l’inclination pour le conflit d’une serpillère, il faut que je me soigne).
  • J’adore me délasser les neurones en lisant la presse féminine, mais je n’achèterai plus de magazine avec les mots « maman » (cf premier point), « régime », « maigrir », « minceur » et « horoscope » sur la couverture (sauf s’il y a un article sur ce blog à l’intérieur, je n’ai pas pris pour résolution de renoncer à ma mégalomanie). Pour ceux que le point sur les régimes laisse perplexes (et pour les autres aussi) je ne peux que recommander ces articles de Mona Chollet : « Culte du corps », ou haine du corps ? et Sortir du « harem de la taille 38 ». D’ailleurs à moins d’une raison médicale, comme en 2010, je ne ferai pas de régime (à moins qu’une diète composée exclusivement de Côte d’or ne soit reconnue sous cette appellation). Oui, j’ai du gras et de la cellulite qui ne rentrent que rarement dans un 38, et alors ? Et j’invite tout le monde (si ce n’est déjà fait) à aller voir le site du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS). Pour l’horoscope je crois que ça se passe de commentaire.

Et vous ?

Photo : En voilà une qui sait demander qu’on la respecte et qui ne fait même pas du 38.

Toutes les femmes peuvent allaiter ?

mardi, février 9th, 2010

cat-breastfeeds-baby Après des décennies de suspicion envers le lait maternel, il était temps de rétablir la vérité. Oui, l’immense majorité des femmes peut produire du lait d’excellente qualité (on voit qu’en Norvège par exemple 98% des femmes allaitent à la naissance). Cependant, dans la lignée de ma réflexion sur information et culpabilité, je me demande si cette affirmation n’a pas entraîné une certaine culpabilisation, infondée de surcroît. Ce n’est un secret pour personne que chaque femme, chaque grossesse, chaque naissance sont différentes. Un couple aura besoin d’assistance médicale pour concevoir un enfant tandis qu’un autre en aura un malgré l’usage d’une contraception supposée efficace. Une femme mènera une grossesse paisible et sans encombre tandis que l’autre développera une complication ou une pathologie. Tel accouchement pourra se faire physiologiquement, sans assistance, tandis qu’un autre nécessitera une césarienne. Bref, sur la route qui nous mène au bébé, nous sommes loin d’être toutes égales. Il paraît logique qu’il en soit de même pour allaiter. Au-delà des situations particulières (prématurité, jumeaux…) qui peuvent handicaper l’allaitement et sans même parler psychologie, il suffit de comparer les histoires de son entourage pour voir toute une diversité de situations : de l’allaitement qui a roulé tout seul aux mères très motivées qui ont fini par jeter l’éponge devant les difficultés rencontrées. Si on reprend l’exemple de la Norvège, on voit d’ailleurs qu’à trois mois le taux d’allaitement passe à 80%. Il y a donc un nombre non négligeable de mères qui ont commencé à allaiter et jeté l’éponge.

Evacuons tout de suite le problème des mauvais conseils et de l’entourage (y compris médical) plombant qui accuse l’allaitement au moindre écart, prônant le sevrage dès que quelque chose ne va pas. Il est complètement schizophrène et contre-productif de mettre des avertissements qui ne sont pas sans rappeler ceux des paquets de cigarette sur les boîtes de lait pour bébé tout en considérant ce même lait comme la norme et le lait maternel comme une gentille excentricité (voire une déviance perverse de mère égoïste) à laquelle il faut renoncer rapidement. Passons aussi sur le libre choix des mères :  il doit être absolument respecté. Ceci dit ce choix doit être informé et éclairé, et non basé sur des contre-vérités et autres culpabilisations infondées (« de toute façon tu n’as pas de lait/il n’est pas assez bon » ou encore « si tu n’allaites pas ton enfant sera débile, malade et dépressif »). Mais in fine, même s’il est important d’être bien informée,  je pense que c’est surtout une décision intuitive, qu’on « sent » plus qu’on ne la raisonne. Il me semble qu’allaiter si on n’en a pas vraiment envie c’est un peu comme faire du sport juste pour maigrir/parce que c’est bon pour la santé : voué à l’échec. Mieux vaut faire comme Johnny et avoir l’envie d’avoir envie… Mais j’ai déjà parlé de toute cela ici, et je vais donc arrêter le réchauffé.

Revenons à nos moutons : qui ne connaît pas une mère, motivée pour allaiter, bien renseignée sur la question (y compris ayant déjà allaité), qui a fini par arrêter ? Ou qui a persévéré, mais à quel prix ? Je connais des femmes qui ont allaité uniquement en tirant leur lait et en le donnant au biberon, d’autres qui ont passé des semaines à rééduquer la succion du bébé par des artifices complexes, d’autres encore qui ont souffert le martyr pendant des jours, certaines qui ont du lutter pied à pied contre un entourage hostile et culpabilisateur. Si vous ne me croyez pas ou n’en connaissez pas, allez simplement sur la section « allaitement » de n’importe quel forum de mères, et vous verrez un condensé de tout ce que ces mères ont enduré (et si vous hésitez à allaiter, il vaut peut-être mieux éviter, c’est assez décourageant). Moi qui ai eu (jusqu’ici) la chance d’avoir des bébés téteurs de compét’ et de baigner dans le lait (donc en gros allaiter = mettre la bouche du bébé devant le téton et attendre que ça se passe tout seul, éventuellement en serrant les dents quand ça fait mal), je suis baba d’admiration devant tant d’énergie et de volonté.

Pour en revenir à mon interrogation initiale, je ne suis pas convaincue par la communication très lisse autour de l’allaitement parfait au pays des bisounours, avec le message sous-jacent que d’une part c’est que du bonheur et que d’autre part ce bonheur est à la portée immédiate de toutes. Parce que que va faire une mère quand ça ne va pas être que du bonheur (et il me semble qu’une bonne majorité des mères allaitantes rencontre un jour ou l’autre un problème) ou quand elle ne va pas y arriver ? Culpabiliser pardi, c’est une seconde nature. Alors OK, tout le monde peut y arriver, mais probablement pas au même prix. Et oui, globalement c’est du bonheur, mais pas que.

Concrètement, je conseille à toutes les femmes qui ont le désir d’allaiter de se préparer, non pas en se massant les tétons mais en s’informant sur les difficultés et les pièges de base (par des lectures, des réunions d’associations type LLL ou des cours de préparation à la naissance), et en étant prête à recourir aux conseils d’une « professionnelle » à la moindre difficulté (sage-femme libérale, bénévole d’association de soutien à l’allaitement, consultante en lactation), idéalement identifiée avant la naissance du bébé. Et à toutes celles qui attendent un bébé de se laisser la possibilité de changer d’avis, quelle que soit leur position initiale. On a le droit de trouver ça trop dur, ou tout simplement que ce ne soit pas son truc, et inversement on peut se laisser surprendre par un nouveau-né tout juste arrivé qui rampe vers le sein, ou juste émouvoir par une amie qui donne le sein avec plaisir.

Pour finir, si vous doutez de la puissance et du pouvoir du sein, je vous suggère de jeter un œil à cette vidéo (le son n’est pas indispensable, par contre évitez la trop grande proximité d’un repas si vous avez l’estomac fragile…) :

Informer sans culpabiliser : est-ce seulement possible ?

lundi, février 1st, 2010

culpabilite La maternité est un puits sans fond de culpabilité. Il est donc crucial que déjà entre mères nous évitions de nous pousser les unes les autres plus profond alors que nous avons déjà tendance à nous y enfoncer toutes seules. Cependant si nous voulons faire des choix éclairés, il faut aussi que nous bénéficions d’informations sur les différentes alternatives dont nous disposons. Pour avoir fréquenté ‘un certain nombre de mères, j’ai vite réalisé que la ligne entre « ne pas culpabiliser » et « donner des informations objectives » est bien étroite et difficile à tenir. Ne pas donner un conseil non sollicité qui risque de faire plus de mal que de bien ? Nier les vérités qui ne nous arrangent pas ?

En préalable, il faut tout de même rappeler que la plupart des sujets qui nous déchirent sont finalement des problèmes de nantis (les fameux MPR : méga problème de riche) : quand certaines affrontent chaque jour l’angoisse de ne pas pouvoir nourrir leur famille, j’en suis à me demander comment agrémenter le persil tubéreux de mon panier bio pour que les hommes consentent à en manger. Alors que des femmes risquent leur vie pour faire naître leur bébé, je suis en panique car je n’ai toujours pas fini mon sac pour la maternité à 40 SA. J’arrête là, vous voyez le tableau.

Je dois aussi ajouter que personnellement, je suis assez mal placée pour juger quiconque. J’ai donné naissance avec et sans péridurale. J’ai été suivie par une gynéco et par une sage-femme. J’ai utilisé des Pampers et des couches lavables. J’ai allaité et donné des biberons (avec BPA). J’ai des portes-bébé et des poussettes (face à la route en plus). J’ai fait des purées et donné des petits pots (même pas bio). J’ai fait du cododo et j’ai laissé pleurer. J’ai fait de l’écoute active et j’ai crié des insanités. J’ai repris à temps plein après le congé maternité et je m’apprête à prendre 6 mois de congé parental total. Comme tout le monde, j’ai mes doutes et mes regrets, mais globalement je suis en paix avec mes choix. Je les assume. Parce qu’à chaque instant, j’ai essayé, en fonction des informations et connaissances dont je disposais, de trouver la meilleure solution, le meilleur compromis pour ma famille. Et je ne crois pas que chacune de ces options font de moi une bonne ou une mauvaise mère. Un bon parent n’est pas pour moi quelqu’un qui aurait validé toutes les cases d’une improbable check list, mais plutôt une personne qui essaie, qui fait de son mieux, qui n’hésite pas à se remettre en question, à voir ce qui se fait, avec comme but ultime de trouver ce qui convient le mieux à toute sa famille (si tant est qu’on puisse vraiment définir le bon parent). La construction physique et mentale d’un enfant est un processus tellement complexe qu’on ne peut attribuer sa réussite ou son échec (sans compter la difficulté pour définir des critères de réussite ou d’échec) à un seul de de ces facteurs.

Comme je lis et me documente pas mal sur tous ces sujets (sans compter quelques cogitations issues de mon neurone unique -dont j’espère qu’il va retrouver quelques copains maintenant que j’ai pondu…), j’essaie de partager les informations, les théories, les résultats scientifiques qui me semblent intéressants et pertinents avec ceux et celles que ça intéresse (et apparemment il y en a si j’en crois les stats du blog et les commentaires enflammés toujours plus nombreux). J’essaie d’être objective, même si bien sûr la nature même du support -un blog dont je suis la poulocrate unique- implique une grande subjectivité : je traite les sujets dont j’ai envie, comme j’en ai envie, sans demander l’avis de personne. Mon but n’est jamais de culpabiliser, même s’il m’arrive d’être involontairement maladroite, et même si je sais combien certains sujets peuvent être douloureux.

Par exemple, je sais maintenant que si j’écris un billet sur l’allaitement, quelles que soient les précautions que je vais prendre, il est quasiment certain qu’il y aura au moins un commentaire d’une mère qui se sentira blessée par le sujet, ou au moins « obligée » de justifier pourquoi elle-même n’a pas allaité. Faut-il pour autant arrêter de parler d’allaitement ? Je pense au contraire que plus on en parlera, plus les femmes seront informées, et moins il y en aura à qui ça restera en travers de la gorge : les femmes pourront faire leur choix en connaissance de cause et auront plus de chances de mener leur projet à bien, ce qui à mon avis les aidera à mieux l’assumer derrière.

Il y a aussi tout le débat autour des conditions d’accouchement et de leurs répercussions physiques et psychologiques sur la mère et l’enfant, qui peut facilement devenir culpabilisateur (ou être ressenti comme tel, ce qui revient au même). Bien sûr que cela n’est qu’un facteur parmi d’autres, mais faut-il pour autant éviter d’en parler ? Se pose finalement la question de l’intérêt commun vs l’intérêt individuel : globalement il est dans l’intérêt de la société d’être composée de gens équilibrés et en bonne santé (ne serait-ce que parce que c’est elle qui paie pour ceux qui ne vont pas bien). Mais l’histoire a montré de nombreuses fois qu’on ne fait pas le bonheur du peuple malgré lui, et cela ne doit pas se faire aux dépens des libertés individuelles. On se trouve donc face à un certain nombre de questions auxquelles je n’ai bien sûr pas de réponse : Comment faire évoluer notre organisation pour encourager les pratiques qui nous semblent les plus bénéfiques ? A quel prix ? Pour quel bénéfice ? Quelles sont les priorités ? Par exemple, faut-il plutôt encourager la confiance en soi des parents et leur sentiment de compétence, au risque d’entretenir des pratiques néfastes ? Ou faut-il privilégier l’information scientifique la plus en pointe sur les pratiques les plus bénéfiques, alors qu’on a l’impression d’avoir déjà prescrit tout et son contraire au fil des années ?

Je ne crois pas qu’on puisse trouver de réponse simple à ces questions (à dire vrai je trouverais même ça inquiétant) mais je voulais partager avec vous ces réflexions qui touchent finalement à la raison d’être de ce blog.

D’autres réflexions qui peuvent vous intéresser :

Let’s talk about sex (2)

vendredi, octobre 30th, 2009

sky_difool_funNous avons vu hier comment faire un bébé (ah bon vous saviez déjà ?) et comment accommoder gros ventre et kama sutra (ou pas), continuons sur la lancée. Sans développer ici plus avant, je vous rappelle que l’accouchement en lui-même peut être une expérience orgasmique.

Troisième étape : après l’accouchement. Le post partum immédiat est probablement la période la moins propice à la bagatelle, ne serait-ce que parce qu’avoir mal quand on s’assied et/ou quand on urine fait qu’on ne laisse généralement personne s’approcher de la zone stratégique à moins de 200 mètres. Et puis sur les semaines (mois ?) qui suivent il y a le chamboulement du corps (le ventre vide qui pendouille est généralement moins bien perçu que le beau ventre rond et tendu), la fatigue, le bébé collé au sein 20h/24 (si on allaite) ou tout simplement dans les bras, les lochies, les hormones qui sont contre nous, le baby blues, pas le temps de prendre soin de soi, j’en passe et des meilleures. Le sexe peut sembler trrrrrrrrès loin sur la liste des priorités mais cela peut être un atout pour rééquilibrer et resouder le couple parental, souvent soumis à rude épreuve après la naissance ; là encore, cela ne peut être que bénéfique pour les enfants. Evidemment c’est un équilibre qui sera propre à chaque famille et à chaque situation et le sexe n’est pas non plus le seul ciment du couple.

L’allaitement est bien sûr loin d’être incompatible avec les activités sexuelles mais il n’y est pas toujours propice : éjections de lait impromptues (l’ocytocine est à la fois l’hormone du sexe et de l’éjection du lait), libido plus basse (la prolactine, qui permet la sécrétion de lait, est très mauvaise pour les envies de zigounipiloupilage) , lingerie pas toujours au top du sexy avec coussinets qui dépassent (certains modèles constituent à mon avis une méthode de contraception fiable à 100%), sans compter d’éventuelles difficulté d’ordre psychologique (concilier sein nourricier et sein érotique, pas toujours facile pour la femme comme pour l’homme)… Ceci dit la poitrine de la femme allaitante a aussi ses avantages, ne serait-ce que par sa taille. De la même façon le cododo peut rendre les choses un peu plus compliquées, mais d’une part les enfants ont généralement le sommeil lourd, et d’autre part il n’y a pas que le lit. Ces pratiques sont d’ailleurs souvent accusées par certains psys d’interférer avec la sexualité parentale et décriées pour cela ; il me semble que si un des parents (en général la mère) les utilise pour repousser les avances de l’autre cela ne fait que révéler un problème sous-jacent et n’en est pas pour autant l’origine. Les cas pathologiques ne doivent pas masquer la majorité des familles où allaitement et cododo (y compris prolongés) vont de pair avec une vie sexuelle parentale épanouie.

Le moment de reprendre finit donc par arriver (quelques semaines ? quelques mois ? ne vous mettez pas de date couperet obligatoire…) ; la pénétration peut faire peur à la femme, surtout si l’accouchement a été difficile (épisio, forceps…). Y aller à son rythme, insister sur les câlins et les préliminaires (là encore on peut se faire plaisir sans passer par le coït), si nécessaire utiliser du lubrifiant et/ou des préservatifs, sont autant de moyens de rendre les choses plus agréables. Et puis n’oubliez pas qu’aussi bien équipé que soit votre homme cela n’est pas comparable par rapport à un bébé… Il faut aussi du temps pour se réapproprier son nouveau corps, d’autant que le retour à une situation « normale » n’est généralement pas immédiat (9 mois pour le faire, 9 mois pour le défaire, dit l’adage). Des facteurs tant physiques (si le vagin était un peu « étroit » avant l’accouchement par exemple) que psychologiques (on peut se sentir plus accomplie en tant que femme par la maternité) font qu’avoir eu un bébé peut rendre l’activité sexuelle plus agréable pour la femme qu’avant, même si l’inverse est bien sûr également possible. N’oublions pas la rééducation périnéale qui aide aussi pour retrouver des sensations et se réapproprier son corps, tant physiquement que psychologiquement. Enfin rappelons que si plusieurs semaines après avoir accouché votre cicatrice d’épisio ou de déchirure vous fait toujours mal ou vous gêne, il faut en parler à votre gynéco ou à votre sage-femme, des solutions existent.

Petit détail qui a son importance : contrairement aux deux étapes précédentes, n’oubliez pas la contraception. L’allaitement peut empêcher une grossesse avec un taux d’efficacité proche des méthodes plus habituelles (98%) mais sous certaines conditions bien définies. Rappelons que si on allaite, on n’est pas obligée d‘attendre le retour de couches pour se faire poser un DIU (stérilet), même s’il faut attendre environ 6-8 semaines (le retour de couches sans allaitement en gros ; le non-allaitement restant encore beaucoup la norme dans certains esprits médicaux) que l’utérus ait repris sa taille et sa forme. Et c’est l’ovulation qui déclenche les règles (et non l’inverse), donc on peut ovuler et tomber enceinte avant le retour de couches (certaines femmes qui allaitent longtemps puis enchaînent les bébés peuvent ainsi ne pas avoir de règles du tout entre deux) : n’attendez pas celui-ci pour prendre vos précautions (à moins de souhaiter des enfants très rapprochés bien sûr).

Finalement, je dirais que nous sommes dans une société où le sexe est devenu une valeur à part entière ou presque : pour avoir une vie « réussie » il faut avoir une Rolex une activité sexuelle aussi importante et épanouissante que possible. Bien sûr il est positif que le puritanisme et les tabous sur le plaisir, la masturbation et le sexe en général soient battus en brèche mais le retour de balancier me semble un peu fort. On a le droit de ne pas considérer le sexe comme THE source de plaisir et de bonheur, on peut être un couple solide et équilibré sans faire des galipettes toute la sainte journée, bref je ne crois pas qu’on ait besoin de normes et de chiffres (quelle fréquence ? combien de temps ? combien d’orgasmes ?) dans ce domaine. Chacun a ses besoins, ses envies, qui peuvent varier avec le temps, selon les situations ; bien sûr il faut trouver un équilibre au sein du couple pour concilier les attentes des deux partenaires, donc dialoguer, dédramatiser, et ne pas hésiter à consulter (gynécologue, urologue, sexologue, psychologue…) si des difficultés (physiques et/ou psychologiques) récurrentes en font une source de tensions et de conflits trop importants.

Bonus : si vous ne connaissez pas, filez voir cette BD de Melaka sur le sujet.

(Photo : Vous ne les reconnaissez sans doute pas. Indices : Lovin Fun ; « Ce n’est pas saaaaaale, pense aux fleurs »)

Tokophobia

lundi, octobre 26th, 2009

munch_thescream Quelle femme n’a pas peur d’accoucher ? Même celles qui sont intimement convaincues que c’est un acte naturel pour lequel leur corps est fait ont leurs appréhensions pour la naissance. Il est vrai que les raisons d’avoir peur ne manquent pas : peur de mourir et/ou de perdre son bébé bien sûr, mais aussi peur de l’hôpital, peur d’avoir mal, peur de perdre sa dignité, peur d’avoir des séquelles, peur de certains gestes médicaux, et bien d’autres encore. Et ce bien que la naissance n’ait jamais été aussi sûre, tant pour la mère que pour l’enfant. Même si cette peur est plus ou moins présente chez tout le monde, elle peut prendre des proportions très importantes chez certaines (jusqu’à prendre plusieurs contraceptions simultanées voire renoncer à avoir un enfant) : on parle alors de tokophobie (si vous n’êtes pas rebutée par l’anglais vous pourrez lire de nombreux témoignages ici).

Sans aller jusqu’à ces extrêmes, il me semble que plusieurs facteurs peuvent entretenir cette peur :

  • Quelle représentation de la naissance dans notre société ? L’image principale qu’on en a, dans les médias notamment, est celle d’un passage difficile, sous haute surveillance médicale, qui ne demande qu’à partir en sucette. Dans les films on voit souvent la femme au moment crucial, échevelée, rouge et suante, entourée par un tas de blouses blanches qui lui crient « Poussez ! pousseeeeeeeeez ! » (apparemment les scénaristes n’ont pas lu Leboyer), le plan suivant représentant généralement la mère parfaitement coiffée et maquillée avec un « nouveau-né » de six mois dans les bras. Ou alors si vous êtes fan de séries médicales (comme la Poule…) il y aura entre les deux un passage plein de sang et de stress où le beau médecin sauvera in extremis Maman et bébé d’une mort fulgurante dans d’atroces souffrances sous le regard enamouré de la jeune infirmière/interne. Perturbant, et globalement pas très tentant.
  • L’entourage a également un rôle important : quelle femme n’a jamais entendu des récits d’accouchements terrifiants, avec douleurs insoutenables, mort évitée de justesse, déchirures du vagin jusqu’à l’anus et j’en passe. C’est peut-être une sorte de bizutage, mais en particulier quand on est enceinte on est abreuvée d’histoires plus gores et terrifiantes les unes que les autres (soit de première main, soit l’amie d’une amie dont la cousine a une tante qui…). Certes, il n’est pas très constructif d’enfermer les femmes enceintes au pays des Bisounours sous prétexte qu’il ne faut pas les stresser, mais on peut peut-être trouver un juste milieu non ? Evidemment les récits de l’entourage très proche (notamment les femmes de la famille) sont les plus percutants pour la future mère, qui se sent logiquement plus concernée (il y a une part de génétique dans le déroulement de la grossesse et de l’accouchement, même s’il y a bien sûr de nombreux autres facteurs à prendre en compte). Mais il peut aussi y avoir eu un film ou une image mal à propos qui gardent une empreinte durable.
  • Enfin bien sûr il y a le vécu d’une mère lorsque ce n’est pas sa première grossesse et qu’un accouchement antérieur s’est mal déroulé et/ou a été mal vécu (il y a des naissances qui sont sans problème d’un point de vue médical -le fameux « la mère et le bébé vont bien »- mais qui laissent un goût amer à la femme, voire au bébé) ; on peut aisément comprendre qu’on n’y retourne pas volontiers. Si la naissance a nécessité une intervention médicale importante, cela peut entamer la confiance de la femme en ses capacités pour donner naissance et ajouter à son angoisse.

La peur d’accoucher est donc probablement une des choses les mieux partagées par les femmes (et ne parlons pas des hommes…). Alors comment atténuer et gérer ces peurs, qu’on les ressente soi-même ou qu’on y soit confronté chez une autre ?

Tout d’abord, il me semble que comme la plupart des peurs et phobies, celle-ci a une part d’irrationnel qu’on ne doit pas juger ou moquer. La première chose à faire est au contraire de laisser la personne vider son sac et exprimer ses peurs : voir sa souffrance entendue et reconnue est un premier pas vers le soulagement. Le simple fait de formuler certaines peurs à voix haute en présence d’une personne bienveillante peut déjà permettre de les éliminer. Au delà, se documenter, tant sur l’accouchement en général que sur la façon dont les choses peuvent se passer à la maternité choisie (si on est enceinte) peut également faire tomber certaines craintes. N’oublions pas que les choses évoluent (même si parfois trop lentement), et qu’un certain nombre de pratiques redoutées par les femmes ont été abandonnées : si votre mère ou votre grand-mère vous explique qu’elle a du subir un lavement et être intégralement rasée, sachez qu’il y a peu de chances que ça vous arrive. Même s’il y a encore une grande disparité entre hôpitaux et praticiens, l’épisiotomie systématique semble elle aussi être en déclin. Visiter une salle de naissance, éventuellement voir certains instruments, cela peut aider. Par exemple lorsqu’on me parlait de la ventouse je visualisais le gros truc en caoutchouc pour déboucher l’évier, en fait le modèle obstétrical est nettement moins impressionnant. Bien sûr une phobie plus profonde est irrationnelle et ne pourra être levée par des arguments objectifs (tous les phobiques de l’avion se sont vus répéter 2 372 fois que c’est le moyen de transport le plus sûr bla bla bla, avec autant d’effet que de cracher dans un violon) : dans ce cas il faut envisager une psychothérapie si on souhaite traiter sa phobie.

Une échappatoire à cette peur de l’accouchement peut être pour certaines la césarienne. Il me semble qu’il faut éviter cela au maximum, et rappeler que pour une grossesse et un accouchement non pathologiques, la césarienne est plus risquée que l’accouchement par voie basse, tant pour la mère que pour l’enfant. Bien sûr il ne s’agit pas de diaboliser la césarienne, qui a sauvé et sauve tous les jours des femmes et des enfants, mais simplement de l’utiliser à bon escient. Or pour beaucoup de personnes la césarienne paraît plus sûre que l’accouchement par voie basse, et c’est cette idée reçue qu’il faut à mon avis battre en brèche (si le sujet vous intéresse voir aussi cet article très bien fait de Césarine sur la césarienne de convenance). Ceci dit, il ne faut pas non plus être dogmatique, et respecter la détresse et l’angoisse des femmes qui ne peuvent surmonter cette peur (ou pas dans les délais de l’accouchement). De toute façon, si la tokophobie est trop importante, elle peut suffire à bloquer le processus de l’accouchement et conduire à une césarienne en urgence.

Personnellement je dois dire que j’ai longtemps trouvé l’accouchement terrifiant, et qu’au début de la grossesse du Poussin je n’en menais pas large (Ste Péridurale priez pour moi). Je trouve d’ailleurs que c’est un des tests pour savoir si on est prêt à avoir un bébé : être capable d’écouter un récit d’accouchement sanguinolant/de nuits épouvantables depuis 6 mois/de gastro explosive et d’avoir toujours envie d’un petit bout. Finalement, entre diverses lectures, les cours de préparation à l’accouchement, la visite de la maternité, des témoignages positifs d’amies ayant accouché dans ladite maternité, et probablement aussi l’influence des hormones et du SNU (syndrome du neurone unique, une complication fréquente de la grossesse…) combinés (avec un soupçon de méthode Coué ?), je suis arrivée à peu près rassérénée pour l’accouchement. Pour cette deuxième naissance qui se profile, je dois dire que le fait d’avoir déjà accouché par voie basse sans instruments me donne une certaine confiance en mon corps, d’autant plus que la deuxième naissance est censée être plus facile que la première. Le fait d’avoir aussi un projet bien ficelé, avec l‘accompagnement global et une bonne préparation, y contribue également. Et n’oublions pas la merveilleuse combinaison hormones-SNU. On verra dans trois mois… Ce petit topo « ma vie mon œuvre » n’est pas pour m’ériger en modèle à suivre (à moins que je ne lance une secte ? l’argent est un souci qui te retient… la Poule te débarrasse de tous tes soucis…) mais pour que celles qui seraient dans ma situation initiale sachent que ce n’est pas inéluctable.

Pour finir, je vous laisse sur cet extrait de Cette lumière d’où vient l’enfant de Frédérick Leboyer (je rappelle qu’il est obstétricien, né en 1918, et donc qu’il a du commencer la médecine dans les années 40, à une époque où la mortalité périnatale était encore loin d’être au niveau actuel).

– Quant à l’accouchement, ce ne sont pas les risques qui vous troublent. C’est la peur.

– La peur des risques ?

– Ah ! non, c’est là qu’est votre erreur. C’est là la confusion. Vous avez peur. Mais certes pas d’hémorragies, d’infections, de possibles quoique rares complications dont, au reste, vous ne savez rien.

– Je ne suis pas médecin.

– C’est votre chance. Une fois encore, pensez aux ennuis et ils arrivent.

– Mais alors, de quoi ai-je peur ?

– De tout et de rien. Vous avez peur. Un point c’est tout. Et vous vous mettez à projeter cette peur partout. Suivez-moi bien. Vous allez au cinéma et l’o vous montre un film d’épouvante. Si le film est bien fait, à mesure que les images défilent, la peur monte en vous. […]

– Cela m’est arrivé la semaine dernière, oh ! quel film ! Pendant trois nuits je n’ai pu dormir. […] Et je n’osais plus aller, le soir, dans la resserre.

– Qu’y a-t-il, dans la resserre, qui vous fasse trembler ?

– Des araignées.

– Qui, sortant du noir, vont se jeter sur vous et vous dévorer ?

– Oui, je sais, c’est stupide. Mais qu’y faire ?

– Non, ce n’est pas stupide puisque c’est. Donc, voici la peur imaginaire : vous savez bien que ces petites bêtes sont inoffensives. […] Elles n’ont pas plus d’existence que les images sur l’écran. Lesquelles, tout images qu’elles soient, vous ôtent le sommeil et ruinent votre estomac.

– Je vois.

– Or, il existe une autre peur qu’on pourrait appeler réelle : le feu peut prendre dans le cinéma. La pellicule est très inflammable. Un incendie peut détruire le bâtiment. Et votre vie. De cela, avez-vous souci ?

– Je n’y songe même pas.

– Quand vous allez au cinéma, vous n’allez pas, j’imagine, vous asseoir tout près de la sortie de secours au cas où…

– Je me mets au beau milieu de la salle.

– Face à l’écran. Pour bien voir. Au mépris de toute prudence ! Car si le feu prenait…

– Je m’en moque bien.

– Et vous avez raison. Donc, il existe deux sortes de peur, l’une réelle, l’autre imaginaire. L’une rationnelle, raisonnable, l’autre folle. Et vous voyez que, des deux, c’est la folle qui a le plus d’emprise sur votre vie.

– Quelle folie !

– Oui. Mais c’est ainsi. Or, il en va très exactement de même pour l’accouchement. Ces hémorragies, ces infections qui sont aussi réelles et rares que l’incendie au cinéma, vous vous en souciez comme d’une guigne.  Vous ne les connaissez même pas.

– Et de quoi donc ai-je peur ?

– D’aller dans la resserre. Vous avez peur des araignées. Cette peur, toute imaginaire qu’elle soit, est, pour vous, bien réelle. […] Pour combattre les effets de cette peur, que fait-on ? On construit des hôpitaux. Sans cesse plus grands, plus équipés, plus compliqués et plus ruineux. Lesquels, vous me l’accorderez, auront bien du mal à vous défendre des araignées.

(Image : faut-il vraiment présenter Munch ?)

Comment ne pas être une mère parfaite

lundi, octobre 12th, 2009

purves Depuis le temps que Ficelle et Béatrice m’en faisaient l’apologie, quand j’ai vu passer Comment ne pas être une mère parfaite de Libby Purves dans les livres prêtés par ma prof de yoga prénatal je me suis jetée dessus comme la vérole sur le bas-clergé*. Portant sur la période allant de la grossesse aux trois ans de l’enfant, ce livre se veut une sorte d’anti-Laurence Pernoud (sauf que l’auteure étant anglaise n’est sans doute pas familière avec feue notre Laurence nationale). Ecrit dans un style assez pétillant il se lit vite et avec plaisir (et la traduction est assez bonne, avec des références au goût du jour -au moins pour la nouvelle version 2004, l’originale datant de 1986- et généralement francisées quand nécessaire). Mère de deux enfants, l’auteure alterne entre des anecdotes personnelles et des trucs et astuces incluant des idées proposées par d’autres parents qu’elle a sondés pour l’écriture du livre. Globalement ce sont plutôt des conseils de bon sens déculpabilisants, pragmatiques et sans dogmatisme forcené : la présentation générale étant « voilà quelques propositions, piochez ce qui peut vous convenir et laissez le reste », évidemment je ne peux pas dénigrer une telle vision des choses quand c’est ce que j’essaie autant que possible de mettre en œuvre dans ces colonnes.

Je ne résiste pas au plaisir de vous mettre quelques citations décrivant certains phénomènes de façon particulièrement savoureuse :

  • Le complexe de la cousine Elisabeth : c’est chez la femme enceinte un « besoin irrépressible d’aller voir d’autres femmes enceintes et de comparer ses impressions ».
  • « Les parents se comportent tous un peu comme ces gens qui, à leur retour de week-end, déclarent qu’ils n’ont pas eu une goutte de pluie alors qu’en réalité il a plu des cordes pendant deux jours. Tout cela signifie que […] la visite d’une amie accompagnée d’un bébé un peu plus grand (ou un peu différent) peut vous faire douter de vos capacités. »
  • Pour se préparer au terrible two : « Je conseillerais à tous les parents de suivre des stages intensifs qui les prépareraient à affronter ces créatures versatiles. […] Si vous pouviez vous arranger pour devenir l’imprésario d’un groupe punk pendant quelques années, je crois que vous auriez compris l’essentiel. Tout ce qui vous permet de cotoyer des gens délirants sans perdre votre calme vous sera utile. »
  • « Les parents qui ont deux enfants ou plus ont une chose en commun : ils sont exaspérés par les plaintes et les inquiétudes de ceux qui n’en ont qu’un. C’est comparable au mépris que ressent une jeune accouchée devant l’idéalisme à tout crin d’une amie qui attend son premier bébé. »

Ceci étant dit il y a aussi des passages ou des choses que j’ai moins aimés. La plus sournoise pour un livre se voulant déculpabilisant est l’aptitude de l’auteure à parler de sa super carrière (elle est journaliste) parfaitement conciliée avec sa vie de famille comme si c’était à la portée de tout un chacun. Expliquer que descendre le Mississipi à sept mois de grossesse lui a permis de faire disparaître tous ses symptômes désagréables (jusqu’au retour…), ou comment passer en direct à la radio est excellent pour les nausées de grossesse, certes, mais ça ne me semble pas très pertinent pour la majorité des femmes. Je suis d’accord qu’il n’est pas forcément utile de passer sa grossesse à se regarder le nombril** mais on a aussi le droit d’être une grosse loque avachie sur le canapé. Personnellement j’ai trouvé sa façon de parler de l’allaitement (qu’elle défend) assez sympa et décomplexée, mais l’expérience de ce blog notamment m’a montré que s’il y avait un sujet dont la seule évocation tirait d’emblée sur la corde à culpabilité c’est bien celui-là. Je peux donc volontiers imaginer que ces passages mettent certaines lectrices mal à l’aise, même si on est loin de certains discours moralistes. Elle a parfois aussi un avis un peu à l’emporte-pièce sur certains points, comme l’accouchement à domicile (selon elle réservé aux brebis mais elle avoue ne pas être très objective sur le sujet). Quant aux trucs et astuces qu’elle donne, je n’ai pas encore eu l’occasion d’en tester (autres que ceux que je ne connaissais pas déjà…) ; c’est clair qu’il y a à prendre et à laisser mais elle le dit elle-même.

En bref, je dirais que comme le livre existe en poche, c’est un cadeau sympa à faire ou à se faire, pendant la grossesse ou après.

* Le Coq prétend que je suis la seule à utiliser cette expression un peu désuète mais je l’aime bien.

**L’autre jour une femme du yoga qui m’a expliqué avoir demandé -et obtenu- d’être arrêtée à trois mois pour « profiter de sa grossesse » : je suis la seule à halluciner un peu ? D’un autre côté n’envisageant pas de faire l’impasse sur le congé patho alors que ma grossesse n’est justement pas pathologique je passe sans doute pour une grosse flemmasse par rapport à d’autres…

Pour une naissance sans violence

vendredi, septembre 4th, 2009

pour_une_naissance Je vous ai parlé un peu de Frédérick Leboyer, en voici un peu plus sur son best-seller Pour une naissance sans violence. Paru en 1974, il explique que d’une part la naissance est un passage difficile pour l’enfant, et que d’autre part l’accueil qu’on lui réserve à la maternité ne fait qu’exacerber la violence de ce moment. Il faut dire qu’à cette époque on est en plein dans la médicalisation à outrance, avec une certaine tendance à la boutdeviandisation (de la mère comme de l’enfant) : arrivant dans une lumière crue et violente, l’enfant est saisi par les pieds par l’obstétricien qui lui claque les fesses juqu’à ce qu’il crie. S’ensuit alors un enchaînement de soins et de gestes plutôt désagréables avant d’enfin le rendre à sa mère. J’ai trouvé sur ce site une des photos du livre qui montre les adultes s’extasiant devant le nouveau-né qui lui n’a pas franchement l’air extatique : 0301naissance

Frédérick Leboyer fait donc un certain nombre de propositions : accueillir l’enfant avec délicatesse, dans une ambiance lumineuse et sonore discrète, le poser immédiatement sur le ventre de sa mère, attendre que le cordon s’arrête de battre pour le clamper, éviter de faire des soins intrusifs sans nécessité immédiate, etc. A noter que sa proposition de donner un bain rapidement après la naissance est maintenant contestée, car on a constaté que le vernix des nouveaux-nés avait un rôle protecteur et qu’il valait mieux attendre un jour ou deux pour commencer les ablutions. Les autres points devraient vous sembler familiers si vous avez lu quelques projets de naissance… et sont donc toujours d’actualité !

Rédigé dans un style assez poétique et illustré de nombreuses photos, le livre est difficile (impossible ?) à classer : certainement pas un traité d’obstétrique, pas vraiment un essai, pas non plus un manuel pour les parents. D’un côté cela se lit facilement, de l’autre ça peut sembler un peu péremptoire, et on peut facilement être hérissé par un passage ou une phrase à l’emporte-pièce. On aime ou on n’aime pas… Cependant on ne peut pas négliger l’impact que cette publication a eu sur les pratiques et mentalités en maternité ; Leboyer avait d’ailleurs essuyé à l’époque de nombreuses critiques, notamment de la part de ses pairs. Et même si ses propositions n’ont pas toutes été systématisées, le climat a quand même beaucoup évolué grâce à lui. Alors rien que pour ça, merci !

Un autre livre sur le même thème : Vous qui donnez la vie

Frédérick Leboyer

mercredi, septembre 2nd, 2009

z-flb Connaissez-vous Frédérick Leboyer ? Si vous êtes né(e) à la fin des années 70 ou plus tard, vous avez peut-être bénéficié de ses propositions. Cet obstétricien français (né en 1918) a publié en 1974 le best-seller Pour une naissance sans violence, qui a jeté un gros pavé dans la mare de l’obstétrique française. Il a été un des premiers à réfléchir à la naissance du point de vue de l’enfant et à demander un accueil plus doux du nouveau-né, l’époque n’étant pas très tendre avec eux. Véritable OVNI dans la bibliographie autour de la parentalité, surtout à une époque trustée par Laurence Pernoud, il écrit dans un style très simple et poétique, illustré de nombreuses photos qu’il prend lui-même. Il a par ailleurs mené une recherche spirituelle exigeante, notamment lors de voyages en Inde, ceux-ci inspirant largement certains de ses ouvrages. N’allez pas croire pour autant qu’il s’agit d’un doux rêveur, la licence poétique lui permettant d’exprimer avec force les convictions assez radicales de son engagement. Bref pas vraiment le gynéco typique, même si sa réputation médicale, tant sur le plan technique qu’humain était excellente.

Il a publié plusieurs ouvrages, et notamment (si on en croit Wikipedia, mais en cherchant un peu j’en ai trouvé d’autres) :

  • 1975 – Pour une naissance sans violence
  • 1976 – Shantala – Un art traditionnel – Le massage des enfants
  • 1979 – Cette lumière d’où vient l’enfant
  • 1982 – Le sacre de la naissance

J’ai lu le premier et le troisième, et je consacrerai à chacun un article. Ils restent encore tout à fait d’actualité, et peuvent à mon avis constituer un cadeau original pour des futurs parents (si tant est que ceux-ci soient un minimum branchés parentalité alternative/spiritualité). Shantala a été depuis réédité avec un DVD et permet de s’initier à l’art indien du massage des nouveaux-nés, que je n’ai pas moi-même testé (sauf quand j’étais bébé…) mais qui a très bonne réputation. Je ne sais pas grand chose sur Le sacre de la naissance, si ce n’est qu’apparemment il existe aussi sous forme de film (réalisé par Leboyer himself).

(Photo : Natural pregnancy mentor)

Enceinte à la plage

mercredi, août 12th, 2009

baleine_troenen_20070816-xl Un petit billet de saison pour que vous sachiez que je ne vous oublie pas. Cet été je me prélasse sur les bords de la Méditerranée avec un Poussin de deux ans, un Oeuf de quatre mois et un Coq, et voici donc quelques idées de survie dans cet environnement gravement hostile qui pourraient vous intéresser.

Comme une de mes principales activités consiste à lire la presse féminine, il me semble que la question n° 1 à laquelle répondre est celle de la tenue de plage. Personnellement, malgré le fait que mes mensurations s’approchent du tube (90-90-90), j’ai opté pour mes deux pièces habituels, en espérant que mon petit bidon* ne flingue pas trop les élastiques. Pour le moment comme mes seins n’ont pas bougé ça passe en haut. Autant pour aller à la piscine à Paris je préfère de loin le une pièce (et suis très rétive à l’exhibition de bidon de façon générale), autant à la plage ça ne me choque pas. Ceci dit je ne prétends pas avoir un caractère universel et selon les cas (et selon le terme auquel on est) il peut être difficile d’éviter l’investissement dans un ou plusieurs maillots de grossesse (cf ce billet sur le vêtements de grossesse pour quelques adresses). Il n’y a pas de contre-indication à exposer son gros bidon au soleil (sauf en cas de vergetures toutes fraîches où ça n’est pas recommandé ; je n’ai pas trouvé grand chose concernant la ligne de grossesse par contre), si ce n’est les précautions habituelles pour éviter le mélanome. Ceci dit, c’est l’occasion de faire des stocks de vitamine D (excuse à donner pour se prélasser tranquille au soleil), utile tant pour le bébé que pour la mère. Par contre sur le visage on risque le masque de grossesse, personnellement je ne sors donc pas sans écran total ni chapeau. A noter que le risque n’est pas qu’en cas de forte exposition et qu’il faut faire attention dès les premiers rayons de soleil, y compris en ville.

Puisqu’on est sur les accessoires (je pense à ma splendide capeline, même si apparemment cet été ce serait plutôt le style borsalino, damned !), je ne saurais que vous recommander le Coq, très utile pour creuser des trous, faire des châteaux et proposer toutes sortes d’activités aquatiques où on projette beaucoup d’eau, ce qui vous permettra de buller tranquillement pendant qu’homme et enfant(s) sont occupés à de saines activités. Si le Coq n’est pas disponible, n’hésitez pas à vous rabattre sur un enfant aîné, un oncle, un cousin, ou même les petits voisins qui ont déjà creusé leur petite piscine (prévoir un bon goûter pour les amadouer). A noter qu’on est toujours très chargé quand on se balade avec des enfants (notamment pour la plage, entre les changes, les goûters, les jouets etc) ; cette année nous avons testé les serviettes en microfibre (achetées chez Decathlon mais ils n’ont probablement pas le monopole), elles sont légères, peu encombrantes, sèchent vite et sont finalement à peu près aussi efficaces que les serviettes en éponge, donc je recommande.

Que faire à la plage ? Eh bien ce que vous y faites d’habitude. Pour ce qui comporte un effort physique (natation, promenade, beach volley, course après le vendeur de beignet…), c’est à doser en fonction de votre envie, de votre endurance du moment et des recommandations propres à votre grossesse (problèmes de contractions et de col qui s’ouvre prématurément notamment). Ce n’est certainement pas moi qui vais vous faire la morale qu’il faut faire du sport, bla bla bla, même si je me surprends à parcourir la baie à la nage, très agréable et pas épuisant pour l’hypotendue que je suis. Chaque femme, chaque grossesse sont différentes, le plus important je pense est d’y aller en douceur et d’être bien à l’écoute des signaux qu’envoie le corps (fatigue, vertige, ventre qui tire, douleurs ligamentaires, etc).

Que manger ? Là encore, à part les trucs à risque infectieux (listériose, toxo… mais pas trop de tentations à la plage a priori) et les problèmes spécifiques de diabète gestationnel, ne comptez pas non plus sur moi pour vous recommander de vous cantonner aux fruits de saison (oups ça non plus on n’y a plus droit)  bâtonnets de concombre et à l’eau bien fraîche pour se désaltérer. Evidemment on n’est pas obligée de manger pour deux mais pas non plus de raison de se mettre au régime !

Pour résumer : attention au masque de grossesse, et pour le reste profitez des vacances, écoutez-vous et faites-vous confiance !

Et sur le même sujet, voici quelques anciens billets toujours d’actualité :

Quand la Poule bronze…. son Poussin dort à l’ombre

La famille Pondeuse à la piscine

La poule pondeuse sous les tropiques

*A ce propos je vous rapporte ce court dialogue avec ma petite cousine de 10 ans. Elle, apprenant que je suis enceinte : « Ah je ne le savais pas. » Moi : « Mais tu n’avais pas remarqué ? » (NB : je rappelle que je suis en maillot de bain, ça ne cache pas grand chose) Elle : « Ben… » Moi : « Tu croyais que j’avais juste un gros ventre ? » Elle : « Oui ». Et le lendemain, ma mère m’avoue qu’elle a failli me demander si je ne me sentais pas bien ce matin pour être aussi ballonnée. Je n’ai pas encore fini de ramasser mes dents.

Photo : Toute ressemblance avec une blogueuse existante ou ayant existé serait purement fortuite.