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L’art d’accommoder les bébés

dimanche, février 27th, 2011

Voilà un bouquin que je voulais lire depuis longtemps, alors autant vous dire que quand l’amie Ficelle me l’a passé, c’était un peu Noël (en fait c’était vraiment Noël puisque nous étions le 27 décembre). Je n’ai pas été déçue, c’est à mon avis un incontournable à mettre en toutes les mains : parents et futurs parents, grands-parents et tous les professionnels de périnatalité et de petite enfance.

L’idée ? Une psychanalyste, Geneviève Delaisi de Parseval, et une ethnologue, Suzanne Lallemand, passent au crible les manuels de puériculture depuis le début du XXème siècle jusqu’à la fin des années 1970 (avec une postface sur la période 1978-1998 dans la dernière édition), disséquant les différentes sauces auxquelles parents et bébés ont été accommodés selon les époques et les lubies personnelles des auteurs. La première montre avec beaucoup de finesse comment beaucoup des dogmes érigés par ceux qu’elles appellent les puériculteurs servent en réalité à compenser leurs propres insécurités et blessures psychologiques ; son approche change très agréablement de la psychanalyse de comptoir que de pseudo-experts nous délivrent sur tout et n’importe quoi (et surtout avouons qu’il est assez jouissif de voir décortiquées à la loupe les névroses des autres). La seconde donne du recul en convoquant les pratiques d’autres peuples, permettant de relativiser les diktats des puériculteurs et montrant comment l’intérêt de telle ou telle façon de faire s’inscrit en fait pleinement dans une vision donnée de la société, voire une idéologie.

L’écriture est agréable (voire franchement savoureuse pour certains passages), et d’un bon niveau : parfois un peu limite pour les neurones fatigués de la jeune mère mais quel plaisir de se voir traitée comme une adulte responsable et douée de raison dans un livre sur la parentalité ! Je vous livre quelques unes des idées développées qui m’ont particulièrement marquée. La première repose sur le constat que la dépendance entière du bébé du ou des adultes qui s’en occupent est sans doute effrayante pour l’enfant, mais peut également l’être fortement pour l’adulte. Cela expliquerait la tendance forte de notre société de vouloir rendre le bébé indépendant : c’est une façon pour le parent ou pour le puériculteur de refouler cette réalité angoissante. En vain bien sûr, car il ne suffit pas de faire comme si un nouveau-né était capable de réguler parfaitement ses heures de repas, de sommeil ou de câlin pour que ce soit effectivement le cas.

Une autre remarque la façon dont les auteurs de livres de puériculture décrient systématiquement les grands-mères, dont les conseils sont jugés inutiles voire nocifs. G. Delaisi et S. Lallemand notent elles que les suggestions des grands-mères ne font que reprendre celles des manuels de leur époque, et qu’il est donc un peu facile pour les auteurs de leur jeter la pierre, au lieu d’avouer leurs propres contradictions (ou celles d’avec leurs prédécesseurs). Ayons donc un peu de pitié pour nos mères et belles-mères, qui ont simplement eu le malheur de subir un lavage de cerveau différent du nôtre (et plus violent également, les citations d’avant les années 1970 étant pour la plupart particulièrement épouvantables).

Il y a également un point vraiment intéressant sur le rôle du père, totalement mis de côté jusqu’à peu. Comme le disent les auteurs

« l’index des sujets passe inexorablement de « peau » à « pertes blanches » ou de « patron » à « photographe », mais de père, point. […] A lire cette littérature, on dirait bien qu’un enfant se fait par parthénogenèse. »

A l’inverse, un tableau brossant les visions d’autres cultures indique que selon la façon dont on interprète les mêmes réalités biologiques, on accordera une place plus ou moins importante à chacun des parents. La société occidentale insiste fortement sur le rôle de la mère (au point, rappellent les auteurs, qu’on parle toujours de « couper le cordon » pour séparer l’enfant de sa mère, alors que le cordon relie le bébé au placenta, qui est un produit embryonnaire, donc issu des deux parents), pourtant

« on ne peut que constater que ce n’est pas la physiologie qui est contraignante, mais l’utilisation qui en a été faite par les différents systèmes idéologiques de représentation. »

Les auteurs proposent ainsi de rééquilibrer les rôles parentaux, y compris par le biais des relations sexuelles pendant la grossesse pour lesquelles des études de psychologie montreraient qu’elles aident le futur père à appréhender et à « participer » à la construction de l’enfant (d’un point de vue psychique bien sûr).

Enfin il est intéressant de noter l’absence globale du concept de plaisir dans ces manuels. Tout est strictement réglementé et ritualisé, chaque option obéit à des considérations rationnelles (ou présentées comme telles), bref la mère est un bon petit soldat qui remplit son devoir. Pourtant il est clair que parler du plaisir de l’allaitement pourrait être plus motivant que de détailler la composition protéique du lait maternel, tout comme réduire le change à son seul aspect peu ragoûtant en enlève la dimension de jeu et de câlin qui n’est pourtant pas négligeable. Le bain n’a pas pour but de briquer le bébé dans les moindres recoins mais plutôt de le voir barboter avec plaisir, quitte à en profiter pour lui passer un peu de savon ça et là. La bien mal nommée « propreté » (Dolto préférait le terme de « continence », plus approprié) est également obsession bien occidentale : les auteurs citent une ethnie où le problème des couches est résolu en dressant le chien à manger les excréments du bébé, jusqu’à ce que celui-ci finisse par imiter les adultes et utiliser les latrines, sans que quiconque ne se formalise du processus. Elles suggèrent d’ailleurs que la volonté de dresser l’enfant à aller au pot dès ses six mois serait finalement une façon de dresser sa mère, qui se voit bien prise par cette tâche qu’elle ne pourra de toute façon accomplir avant plusieurs mois.

Ainsi, ce livre est en fait un véritable essai féministe, examinant la condition maternelle au cours du XXème siècle et montrant point par point comment les diktats de puériculture visent autant à former les petits soldats de demain qu’à enfermer les femmes dans des rôles bien définis et pas forcément très valorisants (certains des manuels n’hésitant pas à présenter la mère comme l’auxiliaire du médecin, qu’il soit obstétricien ou pédiatre !). Les auteurs déplorent d’ailleurs que les manuels ne soient pas écrits par les équipes de chercheurs travaillant sur le développement psychomoteur de l’enfant par exemple, cela reflétant d’ailleurs le peu de cas fait des lectrices :

«  Imagine-t-on […] des livres de gastronomie écrits par des cuisiniers des cantines des hôpitaux ? »

En bref, je le répète, c’est à mon avis une lecture indispensable, à offrir et à s’offrir. Je terminerai ce billet sur une citation de J.S. Bruner, professeur de psychologie américain, trouvée dans ce livre.

« Un bébé n’est pas une horloge et aucun indicateur ne nous permet de prévoir exactement à quel moment un enfant passera d’une étape de sa vie à une autre […]. Il n’y a pas de « bébé idéal », pas de « type d’enfant de trois mois ». Laissons cela aux statisticiens. Il y a tel bébé de tel âge dans ce cadre-ci, à cette heure du jour et avec cette histoire. Que l’on ne confonde pas un « bébé des statistiques » et un vrai bébé. »

Vous en étiez sans doute déjà persuadés, mais c’est toujours bon à lire, à relire et à faire lire.

Au monde

dimanche, avril 11th, 2010

aumonde Sur les conseils de Ficelle, j’ai acheté (pas cher, il existe en poche) et lu Au monde, ce qu’accoucher veut dire de Chantal Birman. L’auteur est sage-femme depuis les années 70 et nous parle de sa pratique, de son cheminement et des implications de ce qu’elle a vécu et observé pour la société en général et pour les femmes en particuliers. A vrai dire, je le rebaptiserais bien Ce qu’être sage-femme veut dire, car ce livre est extrêmement instructif sur ce métier, souvent mal connu. Sa réflexion sur la place des sages-femmes au sein du corps médical, avec une perspective historique remontant au Moyen Age, et sur ce que cela implique pour les femmes et leur statut dans la société est passionnante. Quand on lit que pour un chef de service particulièrement gratiné la sage-femme est « ce truc en rose avec un seul neurone », c’est assez révélateur de la considération sociale pour une profession aussi complexe, essentielle et à haute responsabilité qui a simplement la particularité d’être à une écrasante majorité féminine. Si on ajoute que les sages-femmes ont pour mission de s’occuper des femmes et des bébés, cela en dit long sur la place et le statut que la société accorde à ces derniers. Il est particulièrement intéressant (et choquant !) de constater que si les sages-femmes ont en pratique de lourdes responsabilités médicales, y compris devant les tribunaux, elles n’ont pas ni la reconnaissance ni l’autonomie qui devrait aller avec. Ainsi, ce sont les sages-femmes qui pratiquent les interruptions médicales de grossesse (IMG) mais elles n’ont pas le droit de les prescrire. L’actualité récente a d’ailleurs montré un nouvel exemple : il était question de donner la compétence aux sages-femmes pour prescrire et poser la contraception des femmes à tout moment (et plus seulement pour la seule période du post partum), et cela a finalement été refusé par l’Assemblée nationale.

Chantal Birman est une féministe militante et pointe le doigt sur un certain nombre de difficultés et d’injustices faites aux femmes. Son combat pour le maintien du droit à l’IVG prend tout son sens lorsqu’elle raconte ses toutes premières gardes à l’époque où l’avortement était un crime pouvant conduire à la peine capitale, et où il était obtenu en provoquant une infection de l’utérus, qui s’avérait régulièrement fatale. Il est aussi intéressant d’apprendre que de nombreuses femmes, ambigües par rapport à leur grossesse, avortent parce que le père refuse l’enfant ; et c’est finalement la femme qui en porte la culpabilité. Une large part du livre est aussi consacrée à la maltraitance des femmes, que ce soit par les coups, les brimades, le viol ou encore l’inceste, et aux répercussions que cela entraîne sur leur maternité.

Le livre s’intéresse aussi à l’évolution des pratiques obstétricales : par exemple tout en expliquant comme la péridurale est indispensable et a apporté une réponse à certains accouchements difficiles, Chantal Birman déplore sa généralisation comme palliatif au manque de sages-femmes, qui peuvent ainsi surveiller toujours plus d’accouchements simultanément, au détriment de l’accompagnement humain pourtant irremplaçable. Pour elle, les femmes ont de moins en moins le choix d’accoucher sans péridurale ; et cette médicalisation accrue couplée à une pénurie de personnel médical n’est pas positive pour leur sécurité.

La liste des réflexions et constats de ce livre qui se lit tout seul est longue et je ne me vois pas en reproduire ici l’exhaustivité mais j’ai trouvé cette lecture passionnante et très enrichissante. Et je ne parle pas des nombreux récits de naissance et d’accompagnement des femmes enceintes qui l’émaillent. Ce n’est clairement pas un guide grossesse/naissance, mais plutôt l’occasion de réfléchir aux tenants et aux aboutissants de la maternité pour les femmes : on peut le lire enceinte, pas enceinte, mère, pas mère, père, pas père et en tout cas ça change du discours lénifiant et infantilisant souvent dispensé aux femmes enceintes. On n’est pas obligé d’être d’accord avec tout (je ne suis pas très à l’aise avec l’idée développée que les « petits » maux de la grossesse et des règles soient un prix que les femmes décident inconsciemment de payer pour avoir le droit d’être mères) pour apprécier les analyses proposées et s’intéresser aux problèmes soulevés. Et franchement ça relève un peu le niveau après les débats récents sur les petits pots ou les couches lavables…

Bien-être et maternité

jeudi, janvier 7th, 2010

bienetre Je continue sur la lignée des livres prêtés par ma prof de yoga prénatal (probablement un des derniers, car comme l’indique l’adjectif « prénatal », je risque de ne plus beaucoup la revoir d’ici très bientôt) avec ce beau pavé du Dr Bernadette de Gasquet. Celle-ci est à la fois médecin et professeur de yoga, et s’est rendue célèbre dans le microcosme de la périnatalité par ses travaux sur la mécanique obstétricale et notamment ses propositions en matière de liberté de position à l’accouchement. Elle a aussi beaucoup travaillé sur les abdos et le périnée.

C’est plutôt un bon livre pour accompagner la grossesse car il ne se contente pas d’énumérer tous les problèmes auxquels on peut être confrontée avec pour seule explication « c’est normal/c’est les hormones/c’est psychosomatique » et pour seule proposition d’amélioration « ce n’est pas grave/ça ne durera pas plus de 9 mois, soyez patiente/prenez du paracétamol/arrêtez de stresser/allez voir un psy ». En effet le livre propose toute une série de postures (inspirées ou directement prises au yoga), d’exercices, de relaxations et de propositions pour aider concrètement les femmes à se sentir bien pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum. Les postures sont bien décrites et illustrées au fil des pages, en accompagnement de la description des troubles qu’elles sont censées apaiser, et il y a des propositions de séances pré et post-natales pour les enchaîner. Evidemment si comme moi vous avez un cours de yoga c’est moins utile, mais si vous avez des difficultés à en trouver un ou une fâcheuse tendance à oublier les postures (SNU quand tu nous tiens), c’est toujours bon à avoir sous le coude. Ce que je trouve bien aussi dans ce livre c’est qu’il n’est pas culpabilisant et qu’il reste très pragmatique, du coup je pense qu’il peut convenir à beaucoup de femmes et pas seulement à celles qui sont vraiment dans une démarche d’accouchement très « nature » et physiologique. Du coup je pense qu’il peut faire un cadeau apprécié à une amie enceinte, même si on n’est pas tout à fait dans la même approche.

Evidemment, ce livre a aussi quelques aspects qui peuvent être irritants. Il est écrit surtout sous forme de dialogue entre la femme et le « professeur » (mais moins particulier que le style Leboyer quand même…), ce qui peut faire bizarre. Il y a quelques suggestions et conseils un peu étranges (du style remplacer son sac à main par une valisette qu’on pourra utiliser comme repose-pied ; je peux vous dire que le premier qui tente de remplacer mon Twenty par une valisette il se prend le Twenty en question et son énorme aimant dans sa face*), mais après tout rien n’empêche de piocher ce qui nous convient et d’ignorer le reste. Le livre date de 1997 (il est à sa septième édition) mais ses photos ont un furieux goût de 80’s-début des 90’s, on se croirait chez Véronique et Davina… Notez qu’il n’est pas obligatoire de revêtir la même tenue ou de se faire un brushing assorti pour que les postures soient efficaces. L’allaitement n’est pas trop mal traité mais ça ne vaut pas un vrai livre sur le sujet comme le grand classique de Marie Thirion, ou mieux encore la possibilité d’avoir une personne référente de confiance (sage-femme, consultante en lactation, animatrice d’association…) dès la naissance du bébé pour aider à résoudre ses problèmes avec des solutions adaptées. Ce n’est pas la même chose de voir une photo d’une position d’allaitement ou d’avoir quelqu’un qui vient chez vous vous montrer comment la réaliser avec vos fauteuils, vos coussins et votre bébé. Enfin il faut avoir un minimum envie d’essayer les postures et les étirements, il semble peu probable qu’une approche donnée puisse convenir à tout le monde.

En conclusion je dirais que dans la myriade des guides de grossesse c’est plutôt un bel investissement, à offrir, se faire offrir, prêter ou emprunter. A mon avis bien plus utile que le Pernoud en tout cas (et moins cher si j’en crois les tarifs Amazon).

*par contre je suis tout à fait ouverte si on cherche à le remplacer par un Birkin par exemple…

Mère indigne, mode d’emploi

jeudi, novembre 12th, 2009

mere_indigne_boulay Ce livre d’Anne Boulay m’a été offert par le Coq pendant la grossesse du Poussin. A l’époque, bienheureuse primipare, je l’avais lu d’une traite dans mon bain du samedi matin (maintenant impossible de prendre un bain tranquille avec l’autre zouave). J’ai rapidement été prise de sueurs froides. Je l’ai relu pendant cette grossesse, c’est beaucoup plus drôle. Surfant sur la mode actuelle de la mère pas vraiment parfaite, le livre aligne un par un tous les pires aspects de la maternité, de la grossesse jusqu’aux premiers mois du bébé. Partant du principe que les côtés positifs ont été surreprésentés ailleurs, ils ne le sont à peu près pas du tout dans le livre. C’est un peu le côté obscur de Laurence Pernoud. Mais avec un style beaucoup plus savoureux et quelques comparaisons assez bien trouvées. Une de mes préférées :

Endroit improbable servant de décor à une scène primordiale de l’intrigue, la salle de travail est un compromis historique entre l’usine d’emballage de poulets de Loué, la boîte de nuit du littoral varois et la cérémonie de remise des Hots d’or. Ce qui donne à cette salle en carrelage blanc un aspect filière avicole c’est l’uniforme : tout le monde porte des sabots de décontamination, une grande blouse et un bonnet de douche en non-tissé. […] Abstraction faite du cadre, c’est le son de la salle de travail qui frappe : on est à deux doigts de la 205 GTI pneus 16 pouces customisée tuning tellement le sound system crache du BPM. La salle d’accouchement est-elle un terrain idéal pour un futur Teknival ? Presque, tant les deux appareils de mesure qui enregistrent le cœur du bébé et son taux d’oxygénation émettent des « boum boum » tout à fait technoïdes. […]

La rencontre entre la grippe aviaire et le milieu de la night n’aurait aucun sens s’il n’y avait pas une histoire de poule au beau milieu. Et quelle poule : l’accouchement est une sorte de trip exhibitionniste assez interminable où un nouvel inconnu portant un bonnet de douche vient toutes les cinq minutes compter le nombre de doigts qu’il arrive à introduire. Cette longue séance de jambes écartées  débouche parfois sur une jolie consécration : certaines parturientes sont alors déclarées « césarisables ».

Vous l’aurez compris : malgré le « mode d’emploi » du titre, ce livre n’est PAS un guide de recommandations pratiques autour de la grossesse, de l’accouchement et du nouveau-né. C’est plutôt une franche partie de rigolade, même si je le recommanderais plutôt à la multipare qui en a vu d’autres qu’à la primipare angoissée (ne pas offrir à une tokophobe…).

Comment ne pas être une mère parfaite

lundi, octobre 12th, 2009

purves Depuis le temps que Ficelle et Béatrice m’en faisaient l’apologie, quand j’ai vu passer Comment ne pas être une mère parfaite de Libby Purves dans les livres prêtés par ma prof de yoga prénatal je me suis jetée dessus comme la vérole sur le bas-clergé*. Portant sur la période allant de la grossesse aux trois ans de l’enfant, ce livre se veut une sorte d’anti-Laurence Pernoud (sauf que l’auteure étant anglaise n’est sans doute pas familière avec feue notre Laurence nationale). Ecrit dans un style assez pétillant il se lit vite et avec plaisir (et la traduction est assez bonne, avec des références au goût du jour -au moins pour la nouvelle version 2004, l’originale datant de 1986- et généralement francisées quand nécessaire). Mère de deux enfants, l’auteure alterne entre des anecdotes personnelles et des trucs et astuces incluant des idées proposées par d’autres parents qu’elle a sondés pour l’écriture du livre. Globalement ce sont plutôt des conseils de bon sens déculpabilisants, pragmatiques et sans dogmatisme forcené : la présentation générale étant « voilà quelques propositions, piochez ce qui peut vous convenir et laissez le reste », évidemment je ne peux pas dénigrer une telle vision des choses quand c’est ce que j’essaie autant que possible de mettre en œuvre dans ces colonnes.

Je ne résiste pas au plaisir de vous mettre quelques citations décrivant certains phénomènes de façon particulièrement savoureuse :

  • Le complexe de la cousine Elisabeth : c’est chez la femme enceinte un « besoin irrépressible d’aller voir d’autres femmes enceintes et de comparer ses impressions ».
  • « Les parents se comportent tous un peu comme ces gens qui, à leur retour de week-end, déclarent qu’ils n’ont pas eu une goutte de pluie alors qu’en réalité il a plu des cordes pendant deux jours. Tout cela signifie que […] la visite d’une amie accompagnée d’un bébé un peu plus grand (ou un peu différent) peut vous faire douter de vos capacités. »
  • Pour se préparer au terrible two : « Je conseillerais à tous les parents de suivre des stages intensifs qui les prépareraient à affronter ces créatures versatiles. […] Si vous pouviez vous arranger pour devenir l’imprésario d’un groupe punk pendant quelques années, je crois que vous auriez compris l’essentiel. Tout ce qui vous permet de cotoyer des gens délirants sans perdre votre calme vous sera utile. »
  • « Les parents qui ont deux enfants ou plus ont une chose en commun : ils sont exaspérés par les plaintes et les inquiétudes de ceux qui n’en ont qu’un. C’est comparable au mépris que ressent une jeune accouchée devant l’idéalisme à tout crin d’une amie qui attend son premier bébé. »

Ceci étant dit il y a aussi des passages ou des choses que j’ai moins aimés. La plus sournoise pour un livre se voulant déculpabilisant est l’aptitude de l’auteure à parler de sa super carrière (elle est journaliste) parfaitement conciliée avec sa vie de famille comme si c’était à la portée de tout un chacun. Expliquer que descendre le Mississipi à sept mois de grossesse lui a permis de faire disparaître tous ses symptômes désagréables (jusqu’au retour…), ou comment passer en direct à la radio est excellent pour les nausées de grossesse, certes, mais ça ne me semble pas très pertinent pour la majorité des femmes. Je suis d’accord qu’il n’est pas forcément utile de passer sa grossesse à se regarder le nombril** mais on a aussi le droit d’être une grosse loque avachie sur le canapé. Personnellement j’ai trouvé sa façon de parler de l’allaitement (qu’elle défend) assez sympa et décomplexée, mais l’expérience de ce blog notamment m’a montré que s’il y avait un sujet dont la seule évocation tirait d’emblée sur la corde à culpabilité c’est bien celui-là. Je peux donc volontiers imaginer que ces passages mettent certaines lectrices mal à l’aise, même si on est loin de certains discours moralistes. Elle a parfois aussi un avis un peu à l’emporte-pièce sur certains points, comme l’accouchement à domicile (selon elle réservé aux brebis mais elle avoue ne pas être très objective sur le sujet). Quant aux trucs et astuces qu’elle donne, je n’ai pas encore eu l’occasion d’en tester (autres que ceux que je ne connaissais pas déjà…) ; c’est clair qu’il y a à prendre et à laisser mais elle le dit elle-même.

En bref, je dirais que comme le livre existe en poche, c’est un cadeau sympa à faire ou à se faire, pendant la grossesse ou après.

* Le Coq prétend que je suis la seule à utiliser cette expression un peu désuète mais je l’aime bien.

**L’autre jour une femme du yoga qui m’a expliqué avoir demandé -et obtenu- d’être arrêtée à trois mois pour « profiter de sa grossesse » : je suis la seule à halluciner un peu ? D’un autre côté n’envisageant pas de faire l’impasse sur le congé patho alors que ma grossesse n’est justement pas pathologique je passe sans doute pour une grosse flemmasse par rapport à d’autres…

Cette lumière d’où vient l’enfant

mardi, septembre 15th, 2009

Encore un livre de Frédérick Leboyer, celui-là surtout destiné aux femmes enceintes (publié en 1977). Pratiquant assidu du yoga, et notamment auprès du célèbre maître BKS Iyengar (celui-ci a préfacé le livre, se présentant comme un simple étudiant en yoga…), il accourt en Inde avec son appareil photo lorsqu’il apprend que Vanita, la fille d’Iyengar, est enceinte. Le livre nous montre donc l’enchaînement de postures (« asanas » pour les connaisseurs) que celle-ci accomplit chaque jour, avec photos et textes explicatifs. Voilà une image de la femme enceinte qui nous change un peu de celle que nous avons habituellement dans les médias : Vanita est au naturel, vêtue d’une chemise et d’un short à faire hurler Karl, sans brushing, sans maquillage, sans photoshoppage de ses rondeurs de femme enceinte (elle est à quelques jours de l’accouchement). Pour autant elle garde un haut potentiel pour complexer le gros bidon lambda : quelle présence, quelle puissance, quelle maîtrise ! La première posture montrée est appelée sirsasana, je vous mets une petite photo (non tirée du livre mais de ce site) :

08a-Sirsasana-A

Oui, cette femme enceinte de presque neuf mois fait cette posture. Vous voyez ce que je veux dire par complexes ? (rappelons-nous qu’elle a probablement commencé le yoga avant de marcher et qu’elle a du pratiquer tous les jours depuis…)

Après la description des postures suivent quelques réflexions de l’auteur autour de la grossesse et de l’accouchement, ainsi que de la pratique du yoga. Là encore, il est très engagé et à fond dans ses convictions, et personnellement je n’adhère pas à tout ce qui y est dit (quelques lignes expliquant que les nausées sont psychosomatiques par exemple…). Il y a aussi un passage sur la peur de l’accouchement assez intéressant, d’ailleurs j’espère faire d’ici fin 2009 un de ces jours un billet à part entière sur ce sujet.

Alors que faire de ce livre ? Deux cas de figure à mon avis :

  • Soit vous n’avez jamais fait de yoga et c’est un beau livre à feuilleter (surtout si vous pouvez vous le faire prêter), pour peut-être (re)prendre confiance dans son corps de femme. Cela peut d’ailleurs vous donner envie de vous y mettre, mais dans ce cas mieux vaut vraiment trouver un cours (il en existe des spécifiques aux femmes enceintes, et personne n’y fait sirsasana).
  • Soit vous êtes une pratiquante chevronnée, vous connaissez déjà la plupart des postures, et cela peut vous donner des idées pour pratiquer enceinte : quelles postures faire, quels aménagements éventuels mettre en œuvre. Ce qui n’empêche pas bien sûr d’apprécier en prime de se plonger dans un beau livre.

En ce qui me concerne, étant intermédiaire entre les deux propositions, je vais peut-être tester quelques postures proches de ce que j’ai déjà fait, mais avec prudence (et pas le fameux sirsasana, désolée si je vous déçois). Je trouve notamment que le texte manque un peu d’explications sur la sortie des postures (ou comment revenir dans une position normale), qui est extrêmement importante pour en conserver les bienfaits (et éviter de finir avec un nœud dans la colonne vertébrale…).

Enfin je n’ai pas non plus fait tout le tour des popotes, mais il semblerait que ce livre soit épuisé : restent les bibliothèques et les occasions (moi je l’ai piqué à ma grand-mère).

A lire aussi : Pour une naissance sans violence

Frédérick Leboyer

mercredi, septembre 2nd, 2009

z-flb Connaissez-vous Frédérick Leboyer ? Si vous êtes né(e) à la fin des années 70 ou plus tard, vous avez peut-être bénéficié de ses propositions. Cet obstétricien français (né en 1918) a publié en 1974 le best-seller Pour une naissance sans violence, qui a jeté un gros pavé dans la mare de l’obstétrique française. Il a été un des premiers à réfléchir à la naissance du point de vue de l’enfant et à demander un accueil plus doux du nouveau-né, l’époque n’étant pas très tendre avec eux. Véritable OVNI dans la bibliographie autour de la parentalité, surtout à une époque trustée par Laurence Pernoud, il écrit dans un style très simple et poétique, illustré de nombreuses photos qu’il prend lui-même. Il a par ailleurs mené une recherche spirituelle exigeante, notamment lors de voyages en Inde, ceux-ci inspirant largement certains de ses ouvrages. N’allez pas croire pour autant qu’il s’agit d’un doux rêveur, la licence poétique lui permettant d’exprimer avec force les convictions assez radicales de son engagement. Bref pas vraiment le gynéco typique, même si sa réputation médicale, tant sur le plan technique qu’humain était excellente.

Il a publié plusieurs ouvrages, et notamment (si on en croit Wikipedia, mais en cherchant un peu j’en ai trouvé d’autres) :

  • 1975 – Pour une naissance sans violence
  • 1976 – Shantala – Un art traditionnel – Le massage des enfants
  • 1979 – Cette lumière d’où vient l’enfant
  • 1982 – Le sacre de la naissance

J’ai lu le premier et le troisième, et je consacrerai à chacun un article. Ils restent encore tout à fait d’actualité, et peuvent à mon avis constituer un cadeau original pour des futurs parents (si tant est que ceux-ci soient un minimum branchés parentalité alternative/spiritualité). Shantala a été depuis réédité avec un DVD et permet de s’initier à l’art indien du massage des nouveaux-nés, que je n’ai pas moi-même testé (sauf quand j’étais bébé…) mais qui a très bonne réputation. Je ne sais pas grand chose sur Le sacre de la naissance, si ce n’est qu’apparemment il existe aussi sous forme de film (réalisé par Leboyer himself).

(Photo : Natural pregnancy mentor)

Au coeur des émotions de l’enfant

lundi, novembre 17th, 2008

La bibliothèque de mon quartier n’est pas très bien achalandée, donc quand j’ai vu qu’ils avaient Au coeur des émotions de l’enfant d’Isabelle Filliozat, j’ai sauté sur l’occasion. Il faut dire que ce livre a très bonne presse auprès des tenants de l’éducation non violente (dont je suis).

Quelques mots sur l’auteur d’abord : psychologue et psychothérapeute, Isabelle Filliozat est aussi mère de deux enfants. Elle a écrit un certain nombre de bouquins, et anime régulièrement conférences et formations. Elle exerce du côté d’Aix-en-Provence. Pour en savoir plus, voir son site web et notamment sa présentation.

Le livre est globalement facile et agréable à lire (beaucoup d’exemples), et les idées qui y sont développées tout à fait dans la lignée de mes lectures précédentes. En vrac :

– Les enfants sont de véritables buvards à émotions qui ont une forte tendance à prendre pour eux les problèmes et peurs de leurs parents, ce qui les conduit à des comportements bizarres et souvent inadéquats, voire franchement pénibles. La solution étant que le parent prenne conscience de son problème et en parle à l’enfant pour l’en délester.

– Si on ne répond pas aux besoins d’un enfant, il en déduit que c’est lui qui est indigne qu’on s’occupe de lui, plutôt que d’attribuer la responsabilité de son malheur à ses parents (ou à ceux qui s’occupent de lui). L’auteur fait bien sûr le distingo entre les besoins, physiques (nourriture, hygiène…) et moraux (réconfort…), et les désirs (bonbons, jouets…).

– La colère est une émotion saine qu’il convient d’exprimer (et d’accompagner chez l’enfant). Ce qui pose problème est différent : ce sont la violence et l’agressivité qui peuvent découler d’une colère mal gérée.

Je ne peux pas vous en dire plus car le Poussin s’est pris d’amour pour le livre et ne veut plus le lâcher.

Globalement un livre intéressant et agréable à lire, même si l’omniprésence d’exemples un peu psychomagiques, où l’enfant passe sans transition de petit démon à petit ange juste parce que maman lui a dit qu’elle était stressée parce que ses Manolo Blahnik lui font mal aux pieds (désolée j’ai regardé Sex and the City hier), peut parfois être un peu irritant. Bon je suis un peu de mauvaise foi (mais c’est ce qui fait mon charme… non ?), d’autant plus que l’auteur rappelle que le psy n’est pas la réponse à tout. En fait le vrai problème de ce livre c’est de l’avoir lu après Gordon Neufeld et Thomas Gordon. Parce que globalement ça ne m’a pas apporté grand chose de plus, et que j’ai trouvé la théorie de Neufeld beaucoup plus fouillée et riche, et les conseils de Gordon plus pragmatiques et mieux expliqués.

En bref j’ai trouvé ce livre intéressant, mais pas indispensable. Du coup j’hésite à me mettre en chasse du Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent de Adele Faber et Elaine Mazlish, qui est apparemment difficile à trouver. Quelqu’un l’a lu  ? ça vaut le coup ?

Dépôt vente

jeudi, avril 10th, 2008

livre_massin Aujourd’hui un livre qui s’adresse à tous les parents et futurs parents : Vous qui donnez la vie, un autre regard sur la grossesse de Christophe Massin. Dans cet ouvrage, pas de recommandations sur le nombre de carrés de chocolat autorisés à la femme enceinte, la quantité de vêtements taille 1 mois à acheter ou encore à quel âge commencer les navets. Il s’agit plutôt de comprendre les processus psychiques et psychologiques à l’œuvre chez les parents et futurs parents depuis la conception jusqu’aux premiers jours de l’enfant. Rassurez-vous ça n’est pas le style : 

– « Docteur, je ne me reconnais plus, j’ai envoyé une assiette à la figure de mon chéri/pleuré devant une pub. »

– « Allons allons ma brave dame, c’est les hormones ». 

Pas non plus le genre « faites ci, faites ça, comme ça, et pas comme ça », mais plutôt des pistes, des idées à explorer et à s’approprier (ou pas) si elles vous parlent.

A partir de son expérience de psychiatre-psychothérapeute et de nombreux témoignages de parents, l’auteur aborde des sujets aussi variés que le désir d’enfant, l’interruption de grossesse (volontaire ou médicale), le rôle de l’équipe médicale pendant la grossesse puis à la naissance, ou encore la place du père. Le livre s’articule ainsi en trois grandes parties : Le choix de la vie, La vie entre les mains de la science, et Père, mère et enfant. Il est à recommander à tous ceux qui veulent prendre un peu de recul sur leur rôle de parent et faire la part des choses dans les émotions fortes et parfois contradictoires qui accompagnent ces moments. Je pense que sa lecture peut aussi aider les personnes qui d’une façon ou d’une autre ont mal vécu certaines choses autour de la grossesse, surtout si elles leur restent encore en travers de la gorge.

Vous êtes conquis ? Mauvaise nouvelle, ce livre a été retiré par l’éditeur. On en trouve encore chez Fnac et Amazon. Et je connais bien l’auteur à qui il en reste un stock. Vous pouvez donc par l’intermédiaire de ce site l’acheter au prix de 20 € (port compris pour la France métropolitaine). Et si vous avez l’esprit midinette, vous pouvez avoir pour le même prix une dédicace de l’auteur. Pour plus de détails, m’envoyer un mail : lapoulepondeuse @ gmail.com (il faut enlever les espaces bien sûr)

Coup de coeur

mercredi, mars 5th, 2008

corazza Si vous voulez lire quelque chose sur la maternité de drôle, très réaliste et pas gnangnan pour deux sous, mettez vite la main sur Je veux un bébé ! (moi non plus !) et Faites des gosses (qu’ils disaient !) de Lynda Corazza. Elle y raconte tout, sans mettre de gants mais sans en rajouter non plus. Pas besoin, le comique de situation est parfaitement mis en valeur par les dessins. Si vous êtes déjà passé(e) par la case bébé, ça vous rappellera de bons souvenirs (et aussi l’occasion d’une bonne tranche de rigolade). Si vous êtes en plein dedans, vous allez peut-être flipper un peu entre deux fous rires (ou rire un peu jaune), n’oubliez pas qu’il y a aussi plein de bons moments (mais c’est moins rigolo à dessiner j’imagine). Et ça doit avoir aussi une portée « universelle » puisqu’une de mes amies pas du tout dans le trip bébé gloussait toute seule sur le deuxième l’autre jour.

En bref, vous vous reconnaîtrez probablement bien mieux que chez Laurence Pertier ou Edwige Annoud. En prime, l’auteur a un blog (déjà référencé dans le blogroll à gauche) où vous trouverez régulièrement un dessin inédit et surtout des liens pour acheter les bouquins (voyez aussi la jolie bannière à gauche). A offrir, s’offrir, se faire offrir de toute urgence.