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IVG : la tête ou le coeur – le témoignage de Leila

lundi, mars 4th, 2013

Un nouveau témoignage d’IVG aujourd’hui avec Leila, que je remercie beaucoup de venir partager avec nous. Si vous aussi vous souhaitez raconter votre histoire d’IVG ou de fausse-couche, il suffit de me l’envoyer à lapoulepondeuse at gmail point com. Si vous vous trouvez dans une situation de grossesse non désirée, un billet d’information est disponible ici (c’est aussi sous ce billet que je vous demande de commenter si vous voulez discuter autour de l’IVG, les commentaires du témoignage étant réservés à celui-ci). 

 Bruxelles, janvier 2013. Je me sens mal. Très mal. Je n’arrive plus à dormir. Ma tension est très basse. Je suis épuisée. J’ai mal au ventre, des nausées. Je pleure beaucoup. Je dois m’absenter au travail, le temps de comprendre ce qui se passe dans mon corps. J’imagine le pire. Après quelques jours, maman me propose de faire un test de grossesse. C’est impossible, je suis sous stérilet. Je le fais quand même.

Positif.

Je ne me sens pas enceinte, je n’ai pas pu connecter avec l’embryon. Je suis malade. Je sens que je n’y arriverai pas. J’ai déjà deux enfants, de 4 et 6 ans. J’ai 39 ans, mon mari 44. Maman, notre unique soutien, a 68 ans. Cette fois-ci, ni mon mari ni ma maman n’ont l’énergie nécessaire pour m’entourer. Moi aussi je suis fatiguée : déjà deux amours à gérer, un travail aux horaires fatigants.

Je suis de plus en plus mal. Ma tête tourne : que se passera-t-il si je n’ai pas la force physique  de mener cette grossesse à terme ? Pour moi mais
aussi pour le futur bébé ? Que se passera-t-il s’il y a un problème (risques plus élevés à cet âge quand même ; j’avais bu un peu et pris
quelques médicaments, ne me sachant pas enceinte), pour moi ou pour lui ? Que se passera-t-il pour mes deux amours, déjà là et bien réels ?
J’ai peur, très peur. Je panique. Quelle sera notre vie avec trois enfants ? Je n’y arriverai pas. Je ne saurai pas gérer cela. Comment pouvoir leur payer des études, leur accorder assez de temps dans toutes les étapes que la vie réserve ?
J’ai peur, il faut se décider, le délai pour l’IVG approche.

Je me décide, c’est la moins mauvaise solution, je me sens mal, je pleure, je pleure, je pleure beaucoup. Je n’ai pas de réel choix. La veille, j’avais rediscuté avec ma mère et mon mari. Aucun d’eux ne m’a poussée à le garder. Je ne leur en veux pas, ils sont fatigués eux aussi.
Le jour de l’intervention (8 semaines et 5 jours d’aménorrhée), je verse toutes les larmes de mon corps. Je suis prise d’une tristesse infinie.
L’embryon n’a pas souffert. Moi tellement ! Inconsciemment, j’aurais voulu le garder, j’aurais voulu être plus jeune, avoir plus d’entourage, pouvoir assurer à tous mes enfants un avenir digne et leur offrir une mère détendue…

Aujourd’hui, environ un mois après l’intervention, je suis encore infiniment triste quand j’y repense, c’est-à-dire à peu près à chaque
minute. Je ne sais pas quel autre chemin ma vie aurait pu prendre. Mais je sais que l’IVG peut nous arriver à toutes. Que c’est une épreuve extrêmement douloureuse et éprouvante psychologiquement (en tout cas pour moi ce fut le cas).
Et que, parfois, on ne peut parler de réel choix. Car le vie nous rattrape. Accueillir un bébé, ce n’est pas seulement l’aimer ni lui changer ses couches. C’est aussi se sentir assez solide pour pouvoir répondre à tous ses autres besoins, et ce toute sa vie durant.

La tête a parlé.
Pour le cœur, c’est autre chose…

Photo : Doug88888 sur Flickr

Mon IVG en conscience : le témoignage de Koa

mardi, janvier 8th, 2013

 Aujourd’hui, c’est Koa, une fidèle lectrice et commentatrice de la basse-cour qui a souhaité partager le récit de son IVG. Un grand merci à elle pour sa confiance (et sa patience, oups…). Si vous aussi vous souhaitez publier ici votre témoignage (anonymat garanti), je vous propose de me l’envoyer à lapoulepondeuse at gmail point com. Pour plus d’informations sur les grossesses non désirées, voir ce billet.

Mon histoire est différente de celle de Nanette, mais j’ai envie de la raconter pour les mêmes raisons : j’ai envie qu’on parle d’IVG, que celles qui sont en train de prendre cette décision savent qu’elles ne sont pas seules, et faire entendre un autre son de cloche que celui qui est habituellement proposé. A ce moment-là, j’ai une petite fille adorable de 19 mois. Je l’ai maternée et l’accompagne avec tout mon coeur, toute mon énergie, et je suis fatiguée. J’ai adoré ma grossesse et je rêve d’en revivre une. Mais pas là, pas maintenant, alors que je dois reprendre le travail sous peu (et mon salaire fait bouillir la marmite familiale) et que mon corps est encore fatigué de cet accompagnement intense. Alors quand je découvre cette nouvelle grossesse, c’est un immense NON qui jaillit de moi. Non, je ne suis pas prête, non, je ne veux pas. Mon compagnon est sur la même longueur d’onde, pour autant, avant de lâcher, j’ai besoin qu’il accepte cet enfant. J’insiste jusqu’à ce qu’il dise qu’après tout, c’est en moi, c’est à moi de décider, qu’il acceptera même si ce n’est pas son souhait. Au moment où il accepte la possibilité de cet enfant, mon NON est clair et sans failles. NON. Je me dirige vers l’avortement.

Je suis en pleine campagne, à des heures de voiture de la ville. J’appelle une amie médecin qui me fait les papiers nécessaires, attestant qu’on a parlé et que je commence un délai de réflexion. Je prends des tisanes de sauge en espérant vaguement qu’elles aient un effet magique. Je fais une séance d’acupuncture en espérant que ça résolve le problème. Et puis dès mon retour en ville, je contacte l’hôpital. Le jour du rendez-vous, je me transforme en victime pour attendrir les sages-femmes et négocier la présence de mon compagnon avec moi. J’ai besoin de lui, mais les enfants ne sont pas admis dans le service et personne n’a pu garder ma fille en cette période de fête. Mes amies ont rejoint leur famille, je suis loin de la mienne. Tout le monde est beaucoup plus avenant que lorsque je négociais mon projet de naissance dans ce même hôpital… Mon compagnon peut m’accompagner. Je refuse l’examen gynécologique que je trouve inutile en la circonstance. Le médecin qui me reçoit est très compréhensif et n’insiste pas. Il m’apprend que, puisque je suis dans les délais pour une IVG médicamenteuse et que c’est mon souhait, j’aurais pu faire ça en ville, sans être hospitalisée. Pas d’hospitalisation ? Chez moi ? C’est CA que je veux ! Oui, mais une fois la procédure entamée à l’hôpital, elle doit se dérouler à l’hôpital… Je mets toute mon énergie à sortir du parcours hospitalier et ça marche.

Je suis reçue le soir même dans le cabinet de ville de ce même médecin. Ouf ! Je prends les médicaments seule, le soir, devant la flamme d’une bougie, en pensant à ce bébé qui ne naitra pas. Je suis en paix avec ma décision, je suis sereine, je lui envoie de l’amour. Quelque part, j’ai été heureuse d’être enceinte pendant 4 semaines… Ca paraît ambigu, mais en moi, c’est clair : je ne veux pas ce bébé, je fais ce qu’il faut, mais être enceinte a un petit côté magique et même en sachant que je ne poursuivrais pas cette grossesse, je l’ai ressenti et savouré. Deux jours plus tard, je prends les médicaments qui déclenchent les contractions. J’ai installé un grand drap par terre et je dessine en attendant que le processus s’enclenche. Mes dessins sont plein d’étoiles et de couleur. D’un seul coup, une première contraction, une deuxième… Mon corps se souvient qu’il a déjà poussé de toutes ses forces. Je retrouve les sensations de mon accouchement, c’est bizarre. Je prends des douches chaudes à intervalles réguliers pour me soulager. Comme pour mon accouchement, je sens que les sensations pourraient être qualifiées de « douloureuses » mais ce qui me vient, c’est surtout « intense », et « suprenant » car je ne m’attendais pas à une telle force pour expulser un si petit corps… Au bout d’un long moment, tout s’arrête. Sur le drap, du sang, du sang, encore du sang et ce que j’identifie comme l’embryon. Pendant que je suis une dernière fois sous la douche, mon compagnon plie le drap et y dessine un coeur.

Nous irons l’enterrer en forêt, sous le soleil et la neige, toujours guidés par l’amour pour ce bébé que nous avons choisi de ne pas accueillir. Une quinzaine de jours après, je vais effectuler l’échographie de contrôle. Le médecin me signale des « restes » et explique : « Soit vous l’expulsez avec vos prochaines règles, soit il faudra une petite opération, par les voies naturelles, pour l’enlever ». Je me retiens de crier « QUELLES voies naturelles ? Il y a des voies naturelles pour accoucher, pas pour y introduire un objet médical ! ». A la place, je lui ai demande s’il pense que l’acupuncture pourrait m’aider. Je revois l’air condescendant qui accompagnait son « Non » catégorique. En sortant, je prends quand même rendez-vous chez le praticien en médecine chinoise qui me suivait pour aider mon organisme à drainer les drogues (les restes de médicaments) et à retrouver de l’énergie. Je lui explique la situation. Il m’écoute attentivement, pose quelque aiguilles d’acupuncture… et au moment de me relever, je saigne abondamment. Je n’ai bien sûr rien prévu et je dois filer aux toilettes… La quasi totalité du rouleau de papier finit dans ma culotte mais j’ai un grand sourire. Quelques temps plus tard, l’écho suivante montrera que tout est revenu à la normale. Je suis très soulagée. L’histoire est finie.

Ce qu’il me reste de cette expérience, c’est que je suis heureuse d’avoir pu vivre les choses à ma façon, d’avoir évité, par deux fois, l’hôpital. Je suis heureuse d’avoir pu ressentir l’amour sans me l’interdire parce que « avorter, c’est mal, c’est le contraire de l’amour ». J’ai fait ce qu’il fallait pour ma vie, pour ma famille, à ma façon, en me respectant tout au long du processus. En cela, cette IVG m’aura permis de prendre confiance en moi, de me sentir maitresse de ce qui m’arrive. J’y ai gagné de la force et le souvenir du passage, très court et très particulier, de ce bébé.

Photo : Hembo Pagi sur Flickr

Quand la grossesse n’est pas désirée : que faire ?

mardi, novembre 27th, 2012
 Après le touchant témoignage de Nanette, je vous propose de faire le point sur la situation des grossesses non désirées et des alternatives disponibles pour les femmes.
Malgré l’arsenal contraceptif disponible pour les couples occidentaux, les grossesses non souhaitées restent une réalité. Mauvaise information sur la contraception et la fertilité, méthode de contraception inadéquate et/ou mal appliquée (comme le dit l’INPES, la meilleure contraception c’est celle qu’on choisit -pas celle que le gynéco a l’habitude de prescrire…), ou tout simplement malchance (aucune contraception n’est fiable à 100%) sont autant de raisons pouvant expliquer la relative stabilité des interruptions volontaires de grossesse (IVG) au cours des années (un peu plus de 200 000 par an en France, à mettre en regard des 800 000 naissances). Bien sûr, toutes les grossesses non plannifiées ne conduisent pas à un avortement ; certaines femmes (en couple ou seules) choisissent de garder l’enfant, d’autres encore mènent la grossesse à terme mais abandonnent l’enfant à la naissance (ainsi l’accouchement sous X concernait 680 femmes en 2009 d’après l’INED).Il peut sembler paradoxal de parler de grossesse non désirée dans un blog pour parents, mais comment passer sous silence un acte qui concernerait jusqu’à 40% des femmes françaises ?

Quelles options ?

Concrètement, différentes options s’offrent aux femmes qui ne souhaitent pas poursuivre une grossesse, en fonction notamment du terme auquel elles se trouvent.
  • Echec avéré ou soupçonné de la contraception : oubli d’un comprimé de pilule quelques jours avant ou après un rapport sexuel, déchirure du préservatif, perte du DIU (dispositif intra utérin, nom officiel du stérilet)… ou tout simplement rapport non protégé. Un simple passage à la pharmacie permet de se procurer la “pilule du lendemain” (appelée “plan B” par les Anglo-saxons) sans ordonnance. Plus elle est prise proche du rapport supposé fécondant, plus elle est efficace : il n’est donc pas idiot d’en avoir une d’avance dans sa trousse à pharmacie. Des explications détaillées sur la contraception d’urgence sont disponibles ici. Une option moins connue est la pose d’un DIU au cuivre, qui est pourtant la méthode la plus efficace, et qui a l’avantage d’être également une des méthodes les plus fiables hors de ce contexte d’urgence. Le DIU peut être posé par un médecin (généraliste ou gynéco) ou une sage-femme (même si elles sont loin d’être toutes formées à cela), y compris chez une jeune fille, une femme n’ayant jamais eu d’enfant ou une mère allaitante n’ayant pas encore eu son retour de couches. Rappelons également qu’hors cette utilisation d’urgence le DIU au cuivre a une action spermicide et qu’il n’est donc pas abortif ; quant à son cousin aux hormones il bloque l’ovulation. Dans tous les cas, que ce soit par l’absence d’ovule ou par l’absence de spermatozoïde, il n’y a généralement pas de fécondation.
  • Quand la grossesse est avérée (soit à partir de 2 semaines de grossesse SG = 4 semaines d’aménorrhée SA) : il faut passer par une IVG. En France, c’est possible jusqu’à 14 SA. Les mineures peuvent être dispensées de l’autorisation parentale si elles sont accompagnées par une personne majeure, qui a la charge de les soutenir pendant toute la procédure. En pratique, la femme doit passer par deux consultations médicales, espacées d’au moins sept jours (délai pouvant être raccourci si on est proche des 14 SA). Entre les deux est proposé un entretien dit psycho-social, qui est obligatoire pour les mineures.

Deux techniques d’IVG sont possibles :

  • la méthode instrumentale dite “chirurgicale” qui doit être pratiquée en milieu hospitalier, sous anesthésie (locale ou générale), et qui s’accompagne généralement d’une courte hospitalisation (moins de 12 heures) : il s’agit d’une aspiration de l’embryon à travers le col de l’utérus.
  • la méthode médicale dite “médicamenteuse”, qui n’est possible que jusqu’à 7 SA mais peut être faite en ville ; concrètement la femme prend des pilules abortives et évite ainsi l’anesthésie et le geste chirurgical. Toutefois cette méthode est légèrement moins efficace et une aspiration peut s’avérer nécessaire dans un second temps en cas d’échec.

Il est regrettable de constater qu’en France les centres d’IVG sont surchargés et les délais pour obtenir une consultation s’allongent, rendant l’avortement de facto impossible dans certains cas (ainsi il peut être extrêmement difficile d’obtenir une IVG au mois d’août).

Après le délai de 14 SA, la seule option est d’obtenir une IVG dans un pays dont les délais sont supérieurs, et notamment l’Espagne (24 SA). Mais si en France l’IVG est remboursée à 80% aux assurées sociales (100% pour les mineures sans consentement parental et pour les femmes dépendant de l’aide médicale d’Etat -AME, et maintenant pour toutes), cela sera souvent plus coûteux à l’étranger.

Et après ?

Une IVG telle qu’elle est pratiquée dans les pays occidentaux par un médecin ne laisse normalement pas de séquelle physique et ne compromet pas la possibilité d’avoir ensuite des enfants (bien sûr comme toute procédure médicale celle-ci a des risques inhérents quoique faibles). Rappelons par contre que les avortements clandestins auxquels les femmes sont contraintes lorsque l’IVG est interdite s’accompagnent eux de risques avérés : infections, stérilité, voire mort de la femme. Si vous lisez l’anglais, je vous recommande ce témoignage d’une gynéco étatsunienne sur ce que peut donner un avortement clandestin dans un pays occidental. Plus généralement, on estime que 47 000 femmes meurent chaque année dans le monde des suites d’un avortement clandestin, et si vous voulez mettre des personnes derrière ce chiffre lisez ce billet de Sophie, sage-femme qui raconte son expérience humanitaire (et puis tout son blog, non mais). Et en France, avant 1975 et la loi Veil, ça se passait comme ça. L’ANAES estime qu’on est passé de 332 décès par an en 1963 à 0 à 2 actuellement. En Irlande, récemment, une jeune femme est morte faute d’avoir pu avorter.

Psychologiquement, il semble difficile de faire des généralités tant les circonstances pouvant conduire à l’avortement sont variées ; certaines font ce choix dans un contexte de pression de l’entourage (futur père, parents de la femme etc), d’autres suite à un événement traumatisant (un viol par exemple) ; et bien sûr pour beaucoup c’est la décision logique. Certaines femmes le font à contre-coeur, d’autres restent ambivalentes et pour d’autres enfin c’est une évidence. L’initiative “IVG : je vais bien, merci” recense ainsi des témoignages en ce sens. Pour autant, si l’IVG ne doit pas être présentée comme un traumatisme obligatoire (“L’institution nous oblige à pleurer”), il ne faut pas non plus en déduire qu’elle ne peut pas en être un (voir aussi cet article de G.M. Zimmermann).

On peut également déplorer un accompagnement parfois déficitaire des femmes par certains soignants, parmi lesquels persiste la vision de l’IVG comme un signe de l’irresponsabilité de la femme (incapable de prendre correctement une contraception, menant une vie à leurs yeux dissolue, privilégiant son propre plaisir à tout le reste…). En Thaïlande, où l’avortement est réservé aux cas extrêmes (viol ou risque pour la santé de la mère), les femmes qui vont consulter suite à une procédure « sauvage » qui tourne mal sont accueillies par un curetage sans anesthésie (extrêmement douloureux), voire une ablation de l’utérus, sans autre motif que de les punir. Cela peut paraître bien loin mais avant la loi Veil de telles pratiques (les curetages à vif) avaient également lieu dans les hôpitaux français, l’absence d’anesthésie n’ayant aucune justification médicale.

Appel à témoignages

Quoi qu’il en soit, les nombreuses réactions que Nanette et moi avons reçues suite à son témoignage m’ont montré que les femmes avaient un fort besoin de parole et d’échange sur ce sujet. Plus de 40 ans après le Manifeste des 343, la honte et la culpabilité sont encore trop présentes et ce n’est pas acceptable. A ma petite échelle, je vous propose donc de publier dans ces colonnes vos témoignages d’IVG. Personnellement, je trouve que ça a toute sa place sur un blog dédié à la parentalité : ce sont simplement différentes facettes d’un même sujet. Si vous souhaitez partager votre histoire, envoyez simplement un mail à lapoulepondeuse chez gmail point com. Je m’engage évidemment à protéger votre anonymat. Et désolée à l’avance pour les inévitables délais de publication dus à mon débordement chronique.

 Photo : Simone Veil à la tribune de l’Assemblée nationale en 1974. Merci.

Une histoire ordinaire : mon IVG douce-amère

jeudi, novembre 8th, 2012

Aujourd’hui, la basse-cour a l’honneur d’accueillir une invitée : je vous présente Nanette. Si vous ne la connaissez pas déjà vous pouvez suivre ses humeurs ici. Elle a souhaité partager avec nous son expérience sur un sujet à la fois banal, délicat et intime : l’interruption volontaire de grossesse. Reprenant la formule testée avec Ficelle, je vous propose de lire d’abord son témoignage puis dans un second temps de le compléter par un autre billet plus général sur la question. Si vous souhaitez discuter de la question de l’IVG , je vous demande de réserver vos commentaires pour ce second billet et de respecter les choix et les ressentis que Nanette nous expose. Je lui laisse maintenant la parole, en la remerciant très chaleureusement de nous offrir ce témoignage dont la publication me tient à coeur.

 J’ai choisi d’avorter en 2002. Il y a longtemps que j’avais envie d’en parler sur mon blog mais je n’ai jamais trouvé le bon moyen, le bon moment. J’ai toujours su que j’en parlerai un jour pourtant.
D’abord parce que je n’ai jamais caché grand-chose à mes lectrices (sauf sans doute, nos identités véritables à ma famille et à moi) et ensuite parce que selon moi, il FAUT en parler. Le plus possible. Et sans honte.
Et pourtant, moi qui ai souvent raconté le plus intime sur mon blog, je trouve que raconter cet épisode de ma vie est ce qu’il y a de plus difficile.

J’ai accouché de mon premier enfant un mois avant mes 18 ans, en mars 2000. J’étais en classe de terminale et ma grossesse que j’ai très longtemps cachée à mes parents a été assez difficile et évidemment difficilement acceptée par ma famille. J’ai eu la chance d’être beaucoup soutenue par mon père et de pouvoir poursuivre mes études et ma vie – presque – comme toutes les jeunes filles de mon âge. Pendant les deux années qui ont suivi la naissance de mon fils, je suis restée célibataire. Et puis, à la faveur de la fac, des rencontres, des sorties et entre deux allers-retours à la crèche, j’ai fini par rencontrer quelqu’un.

Tout se passait très bien… jusqu’à ce que je tombe enceinte à nouveau malgré la contraception. Je prenais depuis longtemps une pilule inadaptée. Dès que je l’ai su, à la seconde même, il n’a jamais été question que je garde ce bébé. Je me démenais depuis des mois pour pouvoir enfin vivre seule, j’allais encore à la fac et je vivais de ma bourse et des allocations. Et cette histoire, même si elle était très belle, je savais bien qu’elle ne durerait pas. J’ai néanmoins prévenu mon compagnon, qui a jugé comme moi que ce n’était ni le moment, ni les conditions pour avoir un enfant. Je n’ai pas désiré qu’il m’accompagne dans ce parcours et lui non plus. En fait, j’ai souhaité traverser tout ça seule. Je ne peux pas expliquer pourquoi aujourd’hui. Je n’ai pas eu honte, mais je n’ai pas ressenti le besoin d’être soutenue, du moins pas avant ni pendant l’intervention.

Dès lors que ma décision a été prise, je n’ai pas été triste, ni affligée. Ma sœur à qui je m’étais confiée s’est beaucoup étonnée de mon apparente « froideur ». Assez rapidement, j’ai pris rendez-vous dans le service d’orthogénie de l’hôpital Béclère. C’est un petit bâtiment séparé de l’hôpital, composé de plusieurs bureaux et aux murs bardés d’affiches sur la contraception, le droit à l’IVG, le planning familial. J’ai été reçue par une femme admirable qui y exerce encore. Très humainement, elle m’a expliqué que cet entretien était le premier du parcours que nous allions faire ensemble : j’allais devoir rencontrer un psychologue, une sage-femme puis la revoir de nouveau, elle. Elle m’a examinée et a fait une échographie pour dater la grossesse. Elle m’a posé des questions sur les raisons de cette décision et sans insister, s’est bien assurée de ma conviction.

Encore une fois, c’est soulagée que j’ai quitté son cabinet. Je suis revenue à Béclère quelques jours plus tard pour voir la psychologue à qui j’ai dû, à nouveau raconter mon histoire. J’ai moins « accroché » avec elle, donc j’ai trouvé ça assez gênant. J’ai vu la sage-femme peu de temps après. Elle m’a expliqué que vu l’âge de ma grossesse, j’avais encore « le choix » de la méthode utilisée pour procéder à mon IVG : l’avortement médicamenteux par prise de Cytotec ou la chirurgie par aspiration.
J’ai choisi les médicaments.
Malheureusement, l’hôpital n’a pas pu accéder à ma demande. A l’époque (je ne sais si c’est toujours le cas [Note de la PP : maintenant l’IVG médicamenteuse peut être faite en ville et la femme prend le traitement chez elle]), l’avortement médicamenteux se faisait en plusieurs phases : la prise du cytotec sous surveillance quelques heures, puis un nouveau rendez-vous pour vérifier l’expulsion de l’embryon.

Par manque de place disponible (et pour des soucis d’emploi du temps), je n’ai finalement pas eu le choix et nous avons fixé la date de l’intervention. J’ai décidé de ne pas être endormie, j’allaisamèrement le regretter.

Le matin de l’intervention, j’étais à l’hôpital à 8 heures. J’ai eu le droit de boire un verre d’eau. Je me suis déshabillée et j’ai enfilé la blouse de l’hôpital. On m’a donné un comprimé de cytotec destiné à ouvrir le col de l’utérus, à prendre localement donc. L’effet a été très rapide, j’ai commencé à saignotter un peu. J’ai encore attendu deux heures avant d’être emmenée dans une pièce qui n’avait rien d’un bloc opératoire. La lumière était tamisée, un petit chariot à instrument dans un coin, une grosse machine dans l’autre. A cet instant, je ne ressentais toujours rien. Physiquement, je commençais à avoir une douleur comparable à celle du début de mes règles. Moralement, tout allait très bien : je savais ce que je faisais ici et pourquoi j’étais là. J’étais très sûre de moi.

La femme médecin (qui est généraliste et pas gynécologue) que j’avais rencontrée la première fois est venue me parler et m’a expliqué en détails ce qu’elle allait faire. Une infirmière serait là pour me tenir la main. Je crois me souvenir qu’on m’a injectée un petit anesthésiant local au niveau du col. L’intervention a commencé. A l’aide d’un spéculum, le médecin a examiné mon col pour voir s’il était bien ouvert. Puis a commencé une phase assez douloureuse. Elle m’a expliqué que mon col n’était pas « dans l’axe » et qu’elle allait devoir le maintenir avec une pince. Je ne sais pas si l’anesthésique était trop léger mais j’ai eu extrêmement mal. Pendant toute la durée de son geste, elle n’a pas arrêté de me parler, l’infirmière à côté de moi me serrait la main, enfin c’est plutôt moi qui lui broyais les doigts. Je n’ai pas vu de mes yeux tout le matériel qu’elle avait installé (un spéculum donc, et cette fameuse pince), mais nous avons trouvé le moyen d’en rire : à chacun de mes gestes, j’entendais un bruit métallique !

Elle a ensuite allumé la grosse machine à côté d’elle. Avec le long tuyau qui en sortait, elle a aspiré. Là encore, j’ai eu mal. Je me rappelle très bien ce bruit d’aspiration : le bruit de la machine et le bruit de ce qu’elle aspirait. J’ai ressenti le besoin de prier, même si ce que j’étais en train de faire est complètement réprouvé par ma religion. J’ai pleuré un peu, de douleur. Ca a été très rapide. Mes jambes étaient tétanisées, je tremblais un peu et il restait dans mon corps un peu de cette intense douleur que j’ai ressenti durant ces quelques minutes.
Le médecin m’a débarrassée de tout son matériel, m’a longtemps rassurée. L’infirmière à côté de moi ne m’a pas lâché la main une seule minute. La douleur commençait à s’éloigner, c’était terminé, j’étais soulagée.

Elles ont toutes les deux fini par quitter la pièce pour me laisser seule quelques minutes. Je ne peux pas dire aujourd’hui si c’était volontaire. Mais le fait de me retrouver seule a été comme un déclencheur. J’ai regardé cette machine et j’ai réalisé qu’il y avait dedans ce bébé que je n’avais pas gardé. Je me suis sentie bizarre : j’avais toujours mal, j’étais seule dans la pièce avec cette machine. Et pour la première fois depuis des semaines, j’ai pleuré. Je ne regrettais pas ma décision mais j’avais enfin l’impression d’en comprendre l’importance : j’avais perdu quelque chose, même si c’était mon choix. De comprendre qu’on pouvait porter le deuil d’un enfant qu’on ne voulait pas. Le médecin est revenu et m’a réconfortée sans me parler, je n’en avais pas besoin et je crois qu’elle l’a compris.

Je suis allée me rhabiller à peu près calme. En enfilant mon jean, je me suis rendue compte qu’il était tellement serré qu’il me faisait mal au ventre. J’ai pleuré à nouveau. On m’a laissée en salle d’attente, une heure peut-être. Puis le médecin a contrôlé l’expulsion de l’embryon par échographie. Tout allait bien, je pouvais rentrer chez moi, avec une ordonnance d’anti-douleur.

Je n’ai eu aucune complication, mais j’ai mis du temps à m’en remettre psychologiquement. Regarder mon fils, jouer avec lui m’a été assez difficile pendant quelques jours. Quand j’ai revu le médecin, j’ai été heureuse de pouvoir en parler avec elle. Nous avions cette journée en commun, nous l’avions vécue ensemble. J’ai rarement croisé un médecin généraliste aussi… gynécologue. Des années plus tard, je l’ai revue à la télévision. J’ai su qu’elle s’était toujours battue (et se bat toujours) pour que l’IVG ne disparaisse pas de l’hôpital public. C’est une spécialité que les médecins
ne souhaitent pas apprendre.

Je ne repense que rarement à cette journée. Quand mon deuxième enfant, ma fille, est née, j’y ai pensé. Sans nostalgie, sans peine, mais j’y ai pensé. Il y a quelques mois, j’ai visité une maternité dite « de pointe ». J’ai tenu à visiter le service d’orthogénie (ridiculement petit par rapport au reste de l’établissement). J’ai été heureuse de constater que des médecins se battaient toujours pour le droit des femmes.

Difficile de conclure un pareil billet… Il est rare de lire ce genre de choses sur les blogs de mamans, alors si j’ai pu libérer, déculpabiliser une personne ou si quelqu’un s’est reconnu dans mes mots –maux), j’en serais heureuse.

En tout cas, à moi ça m’a fait du bien.

P.S : Je remercie la Poule Pondeuse de m’avoir prêté un petit bout de son canapé pour que je puisse m’y épancher. Chez moi, je ne me sentais pas très à l’aise. Merci à toi.

Image : difficile d’illustrer un tel billet alors j’ai choisi cette fleur, la douce-amère (source Flickr). 

Le deuil périnatal

mercredi, janvier 28th, 2009

Aujourd’hui un article très bref pour vous signaler deux très belles initiatives autour du deuil périnatal, une question qui sort peu à peu du tabou où elle était confinée. Pas pour faire flipper les futurs parents (si vous êtes enceinte, réfléchissez à deux fois avant de cliquer), mais pour en finir avec les « Ce n’était qu’un tas de cellules », « Tu en auras un autre » et autres « C’est mieux comme ça ».

Claire/Jellylorum, du blog Au temps pour soi, propose à toutes les femmes qui le souhaitent de témoigner sur son blog de leur expérience (fausses-couches, interruptions volontaires ou médicales de grossesse, grossesses extra-utérines, mort in utero, à la naissance, juste après…). Elle livre son propre témoignage ici.

Nathalie Z a perdu un de ses jumeaux in utero. Elle a alors écrit L’un sans l’autre, pour livrer son témoignage mais également un travail de fond qu’elle a effectué sur la question particulière du deuil d’un jumeau, pour les parents et pour le jumeau survivant. A ce titre, son livre me semble extrêmement utile tant pour les parents confrontés à ce drame que pour leur entourage et pour les professionnels. Il est vendu à prix coûtant ou téléchargeable gratuitement sur lulu.com.