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Féminité et maternité

dimanche, septembre 4th, 2011

Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais apparemment féminité et maternité seraient difficilement compatibles. Si vous avez réussi à échapper aux injonctions de la presse parentale et féminine à redevenir une fâââââmme après la naissance, une simple recherche Google vous apprendra que rester femme pendant ou après la grossesse ne va pas de soi (voir par exemple les Maternelles, Doctissimo, ainsi qu’une critique magistrale par @LaPeste ; même le corps médical s’y met). Soit. Si j’en crois la définition de la féminité par Wikipédia :

La féminité est l’ensemble des caractères morphologiques psychologiques et comportementaux propres aux femmes. Ils sont biologiquement liés au sexe et fortement influencés, voire conditionnés par l’environnement socioculturel. Ils sont exclusifs et différencient les femmes des hommes qui eux possèdent des caractères masculins

Je pense qu’à peu près tout le monde sera d’accord pour dire que la maternité, surtout dans son incarnation physique (grossesse, accouchement, allaitement), est exclusivement féminine. En clair, s’il n’y a évidemment pas besoin d’être une mère pour être une femme, il semble nécessaire d’être une femme pour être une mère. L’idée que la maternité menacerait la féminité me semble donc pour le moins capilotractée.

En fait le problème vient plutôt de la définition de la féminité qu’on nous propose. Être une femme, en clair, c’est être séduisante. Et cette séduction n’est reconnue que si elle est conforme au modèle imposé : bien habillée, bien coiffée, mince, bien maquillée, épilée de près. Je ne vois pas bien en quoi ceci serait une caractéristique strictement féminine : les hommes aussi peuvent séduire, y compris par une apparence soignée et conforme aux canons de l’époque et du lieu (même s’ils sont souvent légèrement différents de ceux des femmes). Bien sûr je ne nie pas le plaisir engendré par la séduction et les bienfaits personnels qu’on peut retirer à s’occuper de son corps et à le mettre en valeur, y étant moi-même assez attachée, mais je ne vois pas en quoi ce serait la définition de la femme, la condition sine qua non de la féminité. Au contraire, porter un enfant ou le mettre au monde me semblent des preuves éclatantes de féminité, même si encore une fois nul besoin de faire cela pour être une femme. C’est juste que je vois peu d’autres choses qui soient aussi exclusivement et universellement féminines.

Que nous dit cette définition de la féminité basée sur la séduction ? Pourquoi met-on autant la pression sur les femmes pour qu’elles se conforment à ces canons ? D’abord, cela fait vendre. Eh oui, pour attendre la perfection féminine, il faut des cosmétiques, des épilateurs, des habits… Ensuite, cela les occupe : c’est le « harem de la taille 38 » où nous nous enfermons toutes seules. Et tout cela pour qui ? Pour les hommes ? Mais les goûts des hommes sont à peu près aussi divers que les physiques féminins, sans compter que la séduction et la sexualité ne se réduisent pas à l’apparence physique. D’ailleurs, cette définition ultra-sophistiquée de la féminité séductrice pourrait bien être contre-productive pour la libido féminine. Et, surtout, il n’y a rien d’anormal ou de pathologique à ne pas vouloir mettre la priorité sur sa vie sexuelle. Chacun avance dans son couple comme il le souhaite, sans qu’il y ait une norme étroite à laquelle se conformer à tout prix.

Une femme -comme un homme d’ailleurs- peut s’investir et se réaliser dans bien d’autres choses que la parentalité ou que son apparence physique : le travail, l’engagement associatif et/ou politique, un blog, le sport, l’amitié, la fête, la maison (déco, cuisine…), le sexe, et bien d’autres encore. On peut explorer les axes qu’on souhaite, en parallèle ou séquentiellement, faire l’impasse sur d’autres… bref c’est à chacun de tracer son chemin comme les circonstances le lui permettent. Parce qu’évidemment maintenant que les femmes ne sont plus strictement cantonnées à certains chemins, la nouvelle contrainte est de leur demander d’être excellentes sur tous et en même temps.

Mais quoi qu’il en soit, nous sommes entièrement femmes quand nous sommes enceintes jusqu’au cou, victimes de remontées acides, d’une crise d’acné impromptue et d’oedème aux chevilles. Encore femmes quand à moitié nues, nous hurlons que ce p… d’anesthésiste vienne maintenant ou on se fera une auto-césarienne avec les dents, sans manquer de constater la fâcheuse tendance de certains de nos fluides corporels à s’échapper hors du contrôle de notre volonté. Toujours femmes quand l’oeil hagard et cerné nous tentons de compter les vergetures et de retrouver notre nombril égaré sur notre ventre distendu entre deux tétées. Que diable pourrions-nous être d’autre ?

Je profite de ce billet pour m’attaquer dans la foulée à « retrouver son corps après la grossesse« . Si seulement retrouver son corps voulait dire refaire connaissance avec ce corps qui change, qui évolue, pour certaines choses de façon presque imperceptible et pour d’autres bien plus radicalement, l’aimer, en prendre soin… Mais en général, retrouver son corps signifie simplement revenir sur le droit chemin : obtenir et garder un corps de jeune adolescente. Pas de gras (et surtout pas de cellulite), pas de poil, pas de ride. Facile, il suffit de 1. rester fââââmme et 2. « prendre soin de soi ». Quand je vois des femmes plutôt minces avoir une alimentation exclusivement à base d’oeuf dur, de jambon blanc et de yaourts (à 0% bien sûr), j’aimerais bien qu’on m’explique en quoi cela consiste à prendre soin de son corps (pour ceux qui ne verraient pas, voir cet avis de l’ANSES, ainsi résumé par le Monde : « Les régimes amaigrissants sont mauvais pour la santé »).

Les amies, j’ai un scoop : vous ne retrouverez JAMAIS votre corps d’avant la grossesse. Vous pouvez arriver à quelque chose qui s’en approche, mais le poids n’est que la partie visible de l’iceberg : les abdos un peu ramollis malgré la rééducation, les seins qui ont changé de forme, de taille ou de couleur, les pieds qui grandissent, quelques vergetures et capitons, même discrets, la pilosité qui change… Bien sûr on ne subit pas toutes les mêmes effets à la même intensité, mais même celles sur qui ni la maternité ni le temps ne semblent avoir de prise les subissent également.

Inutile de se voiler la face, la maternité nous change. Elle bouscule notre corps, notre psyché, nos priorités, notre vision des choses. Il est bien naïf de se convaincre que rien ne changera avec l’arrivée de l’enfant, que nous on ne deviendra pas des bonnets de nuit qui ne veulent plus sortir et ne parlent que de couches, qu’on ne sera pas comme ces mères mal coiffées qui ont une bouée de sauvetage greffée au-dessus des hanches. Bien entendu, il est salutaire de ne pas se perdre et de garder des choses pour soi, comme des activités non liées aux enfants, mais il est illusoire de penser qu’on pourra tout garder en même temps et à la même intensité. Et tout aussi illusoire de penser que nous pouvons ressembler toute notre vie à des adolescentes en papier glacé. On a mieux à faire, non ?

Pour poursuivre la réflexion, quelques lectures (cliquez aussi sur les liens dans le billet) :

(et sûrement bien d’autres, n’hésitez pas à en signaler !)

Sur ce blog (si vous avez réussi à les rater dans le corps du billet, mais je ne recule devant rien pour faire ma pub) :

Photo : Thomas Beatie, l’homme enceint. Parce que quelle que soit la thèse qu’on défend, on trouve toujours un exemple pour la contredire…

R.E.S.P.E.C.T.

jeudi, décembre 30th, 2010
Aretha Franklin

Aretha Franklin

Pour 2009, je vous faisais des vœux, que je renouvelle bien sûr cette année : qu’elle vous soit aussi douce et légère qu’un pyjama de bébé. En 2010, j’ai pris une résolution, à laquelle j’ai essayé de me tenir tant bien que mal. Pour 2011, je prends à nouveau une résolution. Je veux qu’on me respecte, en tant que femme et en tant que mère. Le manque de respect pour les femmes, y compris en tant que mères est tellement implicite dans notre société que ce n’est que depuis peu que j’en prends vraiment conscience. Il y a internet et les blogs bien sûr, avec Olympe, Emelire, A dire d’elles, la Fée myrtille et bien d’autres qui me pardonneront j’espère mon manque d’exhaustivité. Il y a aussi mes lectures papier, comme L’amour en plus d’Elisabeth Badinter (que j’ai trouvé bien plus intéressant que son dernier opus). Récemment, trois lectures ont contribué à la montée de mon ras-le-bol :

  • Le chœur des femmes, de Martin Winckler. Si vous ne connaissez pas encore le bonhomme, courez voir son site qui regorge d’infos médicales utiles et à jour sur la contraception notamment. Quant au roman, il met en scène (entre autres) un médecin (dont on devine facilement qu’il est une sorte d’alter ego littéraire de l’auteur) qui se bat pour que ses confrères donnent aux patientes le respect et l’écoute qui leur sont dues. On y apprend notamment que les femmes pourraient très bien être examinées en position « à l’anglaise » (allongées sur le côté) plutôt que dans la position gynécologique classique (poétiquement baptisée « poulet de Bresse » par certains), ce qui serait plus confortable, tant physiquement que psychologiquement. Y sont aussi reprises les préconisations de l’auteur pour rendre la pose d’un DIU moins douloureuse, qui ne semblent malheureusement pas beaucoup suivies en France. Et à part ça le livre se lit tout seul, même s’il y a quelques passages un peu téléphonés (oh l’interne sûre d’elle qui ne rêve que de chirurgie et pas d’histoires de bonnes femmes est devenue encore plus humaine et engagée que le gentil médecin : pas possiiiiible !). Pour en savoir plus voir par exemple la critique de Telerama.
  • Le site d’un gynécologue, sur lequel je suis tombée par hasard. Voilà un médecin qui est sans doute animé par les meilleures intentions, et doit sincèrement penser avoir le bien-être et la santé des femmes comme priorités. Mais quel paternalisme transpire de ses écrits ! Une rubrique est intitulée « Côté mamans : maladies et petits bobos » : à qui s’adresse-t-on ? A des femmes majeures en pleine possession de leurs moyens intellectuels ou à des enfants de cinq ans ? Je n’attends pas d’un médecin qu’il me parle de mes « petits bobos » ou m’enjoigne de « prendre mes petits cachets roroses et bleubleus pour faire dodo et être en pleine foforme » mais qu’il me parle d’adulte à adulte. Cette condescendance s’étend d’ailleurs aux sages-femmes (comme le faisait remarquer Chantal Birman dans Au monde, la façon dont sont reconnues les sages-femmes est assez symptomatique du traitement réservé aux femmes), et après que je l’ai interpellé sur Twitter, un étudiant sage-femme répondant à l’étrange pseudonyme de Gromitflash a vivement réagi sur son blog (notre échange de tweets incluait aussi 10 lunes qui a vu aussi rouge que son avatar). Par ailleurs le site présente un certain nombre d’erreurs, ou au moins d’opinions personnelles de l’auteur présentées comme des vérités générales, au mépris des études et recommandations officielles. Je n’ai pas le courage de tout détailler, mais il y a des exemples particulièrement flagrants dans les pages sur l’épisiotomie (a-t-il seulement lu les recommandations de ses pairs du CNGOF ?), sur l’allaitement (« plus une société est évoluée, moins l’allaitement maternel est prisé » : les pays scandinaves seraient-ils restés à l’âge de pierre ?) ou encore sur l‘accouchement (avec la position « libre » qui est une légère variante de la position gynécologique : sait-il qu’on peut accoucher sur le côté, à quatre pattes, accroupie et j’en passe ?). Bien sûr l’exercice médical n’est pas plus la simple mise en œuvre de directives que la maîtrise d’une langue étrangère ne se résume à la connaissance de son dictionnaire. Mais n’est-ce pas un manque de respect flagrant pour ses patientes (pour ne pas parler d’incompétence) que de s’asseoir allégrement sur les dernières études et avancées ?
  • L’art d’accommoder les bébés, de Geneviève Delaisi de Parseval et Suzanne Lallemand. Je suis en train de le lire et j’ai bien l’intention d’y consacrer un billet, tellement il me plaît. Je ne vais donc pas détailler, mais les auteurs analysent avec beaucoup de finesse et de mordant le traitement réservé aux mères depuis plus d’un siècle. Un livre à mettre entres toutes les mains !

Alors voilà mon plan d’attaque. Plutôt que de me lamenter sur ce que je voudrais que les autres fassent, autant prendre les choses (et ma petite personne) en main.

  • Changer le vocabulaire. C’est peut-être symbolique, mais je ne veux plus qu’on m’appelle maman (à part mes poussins bien sûr). Quand j’appelle l’école, la crèche ou toute autre chose pour les enfants, je me présente par mon nom et en tant que mère de Pouss1/Pouss2. On est entre adultes que je sache. Tant pis pour Google (et désolée pour mes consœurs), mais ici ce n’est pas un « blog de maman ». Et j’encourage toutes celles qui veulent être prises au sérieux à abandonner « bidou » et « gygy » pendant qu’on y est.
  • Ne plus me laisser faire. Si j’avais seulement eu l’aplomb pour répondre à l’anesthésiste qui m’appelait « ma belle », ou à la pédiatre qui menaçait Pouss1 d’une fessée s’il n’arrêtait pas de pleurer… Et à défaut d’avoir le courage de dire à ma gynécologue qu’elle examine avec la délicatesse d’un panzer, j’irai voir quelqu’un d’autre (oui j’ai l’inclination pour le conflit d’une serpillère, il faut que je me soigne).
  • J’adore me délasser les neurones en lisant la presse féminine, mais je n’achèterai plus de magazine avec les mots « maman » (cf premier point), « régime », « maigrir », « minceur » et « horoscope » sur la couverture (sauf s’il y a un article sur ce blog à l’intérieur, je n’ai pas pris pour résolution de renoncer à ma mégalomanie). Pour ceux que le point sur les régimes laisse perplexes (et pour les autres aussi) je ne peux que recommander ces articles de Mona Chollet : « Culte du corps », ou haine du corps ? et Sortir du « harem de la taille 38 ». D’ailleurs à moins d’une raison médicale, comme en 2010, je ne ferai pas de régime (à moins qu’une diète composée exclusivement de Côte d’or ne soit reconnue sous cette appellation). Oui, j’ai du gras et de la cellulite qui ne rentrent que rarement dans un 38, et alors ? Et j’invite tout le monde (si ce n’est déjà fait) à aller voir le site du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS). Pour l’horoscope je crois que ça se passe de commentaire.

Et vous ?

Photo : En voilà une qui sait demander qu’on la respecte et qui ne fait même pas du 38.

Tokophobia

lundi, octobre 26th, 2009

munch_thescream Quelle femme n’a pas peur d’accoucher ? Même celles qui sont intimement convaincues que c’est un acte naturel pour lequel leur corps est fait ont leurs appréhensions pour la naissance. Il est vrai que les raisons d’avoir peur ne manquent pas : peur de mourir et/ou de perdre son bébé bien sûr, mais aussi peur de l’hôpital, peur d’avoir mal, peur de perdre sa dignité, peur d’avoir des séquelles, peur de certains gestes médicaux, et bien d’autres encore. Et ce bien que la naissance n’ait jamais été aussi sûre, tant pour la mère que pour l’enfant. Même si cette peur est plus ou moins présente chez tout le monde, elle peut prendre des proportions très importantes chez certaines (jusqu’à prendre plusieurs contraceptions simultanées voire renoncer à avoir un enfant) : on parle alors de tokophobie (si vous n’êtes pas rebutée par l’anglais vous pourrez lire de nombreux témoignages ici).

Sans aller jusqu’à ces extrêmes, il me semble que plusieurs facteurs peuvent entretenir cette peur :

  • Quelle représentation de la naissance dans notre société ? L’image principale qu’on en a, dans les médias notamment, est celle d’un passage difficile, sous haute surveillance médicale, qui ne demande qu’à partir en sucette. Dans les films on voit souvent la femme au moment crucial, échevelée, rouge et suante, entourée par un tas de blouses blanches qui lui crient « Poussez ! pousseeeeeeeeez ! » (apparemment les scénaristes n’ont pas lu Leboyer), le plan suivant représentant généralement la mère parfaitement coiffée et maquillée avec un « nouveau-né » de six mois dans les bras. Ou alors si vous êtes fan de séries médicales (comme la Poule…) il y aura entre les deux un passage plein de sang et de stress où le beau médecin sauvera in extremis Maman et bébé d’une mort fulgurante dans d’atroces souffrances sous le regard enamouré de la jeune infirmière/interne. Perturbant, et globalement pas très tentant.
  • L’entourage a également un rôle important : quelle femme n’a jamais entendu des récits d’accouchements terrifiants, avec douleurs insoutenables, mort évitée de justesse, déchirures du vagin jusqu’à l’anus et j’en passe. C’est peut-être une sorte de bizutage, mais en particulier quand on est enceinte on est abreuvée d’histoires plus gores et terrifiantes les unes que les autres (soit de première main, soit l’amie d’une amie dont la cousine a une tante qui…). Certes, il n’est pas très constructif d’enfermer les femmes enceintes au pays des Bisounours sous prétexte qu’il ne faut pas les stresser, mais on peut peut-être trouver un juste milieu non ? Evidemment les récits de l’entourage très proche (notamment les femmes de la famille) sont les plus percutants pour la future mère, qui se sent logiquement plus concernée (il y a une part de génétique dans le déroulement de la grossesse et de l’accouchement, même s’il y a bien sûr de nombreux autres facteurs à prendre en compte). Mais il peut aussi y avoir eu un film ou une image mal à propos qui gardent une empreinte durable.
  • Enfin bien sûr il y a le vécu d’une mère lorsque ce n’est pas sa première grossesse et qu’un accouchement antérieur s’est mal déroulé et/ou a été mal vécu (il y a des naissances qui sont sans problème d’un point de vue médical -le fameux « la mère et le bébé vont bien »- mais qui laissent un goût amer à la femme, voire au bébé) ; on peut aisément comprendre qu’on n’y retourne pas volontiers. Si la naissance a nécessité une intervention médicale importante, cela peut entamer la confiance de la femme en ses capacités pour donner naissance et ajouter à son angoisse.

La peur d’accoucher est donc probablement une des choses les mieux partagées par les femmes (et ne parlons pas des hommes…). Alors comment atténuer et gérer ces peurs, qu’on les ressente soi-même ou qu’on y soit confronté chez une autre ?

Tout d’abord, il me semble que comme la plupart des peurs et phobies, celle-ci a une part d’irrationnel qu’on ne doit pas juger ou moquer. La première chose à faire est au contraire de laisser la personne vider son sac et exprimer ses peurs : voir sa souffrance entendue et reconnue est un premier pas vers le soulagement. Le simple fait de formuler certaines peurs à voix haute en présence d’une personne bienveillante peut déjà permettre de les éliminer. Au delà, se documenter, tant sur l’accouchement en général que sur la façon dont les choses peuvent se passer à la maternité choisie (si on est enceinte) peut également faire tomber certaines craintes. N’oublions pas que les choses évoluent (même si parfois trop lentement), et qu’un certain nombre de pratiques redoutées par les femmes ont été abandonnées : si votre mère ou votre grand-mère vous explique qu’elle a du subir un lavement et être intégralement rasée, sachez qu’il y a peu de chances que ça vous arrive. Même s’il y a encore une grande disparité entre hôpitaux et praticiens, l’épisiotomie systématique semble elle aussi être en déclin. Visiter une salle de naissance, éventuellement voir certains instruments, cela peut aider. Par exemple lorsqu’on me parlait de la ventouse je visualisais le gros truc en caoutchouc pour déboucher l’évier, en fait le modèle obstétrical est nettement moins impressionnant. Bien sûr une phobie plus profonde est irrationnelle et ne pourra être levée par des arguments objectifs (tous les phobiques de l’avion se sont vus répéter 2 372 fois que c’est le moyen de transport le plus sûr bla bla bla, avec autant d’effet que de cracher dans un violon) : dans ce cas il faut envisager une psychothérapie si on souhaite traiter sa phobie.

Une échappatoire à cette peur de l’accouchement peut être pour certaines la césarienne. Il me semble qu’il faut éviter cela au maximum, et rappeler que pour une grossesse et un accouchement non pathologiques, la césarienne est plus risquée que l’accouchement par voie basse, tant pour la mère que pour l’enfant. Bien sûr il ne s’agit pas de diaboliser la césarienne, qui a sauvé et sauve tous les jours des femmes et des enfants, mais simplement de l’utiliser à bon escient. Or pour beaucoup de personnes la césarienne paraît plus sûre que l’accouchement par voie basse, et c’est cette idée reçue qu’il faut à mon avis battre en brèche (si le sujet vous intéresse voir aussi cet article très bien fait de Césarine sur la césarienne de convenance). Ceci dit, il ne faut pas non plus être dogmatique, et respecter la détresse et l’angoisse des femmes qui ne peuvent surmonter cette peur (ou pas dans les délais de l’accouchement). De toute façon, si la tokophobie est trop importante, elle peut suffire à bloquer le processus de l’accouchement et conduire à une césarienne en urgence.

Personnellement je dois dire que j’ai longtemps trouvé l’accouchement terrifiant, et qu’au début de la grossesse du Poussin je n’en menais pas large (Ste Péridurale priez pour moi). Je trouve d’ailleurs que c’est un des tests pour savoir si on est prêt à avoir un bébé : être capable d’écouter un récit d’accouchement sanguinolant/de nuits épouvantables depuis 6 mois/de gastro explosive et d’avoir toujours envie d’un petit bout. Finalement, entre diverses lectures, les cours de préparation à l’accouchement, la visite de la maternité, des témoignages positifs d’amies ayant accouché dans ladite maternité, et probablement aussi l’influence des hormones et du SNU (syndrome du neurone unique, une complication fréquente de la grossesse…) combinés (avec un soupçon de méthode Coué ?), je suis arrivée à peu près rassérénée pour l’accouchement. Pour cette deuxième naissance qui se profile, je dois dire que le fait d’avoir déjà accouché par voie basse sans instruments me donne une certaine confiance en mon corps, d’autant plus que la deuxième naissance est censée être plus facile que la première. Le fait d’avoir aussi un projet bien ficelé, avec l‘accompagnement global et une bonne préparation, y contribue également. Et n’oublions pas la merveilleuse combinaison hormones-SNU. On verra dans trois mois… Ce petit topo « ma vie mon œuvre » n’est pas pour m’ériger en modèle à suivre (à moins que je ne lance une secte ? l’argent est un souci qui te retient… la Poule te débarrasse de tous tes soucis…) mais pour que celles qui seraient dans ma situation initiale sachent que ce n’est pas inéluctable.

Pour finir, je vous laisse sur cet extrait de Cette lumière d’où vient l’enfant de Frédérick Leboyer (je rappelle qu’il est obstétricien, né en 1918, et donc qu’il a du commencer la médecine dans les années 40, à une époque où la mortalité périnatale était encore loin d’être au niveau actuel).

– Quant à l’accouchement, ce ne sont pas les risques qui vous troublent. C’est la peur.

– La peur des risques ?

– Ah ! non, c’est là qu’est votre erreur. C’est là la confusion. Vous avez peur. Mais certes pas d’hémorragies, d’infections, de possibles quoique rares complications dont, au reste, vous ne savez rien.

– Je ne suis pas médecin.

– C’est votre chance. Une fois encore, pensez aux ennuis et ils arrivent.

– Mais alors, de quoi ai-je peur ?

– De tout et de rien. Vous avez peur. Un point c’est tout. Et vous vous mettez à projeter cette peur partout. Suivez-moi bien. Vous allez au cinéma et l’o vous montre un film d’épouvante. Si le film est bien fait, à mesure que les images défilent, la peur monte en vous. […]

– Cela m’est arrivé la semaine dernière, oh ! quel film ! Pendant trois nuits je n’ai pu dormir. […] Et je n’osais plus aller, le soir, dans la resserre.

– Qu’y a-t-il, dans la resserre, qui vous fasse trembler ?

– Des araignées.

– Qui, sortant du noir, vont se jeter sur vous et vous dévorer ?

– Oui, je sais, c’est stupide. Mais qu’y faire ?

– Non, ce n’est pas stupide puisque c’est. Donc, voici la peur imaginaire : vous savez bien que ces petites bêtes sont inoffensives. […] Elles n’ont pas plus d’existence que les images sur l’écran. Lesquelles, tout images qu’elles soient, vous ôtent le sommeil et ruinent votre estomac.

– Je vois.

– Or, il existe une autre peur qu’on pourrait appeler réelle : le feu peut prendre dans le cinéma. La pellicule est très inflammable. Un incendie peut détruire le bâtiment. Et votre vie. De cela, avez-vous souci ?

– Je n’y songe même pas.

– Quand vous allez au cinéma, vous n’allez pas, j’imagine, vous asseoir tout près de la sortie de secours au cas où…

– Je me mets au beau milieu de la salle.

– Face à l’écran. Pour bien voir. Au mépris de toute prudence ! Car si le feu prenait…

– Je m’en moque bien.

– Et vous avez raison. Donc, il existe deux sortes de peur, l’une réelle, l’autre imaginaire. L’une rationnelle, raisonnable, l’autre folle. Et vous voyez que, des deux, c’est la folle qui a le plus d’emprise sur votre vie.

– Quelle folie !

– Oui. Mais c’est ainsi. Or, il en va très exactement de même pour l’accouchement. Ces hémorragies, ces infections qui sont aussi réelles et rares que l’incendie au cinéma, vous vous en souciez comme d’une guigne.  Vous ne les connaissez même pas.

– Et de quoi donc ai-je peur ?

– D’aller dans la resserre. Vous avez peur des araignées. Cette peur, toute imaginaire qu’elle soit, est, pour vous, bien réelle. […] Pour combattre les effets de cette peur, que fait-on ? On construit des hôpitaux. Sans cesse plus grands, plus équipés, plus compliqués et plus ruineux. Lesquels, vous me l’accorderez, auront bien du mal à vous défendre des araignées.

(Image : faut-il vraiment présenter Munch ?)

Du « nouveau » du côté des coupes menstruelles

lundi, juillet 7th, 2008

Ceux et celles à qui le titre paraît incompréhensible sont invités à aller voir ici et , sinon ce billet risque de leur sembler un peu ésotérique.

J’ai trouvé ici un article paru dans le journal scientifique Obstetrics and Gynecology de… 1962 ! Rédigé par Eduardo F. Peña, un gynécologue américain, l’article s’intitule Menstrual protection: advantages of the menstrual cup (Protections menstruelles : avantages de la coupe menstruelle). Basé sur la pratique de l’auteur, mais aussi sur une étude conduite sur 125 femmes de 25 à 40 ans, ainsi que sur une étude antérieure rassemblant 40 femmes, il présente les faits suivants :

  • L’utilisation de tampons et de serviettes, en plus d’inconvénients pratiques (fuites, inconfort…), augmente les risques d’infection vaginale (Candida albicans, Trichomonas vaginalis) et de cystite (infection urinaire).
  • Au contraire, chez les femmes utilisant une coupe menstruelle, on n’a observé ni irritation, ni crampes, ni infection.
  • Toutes les femmes de l’étude (125 !), même celles initialement réticentes à une protection intra-vaginale, se sont finalement déclarées séduites par cette méthode de protection et ne plus vouloir utiliser ni tampon ni serviette. Six femmes ont ressenti un inconfort dans les premiers temps de l’utilisation, qui a totalement disparu après quelque temps.
  • Les femmes ont notamment apprécié l’absence d’odeur par rapport à d’autres méthodes de protection.
  • Une des craintes de l’auteur était que la coupe empêche le sang de s’écouler correctement et même le force à remonter dans le col de l’utérus : il montre que cette crainte était infondée.
  • Notons que le test a été fait avec une coupe en caoutchouc, la Tassette, qui n’existe plus, et que déjà à l’époque la coupe était fournie avec un dustbag (spécial dédicace pour PrincesseStrudel).
  • Au niveau pratique, les femmes de l’étude ont obtenu une protection satisfaisante en vidant la coupe deux fois par 24 heures (trois le premier jour). Pour l’entretien, rinçage à chaque fois qu’elles ont vidé la coupe et stérilisation entre deux cycles (avec un peu de javel, puisqu’on ne peut pas faire bouillir le caoutchouc). Et pour éviter les fuites, elle plaçaient un peu de coton à la base de la coupe (ça me tente moins mais pourquoi pas ?).
  • La coupe peut aussi être utilisée pour garantir que certains médicaments restent en place.
  • L’auteur ne voit pas d’inconvénient à l’utilisation de la coupe par des vierges, et notamment ne pense pas que cela puisse endommager l’hymen.
  • La conjecture de l’auteur sur un danger potentiel de l’utilisation de la coupe par les femmes ayant un utérus rétroversé ou un prolapsus mériterait d’être examinée par un gynécologue à la lumière des connaissances actuelles ; je suggère donc à celles qui présenteraient de telles indications et souhaiteraient utiliser une coupe d’en parler à leur praticien habituel (en lui présentant l’article au cas -probable- où il n’en ait jamais entendu parler). 
  • Conclusion finale de l’article : « La coupe menstruelle libère les femmes des dangers et des nuisances des serviettes hygiéniques et des tampons. » Voilà qui se passe de commentaire…

Donc on sait depuis les années 60 que la coupe est une protection menstruelle fiable et bien plus hygiénique et sanitaire que les alternatives plus connues. Et depuis, plus rien ! Je suis allée sur PubMed, LE site de recherche de référence pour les articles scientifiques médicaux et j’ai recherché « menstrual cup ». Bilan : huit articles, dont seulement quatre vraiment pertinents (pour info, si on tape « tampon », on a 578 réponses). Le plus récent date de 1964. On peut trouver ici (en anglais) un historique des coupes menstruelles (en plusieurs volets, cliquer sur « next » en bas de la page), et la principale explication est encore et toujours le tabou autour des règles et de la masturbation (même s’il n’y a pas de lien direct) qui rend les femmes réticentes à y mettre les doigts (d’où le succès des tampons avec applicateur). 

Si cela vous intéresse, voici l’article sous deux formats.

Format image :

Format pdf :

http://www.poule-pondeuse.fr/files/menstrual_cups_Pena_1962.pdf

La question du jour

jeudi, juin 12th, 2008

Pourquoi les femmes enceintes ont-elles cette irritante manie de se caresser le bidon d’un air extatique ?

Si vous avez déjà été enceinte (ou l’êtes actuellement) vous avez évidemment la réponse, mais je sais qu’il y a des nullipares (pas très joli ce mot), voire des nulligestes (pas beaucoup mieux), et même des hommes (mais si, mais si) qui traînent par ici. En plus ces derniers n’ont pas été très gâtés par le billet d’hier.

Donc comme beaucoup de monde, je me disais que je ne me caresserais pas la bedaine à tout va le jour où il y aurait un petit habitant dedans (autre qu’un ver solitaire… hmm vient me voir petit ténia, et faire de moi la plus belle en maillot…). Sauf que. Quand le petit habitant commence à manifester sa présence en remuant son adorable petit fessier (au lieu de se faire remarquer en faisant vomir tripes et boyaux à sa pauvre mère), le réflexe est incoercible : on répond avec sa main. Et puis le schtroumpf se manifeste de plus en plus souvent (même si ça dépend aussi des poussins), et à chaque fois sa mère ne peut pas s’empêcher de lui faire un petit coucou. C’est comme ouvrir la bouche quand on met du mascara, c’est comme Sega : c’est plus fort que toi.

A force, quand le poussin commence à prendre sérieusement ses aises, il arrive aussi qu’on ne soit plus vraiment en train de se caresser le ventre avec bonheur mais plutôt en train de recadrer ce rroognntuudjuuu de petit envahisseur qui semble aimer se coincer les pieds dans nos côtes (se reconnaît à l’air plus du tout extatique de la future maman).

Vous l’aurez compris : ce n’est pas vraiment le ventre que la femme enceinte touche, c’est le bébé. J’espère que la prochaine fois que vous en surprendrez une en flagrant délit vous ne la prendrez pas pour une narcissique égocentrique…

Encore une bonne raison d’acheter une coupe menstruelle

mercredi, juin 11th, 2008

Y en a des roses maintenant !

La Ladycup (sur laquelle il y a de très bons échos sur le forum) :

Et une petite nouvelle, la Miacup :

Pffff et moi j’en ai déjà deux, je vais pas en acheter une troisième quand même. Si ?

(Et pour celles qui débarquent sur ce blog, allez voir ici. Les mecs, désolée, mais sur ce coup-là je crois que vous préfèrerez carrément aller voir ailleurs…)

Je suis prioritaire !

jeudi, mars 20th, 2008

priorité bidon  Aujourd’hui une grande question : la femme enceinte d’un mois mérite-t-elle qu’on lui laisse la priorité (à la caisse, pour s’asseoir dans le métro…) ? Ou est-elle une mythomane qui tente éhontément d’usurper d’intolérables privilèges au détriment des honnêtes citoyens ? Si vous traînez sur ce blog, c’est qu’a priori vous avez été concerné(e) de près, et vous connaissez exactement la réponse. Mais quand je vois certaines des requêtes qui ont mené ici, je vois que le lectorat est varié et me dis qu’il ne serait pas plus mal de remettre les pendules à l’heure.

On croit souvent que ce qui fatigue la femme enceinte c’est d’avoir plusieurs kilos accrochés dans le bide 24 heures sur 24. C’est vrai, c’est fatigant. Mais ça n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il y a beaucoup d’autres choses qui sont épuisantes, et cela commence très tôt. Dès que les hormones entrent en jeu les problèmes commencent :

  • sommeil : au premier trimestre surtout, l’afflux de progestérone provoque un début d’hibernation chez petit-bidon-deviendra-grand. On a perpétuellement envie de dormir, on est épuisée.
  • nausées : celui qui a dit « matinales » devait être un homme qui ne savait forcément pas de quoi il parlait. Les nausées commencent effectivement le matin dès que la conscience se rebranche, et durent jusqu’au soir, au moment où on sombre enfin dans les bras de Morphée. Même s’il est 18 heures, prenez garde, la femme qui vous regarde avec des yeux de cocker à la caisse du supermarché va peut-être vomir sur vos chaussures.
  • pipiiiiiii : oui les envies continuelles d’uriner peuvent commencer dès le début de la grossesse

Il y a aussi le léger hic d’avoir un petit parasite branché sur vous. Très rapidement le volume sanguin augmente (jusqu’à 1 litre supplémentaire en fin de grossesse) pour pouvoir satisfaire les besoins du poussin. La fréquence cardiaque augmente pour compenser. Résultat :

  • essoufflement : monter un escalier devient une escalade digne de la face nord du Mont Blanc
  • anémie : avec à la clé petits malaises genre oups je m’écroule

On peut aussi avoir soit de l’hyper- soit de l‘hypotension. J’ai testé la deuxième possibilité, c’est du style je prends ma douche assise parce que debout c’est trop fatigant. Alors 15 minutes de métro debout, pensez-vous, une paille… Il y a aussi l’option hypoglycémie, un peu du même style.

Ajoutons enfin que psychologiquement le premier trimestre est éprouvant : les risques de fausse couche étant les plus importants à ce moment, on n’ose pas trop parler de sa grossesse de peur qu’elle ne tourne court. Et du coup à la moindre tension dans le ventre on se voit déjà perdre son poussin.

Pour les futures pondeuses, rassurez-vous, toutes ces joyeusetés sont en option, vous n’êtes pas obligées de tout cumuler. Certaines restent fraîches comme la rose pendant ce premier trimestre si redouté.

J’ai un poussin qui fait maintenant plus de 9 kilos, et je le porte régulièrement pour me balader. C’est lourd, c’est fatigant. Mais bien moins épuisant qu’être enceinte de deux mois. Je peux vous dire que les premières personnes à céder leur place sont les femmes qui ont des enfants, parce qu’elles savent. Alors si une femme au ventre non proéminent vous demande de la laisser passer, de la laisser s’asseoir, ne la regardez pas comme une hystérique mythomane. Personne n’aime quémander une faveur, quand on en est au point de demander à passer c’est qu’on est vraiment mal. Et personne n’aime qu’on lui vomisse sur les chaussures, donc c’est gagnant-gagnant…

Ce billet a eu l’insigne honneur d’être relu et corrigé par la poule accoucheuse, sage-femme distinguée de son état, que nous espérons revoir bientôt dans cette basse-cour pour faire plus ample connaissance.