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La Poule pondeuse présidente

mercredi, décembre 3rd, 2008

Comme promis hier, au lieu de râler et de critiquer (mes occupations favorites), je fais dans le constructif et liste ici quelques propositions (votez pour moi !). Alors plutôt que de vouloir dépister des comportements agressifs chez des gosses de trois ans, ou encore d’emprisonner des gamins de douze, il me semble qu’on y gagnerait plus en aidant les parents à assumer pleinement leur rôle en amont. J’ai quelques idées :

  • Pour commencer, le congé maternité pour un premier enfant est ridiculement court. Le mettre en crèche à dix semaines ? Quel est l’intérêt ? A part lui permettre de collectionner bronchiolites et gastros, qui à cet âge tendre se finissent plus facilement par une (coûteuse et stressante) hospitalisation ? Et pousser une mère désireuse d’allaiter à sevrer précocément, pile quand l’allaitement commence à bien rouler ? Je ne dis pas qu’il est indigne de faire garder son enfant à cet âge-là, mais plutôt que ce n’est pas quelque chose qui devrait être encouragé par l’Etat. Et qu’on ne me parle pas de la possibilité de reporter une partie du congé prénatal en post-natal : il y a certainement des femmes qui le font, et tant mieux pour elles, mais si je fais un rapide sondage parmi mes connaissances j’ai déjà du mal à en trouver qui n’ont pas demandé à être arrêtées avant la date officielle. Soyons honnêtes : si -comme l’Etat français- on préconise un allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, il faut en donner les moyens aux femmes et les dispositions actuelles ne l’encouragent pas vraiment (oui, on peut travailler à plein temps et allaiter exclusivement mais ça n’est pas facile). Je pense qu’il faudrait quelque chose de plus incitatif que l’allocation du congé parental pour encourager les femmes qui le désirent à allaiter jusque là : pourquoi pas une extension du congé maternité post-natal (pour toutes, on voit mal l’Etat faire la police entre qui allaite ou pas, en mixte, ou que sais-je) ? L’Europe penche déjà dans ce sens avec un congé total minimum de 18 semaines au lieu des 16 actuelles.
  • Comme en Scandinavie et au Québec, un congé parental (vraiment rémunéré) la première année à partager entre le père et la mère semble une excellente idée. J’aime bien l’idée des deux travaillant à temps partiel et gardent l’enfant à tour de rôle. Il est important de conserver une certaine flexibilité pour s’adapter aux besoins des uns et des autres. Ceci dit ça ne marchera que si les pères jouent le jeu. Dans le même esprit, favoriser le télé-travail, les horaires flexibles, et tout ce qui permet à chacun d’optimiser son temps. Travailler en gardant ses enfants peut être une piste pour certains postes (personnellement je n’y arrive pas vraiment, à part quelques répétitions musicales faites avec le poussin dans le dos). Et grâce au blog d’Olympe, j’ai découvert cette brochure pour promouvoir la parentalité auprès des salariés masculins, à mettre dans les mains de toutes les DRH. Elle appelle notamment à la fin du « présentéisme » : actuellement pour être jugé efficace un salarié doit généralement faire des horaire à rallonge, ce qui est difficilement compatible avec la parentalité. Il y a également un sondage sur la question sur le site de l‘ORSE (Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises).
  • Il faut un vrai choix dans les modes de garde. On peut ergoter sans fin entre crèche et nounou, c’est aussi souvent quelque chose qu’on sent plus qu’on ne le raisonne. Mais laisser son enfant à une personne ou une structure en qui on n’a pas vraiment confiance, c’est délétère. Si on trouve déjà qeulque chose… Je pense qu’il est crucial de développer tous les modes de garde là où il y a pénurie, et de renforcer la formation et la qualification des personnes qui y travaillent. Par ailleurs, les crèches d’entreprise, les crèches parentales, les haltes-garderies, les crèches familiales et j’en passe sont des idées à creuser et à développer, pour que chaque pot trouve son couvercle.

Notez que je ne suis pas la première à m’intéresser à ces questions : je vous recommande un tour chez Maman travaille (et ses propositions) et chez Mamamiiia pour la version québecoise.

Pour ceux à qui ces mesures semblent exorbitantes, je rappelle que la femme française a en moyenne deux enfants dans toute sa vie (je vous fais grâce des virgules). Sur 40 ans (et sûrement plus) de vie professionnelle, si on prend en compte la partie qui serait strictement assumée par la femme (mettons 2 mois en prénatal et 6 mois en postnatal en comptant large), ça nous fait… 16 mois ! Même pas un an et demi. Si le reste est assumé équitablement entre papa et maman, on voit bien qu’il n’y a pas vraiment de raison de pénaliser les femmes par des salaires en moyenne inférieurs, si ce n’est d’avoir été dotées par la nature d’un utérus et d’une paire de seins. Et je ne trouve pas de source pour l’étayer, mais il me semble bien que les banques françaises (pourtant pas vraiment connues pour leur philanthropie) offrent 45 à 90 jours de congé supplémentaires aux jeunes mères. Je ne crois pas que ce soit la raison de leurs déboires actuels…

Quant aux parents qui souhaitent prendre une pause plus longue pour se consacrer à leur(s) enfant(s), je ne les oublie pas :

  • Quel revenu ? ça me semble une question complexe (pour combien de temps, combien d’enfants, selon les revenus du conjoint, etc), mais je suis sûre qu’il y a matière à amélioration de l’existant. La question de la pérennité des couples dans ce cadre n’est pas à glisser sous le tapis, ceci dit rappelons que le contrat de mariage par défaut en France (la communauté réduite aux acquêts) a justement pour but de protéger le conjoint qui a sacrifié sa carrière pour les enfants en lui attribuant tout simplement la moitié des revenus et propriétés de l’autre.
  • Quelle formation ? Après plusieurs années hors du marché du travail, il est clair qu’un accompagnement pour s’y réinsérer pourrait être crucial. Pourquoi pas également un bilan de compétences ?
  • Quel droit à la retraite ? On n’y pense pas toujours et ça n’est pas très glamour, mais ça n’est quand même pas négligeable. Si on reste 3, 5, 10 ans sans cotiser, ça peut porter sérieusement à conséquences. Je ne connais pas bien la législation en la matière et ne veux pas dire de bêtise, mais ça me semble un problème à étudier.
  • Comment rompre l’isolement des jeunes parents ? Pas évident, mais voici quelques pistes. On pourrait déjà améliorer l’accueil des parents avec leurs enfants, dans des lieux prévus pour (type maisons vertes), mais aussi en général dans la société et dans les lieux publics. Par exemple, prévoir un petit coin avec quelques jouets dans les commerces, cafés, administrations, etc, ne coûte pas grand chose et peut rendre bien service (il y a ça dans la pharmacie en bas de chez moi et le poussin n’en décolle pas). La socialisation des tout petits, ce n’est pas d’en jeter 30 du même âge ensemble et de vérifier régulièrement qu’il n’y a pas de mort (ça serait plutôt Sa Majesté des mouches), mais c’est surtout de leur permettre d’interagir avec des plus grands, des plus petits, avec des adultes, des jeunes, des vieux. Bref, avec la société. N’oublions pas que le modèle « traditionnel » implique une vie sociale riche, la famille nucléaire étant largement incluse dans ce que Françoise Dolto appelle la famille « tribale », où il y a toujours une grand-mère, cousine, tante ou voisine à proximité pour prendre le relai auprès des jeunes parents (oui à l’époque il s’agissait surtout de femmes). La difficulté à mettre en place ce type de soutien dans notre société, conjuguée à une pression croissante sur les parents pour que leurs enfants soient parfaits, peut avoir des conséquences douloureuses pour les mères (et pères ?) au foyer. Heureusement internet et ses nombreux forums offrent une forme de tribu, mais ce n’est pas l’ordinateur qui va promener pendant une heure votre nouveau-né hurlant dans l’appartement.
Évidemment ces idées ne seraient pas applicables partout et ne conviendraient pas à tout le monde, mais je pense que ça contribuerait globalement à une société plus juste (Bisounours, lâche-moi !). Je n’ai pas non plus parlé des parents séparés, des familles mono-parentales, homo-parentales et j’en passe, parce que je connais mal ces sujets. Et vous, qu’en pensez-vous ?

Maternage, écologie et féminisme

mardi, décembre 2nd, 2008

L’article de Marianne a jeté un pavé dans la mare : et si le maternage et l’écologie étaient anti-féministes ? La question est intéressante, mais hélas tellement mal traitée qu’on ne peut pas en ressortir grand chose. Caricatural, l’article est entièrement à charge et aligne les contre-vérités et les approximations, sans nuance ni conscience de la complexité de la situation. J’ai beaucoup de respect pour Elisabeth Badinter, mais là elle est franchement à côté de la plaque. Au-delà de la méthode déplorable (dans la flopée de commentaires sur le site du magazine, une des femmes interviewées se plaint que la « journaliste » ait déformé ses propos), le problème sous-jacent à mon avis est d‘opposer a priori le bien-être de l’enfant à celui de la mère. Ou la femme se sacrifie pour sa progéniture, ou au contraire elle la sacrifie à l’autel de son égoïsme. Et selon les époques, le balancier passe de l’un à l’autre, mais c’est toujours plus ou moins l’un OU l’autre. Eh bien moi je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas optimiser les deux à la fois. Ne dit-on pas que l’enfant a besoin d’une mère épanouie pour s’épanouir ? Et à l’inverse, croit-on vraiment qu’une mère sera heureuse si ses enfants sont malheureux ?

Regardons un peu plus au Nord : les pays scandinaves sont réputés à la fois pour leur avancée en matière de droits des femmes (les Parlements les plus féminisés du monde en 1999 sont ceux de la Suède avec 42% de femmes, du Danemark, de la Finlande et de la Norvège, la France n’étant que 52ème avec 10,9 %) et des droits de l’enfant (pionniers dans les lois d’abolition de la fessée, plus de 90% d’allaitement maternel). Et en plus ils sont écolos. Si vous ajoutez à cela que les gens y seraient heureux (alors que l’hiver là-bas doit être encore plus déprimant qu’ici), que leur modèle socio-économique fait baver le reste de la planète, et qu’ils ont inventé Ikea, on finit par se dire qu’il faudrait peut-être tenter de s’en inspirer, non ? Alors certes tout n’est pas directement transposable chez nous, notamment pour l’écologie et le modèle socio-économique, mais concernant la périnatalité ? Les taux de natalité par exemple sont comparables, aux alentours de 2 enfants par femme si on en croit cette carte (même si moins élevés qu’en France qui est vice championne d’Europe). Et cette étude nous indique que la France comme les pays scandinaves est un des rares endroits d’Europe où les femmes sont à la fois très présentes dans le monde du travail et (relativement) très fécondes.

Une autre hypothèse sous-jacente qui me pose problème, c’est qu’on suppose que les clés du bonheur sont universelles. Il y a évidemment un socle commun (genre mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade…), mais le paradis des uns peut tout à fait être l’enfer des autres. A toute mère (ou future mère) qui se pose la question de travailler ou de se consacrer à ses enfants, je suggère de lire cet article publié sur le blog des (Z)imparfaites. C’est une histoire de tripes : on le sent ou on le sent pas. Dans les deux cas, il ne faut pas se forcer. Le problème étant que même si nous vivons dans un pays où notre liberté individuelle est à peu près garantie, le choix n’est pas toujours vraiment possible. Comment retourner au travail si vous ne trouvez pas de façon satisfaisante de faire garder vos enfants ? Et comment s’y consacrer exclusivement si ça implique des fins de mois difficiles ?

Ce qui aliène les femmes, ce n’est pas d’allaiter ou de donner le biberon, ce n’est pas de rester avec leurs enfants ou de faire son trou dans un monde du travail fait par et pour les hommes.  C’est qu’on leur dise d’emblée quoi faire ou ne pas faire, qu’on les prive de faire elles-mêmes des choix mûrement réfléchis (ou du fond de leurs tripes, ça marche aussi), soit parce qu’elles n’ont pas toutes les informations, soit parce que certaines options leur sont en pratique interdites.

Et surtout, surtout : où sont les pères dans ces débats ? Voilà ce qui me gêne dans le terme de maternage : ça n’implique que la mère. Les Anglo-saxons parlent d’attachment parenting, nous devrions plutôt parler de parentage (mais c’est assez moche). OK, ce sont les femmes qui ont les utérus et les seins, mais il n’y a pas que ça ! Qu’une mère allaite n’empêche pas le père de prendre le bébé en peau à peau, de le porter, de dormir avec lui, de le laver, de lui changer ses couches (et de les laver…), de lui faire des purées, de le consoler, de le câliner et encore bien d’autres choses ! Tant qu’ils ne sont pas conflictuels, les liens d’attachement peuvent tout à fait se cumuler : un enfant peut être attaché à sa mère, à son père, à sa nounou, à ses grands-parents… Au risque de passer en mode bisounours : l’amour se multiplie, il ne se divise pas.

Les pères ont une grande responsabilité, car certains aménagements du monde du travail (temps partiel, congé parental, etc) ne deviendront vraiment acceptables et acceptés que quand ils ne seront plus que des histoires de bonnes femmes, mais quand les hommes s’y mettront aussi. Pour cela, il faut aussi que nous (les femmes) leur laissions prendre leur place, qu’on accepte qu’ils ne sont pas nos clones mais que même s’ils font les choses à leur façon, au moins ils les font !

Finalement je vois que je n’ai pas beaucoup parlé d’écologie, mais en fait je ne vois pas bien le rapport. Il est clair que beaucoup de femmes, et de couples, connaissent une vraie prise de conscience à l’arrivée de leur premier enfant, et tant mieux ! Je ne suis pas une militante acharnée, loin de là, mais travaillant pour l’Etat dans le domaine de l’environnement je peux vous confirmer que oui, l’écologie est un vrai problème, et que non, le changement climatique n’est pas un mythe (et qu’on peut encore tenter d’en limiter l’ampleur). Et à mon humble avis, une fois que le coût réel d’un certain nombre de produits sera intégré (c’est-à-dire la compensation pour les dommages causés à l’environnement tout au long du cylce de vie des produits), nous reverrons en profondeur notre façon de faire. On peut se planter la tête dans le sable et attendre de se prendre le changement de plein fouet, ou s’y préparer progressivement, en tentant de modifier en douceur quelques habitudes. Je ne dis pas ça pour vous faire la morale et vous culpabiliser (d’ailleurs moi-même je suis très loin d’être Ste Ecolo), mais parce que c’est inéluctable. Et nous faisons tous les jours l’expérience que ce n’est absolument pas incompatible avec une vie professionnelle.

Demain je vous ferai part de quelques idées pour améliorer la vie des femmes ET des enfants à la fois.