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Féminité et maternité

dimanche, septembre 4th, 2011

Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais apparemment féminité et maternité seraient difficilement compatibles. Si vous avez réussi à échapper aux injonctions de la presse parentale et féminine à redevenir une fâââââmme après la naissance, une simple recherche Google vous apprendra que rester femme pendant ou après la grossesse ne va pas de soi (voir par exemple les Maternelles, Doctissimo, ainsi qu’une critique magistrale par @LaPeste ; même le corps médical s’y met). Soit. Si j’en crois la définition de la féminité par Wikipédia :

La féminité est l’ensemble des caractères morphologiques psychologiques et comportementaux propres aux femmes. Ils sont biologiquement liés au sexe et fortement influencés, voire conditionnés par l’environnement socioculturel. Ils sont exclusifs et différencient les femmes des hommes qui eux possèdent des caractères masculins

Je pense qu’à peu près tout le monde sera d’accord pour dire que la maternité, surtout dans son incarnation physique (grossesse, accouchement, allaitement), est exclusivement féminine. En clair, s’il n’y a évidemment pas besoin d’être une mère pour être une femme, il semble nécessaire d’être une femme pour être une mère. L’idée que la maternité menacerait la féminité me semble donc pour le moins capilotractée.

En fait le problème vient plutôt de la définition de la féminité qu’on nous propose. Être une femme, en clair, c’est être séduisante. Et cette séduction n’est reconnue que si elle est conforme au modèle imposé : bien habillée, bien coiffée, mince, bien maquillée, épilée de près. Je ne vois pas bien en quoi ceci serait une caractéristique strictement féminine : les hommes aussi peuvent séduire, y compris par une apparence soignée et conforme aux canons de l’époque et du lieu (même s’ils sont souvent légèrement différents de ceux des femmes). Bien sûr je ne nie pas le plaisir engendré par la séduction et les bienfaits personnels qu’on peut retirer à s’occuper de son corps et à le mettre en valeur, y étant moi-même assez attachée, mais je ne vois pas en quoi ce serait la définition de la femme, la condition sine qua non de la féminité. Au contraire, porter un enfant ou le mettre au monde me semblent des preuves éclatantes de féminité, même si encore une fois nul besoin de faire cela pour être une femme. C’est juste que je vois peu d’autres choses qui soient aussi exclusivement et universellement féminines.

Que nous dit cette définition de la féminité basée sur la séduction ? Pourquoi met-on autant la pression sur les femmes pour qu’elles se conforment à ces canons ? D’abord, cela fait vendre. Eh oui, pour attendre la perfection féminine, il faut des cosmétiques, des épilateurs, des habits… Ensuite, cela les occupe : c’est le « harem de la taille 38 » où nous nous enfermons toutes seules. Et tout cela pour qui ? Pour les hommes ? Mais les goûts des hommes sont à peu près aussi divers que les physiques féminins, sans compter que la séduction et la sexualité ne se réduisent pas à l’apparence physique. D’ailleurs, cette définition ultra-sophistiquée de la féminité séductrice pourrait bien être contre-productive pour la libido féminine. Et, surtout, il n’y a rien d’anormal ou de pathologique à ne pas vouloir mettre la priorité sur sa vie sexuelle. Chacun avance dans son couple comme il le souhaite, sans qu’il y ait une norme étroite à laquelle se conformer à tout prix.

Une femme -comme un homme d’ailleurs- peut s’investir et se réaliser dans bien d’autres choses que la parentalité ou que son apparence physique : le travail, l’engagement associatif et/ou politique, un blog, le sport, l’amitié, la fête, la maison (déco, cuisine…), le sexe, et bien d’autres encore. On peut explorer les axes qu’on souhaite, en parallèle ou séquentiellement, faire l’impasse sur d’autres… bref c’est à chacun de tracer son chemin comme les circonstances le lui permettent. Parce qu’évidemment maintenant que les femmes ne sont plus strictement cantonnées à certains chemins, la nouvelle contrainte est de leur demander d’être excellentes sur tous et en même temps.

Mais quoi qu’il en soit, nous sommes entièrement femmes quand nous sommes enceintes jusqu’au cou, victimes de remontées acides, d’une crise d’acné impromptue et d’oedème aux chevilles. Encore femmes quand à moitié nues, nous hurlons que ce p… d’anesthésiste vienne maintenant ou on se fera une auto-césarienne avec les dents, sans manquer de constater la fâcheuse tendance de certains de nos fluides corporels à s’échapper hors du contrôle de notre volonté. Toujours femmes quand l’oeil hagard et cerné nous tentons de compter les vergetures et de retrouver notre nombril égaré sur notre ventre distendu entre deux tétées. Que diable pourrions-nous être d’autre ?

Je profite de ce billet pour m’attaquer dans la foulée à « retrouver son corps après la grossesse« . Si seulement retrouver son corps voulait dire refaire connaissance avec ce corps qui change, qui évolue, pour certaines choses de façon presque imperceptible et pour d’autres bien plus radicalement, l’aimer, en prendre soin… Mais en général, retrouver son corps signifie simplement revenir sur le droit chemin : obtenir et garder un corps de jeune adolescente. Pas de gras (et surtout pas de cellulite), pas de poil, pas de ride. Facile, il suffit de 1. rester fââââmme et 2. « prendre soin de soi ». Quand je vois des femmes plutôt minces avoir une alimentation exclusivement à base d’oeuf dur, de jambon blanc et de yaourts (à 0% bien sûr), j’aimerais bien qu’on m’explique en quoi cela consiste à prendre soin de son corps (pour ceux qui ne verraient pas, voir cet avis de l’ANSES, ainsi résumé par le Monde : « Les régimes amaigrissants sont mauvais pour la santé »).

Les amies, j’ai un scoop : vous ne retrouverez JAMAIS votre corps d’avant la grossesse. Vous pouvez arriver à quelque chose qui s’en approche, mais le poids n’est que la partie visible de l’iceberg : les abdos un peu ramollis malgré la rééducation, les seins qui ont changé de forme, de taille ou de couleur, les pieds qui grandissent, quelques vergetures et capitons, même discrets, la pilosité qui change… Bien sûr on ne subit pas toutes les mêmes effets à la même intensité, mais même celles sur qui ni la maternité ni le temps ne semblent avoir de prise les subissent également.

Inutile de se voiler la face, la maternité nous change. Elle bouscule notre corps, notre psyché, nos priorités, notre vision des choses. Il est bien naïf de se convaincre que rien ne changera avec l’arrivée de l’enfant, que nous on ne deviendra pas des bonnets de nuit qui ne veulent plus sortir et ne parlent que de couches, qu’on ne sera pas comme ces mères mal coiffées qui ont une bouée de sauvetage greffée au-dessus des hanches. Bien entendu, il est salutaire de ne pas se perdre et de garder des choses pour soi, comme des activités non liées aux enfants, mais il est illusoire de penser qu’on pourra tout garder en même temps et à la même intensité. Et tout aussi illusoire de penser que nous pouvons ressembler toute notre vie à des adolescentes en papier glacé. On a mieux à faire, non ?

Pour poursuivre la réflexion, quelques lectures (cliquez aussi sur les liens dans le billet) :

(et sûrement bien d’autres, n’hésitez pas à en signaler !)

Sur ce blog (si vous avez réussi à les rater dans le corps du billet, mais je ne recule devant rien pour faire ma pub) :

Photo : Thomas Beatie, l’homme enceint. Parce que quelle que soit la thèse qu’on défend, on trouve toujours un exemple pour la contredire…

Comme une poule devant un siège auto

lundi, juillet 4th, 2011

Quand j’étais un bébé parent, je pensais naïvement que l’Etat dans son infinie sagesse faisait une sélection rigoureuse des sièges auto disponibles à la vente et qu’en conséquence il ne me restait plus qu’à évaluer les critères de praticité, de confort et d’esthétisme, la sécurité étant équivalente entre les différents modèles. Je pensais en outre que les vendeurs des magasins de puériculture disposaient de connaissances fiables dans ce domaine. Oui, vous pouvez rire, faites-vous plaisir. Depuis, j’ai écumé le net, décortiqué les crash tests, déchiffré des pages en langages variés (avec l’aide plus ou moins heureuse de l’ami Google traduction), et malgré ça me reste l’impression amère de n’avoir jamais acheté ce qu’il fallait, et ce n’est pas faute de ne pas avoir palpé, hésité, tergiversé et surtout déboursé euros sonnants et trébuchants.

Ce qui reste assez clair, c’est que la France, très à la traîne en termes de sécurité automobile (dans la réglementation mais surtout dans les mentalités), ne fait pas exception pour les enfants. Je suis toujours très surprise de voir combien il reste de personnes pour qui la seule raison de respecter le code de la route est d’éviter la sanction prévue par la loi, y compris à ma génération. Le fait que les accidents de la route soient la première cause de mortalité des 15-24 ans par exemple, ne semble pas les affecter (ou pouvoir être relié d’une façon ou d’une autre à leur comportement).

Une idée reçue à combattre voudrait qu’en gros seule l’autoroute soit dangereuse. Elle l’est bien sûr, mais les petits trajets en ville le sont tout autant. Une collision à 50 km/h équivaut à une chute du troisième étage, et la majorité des accidents a lieu par temps sec, sur un trajet connu à moins de 15 km du domicile (voir ici par exemple). On ne peut pas physiquement retenir un enfant avec ses bras lors d’un impact à 50 km/h. Vous pouvoir en vidéo ce qu’il arrive à un enfant de 3 ans sans siège ni ceinture à 50 km/h. Un siège inadapté (ou une simple ceinture avant d’avoir atteint la taille réglementaire) n’est pas pour autant satisfaisant : voici ce qui arrive à un enfant avec la seule ceinture.

Vous ne laisseriez pas votre enfant jouer sur un balcon au troisième étage (ou plus haut) sans rambarde parfaitement sécurisée, il est donc crucial de pouvoir l’attacher correctement en voiture, en fonction de son âge et de son gabarit. La première chose dont personne ne semble au courant en France (l’info a du s’arrêter à la frontière comme un certain nuage…), c’est que les enfants ont intérêt à rester dos à la route le plus longtemps possible. Ce n’est pas une mode ou une lubie, c’est le résultat de nombreuses études scientifiques. Il y a à la fois une bonne compréhension de la relation de cause à effet (en lien avec la fragilité de la nuque du bébé et du petit enfant, qui est mieux protégée dos à la route), et une vérification de sa réalité par de nombreuses observations et statistiques (l’installation dos à la route s’avère cinq fois plus sûre que l’inverse). Voir par exemple cet article du très sérieux British Medical Journal, qui recommande l’installation dos à la route jusqu’à 4 ans, ou encore cet avis de l’Académie américaine de pédiatrie pour qui 2 ans est un minimum avant de passer face à la route.

Concrètement, comment faire ? Pour un nouveau-né, les nacelles sont à éviter. Elles ne sont d’ailleurs pas homologuées pour la voiture dans de nombreux pays occidentaux. Deux exceptions : la Bébéconfort Windoo Plus (qui a obtenu le résultat « bon » aux tests de l’ADAC) et la Römer Baby safe sleeper (quatre étoiles au TCS). Elles proposent notamment un vrai harnais trois points, au lieu de l’espèce de bande ventrale à scratch qu’a ma « vieille » (4 ans) nacelle Jané. Ceci dit ça coûte un rein, ça ne dure pas très longtemps (Sumo n°1, euh Pouss1, s’y est senti à l’étroit avant d’avoir passé trois mois, et Sumo n°2 n’a jamais voulu y mettre un orteil) et ça prend deux places dans la voiture (voire toute la banquette si vous avez une ceinture deux points au milieu).

Il vaut donc mieux s’en tenir à une coque (groupe 0+) ou un siège 0+/1 si poussin a un bon gabarit (attention car certains sont crevettes à la naissance et se sumoïsent au fil des mois, y compris au lait maternel qui a la réputation infondée de sous-nourrir les nouveaux-nés). La coque garde cependant l’avantage d’être plus facilement transportable, par exemple si vous prenez le train avec votre poussin et qu’on vient vous chercher à la gare. Et si vous avez eu la bonne idée de prendre le forfait bambin (à 8.20€ quelles que soient la distance et la classe, c’est un des meilleurs investissements disponibles pour un jeune parent), vous pourrez poser la coque sur le siège d’à côté et le poussin dedans, particulièrement pratique tant qu’il ne tient pas assis. Par contre je n’ai jamais compris l’intérêt de trimballer à bout de bras bébé dans la coque sur plus de 20 mètres, c’est épuisant, je préfère mettre l’enfant dans un porte-bébé et porter le siège vide.

Lorsque bébé commence à être à l’étroit dans sa coque (et rappelons qu’elles sont par définition homologuées jusqu’à 13 kg, donc c’est rarement à 6 mois ; rappelons également qu’il est conseillé de ne pas trop couvrir l’enfant : pas de manteau mais une couverture sur le siège par exemple), il est plus sûr de le garder dos à la route. Il existe maintenant des sièges permettant d’installer les enfants dos à la route jusqu’à au moins 4 ans (25 kg), même s’ils sont plus difficiles à trouver. On peut citer la boutique online carseat.se ainsi que les concessions Volvo, pour ceux qui préfèrent tâter avant d’acheter. Un enfant si grand dos à la route, cela nous semble surprenant voire impossible, pourtant c’est devenu la norme en Suède par exemple. Quand j’étais enfant, il n’y avait pas de ceinture à l’arrière de toutes les voitures, sans même parler de siège auto (c’était le bon temps ma brave Janine) ; on voit déjà le chemin parcouru depuis !

Pour une raison ou pour une autre, si votre enfant ne peut voyager dos à la route, une alternative intéressante peut être un siège 1/2/3 à bouclier. Il y en a deux bien notés par les tests des Goths de l’Ouest qui sont à l’Est par rapport à nous Allemands et Suisses : le Cybex Pallas 2-fix et le Kiddy Guardian Pro. Ils sont d’ailleurs supposés être plus fiables que les sièges plus classiques à harnais, sauf qu’il y en a d’aussi bien notés, donc je ne sais pas trop quoi en penser. L’avantage, même s’ils coûtent un rein, est qu’avec ça vous êtes parés jusqu’à ce que l’enfant n’ait plus besoin de siège auto (ou jusqu’à ce que de nouvelles règles de sécurité sortent et les relèguent au rang de dangereuses antiquités), et pour le coup ce sont les seuls 1/2/3 bien notés. Ceci dit attention car en traînant sur les forums (toujours utile) j’ai vu que leur installation avec le bouclier demande une grande longueur de ceinture et n’est ainsi pas possible sur toutes les voitures (surtout les modèles un peu anciens) ; par contre il semble que certains petits farceurs qui se dégagent du harnais soient mieux maintenus par le bouclier. Mieux vaut donc essayer avant d’acheter.

Donc au cas où les allusions subtiles au cours du billet vous auraient échappé, avant d’aller en boutique (ou au moins avant de dégainer la CB), visitez les pages du Touring Club Suisse et de l’ADAC (les Allemands) pour une évaluation objective et ne pas vous faire embobiner par des vendeurs mal renseignés. L’ADAC ne propose qu’une version en allemand mais le tableau avec les +, les – et les codes couleur est assez facile à comprendre. En France ne comptez pas sur les magazines parentaux pour vous servir beaucoup mieux que de la soupe publicitaire plus ou moins déguisée (au mieux quelques avis de parents possédant tel ou tel siège, distrayant mais pas super utile) ; seul Que Choisir propose des tests dignes de ce nom mais il faut acheter le magazine (version online payante également). Et puis surtout, ne soyez pas pressés de passer à la catégorie supérieure, qui sera toujours moins sécurisante que l’actuelle (sauf quand la tête de l’enfant dépasse du siège ou quand il a passé la limite de poids du siège).

Donc ça c’est la théorie, la pratique elle est comme toujours plus complexe. Il y a des enfants qui hurlent en voiture tant qu’ils sont dos à la route et se calment miraculeusement en passant dans l’autre sens (ou arrêtent de vomir toutes les dix minutes). Il y a des gens qui ont beaucoup d’enfants et de voitures, ce qui ne laisse souvent plus beaucoup d’argent pour acheter des super sièges dernier cri. Il y en a d’autres qui prennent tellement peu la voiture que la probabilité d’avoir un accident devient minime et ne justifie pas forcément l’achat d’un siège dernier cri, d’autant plus que leur gentille belle-soeur qui a fini de pondre leur passe ses sièges au fur et à mesure. Il y a des voitures un peu tarabiscotées où certains sièges sont difficiles à bien fixer (voire impossibles). Et puis les fabricants ont le don de vous embrouiller en faisant 15 modèles proches avec des noms qui se ressemblent mais qui ne sont pas les mêmes : pas toujours facile de savoir s’il y a une vraie différence entre deux (et lequel a été effectivement passé à la loupe des tests) ou juste des nouveaux tissus plus fashion (et un super cercle-en-plastique-on-appuie-dessus-ça-sort-ça-fait-porte-gobelet ?). On ne peut même pas faire confiance à une marque donnée : par exemple dans le test du TCS certaines marques ont des notes allant de deux à quatre étoiles selon les modèles.

Prenons un petit exemple pour voir à quel point ce n’est pas toujours simple : la famille Pondeuse. Nous avons, en plus d’une coque Jané Rebel achetée avec un super pack poussette pour la naissance de Pouss1 et que je ne trouve pas terrible (et elle n’a même pas été testée par nos voisins de l’Est) :

  • un Britax First Class (0+/1), dans lequel Pouss2 (18 mois, environ 12 kg) est toujours confortable dos à la route. Le seul hic c’est qu’il ne semble pas super bien fixé dans la voiture (pas de tensionneur de ceinture par exemple).
  • un Bébé Confort Axiss (groupe 1), dans lequel Pouss1 (4 ans, environ 14 kg) est également bien installé. Evidemment, c’est bien après l’avoir acheté que j’ai découvert que les Suisses ne lui accordaient que trois étoiles (et les Allemands « Befriedigend », c’est-à-dire satisfaisant). Au moins il semble assez confortable, avec un tissu agréable. Le fait qu’il tourne pour installer l’enfant est sympa, mais vu qu’on a un monospace ce n’est pas indispensable.

Les poids des poussins sont très approximatifs, car ils ne vont que rarement chez le médecin et nous n’avons pas de pèse-personne (une mystérieuse affliction frappe toute balance entrant dans notre domicile et la rend rapidement inutilisable). Ainsi Pouss1 devient un peu grand pour le Axiss (sa tête commence juste à dépasser) mais ne fait probablement pas encore les 15 kg réglementaires pour passer au groupe 2. Quant à Pouss2, il approche des 13 kg (s’il ne les a pas déjà dépassés) au-delà desquels la notice du Britax recommande de passer face à la route (j’ai contacté Britax pour savoir si c’était vraiment problématique de le laisser dos à la route après 13 kg et ils m’ont simplement répondu qu’il n’était pas homologué pour ça, je suis bien avancée). Que faire ?

  • l’approche Maîtrisons les dépenses de puériculture (ou rationnelle, selon le point de vue) : acheter un groupe 2/3 pour Pouss1 (dans la liste des 4*/Gut des crash tests) et passer Pouss2 face à la route dans le Britax
  • l’approche La sécurité n’a pas de prix (ou folle hystérique, toujours selon le point de vue)  : acheter deux sièges permettant de rester dos à la route jusqu’à 25 kg (que Pouss1 devrait atteindre vers ses 18 ans à ce rythme), à plus de 250€ le siège ; ajouter un cierge à brûler à un Saint de votre choix pour que Pouss1 accepte de s’installer dos à la route (et pour que ça n’accentue pas sa fâcheuse tendance à changer le sens de circulation de son oesophage dès qu’il monte dans la voiture) ; être obligée de faire deux ou trois poussins de plus pour rentabiliser le matériel
  • l’approche Ni l’un ni l’autre, bien au contraire : acheter un siège à bouclier 1/2/3 et y mettre Pouss1 jusqu’à ce qu’il passe bien les 15 kg, en attendant laisser Pouss2 dos à la route dans le Britax (en espérant qu’il reste en deça des 13 kg -le mettre au régime Dukon peut-être ?), puis racheter un 2/3 pour Pouss1 et mettre Pouss2 dans le 1/2/3 avec le bouclier
  • l’approche Autruche : vendre la voiture et ne plus remettre les pieds dans aucune de ces maudites chariottes inventées par le Malin

Ajoutez à cela qu’en bons Parisiens nous ne prenons pas très souvent la voiture (généralement une à deux fois par mois), même s’il nous arrive de partir en vacances avec jusque dans les lointaines contrées varoises, et la question bonus : faut-il prendre un siège Isofix (qui coûte un demi-rein de plus) alors que notre voiture n’en a pas, mais que peut-être un jour on en aura une autre qui l’aura ?

Je vous laisse voter en commentaire, et proposer vous aussi vos cas de conscience à la Basse-cour le cas échéant.

Photo : J’avoue un coupable penchant pour ces chatons débiles (celui-là dit : « Pas freiner si fort la prochaine fois siteuplé »)

(et, est-il besoin de le préciser, personne ne m’a rien donné ni payé pour écrire ce billet)

Eduquer sans punition (1)

lundi, mai 16th, 2011

Avec le spot télé récent militant pour l’interdiction de tout châtiment corporel, beaucoup de débats autour de l’éducation des enfants ont refait surface. Je suis souvent déprimée par ce que je lis sur la question, et j’ai rarement le courage de poster l’unique (ou presque) commentaire en défense de ce type d’initiative (même si le spot en lui-même est loin d’être parfait mais ce n’est pas l’objet de mon billet). J’ai déjà abordé beaucoup de ces points dans d’autres billets (j’essaierai d’en faire une petite compilation à la fin de celui-ci), donc j’espère par avance que les plus fidèles lecteurs m’excuseront pour les redites.

Comme l’indique le sous-titre du blog, j’ai peu de certitudes en matière d’éducation et de puériculture. J’ai trouvé certaines solutions (allaitement, portage…) qui fonctionnent bien pour moi et pour ma famille, et je les partage ici, mais loin de moi l’idée de détenir la vérité absolue. Une des rares choses dont je suis certaine : les châtiments corporels, même légers, sont inutiles, car inefficaces et nocifs. Et il me semble que les punitions ne sont pas beaucoup plus performantes. Avant d’aller plus loin, il me semble important de préciser que cette affirmation n’a pas vocation à juger les parents qui les utilisent ou les ont utilisés. De nombreuses raisons peuvent expliquer le recours à une tape ou une fessée, mais à mon sens rien ne les justifie (à part la légitime défense mais j’ai du mal à imaginer un adulte dont l’intégrité physique soit sérieusement menacée par un enfant de deux ans). C’est d’ailleurs ce que les lois de notre société prévoient pour les adultes : toute violence corporelle est interdite, sauf en cas de légitime défense. A chaque fois que vous dites « ça n’a jamais fait de mal à personne », ou « il m’a poussé(e) à bout », ou « il faut bien qu’il comprenne les limites », pensez à cette phrase dans la bouche d’un homme qui parle de sa femme : intolérable. Pourquoi serait-ce différent pour un enfant ? Je ne pense pas qu’un enfant dont les parents aimants lui donnent une fessée ou une tape occasionnelle soit traumatisé à vie ou que ses parents soient maltraitants ou défaillants, mais simplement que tout le monde se porterait mieux sans. Je ne veux pas non plus m’ériger en modèle : je retranscris ici mes objectifs et mes idéaux, qui ne sont hélas pas ma pratique quotidienne, jalonnée d’erreurs et de défaillances variées.

D’abord un point essentiel mais que je ne vois que rarement évoqué : tout comme ils sont immatures physiquement, les enfants sont immatures psychologiquement. Ils n’ont souvent pas la capacité d’avoir le comportement et la gestion des émotions que nous attendons d’eux, ou en tout cas pas en permanence et en toute circonstance. Par exemple, le fait qu’un enfant ait accepté sans broncher qu’aujourd’hui Maman n’achèterait pas de bonbon au supermarché ne veut pas dire que demain, après avoir -au hasard- zappé sa sieste (mais cela peut aussi être une combinaison de facteurs plus subtiles à identifier), il parvienne à rester dans les meilleures dispositions lors d’un événement similaire. Or on n’attend d’un bébé de trois mois qu’il marche ou d’un enfant de deux ans qu’il escalade le Mont Blanc, et j’ose espérer qu’on n’imagine pas qu’une bonne claque ou une séance d’isolement accélèrerait l’acquisition de ces aptitudes. Au contraire, le parent lambda prendra simplement en compte cet état de fait dans son organisation, par exemple en s’équipant d’un dispositif type poussette ou porte-bébé, ou tout simplement en s’arrangeant pour ne pas emmener l’enfant. Bien sûr, le développement de la maturité psychologique est plus long et complexe à appréhender que le développement moteur, et les enfants, notamment par leur maîtrise du langage, peuvent nous donner l’illusion d’être plus avancés qu’ils ne le sont. Par ailleurs, certains auteurs comme Gordon Neufeld avancent que le développement de ces capacités ne peut se faire que si la sécurité physique et affective de l’enfant est garantie : la meilleure façon d’aider l’enfant à les acquérir ne serait donc pas de le punir ou de le frapper. Enfin n’oublions pas que nous-mêmes sommes rarement en pleine capacité de gérer nos émotions et d’adapter parfaitement notre comportement aux circonstances (comme en témoignent les fois où poussés à bout nous crions, insultons et/ou tapons nos enfants) : comment imaginer et exiger d’un enfant qu’il soit plus compétent que nous ?

Cela nous amène au point suivant : les enfants, surtout petits, apprennent par imitation. Donc la meilleure façon d’apprendre à un enfant à ne pas taper, c’est de ne pas taper. A ne pas crier, de ne pas crier. Je vous laisse poursuivre la liste (ou regarder cette petite vidéo, perturbante mais meilleure que celle citée en début d’article je trouve)… Je ne vous cache pas que ça ne m’arrange pas vraiment : bien sûr qu’il est plus simple de gueuler un bon coup que maintenant mon coco tu vas la boucler ou tu t’en prends une, que de travailler chaque jour, à chaque instant sur moi-même pour ne pas céder à mon premier instinct. Ne soyons pas non plus simplistes, l’imitation n’est pas le seul canal d’apprentissage, et il n’est évidemment pas automatique que nos enfants reproduisent tous nos défauts. Mais ne nions pas pour autant son importance. Pour ma part, après avoir traversé une phase avec quelques pétages de câble (genre hurlements et claquage de porte -finalement la version adulte du gosse qui se roule par terre si on y réfléchit…), j’ai constaté que de prendre sur moi pour les éviter autant que possible donnait vraiment de meilleurs résultats et une meilleure ambiance à la maison. Et à la réflexion, demander de mes fils un comportement adulte en me comportant comme si j’avais 18 mois est assez paradoxal…

Tout cela (ainsi que certaines lectures), à contre courant de ce que la « sagesse » populaire nous répète, m’a amenée à réfléchir à la place que je souhaite donner aux enfants, et aux miens en particulier, à ce que j’attends d’eux, à ce que je veux leur transmettre et leur apprendre. Le spectre du parent impuissant et permissif tyrannisé par un enfant-roi n’est jamais loin, mais il révèle en négatif le parent « idéal », qui mène sa famille mieux qu’un général dirige ses troupes et à qui les enfants obéissent au doigt et à l’œil. Assis couché tais-toi donne la papatte. Ma grand-mère me disait un jour : « C’est dramatique, aucun de mes petits-fils ne serait capable de faire la guerre de 14. » Moi je ne trouve pas ça dramatique du tout, bien au contraire. J’espère bien que mes fils ne passeraient pas quatre ans dans les tranchées à tenter de zigouiller des inconnus sans se poser de sérieuses questions. Et qu’avant ça ils n’éliraient personne proposant ce type de programme. On ne fait plus des bons petits soldats pour qui la valeur suprême est d’obéir à l’autorité. On fait (avec plus ou moins de succès, je vous l’accorde) des adultes responsables, qui se posent des questions et réfléchissent à ce qu’ils veulent eux et forgent leur propre échelle de valeurs. En réalité, on est sans doute plutôt dans la transition à tirer à hue et à dia, ce qui explique la confusion actuelle.

Au-delà des clichés entretenus par certains médias, il suffit de parler avec des profs (si vous n’en avez pas dans votre entourage, vous pouvez lire Princesse Soso par exemple) pour comprendre qu’il y a effectivement un nombre non négligeable d’enfants et d’adolescents en pleine carence éducative. Je n’ai pas d’expertise sur cette question, et ne souhaite pas verser dans le café du commerce, mais il me semble que les appels à la fermeté parentale, y compris physique, sont un peu simplistes. « Vous n’avez qu’à être plus ferme », plus facile à dire qu’à faire. « Sans fessée les parents sont dépossédés de leur autorité’, mais bien sûr. La vérité, c’est qu’élever des enfants demande un temps, une énergie, un investissement personnel conséquents. La vérité, c’est que les enfants ont un bullshitomètre de compétition et qu’ils ont besoin d’adultes de qualité en face d’eux. La fessée et les punitions ne sont qu’un coup de peinture pour tenter d’empêcher un édifice en ruines de s’écrouler, quand ce qu’il faut à l’enfant c’est d’être vraiment pris en charge, par des adultes en cohérence les uns avec les autres. Pour une vision en profondeur de la complexité du problème, je vous invite à lire Jean-Pierre Rosenczweig, qui est juge des enfants dans le 9-3, et qu’on peut donc imaginer assez bien en prise avec la réalité.

Pour moi, l’éducation c’est, comme le dit François de Singly : Aider l’enfant à devenir lui-même. C’est prendre en compte que les enfants sont à la fois des personnes dignes du même respect que les adultes, et qu’ils sont petits et donc ont des besoins différents. Je souhaite que mes poussins me respectent, pas qu’ils me craignent. Qu’ils écoutent ce que j’ai à leur dire parce qu’ils savent que je les aime et que je veux qu’ils soient heureux. Pas parce qu’ils ont peur que je me fâche ou que je les frappe. Cela veut dire aussi qu’en retour je les respecte aussi et que j’accepte qu’ils ne soient pas toujours d’accord avec moi, qu’ils aient d’autres idées, qu’ils fassent d’autres choix. Ce n’est pas simple, car j’en suis (avec le Coq*) responsable, et leur manque de maturité physique et psychologique demande à ce que nous prenions pour eux des décisions et que nous les appliquions. C’est l’exercice de l’autorité parentale. Comme le formule très clairement l’article 371-1 du Code civil :

L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient au père et à la mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.

 

Avant la fin de la semaine, deuxième partie : des idées concrètes pour s’en sortir au quotidien. En attendant, quelques lectures qui m’ont aidée à clarifier ma vision des choses (les deux premiers sont pour moi des incontournables) :

  • Retrouver son rôle de parent, de Gordon Neufeld et Gabor Maté
  • Parents efficaces, de Thomas Gordon
  • Comment aider l’enfant à devenir lui-même ?, de François de Singly (je n’ai pas fait de compte-rendu, shame on me)
  • Isabelle Filiozat : Au coeur des émotions de l’enfant et Il n’y a pas de parent parfait (pas de billet non plus, bouououh) ; je ne suis pas une grande fan du style de Filiozat mais je suis globalement d’accord avec son message et je sais qu’il est très parlant pour d’autres.

Je n’ai pas lu mais cela a l’air intéressant :

  • Plaidoyer pour l’enfant roi, de Simone Korff Sausse (voir un résumé ici)

 

*Ces billets visent à exposer mes réflexions et points de vue, pas ceux du Coq, d’où leur rédaction à la première personne du singulier. Cela ne veut pas dire qu’il ne les partage pas et encore moins qu’il n’est pas pleinement investi dans l’éducation de nos enfants, mais ce n’est pas ce que je souhaite aborder ici.

Photo : Le prof le plus pédagogue d’Hogwarts en pleine action

L’enfant et le couple

mardi, mai 3rd, 2011

D’un point de vue purement biologique, l’enfant est la principale raison d’être du couple. Socialement, c’est également souvent le cas, même si les sociétés occidentales voient l’émergence d’une proportion croissante de couples et d’individus revendiquant le désir d’une vie sans enfant. Sans compter que le schéma familial classique avec le couple parental et les enfants qui en sont issus coexiste maintenant avec d’autres formes de parentalités : familles recomposées, homoparentalité, etc. Sans vouloir ignorer la diversité des situations, je vais me concentrer sur la famille « traditionnelle » mais surtout n’hésitez pas à vous en éloigner dans les commentaires.

Avant même la venue de l’enfant, cela peut déjà être un sujet de discorde : l’un souhaite être parent et pas l’autre, et voilà un beau sujet de friction. Et même si les deux sont d’accord mais que l’enfant ne vient pas… Un désir d’enfant non satisfait est une blessure profonde, qui peut conduire à la rupture. Quant à un bébé surprise, c’est aussi souvent une sacrée zizanie : quand l’un veut le garder et pas l’autre, quelle que soit la décision finale, c’est un sacré coup porté au couple.

Et quand un enfant désiré par ses deux parents s’annonce… Comme déjà expliqué ici, beaucoup d’adultes ne réalisent pas vraiment ce qu’est un bébé et ce qu’il demande. Sans vouloir verser dans les clichés, il est relativement fréquent que la future mère, une fois le deuxième trait apparu sur le bâtonnet, commence à se documenter sur la question. En même temps, plus difficile de faire comme s’il ne se passait rien quand avant même d’avoir atteint le centimètre votre future progéniture vous transforme en marmotte vomissante. Le suivi de la grossesse et les choix faits pour l’accouchement sont des sources de débat : comment choisir quand on n’a pas la même hiérarchie des risques ? D’autant plus qu’autant la mère a évidemment le dernier mot sur ce qui concerne son propre corps, autant le père a un avis légitime sur ce qui a des conséquences pour l’enfant : comment concilier cela (même si légalement c’est l’avis de la mère qui l’emporte) ? Que faire si la mère veut accoucher à la maison (et qu’elle trouve une sage-femme pour l’accompagner…) et que le père trouve cela trop dangereux  ? Ou qu’elle ne veut pas de péridurale alors qu’il ne peut envisager de la voir souffrir ? A l’inverse, c’est le père qui peut être persuadé des bienfaits d’une naissance avec peu d’intervention tandis que la mère désire une césarienne.

Et même dans les cas où personne ne se posait trop de questions, la naissance -toujours pleine d’imprévus- peut être vécue de façon bien différente. Parfois c’est le père qui a vu ce qu’il n’aurait pas voulu voir : sa femme dans une situation peu glamour, sa femme en danger ou encore une équipe en train de s’affairer autour d’elle et du bébé tandis qu’il reste planté là habillé en schtroumpf sans pouvoir rien faire. Il y a des cas où c’est la mère qui vit très mal un accouchement, pourtant décrit par le classique « La mère et le bébé vont bien ». Mais ce n’est pas parce qu’on a un corps qui fonctionne qu’on va bien, même si bien sûr ça aide !

La période du post-partum est particulièrement délicate. La femme, si elle n’est pas Rachida Dati, n’est en général pas au top (et c’est un euphémisme). On oublie à tort l’adage de grand-mère « Neuf mois pour le faire, neuf mois pour le défaire », et on s’imagine qu’à peine le flan démoulé on va revenir instantanément à l’état pré-conceptionnel. Mais rien que pour le ventre, imaginez-vous un peu : l’utérus, qui en temps normal fait à peu près la taille d’une figue fraîche, pèse à terme près d’un kilo, pour une capacité de plusieurs litres. Les abdominaux s’allongent d’environ 20 cm. Et tout cela n’est que la partie émergée de l’iceberg (comme déjà dit ici). Bref, alors que la femme est molle (dans une société qui valorise la fermeté), a la foufoune en chou-fleur (alors qu’elle doit porter des garnitures périodiques ultra-super-plus), les cheveux qui tombent, les poils qui poussent, les seins en obus, les hormones qui font pleurer et j’en passe (notamment certaines difficultés courantes des débuts de l’allaitement), elle doit apprendre à vivre avec un bébé, qui en prime ne ressemble pas du tout à ce qu’elle avait lu dans Laurence Pernoud. Le père, qui a parfois du mal à s’investir dans la grossesse voit d’un seul coup les choses devenir extrêmement concrètes, ce qu’il peut trouver difficile à assimiler. En bref, c’est un moment très délicat pour le couple. Et si vous rajoutez un soupçon de belle-maman qui dit que votre nouveau-né vous manipule déjà et/ou d’un pédiatre un peu psycho-rigide pour qui vous ne faites rien comme il faut, c’est un miracle qu’il n’y ait pas plus de crimes passionnels pendant le post-partum (peut-être les gens sont-ils simplement trop épuisés ?).

Et puis très vite il faut prendre des décisions, faire des choix : sommeil, alimentation, réponse aux pleurs… autant de sources possibles de dissensions voire de franches disputes. C’est vrai : avant de décider de faire un bébé à deux, qui a vraiment vérifié la totale compatibilité de vision de la chose au sein du couple ? Qui s’est posé des questions dont il ignorait jusqu’à l’existence ? D’autant plus qu’à 4 heures du matin, après deux mois de nuits hachées, ce n’est pas vraiment le moment idéal pour débattre de sa conception philosophique de l’éducation. Vous pouvez penser être rodés pour le deuxième (troisième, etc), mais en réalité le problème se repose et de façon différente. Chaque parent a une relation différente avec chaque enfant, et cela change selon les périodes. Et bien sûr chaque enfant pose des problèmes différents.

Alors, après ce tableau quasi-apocalyptique, que peut-on proposer ? Bien sûr, et comme toujours, chacun doit trouver ses propres solutions, adaptées à sa situation, mais voici quelques pistes (rien de bien révolutionnaire hélas).

  • Définir ses priorités éducatives. Qu’est-ce qui n’est vraiment pas négociable pour chacun, et qu’est-ce que chacun fait à sa sauce ? Cela est utile de façon générale, quand on doit confier l’enfant, et pour l’éducation en général : choisir ses combats… Par exemple moi je me fiche bien de la façon dont on donne le bain (du moment que le résultat est à peu près satisfaisant), voire même que les enfants en prennent un, mais je suis intransigeante sur les tapes et fessées : j’en veux zéro.
  • Définir des priorités familiales et individuelles. Avec l’arrivée d’un enfant, il est illusoire de penser qu’on va mener la même vie qu’avant. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut plus rien faire mais qu’il faut choisir. Il peut être salutaire de se garder une activité à soi, pour soi, mais c’est maintenant quelque chose à négocier entre parents. Ça peut aussi être l’occasion de (re)discuter du partage des tâches ménagères…
  • Anticiper le pétage de plomb et passer le relai. Les enfants, dès la naissance, savent nous pousser à bout comme personne. Avant de leur hurler dessus, ou pire de les violenter, dire à l’autre qu’on n’en peut plus et aller se défouler plus loin. Et être aussi disponible que possible pour rendre la pareille.
  • Laisser l’autre s’occuper de l’enfant sans l’abreuver de conseils ni le surveiller. Particulièrement important à trois heures du matin : celui qui s’est levé agit et l’autre la boucle, à moins d’être sollicité (ou que l’autre franchisse une ligne rouge -cf premier point- ou craque). Et à mon avis c’est une clé importante pour que chacun construise SA relation avec l’enfant. Certaines femmes disent qu’étant comblées par leur bébé leur couple passe au second plan. Pas un problème en soi, mais à mon avis il faut laisser au père la possibilité d’être lui aussi comblé par bébé.
  • Rester à peu près solidaires en public. Les jeunes parents sont sous le feu de critiques constantes de l’entourage, et c’est vraiment plus facile à supporter à deux. Alors bien sûr on peut se moquer gentiment des petites manies de l’un ou de l’autre, mais quand une des grands-mères suggère que le lait maternel n’est pas assez nourrissant, ou qu’il ne faut pas céder aux caprices d’un petit de 15 jours qui veut toujours les bras, on fait bloc.
  • Prendre sur soi. Le manque de sommeil rend irritable, voire méchant. Chacun doit faire un effort pour ne pas en rajouter, en particulier quand c’est le dixième réveil à deux heures du matin. Remettre les critiques et les griefs à un moment plus serein, et à tête reposée, quand on est plus à même de faire le tri entre ce qui nous tient vraiment à cœur et ce qui n’est pas si grave. Éviter autant que possible de se disputer quand c’est déjà la crise avec bébé (qui hurle depuis une heure/ne veut pas se rendormir/etc). On gère ça d’abord et ensuite on en discute. De façon plus générale, il faut accepter que l’enfant absorbe beaucoup d’énergie et que dans un premier temps au moins le couple se met un peu entre parenthèses. Mais comme disait Chantal Birman dans une vidéo que je ne retrouve plus, il faut que l’enfant consomme équitablement l’énergie des deux parents pour résoudre les problèmes de décalage de libido entre père et mère.
  • Éviter les reproches culpabilisateurs. En matière d’éducation et de puériculture, il y a peu de relations de cause à effet vraiment établies, et surtout ce sont généralement de grandes tendances dont on ne sait pas à quel point elles sont valables pour le bébé qui vous intéresse. Donc inutile de rabâcher quinze fois que c’est parce que Chéri a oublié le bonnet que Junior a attrapé une bronchiolite. Ou que c’est parce qu’il est trop/pas assez porté qu’il pleure dès qu’on le pose. On fait des choix, on les assume, on change si ça ne convient pas/plus, et si bébé ne ressemble pas à un article de Famili c’est peut-être juste parce que c’est un vrai bébé.
  • Se permettre un peu de mauvaise foi de temps en temps. Quand vous voyez d’autres familles, accordez-vous le petit plaisir de constater entre vous à quel point votre enfant est vachement plus mieux et que c’est sans nul doute grâce à vos immenses talents parentaux. Bien sûr, c’est en contradiction complète avec le point précédent (qui vous oblige à rester second degré) mais c’est ça qui est bon. C’est aussi pour cela que cela doit rester entre vous, sous peine de manquement grave à l’étiquette parentale. [NB : à mes amis et famille qui lisent ce blog : le Coq et moi ne faisons jamais ça bien sûr, ayant de base une pleine confiance en nos capacités parentales…]
  • Respecter le timing de l’autre. Un bébé c’est plein de premières fois, certaines qu’il provoque lui-même (première dent, premiers pas…), d’autres que ses parents initient : première fois qu’on le laisse, première fois qu’on le laisse à un autre qu’un parent, première nuit dans son lit (s’il a commencé dans celui des parents)… Il me semble que c’est au parent qui est prêt en premier de ne pas faire violence à l’autre, mais aussi à l’autre d’entendre le désir de son conjoint de passer une étape, même si c’est pour la différer finalement.

Bien sûr, difficile de parler de couple sans parler de sexe, mais on l’a déjà fait ici et . Enfin ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, disent certains : si votre couple survit aux enfants, il n’en sera que plus soudé.

Photo : Le couple du moment. Même s’ils n’ont pas (encore) d’enfant, je suis sûre que ça pourrait les intéresser…

Les p’tites poules

jeudi, septembre 2nd, 2010

carmela Une fois n’est pas coutume, je vais marcher sur les plates-bandes de Fleur (mais peut-être cela l’encouragera-t-elle à relancer son blog, hé hé) et vous parler de livres pour enfants. Il faut dire que toute la famille a eu un vrai coup de cœur pour la série des P’tites poules, offerte pour la naissance de Pouss2. Ecrits par Christian Jolibois et illustrés par Christian Heinrich, ces livres sont un plaisir tant pour les adultes que pour les enfants : des histoires qui mêlent tout ce qu’il faut d’aventure, de suspense, de frissons, de rire, de tendresse… avec un sens aigu du second degré pour que les grands en profitent aussi (références en vrac à Munch, Citizen Kane, Diogène, Dark Vador, et j’en passe, ainsi que jeux de mots en pagaille émaillent les aventures du poulailler, tant dans les textes que dans les dessins). Sans compter que nos poules croisent régulièrement d’illustres personnages comme Galilée, Christophe Colomb, Lancelot du Lac ou le petit Poucet : une occasion d’ébaucher la culture générale de nos chères têtes blondes sans prise de tête. Et bien sûr, je ne suis pas insensible à l’identité aviaire des héros.

J’arrive un peu après la bataille car 799 999 autres foyers ont déjà apprécié ces sympathiques gallinacées, qui passent même depuis peu à la télé (et vous trouverez d’autres avis enthousiastes ici, , ou encore ). Je trouve que c’est une super idée de cadeau à faire, à se faire, à se faire faire… La couverture indique à partir de 5 ans mais Pouss1 à 3 ans adore. Au pire si l’enfant n’accroche pas tout de suite ça n’est pas perdu (et pas très encombrant). En bref je suis fan !

Faire des bulles

lundi, juillet 12th, 2010

poule_plongeuseDans la vraie vie, votre dévouée Poule ne s’intéresse pas qu’à ses poussins. Je suis -entre autres- accro à l’ivresse des profondeurs, même si ces dernières années mes palmes sont surtout restées au placard. Ne désespérant pas de refaire quelques bulles un de ces jours, j’ai fait quelques recherches que je viens partager avec les poules plongeuses, s’il y en a qui traînent dans les parages.

Peut-on plonger enceinte ? La réponse est hélas non (en même temps comment enfiler une combinaison néoprène quand on n’arrive même plus à attacher ses chaussures ?), quel que soit le terme de la grossesse, en raison de la méconnaissance totale des effets de la pression et de l’azote sur les échanges placentaire (et les quelques données disponibles semblent montrer un risque important de malformation). Si vous avez plongé sans savoir que vous étiez enceinte, une surveillance accrue s’impose (sauf au tout début lorsque l’embryon est indépendant de la circulation sanguine maternelle). Pour plus de détails, consulter le site du Dr Christophe Bezanson.

Peut-on plonger en allaitant ? Victoire, c’est possible ! Cela ne pose problème ni pour la mère, ni pour l’enfant. Il faut simplement faire attention au risque accru d’engorgement (intervalle prolongé entre deux tétées et port d’équipement pouvant comprimer les canaux lactifères) et à une sensibilité plus importante à la déshydratation et à la fatigue. Si vous parlez anglais, je vous conseille vivement un petit tour sur cette page qui fait le tour de la compatibilité des « problèmes » féminins (grossesse, règles, allaitement… mais aussi endométriose, cancers féminins etc) avec la plongée sous-marine.

A partir de quel âge peut-on emmener les enfants plonger ? La FFESSM propose des formations adaptées à partir de 8 ans. Voir par exemple le site de l’ARDEPE (Association pour la Recherche, le Développement et l’Enseignement de la Plongée aux Enfants -attention c’est un site web 1.0, assez violent au niveau graphique). PADI propose même des activités à partir de 5 ans (utilisation d’un scaphandre en surface).

A vos palmes !

Photo : la poule plongeuse

Un zèbre à la maison (2)

mardi, mai 11th, 2010

quino La suite des aventures de nos petits zèbres et de leurs familles

Du diagnostic aux solutions

Bon OK, et qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Eh bien, on lit, on cherche, on se renseigne… on apprend plein de choses et on commence à sentir que les choses vont être très compliquées, mais qu’il faut faire quelque chose pour lui.

La psychologue préconise le saut de classe, les enseignants ne veulent pas, le Zèbre non plus. Nous ne sommes pas très chauds : il est petit physiquement, de la fin de l’année et gauche et maladroit sur le plan moteur (un intello quoi !). On ne peut pas dire qu’il soit super à l’aise dans ses baskets, surtout avec les autres enfants de son âge. Il passe donc en double niveau l’année suivante avec l’idée qu’il ferait deux années en une. Ca ne marche pas : trop de lenteur et de problèmes à l’écrit. Le Zèbre n’arrive plus à s’endormir le soir : il est malheureux et angoissé. En plus le Zèbre n’aime pas l’école. Sa phrase favorite : « l’école c’est mon pire ennemi » (Une semaine après son entrée en CP, le Zèbre nous a gratifié d’un : « Pfff, ça dure longtemps le CP… ») ! Hum, que du bonheur… Sauf que l’école on est un petit peu obligé d’y aller. En fait non, on n’est pas obligé. Ce qui est obligatoire c’est l’enseignement scolaire. Il y a un certain nombre de zèbres en souffrance qui sont déscolarisés. Nous ne voulions pas aller jusque –là, parce que en plus d’être déscolarisé, il risque aussi d’être désociabilisé. Il existe aussi des écoles spécialisées ou des écoles où des classes spéciales EIP (enfants intellectuellement précoces) ont été mises en place. Mais ces écoles sont rares et souvent payantes car privées. Bref, nous nous voulons qu’il aille à l’école et si possible dans celle de notre quartier. C’est plus pratique et c’est plus sympa pour les copains.

On consulte une autre psy dans un centre spécialisé (Cogitoz) : diagnostic de dysgraphie. Dysquoi ?? Dysgraphie ou problème lié à l’écriture. Il faut savoir que les zèbres sont les spécialistes des problèmes en « dys » : dyslexie, dysorthographie, dysgraphie… Les troubles de l’écriture (crispation graphique, lenteur d’exécution, etc.) sont très fréquents chez les enfants surdoués et notamment chez les garçons. Cela s’explique, entre autres, par le fait que leurs pensées vont beaucoup plus vite que leur main et ils finissent par perdre le fil de ce qu’ils voulaient écrire et renoncent ainsi à s’exprimer par écrit à cause de la frustration engendrée. Ce blocage est souvent la cause d’un refus de saut de classe par l’école. Les zèbres n’aiment pas perdre leur temps et ne comprennent pas qu’on leur demande certaines choses qui leur semblent inutiles. En plus d’un problème de crispation scriptuelle, le Zèbre faisait un blocage sur l’écriture. Nous avons tenté de convaincre le Zèbre de l’utilité de l’écriture : « Bah, ça ne sert à rien d’écrire, il y a des ordinateurs ! ». Un jour que je faisais un chèque, je lui fais remarquer qu’il faut écrire pour rédiger un chèque : « C’est pas grave, je paierai toujours avec ma carte ! » Les zèbres ont toujours des arguments pour défendre leurs points de vue. Cependant, nous connaissons l’origine de ce blocage. En grande section de maternelle, le Zèbre n’arrivait pas à terminer ses pages d’écriture (problème dû à ses difficultés psychomotrices ; en plus le Zèbre, comme beaucoup de précoces, est gaucher). La maîtresse en a déduit qu’il était fainéant et faisait preuve de mauvaise volonté. Elle le punissait : elle l’envoyait dans les classes de Petite section parce que « c’était un bébé », elle le privait de récréation. Le comble c’est que le matin à l’arrivée en classe, au lieu de jouer, dessiner ou faire des puzzles comme les autres enfants, le Zèbre devait s’assoir tout seul à sa table et terminer sa page d’écriture de la veille. Ensuite, il embrayait sur la page d’écriture du jour… Un cauchemar pour un enfant qui n’y arrive pas ! Du coup, parfois, il restait un ¼ d’heure devant sa page sans même commencer à écrire. Pour lui écrire une page représentait la même chose que pour vous si je vous demandais de gravir l’Everest ; vous n’allez même vous y lancer, vous savez d’avance que vous n’y arriverez pas. Le Zèbre a alors décidé qu’il n’écrirait jamais. Donc, après le diagnostic de dysgraphie, à l’école du Zèbre un PPRE (Programme Personnalisé de Réussite Educative) est mis en place : le Zèbre aura moins à écrire. On lui proposera des exercices à trous, l’enseignante écrira la consigne, la date, etc. Il pourra n’écrire que les 3 premières phrases de l’exercice. Un autre enfant sera nommé « secrétaire » pour lui écrire ses devoirs dans son cahier de textes. L’enseignante et les autres élèves jouent le jeu jusqu’à la fin du CE1.  On entame la rééducation de l’écriture avec une psychomotricienne. 25 séances de rééducation et 5 séances de psychologue plus tard (et beaucoup d’argent en moins parce que rien de tout cela n’est remboursé), le Zèbre, entré en CE2, commence enfin à écrire correctement et il doit encore acquérir toute l’expérience de l’écriture qu’il n’a pas eue jusqu’ici. Il va enfin bien. Il a abandonné l’idée d’avoir des copains garçons bagarreurs et joue avec les filles. Sa nouvelle maîtresse le comprend très bien et est très sécurisante pour lui. Ses résultats sont enfin brillants. Mais nous savons que tout cela reste fragile et qu’il suffira d’un nouvel enseignant peu compréhensif pour que des problèmes resurgissent.

Bilan détaillé et chiffré en mains, face à la souffrance de notre fille, nous demandons un saut de classe. L’instit qui jusque là nous avait assuré qu’en effet Puce1 avait de très grandes facilités d’apprentissage (haut potentiel) et un vocabulaire extrêmement riche (son niveau de langage est en effet alors évalué à deux à trois ans de plus que son âge civil !) fait volte face et assure à présent que « Puce1 travaille bien, mais il y en a d’autres qui travaillent aussi bien ». Mais peu nous importe : notre fille souffre, et est insatisfaite. Armés des documents officiels, et prêts à demander un PPRE en plus du PAI (projet d’accueil individualisé que Puce1 a déjà pour ses allergies), nous sollicitons une réunion d’équipe éducative et demandons un glissement immédiat en grande section. Puce1 est alors évaluée (et c’est ainsi que l’on découvre qu’elle fait des soustractions, évidemment, on ne risquait pas de le voir en lui demandant de faire du découpage dans sa classe de MS…) et une psychologue passe l’observer en classe. Son constat est édifiant : Puce1 est en dépression, il est urgent de la mettre aux contacts d’enfants plus âgés susceptibles de partager ses centres d’intérêts !  Puce1 passe en grande section en décembre et là… on souffle ! Notre fille s’épanouit, brille en classe sans difficulté, et surtout : est heureuse ! Sa différence est reconnue ! Puce1 apprend à lire en CP et dévore, ingurgite, mémorise.

Mais cet état de grâce ne dure qu’un an : en fin de CP, retour de l’ennui. Nous continuons de proposer à Puce1 de la nourriture intellectuelle à la maison et tâchons de trouver des solutions avec son instit de CP puis de CE1. L’expatriation et les allergies compliquent les choses. Ceci participe d’ailleurs à notre ferme décision de rentrer en France. Pour cerner mieux le profil de Puce1, et comme cela est souvent nécessaire lorsque les enfants sont testés jeunes, nous faisons retester Puce1 en décembre 2009, avec un WISC-IV cette fois. Résultat encore plus net : profil homogène, QI très élevé. Puce1 souffre particulièrement de difficultés relationnelles : à l’âge des chichis entre filles, elle est très frustrée que ses copines la rabrouent lorsqu’elle entreprend de leur parler de la naissance des supernovas ou des modes de vie de la moufette et de l’ocelot. Le bilan nous permet de prendre des décisions pour la suite : nous mettons en place un soutien psychologique (effectué à 200km de chez nous, par une psychologue spécialiste des EIP) qui doit lui permettre de mieux surmonter cette frustration et de connaître et comprendre ses modes de fonctionnement. Le choix d’une école qui l’accueillera avec ses différences, les reconnaîtra et qui regorge d’enfants précoces détermine également notre futur lieu de vie. Il est décidé qu’elle ira l’an prochain en CE2-CM1, quitte  à faire les deux années en une si nécessaire. Nous savons d’ores et déjà que c’est une hypothèse très vraisemblable. Puce1 a 7 ans, son QI correspond, selon les tests, à celui d’un enfant moyen de 9 à… 14 ans et demi. En outre, Puce1 présente également une certaine avance en terme de graphisme et motricité, ce qui est peu commun chez les précoces et rend ces sauts de classes plus faciles. Nous nous attacherons également à lui offrir la possibilité de rencontrer davantage d’enfants comme elle, de sorte qu’elle prenne conscience qu’elle n’est pas seule.

Ce résumé me semble à la fois très long et très court, parce que le Zèbre c’est aussi des questions incessantes sur la mort, l’abandon, la guerre… Des angoisses qui donnent de l’eczéma et des insomnies. Le Zèbre a un rapport difficile à la nourriture : très tôt certains de ces enfants se posent la question de ce qui est bon ou pas pour la santé et refusent certains aliments. Et comme beaucoup sont hypersensibles et donc hypergueusiques (perception des goûts exacerbée), ils rejettent un certain nombre d’aliments trop goûteux. En revanche, un grand nombre devient de fins gourmets.

La vie, la mort, questions incessantes… le cerveau qui ne s’arrête jamais… Puce1 est toujours une enfant angoissée, mais elle et nous avons désormais plus de clés pour l’apaiser. Perfectionniste (c’est est presque pathologique), Puce1 tend à développer des obsessions. Il nous faut désormais veiller à endiguer des troubles du comportement alimentaire qui résultent vraisemblablement de ses allergies, mais aussi d’une hypergueusie et du mal être engendré par les difficultés d’adaptation à son environnement.

J’appelle aussi le Zèbre l’Hyper, car il est hyper intelligent, mais aussi hyper sensible (dans tous les sens du terme, y compris en ce qui concerne les 5 sens, ils voient et entendent mieux !), hyper perceptif, hyper réceptif, hyper angoissé, hyper émotif, hyper lucide… Un zèbre peut être comparé à une maison avec, non pas une mais 15 antennes paraboliques sur le toit ! Il voit le monde à travers un microscope électronique à balayage. Il est capable de comprendre des choses qu’il ne peut pas gérer affectivement, parce qu’il n’est encore qu’un enfant, ce qui génère beaucoup d’angoisse. Ce sont aussi des enfants avec un sens aigu de la justice et l’injustice, une grande empathie et une grande lucidité sur le monde et les autres. Les adolescents peuvent en être fragilisés, jusqu’à devenir suicidaires. Il faut sans cesse argumenter, tout expliquer et justifier pour les rassurer. Ils ont un grand besoin de limites, encore plus que les autres enfants, parce qu’ils ont des capacités intellectuelles proches de celles des adultes qui peuvent leur donner une illusion de toute puissance, mais ce ne sont encore que des enfants. Les limites sont aussi indispensables parce que rassurantes et elles permettent à l’enfant de grandir et de franchir doucement les étapes de la maturité (mais, ça c’est vrai pour tous les enfants !). Les zèbres souffrent souvent du « syndrome de dyssynchronie » mis en avant par Jean-Charles Terrassier, spécialiste des surdoués. Pour résumer, la dyssynchronie c’est le décalage permanent que vit le surdoué avec son environnement : entre les attentes de l’école et ses capacités ; entre le comportement des enfants de son âge et le sien ; entre ce qu’il est capable de comprendre et ce qu’il peut gérer émotionnellement… Pour expliquer la souffrance engendrée par la dyssynchronie, J-C. Terrassier utilise l’image d’une F1 qu’on obligerait à toujours rouler comme une 2CV.

Bref, pour lui comme pour nous, beaucoup de défis à relever pour qu’il soit juste heureux et que son potentiel ne soit pas réduit à néant. J’ajouterai que tant que le Zèbre n’a pas eu à aller à l’école, la vie était plutôt facile avec lui. Il était très intéressant et intéressé, curieux de tout. Il apprenait très vite, comprenait ce que l’on attendait de lui et obéissait facilement. C’était (et c’est toujours) un enfant très attachant.

J’aurais pu écrire ceci de Puce1, mot pour mot. Vivre aux côtés d’une enfant qui est curieuse, intéressée et  percute vite est un vrai grand bonheur au quotidien. Je suis pour ma part d’autant plus facilement en empathie avec elle que, comme souvent, le dépistage de Puce1 m’a éclairée sur ma propre enfance… et  mon quotidien !

Ce sont les exigences scolaires qui ont vraiment compliqué les choses. Le Zèbre n’a pas compris ce que l’on attendait de lui et nous n’avons pas compris pourquoi, alors que nous le savions brillant à la maison, qu’autant de problèmes se soient soulevés en classe. Les enseignants sont mal formés à ce type de problématique et bien souvent, ils ne pensent pas que derrière les difficultés, il peut y avoir un enfant qui s’ennuie. Une fois, le diagnostic établi, il est très difficile aussi de faire reconnaître cette précocité intellectuelle : « Quoi, cet enfant, un génie ! Avec toutes ses difficultés, ce sont encore des parents qui ont la grosse tête et veulent pousser leur enfant à tout prix ». Mais précoce ne veut pas dire génie, précoce veut juste dire différent avec des besoins différents.

Ce qui fait souffrir aussi en tant que parents, ce sont les difficultés du Zèbre à avoir des amis et à oser entrer en relation avec les autres enfants. Quand nous allons chercher le Zèbre aux goûters d’anniversaire, il est toujours tout seul dans un coin, avec un livre souvent. Quand nous allons au parc, les autres enfants se regroupent pour jouer ensemble, lui, il les regarde de loin. Les rares fois, où j’ai pu observer le Zèbre dans la cour de l’école, je l’ai souvent vu seul et le regard perdu au loin. Il fait du judo et n’ose pas participer aux compétitions. Le pire, c’est que ce ne sont pas les autres qui le rejettent : c’est lui qui n’arrive pas à trouver sa place au milieu d‘eux. Bon, ceci dit depuis que le diagnostic a été posé et que des solutions à ses problèmes scolaires ont été trouvées, il va mieux et il a plus d’amis, des filles surtout.

Le zèbre en famille : de l’héritabilité de la précocité ?

Il est aussi très proche de son frère. Leur relation est quasi fusionnelle. Ils pleurent tous les deux à la rentrée parce qu’ils ne sont pas dans la même école (enfin, à la prochaine rentrée le Moyen va faire son entrée en CP et ils seront ensemble pour la première fois). Ils s’entendent très bien. Il faut savoir que la précocité est un trait héritable : ainsi dans une fratrie il est plus probable que tous les enfants soient des zèbres. Je ne parle ici que de l’aîné car c’est le seul dont on soit sûr de la précocité. Le Moyen n’a pas de problèmes scolaires pour l’instant et est beaucoup plus à l’aise dans ses baskets. Nous n’avons donc  pas éprouvé le besoin de le faire tester. De plus, il est préférable de faire passer les tests plutôt à partir de 6 ans pour un diagnostic fiable. Peut-être le ferons-nous l’année prochaine pour anticiper les éventuels futurs problèmes ? Pour la Petite, âgée de 3 ans, c’est trop tôt pour se prononcer. Toujours est-il que c’est une fratrie unie, qui adore regarder ensemble les documentaires sur la préhistoire, visiter les musées et les zoos et dévorer une quantité incroyable de livres…

Puce1 a deux petites sœurs. La seconde, âgée aujourd’hui de 4 ans et demi, a manifesté un certain ennui dès la petite section. Elle a également un niveau de langage exceptionnel et une sensibilité aiguisée. Lorsque les enfants de sa classe observaient le nombre de lapins sur une illustration, elle décrivait avec précision chacune des mimiques, et formulait des hypothèses sur les sentiments qui les habitaient. Lorsque Puce1 a passé un test de QI pour la première fois, elle allait mal, et cela a faussé les tests, biaisant son profil et sous-évaluant son QI d’une dizaine de point (c’est un cas connu et reconnu de mauvaise estimation du QI, toujours à la baisse). Nous avons voulu éviter cette situation d’urgence avec Puce2. Elle a donc été testée à 3 ans et demi. C’est très tôt, les tests sont alors peu précis. Mais cela était important. Selon ce test, Puce2 n’est pas précoce, mais présente une intelligence supérieure (QI>115). Pour tout un tas de raisons, nous savons qu’il sera utile de la refaire tester à 6 ans et ne serions pas nécessairement surpris d’un « changement de catégorie », c’est une lacune connue du WPPSI-R pratiqué chez les très jeunes enfants. La petite dernière marche dans les pas de ses sœurs et sera également testée.

Si vous avez des doutes…

Il n’est pas aisé d’alerter les parents pour détecter la « surdouance ». Les enfants surdoués sont des enfants généralement surprenants dans leurs questions, leurs centres d’intérêts : ils sont très curieux et très tôt s’intéressent à la nature, à l’histoire, la préhistoire, l’astronomie ; ils posent des questions sur le sens de la vie, sur la mort… Souvent, ils présentent des capacités supérieures aux autres enfants de leur âge, ils aiment la compagnie des adultes et des enfants plus âgés. Ils présentent souvent des difficultés de sommeil, de sociabilité, d’alimentation. Certains sont paradoxalement incapables de faire certaines choses (enfin, ils réussiront à le faire, mais plus tard que les autres et avec plus de difficultés) : faire du vélo, se brosser les dents, manger ou s’habiller seuls, apprendre à nager, apprendre les tables de multiplications (argh ! L’horreur les tables de multiplications !). Ils aiment bien faire le bébé et ont du mal à grandir. De manière générale, si votre enfant présente des troubles de comportements, si les enseignants ne font que s’en plaindre, si vous ressentez que quelque chose ne va pas, consultez un psychologue, lui saura si votre enfant doit être testé ou non, s’il est précoce ou s’il présente un autre trouble.

Si votre enfant présente beaucoup de curiosité intellectuelle, ne le laissez pas sans nourriture spirituelle : offrez-lui des livres (surtout des documentaires), des jeux de société stimulants intellectuellement (comme memory, bataille navale, échecs,  puzzles), emmenez-le visiter des musées, des expositions, montrez-lui des documentaires télévisés (sur les animaux, la préhistoire, la géographie, l’astronomie…), répondez à ses questions et si vous ne savez pas répondre, cherchez avec lui dans des encyclopédies ou sur Internet. Ces enfants ont besoin de stimulation intellectuelle pour vivre comme les plantes ont besoin d’eau. Soyez le meilleur allié de votre enfant et n’écoutez pas ceux qui disent que vous le poussez trop ! Vous ne le poussez pas, vous ne faites que le suivre dans ses désirs et ses besoins.

Pour se faire aider, il existe des associations de parents dont l’ANPEIP (association nationale pour les enfants intellectuels précoces) ou l’AFEP (association française pour les enfants précoces). Ces associations ont pour mission d’informer, de former et d’accompagner les enfants dans leur parcours scolaire et personnel. Elles organisent des rencontres entre parents et des activités de loisirs pour permettre aux enfants surdoués de partager des activités. Voir aussi le site Enfants précoces info qui permet information et entraide, ainsi que la liste de discussion sur les enfants intellectuellement précoces.

Quelques lectures :

  • L’enfant surdoué : l’aider à grandir, l’aider à réussir/ Jeanne Siaud-Facchin. – Paris, Odile Jacob, 2008. Ce livre est mon livre de chevet. Il est complet sur le sujet et simple à comprendre et il a l’avantage d’être récent. C’est aussi un « guide pratique » car il offre quelques trucs et pistes pour résoudre les problèmes.
  • Le livre de l’enfant doué/ Arielle Adda. – Paris, Solar, 1999. Je n’ai pas lu ce livre, mais Arielle Adda est une grande spécialiste des enfants précoces et son livre est considéré comme la « bible » sur les surdoués.
  • Les enfants surdoués ou La précocité embarrassante/ Jean-Charles Terrassier. – Paris, ESF, 1998. Celui-ci est assez court, mais il explique bien le fonctionnement intellectuel des surdoués. Jean-Charles Terrassier est notamment celui qui met le plus en avant la dyssynchronie dont souffrent les surdoués
  • Enfants surdoués en difficulté : de l’identification à une prise en charge adaptée/ dir. Sylvie Tordjman. – Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005. Un ouvrage un peu plus pointu que les précédents, mais très intéressant. Sylvie Tordjman est professeur à l’université de Rennes 1 et chef de service hospitalo-universitaire de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de Rennes (ce service accueille beaucoup d’adolescents surdoués en dépression).

Image : Quino

Un zèbre à la maison (1)

lundi, mai 10th, 2010

zebre Cette semaine place aux zèbres et à Suzie et Fleur, les poules à rayures, qui viennent nous parler de leurs enfants différents. Un grand merci à elles de s’être lancées dans cet exercice à quatre mains avec tout le sérieux qu’on leur connaît !

Mais un zèbre, c’est quoi ?

Je n’habite pas dans un zoo (quoique, parfois, avec trois enfants, ça y ressemble un peu). Non, le zèbre, c’est mon fils aîné. Ce n’est pas un petit mot doux, c’est juste le nom donné par Jeanne Siaud-Facchin, psychologue, aux enfants surdoués. Ça y est le grand mot est lâché. J’entends déjà certains commentaires : « Encore une qui se la pète avec son môme ! » Et bien, non, je ne me la pète pas justement parce qu’un zèbre est un animal difficile à domestiquer. Un zèbre ressemble beaucoup à son cousin le cheval, mais au milieu d’un troupeau équin, il se remarque pas mal avec son pyjama à rayures. Les clichés et les tabous sont légion en ce qui concerne les petits surdoués et l’ignorance et les remarques font souffrir parents et enfants. Chaque enfant est différent de son voisin et c’est pareil pour les zèbres dont aucun n’a exactement les mêmes rayures que son congénère. Pourtant, ils ont beaucoup de points communs dont nous parlerons plus bas.

Voici en parallèle les histoires du Zèbre et de Puce1, racontées par leurs mères Suzie et Fleur.

La petite enfance

Le Zèbre était un bébé très sage et très sérieux. Il passait son temps à observer d’un œil scrutateur son entourage. A sept mois, il a prononcé ses premiers mots, les mêmes que les autres bébés : Papa, Maman, merci, au revoir, coucou, etc. Puis à 10 mois, il savait nommer chat, chien, fleur… et ensuite il n’a fait que progresser jusqu’à dire à 2 ans à l’heure du petit déjeuner : «  Dis maman, les mamans porcs-épics, ça met des bébés de combien de kilos au monde ? ». A 3 ans, alors qu’on lui attachait ses chaussures pour aller en petite section : « Hein maman, l’univers ça a commencé par une grosse explosion qu’on appelle le big bang… » Et hier soir à table, alors qu’aujourd’hui il a 8 ans, en réponse à son frère de 6 ans qui se demandait comment dormaient les tricératops : « Tous les grands herbivores dorment debout, même le cheval et la vache. Ce qui est curieux c’est que l’indricotherium, qui était plus grand que l’éléphant, dormait lui couché. »  Je ne vais pas vous faire un florilège, c’est juste pour vous donner une idée.

Le Zèbre a eu très tôt une passion pour les livres. A 10 mois, il restait une heure assis dans sa poussette à feuilleter son imagier du Père Castor (très pratique, pour aller dîner au resto tranquille !). A 18 mois, il pouvait regarder pendant un ¼ d’heure un livre de poèmes d’Eluard sans image… Nous avons constaté qu’il savait lire le jour où à 5 ans et demi, il a sorti le dictionnaire Larousse (il adore les dictionnaires et les encyclopédies), et s’est mis à lire les légendes des images !

A 2 ans, notre Zèbre faisait des puzzles de 100 pièces et quand il en avait marre, il les faisait la tête en bas (le puzzle, pas lui, c’est un zèbre pas un acrobate !).

Née prématurément, Puce1 n’a pas vraiment été un bébé particulièrement éveillé. Elle était cependant déjà perpétuellement en demande. Et si ses premiers mots ne jaillirent qu’à 9 mois, elle faisait à 18 mois des phrases complètes, conjuguait en appliquant la concordance des temps à deux ans. C’est alors que j’ai saisi ce dont parlaient mes propres parents lorsqu’ils racontaient mes bavardages à deux ans, qu’ils n’osaient faire taire tant mes propos étaient censés. Rapidement, Puce1 a eu des préoccupations un peu atypiques : à trois ans, elle demandait comment on fait pour ne pas avoir de bébés, se préoccupait de son avenir après notre mort, etc… Elle montrait un vif intérêt pour la nature et distinguait aisément insectes et petites fleurs, elle avait un odorat à faire pâlir mon parfumeur de père. Elle était également déjà très tonique, aventureuse et acrobranche et escalade la stimulaient (ça c’est pour casser le mythe de l’intello qui ne fait que réfléchir… ceci dit, je dois admettre que chaque positionnement d’un pied ou d’une main donnait lieu à un savant calcul, et que le mécanisme d’ouverture d’un mousqueton l’intriguait !).Mais tout cela nous semblait absolument normal ! Ce qui nous tracassait davantage, c’étaient ses colères. Puce1 ne semblait supporter aucune frustration (et elle y était largement confrontée, du fait notamment de nombreux interdits alimentaires dus à ses allergies) et sa dernière année de crèche a été difficile… La psychologue consultée alors n’a fait que nous dire que, fille de parents ayant fait de longues études et sportifs, elle était surstimulée et qu’il fallait la calmer… A nos yeux, Puce1 ne présentait aucune « compétence extraordinaire »… nous la trouvions cependant hors du commun.

L’entrée à l’école : des premières difficultés au diagnostic

Jusque-là, tout ça semble très positif, formidable et plutôt amusant. En réalité, même si les débuts furent prometteurs, les choses se sont corsées avec l’entrée à l’école.

Le Zèbre fut déstabilisé par l’école et par ce que l’on attendait de lui. Il pensait qu’il allait apprendre des choses en allant à l’école et il fut déçu : il en savait déjà beaucoup plus que les autres… Du coup, le Zèbre décida de garder ses brillantes compétences pour lui et se rangea au niveau des autres. En Petite section, la maîtresse s’est aperçue seulement au mois de février qu’il savait parler. En moyenne section, le Zèbre ne voulait pas écrire. En grande section, personne n’a vu qu’il savait lire : il a fallu attendre la séance du dictionnaire pour le constater.

Il n’y a que la pédiatre qui nous avait suggéré, lorsque le Zèbre avait 4 ans de lui apprendre à lire. Le diagnostic n’avait pas encore été posé et elle n’a pas parlé de précocité. Toujours est-il que nous n’avons pas suivi son conseil. Nous pensions que nous ne saurions pas faire et qu’ensuite le Zèbre s’ennuierait à l’école. Résultat : il a appris à lire tout seul et en cachette et il s’est quand même ennuyé. Peut-être que si nous lui avions appris à lire, il aurait pu sauter une classe ou au moins se concentrer sur le reste comme l’apprentissage de l’écriture. Le Zèbre s’est beaucoup ennuyé en classe jusqu’en CE2 parce que l’essentiel de l’apprentissage du cycle 2 (grande section, CP, CE1) se concentre sur la lecture et l’écriture. La lecture, il maîtrisait déjà, l’écriture c’était son gros point noir. A partir du CE2, sont introduites des matières comme l’histoire, la géographie, l’anglais ou les sciences. Ce sont des domaines où le Zèbre excelle et qui l’intéresse beaucoup.

Il en ressort qu’aucun enseignant ne nous a jamais alerté sur ses particularités. En fait, ils s’en plaignaient beaucoup : trop lent, trop rêveur, fainéant, distrait, bébé… Pauvre Zèbre, il croyait ainsi passer inaperçu au milieu des autres !

Devant les remarques répétées de l’instit de CP (que je fuyais à chaque sortie d’école), j’ai emmené le Zèbre chez une psychologue : bilan de personnalité, tests d’intelligence.  Conclusion : votre enfant est surdoué ou précoce, ou à haut potentiel intellectuel, un zèbre quoi.  Remarquez on s’en doutait un petit peu vu son comportement. Et son orthophoniste, (ah oui, le Zèbre a AUSSI un petit problème d’élocution) nous avait dit qu’il avait le profil de l’enfant précoce et nous avait conseillé de le faire tester. Nous n’avions pas vu l’intérêt de le faire sur le moment.

Les choses se gâtent… Puce1 entre à l’école à trois ans et demi. Rapidement, les plaintes et complaintes se font entendre : « J’en ai mare de faire toujours la même chose, c’est nul », le tout hurlé chaque soir en sortant de l’école ! L’aspect répétitif des choses est insupportable à notre petite fille et nous ne pouvons que constater qu’elle a de quoi s’ennuyer. Si elle n’avait à nos yeux jusqu’alors pas de compétences extraordinaires, il est évident qu’elle apprend vite et facilement : entrée en petite section sans connaître les lettres, elle les connaît toutes en un mois, écrit son prénom après un mois de classe, etc… En parallèle, naturellement, elle continue d’être perpétuellement en train de poser des questions, de chercher à savoir plus et mieux. Nous comptons sur notre expatriation en cours de petite section pour la divertir et lui « donner du grain à moudre ». Echec. Le début de la moyenne section est catastrophique : pleurs et maux de ventre quotidiens, colères à gogo, pas de relations satisfaisantes avec les autres enfants. En octobre, nous prenons la décision de la faire tester. Elle a 4 ans et demi, ce sera un WPPSI-R. La psychologue est méticuleusement choisie et … ça y est, nous savons : Puce1 est précoce. Elle présente en outre un profil archétypique d’enfant précoce en terme de tempérament. Elle ne démontre cependant toujours pas de compétence extraordinaire dans le domaine scolaire (en dehors, si !) et n’apprendra d’ailleurs à lire qu’en CP (mais alors, ce seront directement des livres et des livres : à 7 ans, actuellement, elle lit des ouvrages recommandés pour le CM2 ou la 6ème, à raison de 4 par semaine en moyenne). Nous, parents, sommes soulagés : maintenant, nous savons ! Nous savons aussi que nous pouvons continuer à lui proposer des tas d’activités, peu importe qu’elles soient classiquement dédiées aux enfants de 2, 3 ou 4 ans de plus. Nous pouvons aussi continuer à répondre en détail à ses questions incessantes : elle est avide de connaissance et peut comprendre toutes nos réponses. Le saut de classe est recommandé.

Un peu de théorie : qu’est-ce qu’un surdoué ?

On naît surdoué, on ne le devient pas. Un enfant surdoué est un enfant qui obtient un score de QI supérieur à 130 (même si cette valeur est sujette à débats) aux tests d’intelligence validés et standardisés passés avec un psychologue compétent. Ce score est indispensable mais non suffisant au diagnostic. Il doit être complété par un examen clinique des particularités intellectuelles et affectives de l’enfant. Ces enfants sont appelés « surdoués » ou « précoces » ou désignés comme à « haut potentiel intellectuel ». Il y a débat entre spécialistes pour désigner ces enfants. L’expression « surdoué », en effet, laisse à penser que l’enfant possède quelque chose en plus, or, être « surdoué », c’est surtout posséder une forme d’intelligence qualitativement différente plus que quantitativement. L’expression « précoce » indique que l’enfant est en avance, ce qui est vrai, mais cette précocité existera toute sa vie, il ne sera jamais « rattrapé » par les autres. Personnellement, je préfère l’appellation à « haut potentiel » car elle est la plus proche de la réalité : ces enfants sont dotés d’un potentiel qui va s’exprimer ou non, selon la manière dont on aura pris en compte leurs particularités. L’expression « enfant intellectuellement précoce » (EIP pour les intimes) est aussi largement utilisée.

L’intelligence du surdoué est atypique : il est non seulement plus intelligent, mais aussi (et surtout), son intelligence fonctionne de manière différente. Des études ont récemment été menées sur le fonctionnement du cerveau des enfants. Sous IRM, on a demandé à des enfants d’effectuer un certain nombre de tâches. Chez un enfant normalement intelligent, des zones bien spécifiques de cerveau s’allument et ce sont toujours les mêmes pour le même type de consignes et ce pour tous les enfants concernés. Chez les surdoués, on observe un grand « flash » où toutes les zones du cerveau s’allument en même temps. La manière dont le surdoué trouve la réponse à une question peut être comparée au filet d’un pêcheur : le surdoué inconsciemment envoie son « filet » dans son cerveau pour ramener tout ce qu’il va trouver. Etonnamment, c’est souvent la bonne réponse qui ressort et pourtant, le surdoué ne sait pas comment il a trouvé cette réponse. Ce fonctionnement fait qu’un enfant surdoué élève a beaucoup de mal à justifier ses réponses et à expliquer son raisonnement. Il arrive parfois que les zèbres répondent de manière très déconcertante à une question simple : « je ne sais pas ». Soit la question était mal posée : il faut, en effet, être très vigilant à la manière dont on expose les consignes ou les questions aux enfants surdoués. Ils sont très sensibles à la formulation employée. Lors d’une conférence sur les EIP, une enseignante nous racontait qu’elle avait demandé à ses élèves après lecture d’un texte : « Alors qu’est-ce qui se passe dans ce texte ? ». Alors que les autres élèves planchaient sur le contenu narratif du texte, une petite zèbre avait répondu : « A la ligne 6, l’écriture change » (il y avait une partie en italique). Elle n’avait pas compris la question. L’autre possibilité à la réponse «  je ne sais pas », c’est que le zèbre n’a rien ramené dans son filet. C’est rare, mais ça arrive. Et là, si on ne l’aide pas à retrouver le chemin de la bonne réponse, il ne sait pas le faire tout seul. Cette capacité à trouver spontanément et quasi systématiquement les réponses aux questions, font que les enfants surdoués ont de très bons résultats scolaires jusqu’en 5e à peu près. Il faut savoir que les surdoués ont une mémoire prodigieuse. Ils enregistrent toute information qui passe à hauteur de leurs yeux ou de leurs oreilles. Lorsqu’on les interroge, leur « filet » ramène l’information quasi à coup sûr. A partir de la 4e les choses se compliquent parce que c’est le moment où l’on demande aux élèves de justifier leur raisonnement, de faire des démonstrations. L’enfant zèbre ne sait pas faire cela si on ne lui a pas appris auparavant. Il ne connaît pas l’effort de la réflexion. Alors souvent les résultats scolaires plongent, laissant le brillant surdoué en plein désarroi. C’est pour cette raison que le saut de classe est préconisé : pour que l’enfant précoce se trouve en difficulté et doive faire des efforts pour réussir. Notre Zèbre a une capacité intellectuelle supérieure de plus de deux ans à celle des enfants de son âge (ce calcul est fait par le psychologue à partir du score obtenu au test de QI). Pour qu’il soit suffisamment stimulé intellectuellement, il faudrait qu’il suive le programme scolaire de CM2, voire de 6e ! Comme cela n’est pas possible, il nous faut lui apprendre à travailler plus que ce qu’il lui faut pour obtenir de bons résultats. Du coup, les devoirs ressemblent parfois à des séances de pugilat, parce que nous lui en demandons beaucoup plus que ce que la maîtresse exige de lui… et ça le Zèbre, il n’aime pas !

Les tests de QI (ce passage s’appuie sur l’ouvrage de Jeanne Siaud-Facchin L’enfant surdoué et celui dirigé par Sylvie Tordjman Enfants surdoués en difficulté)

Comment se passe le passage du test ? Tout d’abord le psychologue s’entretient avec vous des difficultés de votre enfant et de son comportement intellectuel, social, affectif… Ensuite, le psychologue reste seul avec l’enfant et a un entretien avec lui. Puis, il passe aux tests proprement dits. Ces tests permettent d’explorer, d’évaluer et de comprendre le fonctionnement de l’enfant sur les plans intellectuels et psychodynamiques. Les données du bilan orientent le diagnostic et permettent la mise en place de l’accompagnement ou de l’aide la plus adaptée au profil et/ou aux difficultés présentées par l’enfant. Il existe deux grandes catégories de tests dans le bilan psychologique de l’enfant : les épreuves cognitivo-intellectuelles, et les tests de personnalité, qui visent à apprécier le fonctionnement psychoaffectif et psychodynamique de l’enfant.

Pour évaluer le QI le psychologue utilise un test d’intelligence, généralement une échelle de Wechsler. Les échelles d’intelligence de Wechsler proposent une diversité d’épreuves qui mettent en jeu différentes aptitudes intellectuelles. L’échelle comporte 10 épreuves fondamentales qui se regroupent en deux sous-échelles ou subtests : l’échelle verbale et l’échelle de performance. L’échelle verbale sollicite la capacité à former des concepts verbaux, active les compétences logico-mathématiques, fait intervenir l’adaptation sociale et la compréhension du fonctionnement de l’environnement. L’échelle de performance évalue la mise en acte de l’intelligence dans des situations concrètes et la capacité de l’enfant à mobiliser rapidement ses ressources cognitives. Chaque épreuve comporte des items de difficulté croissante. Le nombre d’items réussis par l’enfant permet de calculer son score brut qui sera transformé en note standard. En plus de ces deux échelles sont calculés deux indices : l’indice de mémoire de travail et l’indice de vitesse de traitement. Il est à noter que les enfants précoces, les garçons particulièrement, sont peu efficients dans le subtest du code, contenu dans l’indice de vitesse de traitement. Cela est dû au fait que cette épreuve fait peu appel à ce qui est considéré comme étant l’intelligence. Ces enfants sont désarmés devant une épreuve qui ne demande aucune réflexion. Les enfants précoces ont besoin qu’une activité fasse appel à leur intelligence pour mobiliser pleinement leur attention et être efficients. Ce subtest fait parfois chuter de quelques points le QI total. Certains spécialistes préconisent donc de calculer deux QI, l’un en tenant compte du code et l’autre sans le prendre en considération. Suite à la passation des échelles verbale et de performance et des deux indices, trois valeurs de QI seront ainsi déterminées : le QI Verbal, le QI Performance et le QI total. Un intervalle de confiance est associé à ces valeurs afin de prendre en compte les incertitudes de mesure : le potentiel de l’enfant se situe au sein d’une fourchette de valeurs.

A l’origine le quotient intellectuel était simplement la mesure du décalage d’un enfant par rapport à sa classe d’âge : âge mental/âge réel x 100 ; ainsi un QI de 120 signifie qu’un enfant de 10 ans a les capacités intellectuelles d’un enfant de 12. On parle maintenant plutôt d’écart à la moyenne : les tests de Wechsler sont calibrés de façon à ce que la moyenne de la population ciblée soit à 100 avec un écart-type de 15. Ainsi 68,2% de la population possède une intelligence normale avec un QI compris entre 85 et 115. 13, 6% possède une intelligence supérieure avec un QI supérieur à 115. On parle de surdoués à partir de 130 de QI, ce qui représente 2,1 % de la population. Il y a 0,1% de la population qui possède un QI supérieur à 145 et le Zèbre fait partie de cette dernière catégorie. L’intelligence limite se situe sous 85 de QI (13,6%) et la débilité mentale sous le score de 70, soit 2,1%. Aux extrémités de la courbe de Gauss formée par les scores de QI, on passe les bornes qualitatives. On ne parle plus d’une évaluation quantitative de l’efficience intellectuelle, on raisonne en termes de forme d’intelligence, de mode de pensée. Le QI perd sa valeur d’estimation d’un niveau intellectuel pour devenir un indicateur plus général qui oriente vers un diagnostic plus global. Cela concerne les QI en dessous de 70 et ceux au-dessus de 130.  Au delà de 130 le QI n’est plus un indice d’une intelligence quantitativement supérieure mais d’une forme d’intelligence qualitativement différente. Un surdoué est un enfant qui, par sa perception aiguisée du monde, par sa capacité à enregistrer simultanément des informations en provenance de sources distinctes, par son réseau puissant d’associations d’idées et sa rapidité fulgurante de compréhension…  fonctionne dans un système intellectuel incomparable à celui des autres enfants et très différent aussi des enfants les plus brillants (QI entre 115 et 130). C’est la différence qui est significative chez l’enfant surdoué et non pas la supériorité intellectuelle.

Il arrive parfois qu’il y ait hétérogénéité entre le QI verbal et le QI performance, c’est-à-dire une différence de plus de 12 points entre les deux QI, qui ne permet pas de calculer un QI total. Il appartient alors au psychologue de comprendre la raison de cette hétérogénéité et de trouver les solutions pour y remédier. Plus le test est homogène plus l’apprentissage et la mise en œuvre de l’intelligence sont facilités. Un QI homogène témoigne d’un équilibre global de la personnalité et de facilités d’adaptation. Notre Zèbre possède un QI homogène, ce qui est déjà un bon point pour son avenir. En revanche, une dysharmonie des aptitudes intellectuelles peut être à l’origine de difficultés scolaires parfois sévères. Cependant, en cas d’hétérogénéité des deux QI, les problèmes ne seront pas les mêmes selon que c’est le QI verbal ou le QI performance qui est supérieur. Si c’est le QI verbal qui est supérieur au QI performance, on peut émettre plusieurs hypothèses, soit cela représente de la part de l’enfant un mécanisme de défense psychologique, soit c’est le signe de troubles instrumentaux (aptitudes neuropsychologiques intervenant dans l’acte de lire, d’écrire ou de calculer), soit c’est le signe d’un surinvestissement parental des capacités de l’enfant, en particulier dans le domaine intellectuel et scolaire. Dans la situation inverse, c’est-à-dire QI performance supérieur au QI verbal, il peut exister des troubles du langage écrit ou parlé (ex : la dyslexie), on peut aussi parler de refus ou de non-investissement des apprentissages, en particulier scolaires. Cela peut-être aussi le signe d’une inhibition intellectuelle. Deux autres hypothèses peuvent être envisagées : l’appartenance à une autre culture que celle de référence dans laquelle le test a été étalonné ou une carence du milieu éducatif (milieu pauvre en stimulation intellectuelle). Pour tous ces problèmes des solution et des thérapies existent.

Si l’enfant présente de nombreux troubles, le psychologue peut faire passer à l’enfant des tests complémentaires : tests d’efficience intellectuelle, des échelles de raisonnement et les tests logiques, des tests instrumentaux et d’aptitude, des tests de mémoire, des épreuves cliniques d’exploration des structures cognitives ou des épreuves de personnalités.

Il faut savoir que tous les enfants surdoués n’ont pas de problème. Certains se montreront brillants toute leur scolarité, sauteront des classes sans souci et auront une personnalité forte qui en feront des leaders. Mais beaucoup d’entre eux auront un parcours semé d’embûches.

Au prochain numéro : vivre avec un zèbre à l’école, en famille…

Photo : Flickr

Allez Edwige !

jeudi, novembre 19th, 2009

fessee Vous avez sans doute entendu l’info : la célèbre pédiatre Edwige Antier, qui est également députée UMP, souhaite faire voter une loi qui interdise tout châtiment corporel, y compris la si populaire fessée. La loi serait inscrite au code civil et non au code pénal, ce qui fait qu’elle aurait surtout une valeur symbolique. Si vous traînez un peu sur ce blog, vous vous doutez que j’applaudis des deux mains l’initiative. Par contre je trouve la façon dont elle a été reçue très déprimante. J’ai hésité à refaire un billet sur le sujet mais ce concert de clichés sur l’enfant-roi-à-qui-une-bonne-paire-de-baffes-ne-ferait-pas-de-mal m’a décidée à exprimer une autre voix.

Je me suis déjà largement exprimée sur le sujet dans ces colonnes et vous n’êtes pas sans savoir que si j’ai renoncé à beaucoup de principes, je reste très engagée sur celui d’éduquer sans taper. Je crois, comme François de Singly, que notre société est en train de changer profondément, qu’il n’est plus question de former des bons petits soldats mais au contraire des adultes responsables, épanouis, formés à l’esprit critique et à l’exercice démocratique. Les tapes et autres fessées ne vont à mon avis pas du tout dans ce sens. A court terme elles sont peut-être efficaces pour faire intégrer un interdit mais à long terme l’enfant comprend que le vrai problème est de ne pas se faire prendre, sans avoir compris la raison de l’interdit. Et l’autre message est que si on est le plus grand, le plus fort, celui qui a raison, voire celui qui a été poussé à bout, alors on a le droit de faire valoir son point de vue par la brutalité physique. Or nos lois sont claires : la seule raison acceptable de s’en prendre physiquement à autrui c’est la légitime défense… Sans compter le problème de l’enfant devenu grand : certes les bambins peuvent nous en faire voir de toutes les couleurs (j’ai le même à la maison…) mais que faire avec un ado ? Donner une tape sur la main à un grand dadais d’1,90 m pour l’empêcher de fumer ou de dépasser son forfait ? Quant à l’argument qu’une bonne fessée n’a jamais fait de mal à personne, et puis qu’on s’en est pris enfant et qu’on ne s’en porte pas plus mal… il est mis à mal par les nombreuses études qui montrent au contraire que les châtiments corporels sont délétères pour les enfants (voir une liste ici par exemple). Notons enfin que toutes les professions qui s’occupent d’enfants (nounous, puéricultrices, enseignants, animateurs…) ont interdiction formelle d’utiliser ces châtiments corporels et que pour autant ils semblent s’en sortir pas si mal.

Et il y a encore bien d’autres raisons, mais le vrai problème est comment faire ? Car contrairement à ce qu’on lit partout, élever un enfant sans fessée (voire sans punition) ce n’est pas renoncer à lui poser des limites, ça n’a même rien à voir. C’est à mon avis la seule faiblesse de l’initiative : dire aux gens qu’ils doivent abandonner des pratiques inutiles et nocives, c’est bien, mais ne pas leur proposer de nouvelles façons de faire, c’est un peu court. Tout d’abord nous avons encore une vision bien ancrée de l’enfant comme un petit être manipulateur pervers qu’il faut mater à tout prix et qui doit comprendre qui commande. Or de la même façon que les enfants sont immatures physiquement, ils sont immatures psychologiquement. Les enfants mettent du temps à apprendre à marcher, puis à pouvoir le faire sur de longues distances. On n’imagine pas leur donner une fessée pour qu’ils marchent plus vite ou plus longtemps, on les met simplement dans un porte-bébé ou une poussette jusqu’à ce que leurs capacités soient suffisantes. De la même façon être en mesure de résister à une pulsion, de prendre en compte les besoins et les sentiments de l’autre, de gérer une déception ou simplement d’évaluer les conséquences d’un acte demandent une certaine maturité cérébrale, qui n’est vraiment atteinte -quand elle l’est…- qu’après l’adolescence (même si elle se construit au fur et à mesure). Cet apprentissage est long et difficile, avec de nombreux ratés. Il est également très frustrant pour les adultes qui l’accompagnent, surtout qu’ils sont confrontés à des attentes irréalistes de la société vis-à-vis de l’enfant. C’est très pénible de traîner un enfant qui fait une crise en rentrant du square/du magasin/autre, j’en sais quelque chose, mais voilà, les enfants c’est fatigant et parfois très pénible, ça fait partie du job. En plus, l’organisation de notre société ne nous facilite pas la tâche : que ce soient les parents qui travaillent et doivent jongler entre plusieurs vies dans une même journée ou ceux qui restent au foyer et se retrouvent isolés en tête à tête avec un ou plusieurs petits et peu de contacts adultes, notre patience est déjà mise à rude épreuve.

Et plus concrètement, il y a plein d’outils pour apprendre la vie en société à nos enfants sans passer par les menaces physiques, et on en a déjà cité pas mal sur ce blog.

Des livres (vous n’êtes pas obligés de tous les lire, et si vous lisez déjà les articles écrits par votre poule préférée vous pourrez faire un peu de tri) :

Des documents courts à lire sur le net :

D’autres articles du blog sur le même thème (avec plein de commentaires très intéressants) :

Pour finir, je tiens à rappeler que les parents sont juste humains. Si vous arrivez jusqu’à ce blog et que vous avez lu tout ça, c’est probablement parce que comme moi vous aimez vos enfants et que vous essayez de faire de votre mieux. Loin de moi la prétention de vouloir dire qui est un bon parent et qui ne l’est pas. Notre société a une fâcheuse tendance à nous juger et à nous accabler de tous les torts plutôt qu’à nous aider. Nous essayons de trouver une nouvelle façon d’élever nos enfants mais nous manquons cruellement de références et d’exemples, et les vieux réflexes ont vite fait de reprendre le dessus. Les enfants nous font perdre patience, ils nous poussent dans nos derniers retranchements et souvent même au-delà. On finit par faire des choses dont on n’est pas fier (moi la première), et je crois que finalement le fait justement qu’on se remette en question et qu’on reconnaisse nos erreurs, est un bel exemple pour nos enfants, ainsi qu’une occasion pour nous d’évoluer.

Pour finir je vous laisse méditer sur cette définition du mot « parents » :

Deux personnes qui apprennent à un enfant à parler et à marcher, pour ensuite lui dire de s’asseoir et de se taire.

(Image : Ne vous inquiétez pas, la fessée entre adultes consentants resterait autorisée…)

Un sociologue parle d’éducation

jeudi, octobre 1st, 2009

copieur Bon OK c’est un article de méga-flemmasse mais Clemys a eu la gentillesse de m’envoyer le lien et je trouve les observations de ce Monsieur très justes et pertinentes alors je ne peux que vous les faire passer.

Interview de François de Singly parue dans le journal Le Monde du 29 septembre 2009 (je fais un copier coller car après un certain temps les articles deviennent payants… bon ce n’est probablement pas super légal mais tant pis j’ose…) :

François de Singly, sociologue à l’université Paris-Descartes, a publié de nombreux livres sur la famille, la vie privée et l’adolescence. Dans son dernier ouvrage, Comment aider l’enfant à devenir lui-même ? (Armand Colin, 160 p., 16,50 euros), à paraître le 1er octobre, il s’inscrit en faux contre les discours sur « l’enfant roi » et décrypte nos nouvelles manières d’éduquer les enfants.

Qu’est-ce qui a changé, en un siècle, dans le regard porté sur l’enfance ?

Dans les sociétés dites de la première modernité, de la fin du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe, la socialisation se résumait à l’apprentissage des règles : le petit apprenait les usages de la vie en commun, les préceptes d’hygiène, les manières de table et, ce faisant, il apprenait l’autorité et l’obéissance. L’application des valeurs de la philosophie des Lumières, comme l’autonomie, était repoussée à l’âge adulte, et encore.

Le grand tournant, c’est la seconde modernité, c’est-à-dire les années 1960. Le regard sur les enfants se modifie profondément en raison, notamment, du discours des psychologues symbolisé, en France, par Françoise Dolto. Les adultes se mettent à considérer que l’enfant est singulier et que le but de l’éducation est de l’aider à devenir lui-même. L’enfant doit donc être respecté en tant qu’être unique, mais aussi en tant qu’être humain : il devient un sujet de droit, comme le proclame la Convention internationale sur les droits de l’enfant de 1989. Ce mouvement est contemporain de la scolarisation massive et de l’apparition d’une « culture jeune » : les enfants ont des goûts musicaux, des vêtements, des jeux propres à leur génération, ce qui était impensable il y a un siècle.

En quoi ce changement de regard sur l’enfant a-t-il transformé le rôle des parents ?

A la culture de la transmission et de l’obéissance succède peu à peu une culture de la découverte et de l’accompagnement. Le parent continue à se soucier de la transmission des valeurs familiales, mais il doit également prendre en compte la singularité de l’enfant, respecter ses droits et accepter la présence de la culture de ses pairs. Je dis souvent qu’il propose à l’enfant une boîte de briques – des activités culturelles, des traditions familiales, des moments de sport -, mais que la règle du jeu est plus ouverte : les parents, comme l’enfant, ignorent ce qui sera construit. Plusieurs modèles, identités, peuvent être bâtis à partir des mêmes briques !

Le « voyage » éducatif a donc profondément changé. Dans la logique de la transmission, le parent avait une autorité supérieure et il savait à tout moment ce qui était le mieux pour l’enfant : il était le guide sévère d’un voyage organisé qui passait par de « grandes » étapes imposées.

Dans la logique de la découverte, l’important n’est pas tant le but du voyage que le voyage en tant que tel : c’est en lui-même qu’il est formateur, car il permet à l’enfant d’accéder à l’autonomie et de développer un soi raisonnable.

Les détracteurs de ces nouvelles manières d’éduquer affirment que ces « parents-accompagnateurs » ont renoncé à tort à l’autorité et à la contrainte…

Quand on regarde de près, en sociologue, les familles d’aujourd’hui, on s’aperçoit que, contrairement à ce que dit, par exemple, le pédiatre Aldo Naouri, les parents fixent des cadres, et ils en fixent même beaucoup : les enfants choisissent très rarement leurs heures de coucher, ils doivent respecter les rythmes de la vie familiale, notamment pour les repas, et ils font l’objet d’une très grande exigence scolaire.

Il y a donc, dans la plupart des familles, un apprentissage continu de la vie collective et surtout, un suivi rigoureux de la scolarité, qui constitue l’élément central de ce qui reste de la transmission. Les enfants d’aujourd’hui ont sûrement plus de terrains d’expression personnelle qu’il y a cinquante ans mais pour l’immense majorité des parents, l’école est non négociable !

Dans le « voyage-découverte », la contrainte n’est évidemment pas absente. Elle prend deux formes : le parent impose à la fois l’explicitation des demandes et le respect du contrat. L’explicitation car , dans une société démocratique, il faut apprendre à discuter avec ses semblables autrement qu’en disant « J’ai envie de… » : l’enfant doit donc faire l’apprentissage de l’argumentation. Le respect du contrat car le parent est là pour imposer les règles du jeu : il peut, par exemple, accepter que l’enfant change de sport, mais à condition d’expérimenter le nouveau pendant un certain temps.

Vous parlez dans votre livre de la « fatigue » des parents. A quoi est due cette fatigue ?

Les principes directifs du modèle ancien étaient simples mais reposants : il fallait, par exemple, donner les biberons à heure fixe et, plus tard, imposer des règles sans argumenter. Le voyage-découverte, lui, est souvent épuisant : il faut décoder les pleurs du bébé, se poser des tas de questions que l’on ne se posait pas il y a cinquante ans, et plus tard, argumenter avec l’enfant et faire la part entre ce qui est légitime que l’enfant exprime et ce qu’il doit apprendre pour vivre en société.

Si l’enfant, en grandissant, joue honnêtement le jeu du voyage-découverte, le parent doit en outre accepter ce que l’enfant est en train de devenir, même si cela ne lui fait pas vraiment plaisir. Ce n’est pas toujours facile !

Propos recueillis par Anne Chemin
Je ne sais pas vous mais moi ça me donne envie de lire son bouquin !

(Image trouvée ici)