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Allez Edwige !

jeudi, novembre 19th, 2009

fessee Vous avez sans doute entendu l’info : la célèbre pédiatre Edwige Antier, qui est également députée UMP, souhaite faire voter une loi qui interdise tout châtiment corporel, y compris la si populaire fessée. La loi serait inscrite au code civil et non au code pénal, ce qui fait qu’elle aurait surtout une valeur symbolique. Si vous traînez un peu sur ce blog, vous vous doutez que j’applaudis des deux mains l’initiative. Par contre je trouve la façon dont elle a été reçue très déprimante. J’ai hésité à refaire un billet sur le sujet mais ce concert de clichés sur l’enfant-roi-à-qui-une-bonne-paire-de-baffes-ne-ferait-pas-de-mal m’a décidée à exprimer une autre voix.

Je me suis déjà largement exprimée sur le sujet dans ces colonnes et vous n’êtes pas sans savoir que si j’ai renoncé à beaucoup de principes, je reste très engagée sur celui d’éduquer sans taper. Je crois, comme François de Singly, que notre société est en train de changer profondément, qu’il n’est plus question de former des bons petits soldats mais au contraire des adultes responsables, épanouis, formés à l’esprit critique et à l’exercice démocratique. Les tapes et autres fessées ne vont à mon avis pas du tout dans ce sens. A court terme elles sont peut-être efficaces pour faire intégrer un interdit mais à long terme l’enfant comprend que le vrai problème est de ne pas se faire prendre, sans avoir compris la raison de l’interdit. Et l’autre message est que si on est le plus grand, le plus fort, celui qui a raison, voire celui qui a été poussé à bout, alors on a le droit de faire valoir son point de vue par la brutalité physique. Or nos lois sont claires : la seule raison acceptable de s’en prendre physiquement à autrui c’est la légitime défense… Sans compter le problème de l’enfant devenu grand : certes les bambins peuvent nous en faire voir de toutes les couleurs (j’ai le même à la maison…) mais que faire avec un ado ? Donner une tape sur la main à un grand dadais d’1,90 m pour l’empêcher de fumer ou de dépasser son forfait ? Quant à l’argument qu’une bonne fessée n’a jamais fait de mal à personne, et puis qu’on s’en est pris enfant et qu’on ne s’en porte pas plus mal… il est mis à mal par les nombreuses études qui montrent au contraire que les châtiments corporels sont délétères pour les enfants (voir une liste ici par exemple). Notons enfin que toutes les professions qui s’occupent d’enfants (nounous, puéricultrices, enseignants, animateurs…) ont interdiction formelle d’utiliser ces châtiments corporels et que pour autant ils semblent s’en sortir pas si mal.

Et il y a encore bien d’autres raisons, mais le vrai problème est comment faire ? Car contrairement à ce qu’on lit partout, élever un enfant sans fessée (voire sans punition) ce n’est pas renoncer à lui poser des limites, ça n’a même rien à voir. C’est à mon avis la seule faiblesse de l’initiative : dire aux gens qu’ils doivent abandonner des pratiques inutiles et nocives, c’est bien, mais ne pas leur proposer de nouvelles façons de faire, c’est un peu court. Tout d’abord nous avons encore une vision bien ancrée de l’enfant comme un petit être manipulateur pervers qu’il faut mater à tout prix et qui doit comprendre qui commande. Or de la même façon que les enfants sont immatures physiquement, ils sont immatures psychologiquement. Les enfants mettent du temps à apprendre à marcher, puis à pouvoir le faire sur de longues distances. On n’imagine pas leur donner une fessée pour qu’ils marchent plus vite ou plus longtemps, on les met simplement dans un porte-bébé ou une poussette jusqu’à ce que leurs capacités soient suffisantes. De la même façon être en mesure de résister à une pulsion, de prendre en compte les besoins et les sentiments de l’autre, de gérer une déception ou simplement d’évaluer les conséquences d’un acte demandent une certaine maturité cérébrale, qui n’est vraiment atteinte -quand elle l’est…- qu’après l’adolescence (même si elle se construit au fur et à mesure). Cet apprentissage est long et difficile, avec de nombreux ratés. Il est également très frustrant pour les adultes qui l’accompagnent, surtout qu’ils sont confrontés à des attentes irréalistes de la société vis-à-vis de l’enfant. C’est très pénible de traîner un enfant qui fait une crise en rentrant du square/du magasin/autre, j’en sais quelque chose, mais voilà, les enfants c’est fatigant et parfois très pénible, ça fait partie du job. En plus, l’organisation de notre société ne nous facilite pas la tâche : que ce soient les parents qui travaillent et doivent jongler entre plusieurs vies dans une même journée ou ceux qui restent au foyer et se retrouvent isolés en tête à tête avec un ou plusieurs petits et peu de contacts adultes, notre patience est déjà mise à rude épreuve.

Et plus concrètement, il y a plein d’outils pour apprendre la vie en société à nos enfants sans passer par les menaces physiques, et on en a déjà cité pas mal sur ce blog.

Des livres (vous n’êtes pas obligés de tous les lire, et si vous lisez déjà les articles écrits par votre poule préférée vous pourrez faire un peu de tri) :

Des documents courts à lire sur le net :

D’autres articles du blog sur le même thème (avec plein de commentaires très intéressants) :

Pour finir, je tiens à rappeler que les parents sont juste humains. Si vous arrivez jusqu’à ce blog et que vous avez lu tout ça, c’est probablement parce que comme moi vous aimez vos enfants et que vous essayez de faire de votre mieux. Loin de moi la prétention de vouloir dire qui est un bon parent et qui ne l’est pas. Notre société a une fâcheuse tendance à nous juger et à nous accabler de tous les torts plutôt qu’à nous aider. Nous essayons de trouver une nouvelle façon d’élever nos enfants mais nous manquons cruellement de références et d’exemples, et les vieux réflexes ont vite fait de reprendre le dessus. Les enfants nous font perdre patience, ils nous poussent dans nos derniers retranchements et souvent même au-delà. On finit par faire des choses dont on n’est pas fier (moi la première), et je crois que finalement le fait justement qu’on se remette en question et qu’on reconnaisse nos erreurs, est un bel exemple pour nos enfants, ainsi qu’une occasion pour nous d’évoluer.

Pour finir je vous laisse méditer sur cette définition du mot « parents » :

Deux personnes qui apprennent à un enfant à parler et à marcher, pour ensuite lui dire de s’asseoir et de se taire.

(Image : Ne vous inquiétez pas, la fessée entre adultes consentants resterait autorisée…)

Dolto en héritage

lundi, juillet 28th, 2008

La poule pondeuse a lu pour vous : Dolto en héritage, d’Edwige Moitié Antier, tomes 1 (Tout comprendre, pas tout permettre) et 2 (Fille ou garçon : la naissance de l’identité sexuelle).

Constatant une mauvaise interprétation des paroles et écrits de Françoise Dolto, la pédiatre médiatique (même si elle se serait volontiers passée d’une certaine publicité…) a animé une série d’émissions sur France inter pour réhabiliter les théories mises à mal de la célèbre psychanalyste (et mère de Carlos, hi hi hi). Les deux livres dont je vous parle ici sont une compilation de ces chroniques, avec force témoignages d’auditeurs et d’enfants, ainsi que des citations exhaustives de Dolto. La lecture en est donc plutôt agréable : pas de longues digressions, beaucoup de cas concrets.

Pour le contenu, autant vous le dire tout de suite, j’ai plutôt accroché. A part le côté très psychanalyse qui ramène tout au zizi (genre « les mamelles péniennes de la femme »), ce qui me gonfle un peu. Et -comme souvent avec ce genre de bouquin- on se sent un peu coincé après la lecture, craignant que chaque mot ou chaque silence ne déclenche une psychose majeure chez son poussin. Mais je trouve plutôt rassurant de ne pas tout trouver génial et parfaitement approprié, ça prouve que mon esprit critique fonctionne encore.

Qu’est-ce qui m’a plu ? Edwige Antier se place du côté des enfants, et développe son discours en visant en priorité le bien-être de ceux-ci. C’est dans la droite ligne de Dolto, qui a été une des premières à faire comprendre à tout un chacun que le bébé est une personne. Et elle est aussi résolument du côté des mères, essentielles au bon développement du tout petit. Elle trouve même moyen de critiquer au passage notre ami Aldo (qui lui a par contre engendré le chanteur mythique Laurent Naouri, comme quoi… pendant que j’y suis dans la catégorie Voici saviez-vous que Georges Pernoud est le neveu de Laurence ?).

Le premier tome est celui qui intéressera le plus de monde, le deuxième étant plus dédié aux familles « atypiques », c’est-à-dire recomposées, homoparentales, adoptantes, bref toutes celles où on n’a pas « papa + maman = bébé » à l’ancienne. Je vais d’ailleurs surtout vous parler du premier, car me sentant moins concernée par le second je n’ai pas forcément l’esprit critique aussi affûté.

Alors que nous dit Edwige ? Voici un peu en vrac quelques uns des messages du livre :

  • Il ne faut pas tout dire à l’enfant, mais seulement ce qui concerne sa vérité (inutile d’aller jusqu’à mentionner s’il a été conçu en missionnaire ou en levrette -par ici les bonnes recherches google !). Pas la peine de se croire obligé de détailler minutieusement avec force justifications chaque étape du quotidien.
  • Comment restaurer l’autorité paternelle ? Il ne faut pas faire du père un croque-mitaine qu’on invoque à grands coups de « tu verras quand ton père rentrera » ; c’est en étant complice avec ses enfants que le papa assiéra naturellement son autorité. Par ailleurs, la meilleure façon pour le père de faire respecter la mère de ses enfants est de la respecter lui-même et de bien montrer à Junior à quel point il tient à sa femme. Donc Messieurs, au lieu de gronder et de claquer vos petits monstres, offrez plutôt des fleurs à Madame (autant vous dire que j’ai adoré cette partie-là).
  • A propos d’autorité, Edwige Antier insiste bien sur le fait qu’on ne peut pas tout permettre (ben oui c’est dans le titre), et privilégie les « time-out » (un peu comme dans Super Nanny quand les enfants doivent rester 5 minutes assis sur une marche) aux cris et fessées qu’elle désapprouve. Elle nous cite même une étude américaine montrant la nocivité des châtiments corporels sur le développement des enfants (qui deviendraient sournois, menteurs, violents et en échec scolaire). Malheureusement, elle n’en donne pas la référence et la résume en quelques lignes.
  • Pour elle, le concept d’autonomie de l’enfant tel que développé par Dolto a été largement dévoyé ces dernières années. Certes, le but de l’éducation est d’emmener l’enfant vers son autonomie, mais à son rythme. Ainsi, la mère doit pouvoir l’allaiter tant qu’elle le sent nécessaire et est encouragée à dormir avec lui. La maternelle à deux ans lui semble aberrante. Par contre il peut être sain de remettre en cause ce type de pratiques fusionnelles si elles conduisent à un gros déséquilibre dans la famille  (par exemple une mère qui continue à dormir avec son enfant pour ne pas reprendre de vie sexuelle avec le père, ou un père qui dort avec sa fille pré-adolescente depuis que sa femme est morte). Il n’est effectivement jamais profitable d’instrumentaliser son poussin pour gérer sa vie de couple.
  • Le corollaire de cette observation est que la société met les femmes en situation de choisir entre féminisme et maternisme, c’est-à-dire entre avoir son indépendance, notamment par le travail, et pouvoir combler les besoins essentiels de son enfant. Ce qui est dommage, c’est qu’elle ne présente pas vraiment de revendication concrète pour pallier cette lacune. Dans le même sens, la mise en place d’une garde alternée avant les cinq ans de l’enfant n’est pour elle pas saine pour celui-ci : avant cet âge il a avant tout besoin de sa mère. Ainsi, le père facilitera paradoxalement la séparation ultérieure s’il ne brusque pas le rythme de la mère, et celle-ci reconnaissante lui confiera d’autant plus facilement l’enfant.
  • Avant huit ans, un enfant ne ment pas. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne prononce jamais de paroles clairement en contradiction avec la réalité, mais plutôt qu’il est toujours sincère, même si c’est plutôt dans ses sentiments que dans la description de faits objectifs. Ainsi, il ne faut pas traiter un petit de menteur (il risquerait fort de vouloir coller à cette étiquette par la suite), mais plutôt essayer de comprendre le message qu’il cherche à faire passer par son histoire. Lorsque l’enfant relate des faits graves (comme une agression pédophile), il ne devrait être entendu qu’une seule fois, et par une personne apte à recueillir sa parole (ce qui ne semble hélas pas être le cas). Quoi qu’il en soit, une grande importance doit être accordée à ce que dit et exprime l’enfant, qui doit pouvoir sentir à tout moment qu’il peut compter sur les adultes pour le comprendre et l’aider. Et pour les cas plus légers, faire gentiment comprendre à l’enfant qu’il y a le « vrai pour de vrai » et le « vrai pour de rire ».
  • Il faut respecter la pudeur naturelle des enfants, surtout à partir de trois-quatre ans, tant en les encourageant à se couvrir un minimum (et en évitant de les découvrir à tout propos) qu’en évitant de leur exhiber nos parties intimes en permanence. Elle désapprouve également les baisers sur la bouche. Tout ça me semble plus faire partie du domaine personnel et de l’équilibre d’une famille, mais après tout je ne suis ni pédiatre ni psychanalyste (et je n’ai aucune envie d’embrasser mon fils sur la bouche…). Il est cependant important que ce type de message soit bien intégré dans les lieux d’accueil des enfants (écoles, centres aérés, etc).
  • Lorsque la fratrie s’agrandit, il faut valoriser l’aîné et ses capacités de « grand » et surtout ne pas lui demander d’aimer le nouveau venu. Expliquer au grand qu’on s’occupe du petit pour qu’il puisse apprendre à faire autant de choses que lui, de la même façon qu’on s’est occupé de lui quand il était petit.

Si vous voulez vous faire une petite idée par vous-même à moindre prix, on peut trouver ici une interview d’Edwige Antier à propos du bouquin. J’en profite aussi pour vous mettre un lien vers un vieil article de l’Express sur les nouveaux Dolto (merci à Gaëlle).