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La péridurale vue de l’intérieur (3)

mercredi, avril 23rd, 2008

Après quelques généralités sur la péridurale puis ses petits effets secondaires, parlons maintenant de l’accouchement à proprement parler : comment son déroulement est-il affecté ? La péridurale entraîne-t-elle une surenchère d’interventions médicales ?

On entend souvent que la péridurale ralentit le travail : les choses ne sont pas si simples. Il est connu qu’elle a un effet relaxant sur l’utérus, ce qui peut conduire soit à diminuer certaines contractions inefficaces soit à toutes les diminuer. Dans certains cas la détente qu’elle procure à la mère permet au contraire de favoriser la dilatation. Par contre il semble que -surtout si elle est fortement dosée-, elle tende à rallonger la phase d’expulsion. D’une part parce que la mère qui ne sent rien ne pousse pas efficacement, et d’autre part parce que si le bassin est trop « engourdi », il n’aide pas au passage du poussin. Cependant, même si ces effets sont réels, ils ne sont pas systématiques.

Donc pour contrer l’effet utérorelaxant, il n’est pas rare qu’on perce la poche des eaux (si elle ne s’est pas rompue déjà seule) et/ou qu’on ajoute un peu de syntocinon dans la perfusion. Cependant les doses injectées sont extrêmement faibles. Et plus votre travail est avancé lorsqu’on vous pose la péridurale, moins cet effet est important.

Le fait que les poussées soient moins efficaces et que le poussin ne se présente pas toujours bien entraîne plus d’extractions instrumentales (forceps, ventouse), lesquelles s’accompagnent plus souvent d’une épisio.

Quoi qu’il en soit, il n’y a rien d’automatique, et c’est plutôt une question de confiance entre patiente et soignants, qui semble de toute façon essentielle au bon déroulement de l’accouchement, même si il est très regrettable qu’elle fasse parfois défaut. Votre cerveau n’est pas anesthésié, et à moins que certains gestes ne doivent être pratiqués en urgence, vous pouvez tout à fait en discuter avant avec l’équipe. Et au moins votre réflexion n’est pas brouillée par la douleur.

La péridurale limite les positions possibles pour l’expulsion (quatre pattes ou accroupie sont impossibles par exemple -quoi que la poule accoucheuse me signale qu’elle a déjà assisté une femme accroupie sous péridurale pour l’accouchement), mais ne vous cantonne pas pour autant au classique décubitus dorsal (mot savant pour dire « allongé sur le dos »). Si on elle est bien dosée au moment de l’expulsion, vous pouvez très bien sentir les contractions et le passage du bébé sans pour autant avoir mal, je le sais pour l’avoir vécu (et d’ailleurs le poussin est sorti sans forceps ni épisio).

Un petit mot sur le post-partum : beaucoup de femmes qui ont testé avec et sans ont trouvé que les suites de couches étaient plus faciles si elles n’avaient pas eu la péri. Cela dit là encore rien de systématique : personnellement, à part le petit pansement dans le dos qui au bout d’un moment est un peu gênant, je n’ai plus senti aucun effet en sortant de la salle de naissance (heureusement il en restait un peu avant pendant qu’on recousait la déchirure…).

Alors, on la prend ou pas ? Je dirais que c’est un peu comme aller sur l’aiguille du Midi. Vous pouvez monter à pied ou prendre le téléphérique. Certains ne profitent de la vue que s’ils ont pu se dépasser physiquement pour y arriver, d’autres au contraire pensent qu’ils en jouiront mieux s’ils sont bien reposés et voient la montée comme un calvaire à éviter. Comme pour l‘allaitement, c’est donc à chacune de prendre sa décision, en gardant l’esprit ouvert et la possibilité de changer d’avis le jour J.

D’autant plus qu’on a vu que même si on la voulait on ne pouvait pas être sûre de l’avoir. Inversement, si vous ne la voulez pas mais qu’on doit finalement vous injecter de l’ocytocine artificielle (par exemple pour un déclenchement), laissez-vous au moins la possibilité de reconsidérer votre point de vue. Enfin il y a certains accouchements à caractère plus pathologique pour lesquels elle vous sera très fortement recommandée (par exemple si vous avez de l’hypertension). Dans tous les cas, il est donc utile d’être préparée moralement et physiquement à toutes les possibilités : un accouchement est (merveilleusement) imprévisible.

On peut cependant déplorer que les maternités actuellement proposent trop peu d’alternatives à la péridurale pour mieux gérer la douleur : accompagnement plus soutenu par la sage-femme (gérant plusieurs gros bidons à la fois, elle ne peut être au four et au moulin), possibilité d’utiliser divers équipements comme baignoire ou gros ballon, de se suspendre, etc. C’est en général le futur papa qui accompagne sa poulette, et il est rare qu’il soit versé dans cet art subtil : proposer des positions qui soulagent, masser les reins et j’en passe. Ce rôle peut alors être tenu par une doula, même si leur présence dans les maternités reste controversée (mais ceci est un autre débat). On pourrait penser qu’il coûterait moins cher de faire des massages des reins et d’acheter des gros ballons que de mettre en place des anesthésies, mais en fait à partir du moment où les maternités paient un anesthésiste elles préfèrent le rentabiliser, au grand dam des sages-femmes qui aimeraient pouvoir aider plus efficacement les gros bidons qui n’ont pas le petit tube dans le dos.

La péridurale vue de l’intérieur (2)

mardi, avril 22nd, 2008

Pour la première partie c’est ici.

Alors la péridurale, comment ça se passe dans la vraie vie ?

Déjà il faut savoir qu’il y a une sorte de fenêtre temporelle pendant laquelle on peut poser la péridurale. Trop tôt, on risque de trop ralentir le travail, trop tard, elle risque de ne faire effet qu’après la sortie du bébé. Cependant la définition précise de cette fenêtre varie selon les protocoles et les anesthésistes, même si au minimum on se base sur une dilatation du col de l’utérus comprise entre 2 et 8 cm (on parle aussi de doigts jusqu’à « deux doigts larges »). Pour information, la dilatation va de 0 (col fermé) à 10, qui est le diamètre suffisant pour permettre le passage de la tête de bébé. Après la dilatation le bébé sort de l’utérus et doit passer dans le vagin pour sortir tout court : c’est la phase d’expulsion (« poussez madame ! » « gniiiiiiiiii »). Pour ce moment-là, on peut baisser la dose pour que vous ayiez plus de sensations pour pousser et accompagner poussin vers le grand air.

Donc mettons que vous ne présentiez aucune contre-indication et que le timing soit de votre côté. La sage-femme appelle l’anesthésiste. C’est le moment de faire sortir le papa (à moins qu’il ne soit lui-même anesthésiste, et encore) car l’anesthésiste a une grande aiguille dont la vue n’est pas sans rappeler Freddy sort ses griffes ou autre film du même acabit. Pour vous pas de souci, l’aiguille n’est pas dans votre champ de vision. Il vous désinfecte, fait une piqûre d’anesthésie locale, puis la piqûre pendant laquelle il faut pas du tout bouger. Il s’enquière normalement de savoir si vous n’êtes pas en pleine contraction pour que vous restiez plus facilement immobile. La grande aiguille permet le passage d’un petit cathéter (un tuyau en clair) par lequel il vous injecte une première dose-test d’anesthésiant. Il faut attendre 15-20 minutes pour que les effets soient complets (mais on sent progressivement l’analgésie s’installer). Le produit a un effet limité dans le temps, donc il faut régulièrement réinjecter des doses (une fois que le cathéter est posé c’est ultra-simple, ça marche grosso modo comme une perfusion) : soit vous disposez d’une pompe personnelle (avec une limite à la dose maximum tout de même), soit c’est la sage-femme qui vient vous refaire un shoot dès que vous sentez à nouveau les contractions.

Vous voilà donc (normalement) parfaitement relaxée, puisque les analgésiques vous permettent de ne plus sentir du tout les contractions. Vous pouvez même (incroyable) dormir. Cependant ce bonheur a un prix, sous forme de petits désagréments, qui sont bizarrement peu évoqués lorsqu’on aborde le sujet.

Un des effets secondaires les plus fréquents de la péridurale est de provoquer des chutes de tension, qu’on peut généralement contrer en s’allongeant sur le côté. On surveille donc votre tension de très très près. En pratique, vous portez en permanence un brassard automatique, qui se gonfle tous les quarts d’heure, en vous broyant le bras et en faisant bip bip. A chaque nouvelle injection de produit : prise de tension juste avant, pendant, et juste après. Du coup c’est un peu plus difficile de dormir (plus de 15 minutes d’affilée). Et le brassard automatique n’est pas tendre avec votre petit bras.

La péridurale peut aussi faire légèrement monter la température (jusqu’à 38-38.5°C), donc une infirmière vient régulièrement vous la mesurer (généralement avec un thermomètre auriculaire, relax).

Vous ne couperez pas non plus au monitoring permanent (c’est-à-dire deux capteurs maintenus sur le ventre par une grosse bande de tissu, avec le coeur fetal qui fait boumboumboumboum -mais il y a un bouton « volume » sur l’appareil). Mais avec la péri on le supporte généralement bien. La perfusion est aussi inévitable (l’apport d’eau permettant en plus de lutter contre l’hypotension). Vous avez tout à fait le droit de demander ce qu’on y met et de donner votre avis.

La péridurale coupe la plupart du temps l’envie de faire pipi ; d’ailleurs on n’y arrive plus du tout. Vous devez donc être régulièrement sondée par la sage-femme (la sonde permanente n’est pas obligatoire), surtout avec toute la flotte que balance la perfusion.

Comme toute anesthésie, elle est généralement présentée comme incompatible avec l’alimentation : plus le droit de manger ni de boire, à part des micro-gorgées pour s’humecter la bouche (ou le fameux brumisateur). Cependant cette interdiction est remise en question par certaines études. Si votre dernier repas remonte à loin (le travail peut souvent couper l’appétit de toute façon), on peut vous mettre un peu de glucose dans la perfusion. Il faut savoir que la péridurale peut aussi provoquer nausées et vomissements.

Selon l’intensité des contractions (qui augmente au cours du travail), pour que l’analgésie soit suffisante, la dose injectée peut être telle que vous pouvez à peine/plus du tout bouger à partir du bassin. Cependant avec un peu d’aide (« chériiiiiiiii ? ») il est parfaitement possible, voire recommandé, de changer de position, du moment qu’on ne se met pas en appui sur les jambes, forcément (restent au moins sur le dos, semi-assise, assise, sur le côté). A ce propos, la péridurale ambulatoire, qui permet de se déplacer tout en bénéficiant de l’anesthésie, semble ne pouvoir souvent s’appliquer qu’à une partie du travail. En outre, vus les appareils sophistiqués et coûteux qu’elle nécessite (on peut se déplacer, certes, mais seulement avec monitoring et tout le tintouin), elle n’est disponible que dans une poignée de maternités.

Vous pouvez aussi ressentir des fourmis/picotements dans les jambes : sensation un peu bizarre mais pas insupportable non plus. Et certaines femmes ont un effet « tremblante du mouton » assez sympathique (même si sans conséquence).

Une fois la péridurale posée, on la garde. Théoriquement on peut arrêter d’injecter du produit à tout moment mais une fois qu’on a goûté au calme les contractions deviennent difficilement tolérables (d’autant plus qu’elles sont de plus en plus fortes).

Le gros bug de la péridurale, c’est la latéralisation. Le cathéter dévie un peu, et vous devenez Dr Peace & love et Mrs Achevez-moi tout de suite. En clair, un côté de votre corps est anesthésié et pas l’autre. Ceci est corrigé par un deuxième passage du toubib qui reposera le petit tube comme il faut.

Voilà donc ce qu’implique la péridurale pour votre petite personne (pas si petite que ça d’ailleurs puisqu’en général à ce stade on a largement dépassé le mètre de circonférence). Demain nous verrons ce que cela entraîne/peut entraîner pour le déroulement du travail. Et après ça, vous devriez avoir toutes les cartes en main pour trouver ce qui vous convient.