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Le congé parental

mercredi, novembre 17th, 2010

sound-of-music_l1231807675 Prête à tout pour la basse-cour, j’ai testé pour vous… le congé parental !

D’abord le congé parental d’éducation, c’est quoi ? Il s’agit d’une disposition du droit du travail français, qui permet au parent qui le souhaite de prendre un congé total ou partiel jusqu’aux trois ans de l’enfant. Il suffit que le parent ait plus d’un an d’ancienneté à la naissance de l’enfant pour que le congé ne puisse être refusé par l’employeur, qui devra simplement en être averti par lettre recommandée un mois avant qu’il ne commence (le congé, pas l’employeur). Tous les détails sont sur le site du ministère ad hoc (je ne mets pas son nom complet, ça change à chaque remaniement). Ce congé parental peut ouvrir le droit à une allocation de la Caisse d’allocations familiales appelée complément de libre choix d’activité, sous certaines conditions (tout est expliqué sur le site de la CAF). Selon le revenu du parent qui prend cette option, cela peut avoir plus ou moins de conséquences sur le budget familial. Quoi qu’il en soit cela mérite d’être étudié soigneusement avant de prendre la décision.

Pour ma part, je ne suis pas vraiment desperate housewife dans l’âme, mais plusieurs éléments m’ont poussée à allonger mon congé maternité (dix semaines en post-natal) de six mois de congé parental. D’une part je trouve le congé post-natal vraiment trop court, tant pour moi que pour bébé, d’autant plus avec un projet d’allaitement (même si allaitement et travail ne sont nullement incompatibles, c’est tout de même plus simple à la source, surtout avec un tout petit). D’autre part, il se trouve que nous avons déménagé deux semaines après la naissance de Pouss2 (ce que je ne recommande à PERSONNE), la destination de notre déménagement n’ayant été connue que peu de temps avant. Donc avec un Pouss2 né en janvier et un Pouss1 qui devait commencer l’école en septembre, il m’a semblé plus simple d’éviter de chercher en panique un mode de garde pour deux enfants, qui en outre n’aurait duré que quelques mois pour l’un, et d’avoir un peu de temps pour accompagner la première rentrée de Pouss1.

Le hic c’est qu’avec un Coq qui cumulait un travail prenant (et à près d’une heure de chez nous) avec la prise en charge du déménagement et des travaux qui s’ensuivaient, je me suis retrouvée à m’occuper quasi-seule de mes deux poussins. Comme vous vous en doutez sûrement, ça n’a pas été facile tous les jours. Forte de cette expérience, voici quelques conseils à considérer si l’aventure vous tente (notez que ça peut aussi servir en congé maternité) :

  • Se faire aider. Autant que possible. S’occuper entièrement seul d’un (et a fortiori plusieurs) enfant(s) n’est pas un fonctionnement habituel pour l’être humain. Je ne suis pas spécialiste, mais il me semble qu’aucune société ne fonctionne de cette façon. Bien sûr c’est en général la mère qui s’occupe principalement de ses enfants, mais elle trouve toujours quelqu’un à qui les refiler de temps à autre (les « allomères » dont parle Sarah Blaffer Hrdy). Pour le cas qui nous intéresse, ce n’est pas parce que vous avez pris un CPE que vous devez vous occuper des enfants 24h/24 7j/7. Bien sûr il y a l’autre parent, et quand c’est possible la famille élargie, ainsi que les amis, voisins, etc. Il existe aussi des modes d’accueil collectifs pour ce type de situation : les haltes-garderies, qui ne prennent généralement les enfants que pour quelques demi-journées par semaine. J’ai d’ailleurs eu une place pour Pouss1, qui a plus servi à l’ouvrir sur d’autres horizons qu’à me libérer du temps puisqu’au final j’avais au mieux 2h30 avant de retourner le chercher (et -léger détail- Pouss2 sur les bras). Certaines crèches proposent aussi des créneaux à temps partiel pour boucher les trous. Bien entendu, l’aide ne s’arrête pas à la garde d’enfant. Congé parental d’éducation ne veut pas dire qu’en prime vous devez vous farcir toute la popote, le ménage, les courses etc. Nous sommes des fidèles d’Auchandirect et avons eu la chance de pouvoir garder notre femme de ménage pendant le congé. Honnêtement je pense que si j’avais du faire le ménage en prime l’issue aurait été soit un placement des enfants suite à une visite de notre domicile par les services sociaux soit mon internement en psychiatrie. Par contre je trouve que ce n’est vraiment pas évident de caser deux enfants, à tel point que je n’ai même pas pu profiter du congé pour faire ma rééducation périnéale (et je ne vous parle même pas d’activités un peu plus présentables dans les dîners mondains).
  • Voir du monde. L’idéal est d’avoir quelques amies (désolée pour les quelques hommes concernés…) dans la même situation et proches géographiquement, mais ça n’est pas toujours évident. A défaut, il y a de plus en plus d’initiatives pour les futurs et jeunes parents qui permettent de sortir un peu et de rencontrer du monde : réunions d’associations sur l’allaitement (voir ici l’article de Ségolène sur le sujet), ateliers de portage ou de massage de bébé, baby gym, maisons vertes, etc. Pour savoir ce qui se passe près de chez vous, vous pouvez par exemple contacter la PMI (qui ne sert pas qu’à culpabiliser les mères allaitantes). Ainsi on peut échanger sur les difficultés et découvrir qu’on n’est pas les seuls chez qui ça ne se passe pas comme chez Laurence Pernoud. Les bébés (même très jeunes) aiment bien aussi qu’il y ait un peu de mouvement et trouvent généralement nos activités (lire, être sur l’ordinateur, téléphoner…) ennuyeuses. Et puis vous allez découvrir les bébés des autres, qui d’une part sont tous moches par rapport au vôtre, et d’autre part font généralement un truc qui vous semble franchement insupportable et que le vôtre ne fait pas, ce qui vous le rendra d’autant plus aimable. Pour ma part, j’ai trouvé que le gros hic de beaucoup de ces activités est qu’elles se déroulent en début d’après-midi : LE moment de la (longue) sieste de Pouss1. Et bien sûr ce n’est pas parce que vous êtes en congé que la vie doit tourner autour des couches. Pourquoi pas voir une expo ? Faire une balade ? Du shopping ? Il peut aussi y avoir des concerts « adaptés », pas trop bruyants (évitez le pogo sur Rage against the machine), où on peut facilement aller et venir, par exemple un groupe de jazz dans un bar (maintenant qu’ils sont tous non fumeurs -les bars, pas les groupes de jazz)), ou un événement en plein air, où d’éventuels cris de bébé passeront plus facilement inaperçus. En ce qui me concerne j’ai fait un certain nombre de répétitions musicales (je chante) avec Pouss2 sous le bras, ça s’est plutôt bien passé. Si vous avez peur de sortir avec bébé, commencez facile : pas trop loin, un endroit d’où on peut partir facilement, avec des gens bienveillants… Le portage rend les choses vraiment plus pratiques, j’ai pu faire plein de choses seule avec les deux (métro, TGV, McDo, cafés, etc). Attention, autant internet est vraiment devenu un super lieu de rencontre pour les parents, autant ça n’est pas la même chose que de voir des gens en vrai. Ne serait-ce que parce que pour le poussin, se retrouver au milieu d’autres personnes, éventuellement dans un lieu inhabituel, c’est bien plus intéressant que d’être chez lui avec sa mère vissée à son ordinateur.
  • Connaître et respecter ses limites. Les enfants n’ont pas leur pareil pour nous pousser à bout, et plus loin encore. Avec le manque de sommeil qui est généralement le lot des parents d’enfants en bas âge, c’est un cocktail explosif. Encore une fois, c’est normal de n’avoir pas envie de s’occuper tout le temps de ses enfants, même (et surtout…) si on est en congé parental. Repérez les moments où la mayonnaise monte pour essayer si possible d’éviter les situations explosives. Acceptez qu’on ne peut pas toujours être disponible pour accompagner ses enfants, idéalement en passant le relai à quelqu’un, et si personne n’est disponible en vous isolant. Personnellement je pense qu’il vaut mieux dire à un enfant qu’on craque et le laisser hurler seul que de péter une durite devant lui (ou pire sur lui). Evidemment, parfois ce n’est pas possible, parce que même si le grand ne veut pas mettre ses chaussures vous avez quand même rendez-vous chez le médecin pour le bébé dans dix minutes (ah ça sent le vécu ?). J’ai testé pour vous, et je peux vous dire que de surenchérir dans les cris et l’énervement ne fonctionne pas, sans compter que c’est complètement contre-productif à moyen terme, l’enfant fonctionnant surtout par imitation. C’est plus efficace de rester calme et déterminé, même si c’est beaucoup plus difficile. On peut sortir momentanément évacuer sa rage en criant un bon coup et/ou en tapant sur un objet inanimé (avez-vous donc une âme ?), ou encore se promettre une « récompense » pour plus tard (un carré une tablette de chocolat, un bon bouquin/une bonne série, un coup de fil, un achat plaisir… enfin ce qui vous motive !). Dans une journée, essayez de ménager quelques plages pour vous (à commencer par une douche, et non bébé ne deviendra pas psychopathe parce qu’il a pleuré tout seul le temps que vous vous rinciez les cheveux).
  • Préparer l’après. Même si vous voulez vous consacrer à vos enfants, y compris après leurs trois ans, il y a bien un moment où vous aurez envie de faire autre chose. Personnellement ça ne me semble pas très sain de construire toute sa vie autour de ses enfants (ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas s’y consacrer à 100% sur certaines périodes bien sûr). Si vous reprenez votre poste à l’issue du congé, « facile ». Il « suffit » de chercher un mode de garde dès que vous avez votre date de reprise et de vous tenir un peu au courant de ce qui se passe avant celle-ci. Si vous êtes dans un secteur où les choses bougent très vite, ça peut être utile de se remettre un peu dans le bain avant, par quelques lectures, ou en allant à un colloque par exemple. Si vous souhaitez vous réorienter, voir point 1 : il va être essentiel de trouver quelqu’un pour garder un peu votre poussin pendant vos diverses démarches pour mûrir votre projet (si vous n’en avez qu’un -de poussin, pas de projet- et qu’il fait de grandes siestes ça aide). Cette coupure peut vraiment être un bon moment pour réfléchir à autre chose. Enfin une autre option peut être de s’engager dans le secteur associatif, si vous n’avez pas de projet professionnel à court/moyen terme, afin de changer un peu d’air.

Pour ma part, le bilan est plutôt positif ; de toute façon je ne voyais pas vraiment de meilleure alternative, ce qui aide grandement à faire accepter la situation par tout le monde. D’ailleurs, lorsqu’est venu le moment de reprendre, je dois dire que j’étais un peu en overdose des poussins. J’étais donc parfaitement unifiée dans ma décision de les confier, l’un à l’école et l’autre à la crèche, ce qui a été un atout certain pour que les poussins s’adaptent à la nouvelle donne. Au niveau professionnel, n’en déplaise à Elisabeth, je n’ai pas l’impression de m’être trop tiré une balle dans le pied, ayant retrouvé à peu près ce que j’avais laissé, et l’interruption (un peu moins d’un an au total avec le congé maternité) ne se verra même pas sur mon CV puisque je n’ai pas quitté mon poste. A dire vrai, étant passée assez rapidement d’un extrême (m’occuper à plus de 95 % des enfants) à l’autre (travailler à temps complet à une heure de mon domicile), je crois que l’idéal serait sans doute une solution intermédiaire (qui n’est pas compatible avec mon poste actuel).

Au-delà des études, qui montrent tour à tour que les enfants qui ne sont pas gardés à temps plein par leurs parents (voire leur mère pour les plus réacs) deviennent ou pas des délinquants asociaux, je pense que c’est ça qui est vraiment important : un choix réfléchi et assumé, plutôt qu’une contrainte plaquée sur les parents.  Sans compter que dans la vraie vie tout ne se passe pas toujours comme on a envie, et certains choix auxquels nous aspirons peuvent nous être refusés par les circonstances (que ce soit de devoir travailler pour des raisons financières ou de devoir rester à la maison par absence de mode de garde -ce qui serait le cas d’environ un quart des congés parentaux, d’après le rapport Tabarot). Un enfant s’épanouira plus difficilement s’il passe ses journées avec une mère dépressive, qui ressent la situation comme un enfermement imposé. Et inversement, il aura plus de difficultés à s’adapter à la séparation si elle est très mal vécue par un de ses parents. Dans une société où les parents sont relativement isolés, le développement de modes de garde de qualité et répondant à la diversité des situations (temps partiel, accueil ponctuel…) est en tout cas une vraie nécessité. Enfin je sais que ce n’est pas le style de la basse-cour, mais par pitié finissons-en avec les « mommy wars » : la vie avec des enfants en bas âge est difficile et fatigante, qu’on travaille ou pas. Chaque situation a des avantages et des inconvénients, et surtout chaque famille a des contraintes et des envies différentes. La parentalité n’est pas un concours.

Photo : une scène prise sur le vif pendant mon congé, au pied de la montagne Sainte-Geneviève

Réforme du congé parental ?

lundi, février 16th, 2009

mary_poppins La nouvelle fait déjà grand bruit : le gouvernement souhaite réformer le congé parental. Etant donné qu’on n’est encore qu’au stade de l’annonce, il me semble que tout reste à prendre avec des pincettes. Je ne souhaite pas débattre ici de l’aspect idéologique (c’est-à-dire la façon de voir le monde qui transparaît derrière ces propositions et sur l’enrobage de discours autour) mais me cantonner au plan purement pragmatique. Vous trouverez le débat plus politique chez Olympe (qui référencie également d’autres articles sur le sujet).

Les propositions sont principalement basées sur le rapport de la députée Michèle Tabarot (résumé ici, rapport intégral ). Puisqu’on ne sait pas encore ce qui va être retenu ou pas, je vous propose de regarder directement le rapport plutôt que de tenter de pêcher ça et là des citations incomplètes. Bien sûr ma grille de lecture ne sera pas forcément la vôtre, alors n’hésitez pas à y jeter directement un œil. J’ajouterai qu’il contient de nombreux exemples et comparaisons avec d’autres pays occidentaux, ainsi qu’un certain nombre de cartes montrant les disparités au sein de l’hexagone, bref c’est globalement très instructif.

On y trouve déjà un certain nombre d’informations sur la situation actuelle.

Tout d’abord l’auteur expose les connaissances actuelles sur les conditions du bien-être des enfants. Je regrette que cette partie ne soit pas plus détaillée et plus documentée mais on en tire déjà un certain nombre d’informations.

Les tout petits bénéficieraient d’être gardés par un de leurs parents jusqu’à 6 à 12 mois au moins. L’intérêt de fréquenter plus assidument d’autres enfants n’apparaîtrait que vers 2-3 ans. L’implication des deux parents aurait des effets bénéfiques sur le développement de l’enfant. On apprend également que le temps de garde optimum pour les enfants serait de 10 à 30 heures par semaine, d’après l’étude NICHD. Ainsi, 83% des enfants confiés à la garde 10 à 30 heures par semaine ne montrent aucun trouble comportemental (90% pour ceux gardés par un parent, et 74% pour ceux gardés plus de 40 heures). Par trouble comportemental, on entend entre autres caprices et colères. Hélas il n’est pas précisé de tranche d’âge à laquelle correspondent les données, parce que je me demande dans quel monde on trouve une très large majorité de bambins qui ne font aucune colère (le site original de l’étude est si dense que je n’arrive pas à y retrouver rapidement ces données). Par ailleurs, selon l’auteur, la qualité du mode de garde est primordiale, et notamment l’attention portée aux enfants, l’adéquation à leurs besoins et la stabilité du personnel. Selon les cas, on pourra trouver cette qualité en garde collective comme en garde individuelle.

Apparemment je ne suis pas la seule à penser que le congé maternité actuel est trop court :

  • 70% des mères obtiennent un congé pathologique (dont 23% en post-natal, qui est plus difficile à avoir que le pré-natal), ce qui montre bien que la possibilité de reporter une partie du pré-natal en post-natal ne concerne qu’une minorité.
  • Rallonger le congé maternité par ses congés annuels (et autres RTT) est une pratique très répandue : 38 jours en moyenne pour le premier et le deuxième enfant, 21 jours pour les autres (cette statistique m’étonne car beaucoup d’entreprises interdisent aux salariés de prendre plus d’un mois de congé à la fois).

Un certain nombre de femmes ne prennent pas leur congé parental de gaieté de cœur : on estime à un tiers la proportion de celles qui l’ont fait par absence d’alternative. Je dis « femmes » car seulement 2,5% des personnes en congé parental sont des hommes. Par ailleurs, un arrêt de 3 à 6 ans est souvent préjudiciable à la réinsertion professionnelle.

Quel est le vrai prix des modes de garde ? On trouve dans le rapport un joli graphique comparant, en fonction des revenus du foyer, ce qu’il reste effectivement à payer (une fois les aides déduites) pour chaque mode de garde (accueil collectif, assistante maternelle, garde partagée, garde à domicile). Globalement la différence entre crèche et assistante maternelle n’est pas très importante (moins de 100 € par mois), et lorsque les revenus du foyer atteignent 3 SMIC (3102 €), c’est l’assistante maternelle la plus avantageuse (et il n’y a plus beaucoup de différence avec la garde partagée non plus).

Quelle est leur disponibilité ? On estime qu’il y aurait environ 51 places d’accueil à l’extérieur pour 100 enfants de moins de 3 ans. Il manquerait 300 000 à 500 000 places. Ainsi, en 2005,  57% des moins de 3 ans étaient gardés par un de leurs parents (devinez lequel ?), 18,5% par une assistante maternelle agréée et 8,7 % dans une crèche. L’assistante maternelle (= une nounou qui accueille 2 à 3 enfants chez elle et qui doit recevoir un agrément de l’Etat, pour ceux pour qui c’est du chinois ; c’est une femme dans 99% des cas) est donc le premier mode de garde hors parents. Pourtant, la majorité a choisi ce métier par défaut plus que par vocation, et leur salaire mensuel net est de 815 € lorsqu’elle travaille à temps plein (pour la nôtre on peut quasiment multiplier par trois et pourtant elle n’est pas spécialement chère !). Quant aux structures d’accueil collectif, leur nombre augmente de 2 à 3 % par an et les crèches d’entreprises ne représentent que 8% des places.

Combien tout cela coûte-t-il à l’Etat ? En tout (y compris congés de maternité et paternité) : 15,3 milliards d’euros, soit environ 4% du budget total de l’Etat. Bien que les gardes individuelles soient majoritaires, elles ne coûtent « que » 2,7 milliards d’euros, par rapport à 3,6 milliards pour les modes d’accueil collectifs. Et pour les entreprises ? Apparemment une étude suisse fait état d’un retour sur investissement de 8% (25% pour une étude allemande) pour les mesures familiales (organisation flexible, allocations de congés parental…), et ce sans compter les bénéfices non quantifiables (motivation, loyauté…).

La suite au prochain numéro : les propositions de mesures.

Tire-lait ou congé ?

vendredi, février 6th, 2009

01_baobama1 Les Etatsuniens ont de la chance. Déjà ils ont Barack Obama : il est beau, il est sympa, il est classe, il est intelligent, il va sauver le monde. Et en plus il existe vraiment. Bref.

Et puis alors que nous autres Français on en est encore à débattre pour savoir si l’allaitement est compatible avec le féminisme (sans parler des petits pots et des couches lavables…), ils sont passés à une question bien plus intéressante : la libération de la mère allaitante passe-t-elle par un plus long congé maternité ou par des conditions optimales pour tirer son lait au travail ? Ou encore que veut-on promouvoir dans l’allaitement ? Le lait maternel ou le fait de téter le sein ? Les deux ?

Le débat est parti d’un article bien documenté et très intéressant de Jill Lepore dans le New Yorker que vous pouvez lire ici. On y trouve une mise en perspective historique pleine de détails savoureux. Par exemple on y apprend que Linné lors de sa première tentative de classification des êtres vivants en 1735 avait mis les humains dans la classe des Quadrupèdes, ce qui avaient été assez mal pris par ses contemporains, déjà peu enclins à se classer parmi les animaux, et s’était finalement rabattu sur l’appellation Mammifères (qu’il a lui-même créée). L’idée étant que personne à l’époque ne pouvait nier que le petit d’homme était allaité par sa mère. Linné avait d’ailleurs beaucoup prêché contre les nourrices.

L’auteur rappelle également l’accent mis par les autorités sur l’allaitement maternel et sa glorification, tant en Europe qu’aux USA… jusqu’à la fin du XIXème siècle où on observe deux phénomènes concomitants : apparition des premiers substituts au lait maternel et tarissement supposé de la lactation des femmes. J’aime particulièrement son résumé de l’histoire de la nourriture : quand les riches mangent du pain blanc et donnent du lait maternisé, les pauvres mangent du pain complet et allaitent ; ensuite ils échangent.

La situation actuelle (qui n’est pas sans rappeler nos problèmes hexagonaux) est la suivante : on dit aux mères que le mieux est d’allaiter exclusivement pendant (au moins) 6 mois, mais elles n’ont généralement que 12 (10 ici) semaines de congé post-natal. Alors que donner aux bébés entre deux ? Apparemment aux USA au moins, l’Etat met l’accent sur la possibilité pour les femmes de tirer leur lait : exemption de taxes sur les tire-lait, pressions sur les entreprises pour mettre à disposition des mères des endroits confortables pour faire marcher les machines, etc. Pour Jill Lepore, ce sont de pâles substituts d’un vrai congé maternité. L’art féminin de l’allaitement est devenu la science du lait maternel.

Ce qui nous amène donc à une question intéressante : que veut-on dire par allaitement maternel ? Faire téter un bébé au sein ou boire le lait de sa mère ? Qu’est-ce qui est vraiment important ? Les professionnels de la santé bucco-dentaire mettent en avant les effets bénéfiques de la tétée au sein sur le développement des structures faciales, même s’il me semble qu’on les entend beaucoup moins que les explications sur les bénéfices du lait. Et bien sûr, la proximité physique induite entre la mère et l’enfant favorise l’établissement d’un lien d’attachement solide, dont les effets bénéfiques sur le psychisme des enfants (et des parents) n’est plus à démontrer. Ceci dit, rien n’empêche de donner un biberon en peau à peau et d’en faire un super moment de câlin (à part peut-être ces objets étranges ? encore qu’apparemment on peut s’en servir pour donner un biberon à un enfant en porte-bébé et garder les mains libres).

Là où l’auteur va un peu loin, c’est quand elle nous dit « Quand est-ce que le droit des femmes est devenu le droit des femmes à travailler ? ». Je ne suis pas la seule à tiquer : une chroniqueuse trouve que Jill Lepore « jette le bébé avec le reste de lait tiré ». Elle souligne que le soutien aux femmes qui souhaitent rester chez elles pour allaiter ne doit pas se faire aux dépens de celles qui veulent retourner bosser et pouvoir y tirer sereinement leur lait. Je pense également que c’est à chaque famille de voir ses priorités et de trouver ses compromis et ses solutions.

Par contre, dans un pays où on attend de l’Etat qu’il mette en place des politiques de santé publique et de prévention d’envergure, quel doit être le message à faire passer ? Et surtout quelles mesures pour encourager sa mise en pratique ? Le budget et les moyens étant par nature limités, sur quoi faudrait-il insister ? Comment donner vraiment le choix aux femmes ? On en a déjà discuté ici, mais il me semble qu’un système de congé parental vraiment flexible, correctement rémunéré et permettant un relai entre les parents irait dans ce sens. D’ailleurs ça a l’air de plutôt bien marcher chez nos voisins scandinaves non ?

Tant qu’on est dans cette thématique, j’en profite pour vous signaler cette excellente interview de Sylviane Giampino, psychanalyste et psychologue, relayée par le site Les papas = les mamans (une mine d’articles très intéressants et bien faits). Le sujet : Les femmes qui travaillent sont-elles coupables ? Sylviane Giampino y fait une synthèse assez réussie entre féminisme et besoins de l’enfant, loin des poncifs éculés et autres clichés habituels.

Et pour finir sur une vraie question existentielle : peut-on tirer son lait en public, comme cette femme au bord de l’engorgement qui s’est « soulagée » dans le train de banlieue (une main pour se tenir à la barre, l’autre sur le tire-lait), ou encore à un bar en sirotant son verre de vin ?

(Photo : AP Photo/Alex Brandon, trouvée sur http://www.boston.com/bigpicture/2008/12/2008_the_year_in_photographs_p.html, et spéciale dédicace pour ma mômman. En même temps c’est plus sympa qu’un tire-lait non ?)

La Poule pondeuse présidente

mercredi, décembre 3rd, 2008

Comme promis hier, au lieu de râler et de critiquer (mes occupations favorites), je fais dans le constructif et liste ici quelques propositions (votez pour moi !). Alors plutôt que de vouloir dépister des comportements agressifs chez des gosses de trois ans, ou encore d’emprisonner des gamins de douze, il me semble qu’on y gagnerait plus en aidant les parents à assumer pleinement leur rôle en amont. J’ai quelques idées :

  • Pour commencer, le congé maternité pour un premier enfant est ridiculement court. Le mettre en crèche à dix semaines ? Quel est l’intérêt ? A part lui permettre de collectionner bronchiolites et gastros, qui à cet âge tendre se finissent plus facilement par une (coûteuse et stressante) hospitalisation ? Et pousser une mère désireuse d’allaiter à sevrer précocément, pile quand l’allaitement commence à bien rouler ? Je ne dis pas qu’il est indigne de faire garder son enfant à cet âge-là, mais plutôt que ce n’est pas quelque chose qui devrait être encouragé par l’Etat. Et qu’on ne me parle pas de la possibilité de reporter une partie du congé prénatal en post-natal : il y a certainement des femmes qui le font, et tant mieux pour elles, mais si je fais un rapide sondage parmi mes connaissances j’ai déjà du mal à en trouver qui n’ont pas demandé à être arrêtées avant la date officielle. Soyons honnêtes : si -comme l’Etat français- on préconise un allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, il faut en donner les moyens aux femmes et les dispositions actuelles ne l’encouragent pas vraiment (oui, on peut travailler à plein temps et allaiter exclusivement mais ça n’est pas facile). Je pense qu’il faudrait quelque chose de plus incitatif que l’allocation du congé parental pour encourager les femmes qui le désirent à allaiter jusque là : pourquoi pas une extension du congé maternité post-natal (pour toutes, on voit mal l’Etat faire la police entre qui allaite ou pas, en mixte, ou que sais-je) ? L’Europe penche déjà dans ce sens avec un congé total minimum de 18 semaines au lieu des 16 actuelles.
  • Comme en Scandinavie et au Québec, un congé parental (vraiment rémunéré) la première année à partager entre le père et la mère semble une excellente idée. J’aime bien l’idée des deux travaillant à temps partiel et gardent l’enfant à tour de rôle. Il est important de conserver une certaine flexibilité pour s’adapter aux besoins des uns et des autres. Ceci dit ça ne marchera que si les pères jouent le jeu. Dans le même esprit, favoriser le télé-travail, les horaires flexibles, et tout ce qui permet à chacun d’optimiser son temps. Travailler en gardant ses enfants peut être une piste pour certains postes (personnellement je n’y arrive pas vraiment, à part quelques répétitions musicales faites avec le poussin dans le dos). Et grâce au blog d’Olympe, j’ai découvert cette brochure pour promouvoir la parentalité auprès des salariés masculins, à mettre dans les mains de toutes les DRH. Elle appelle notamment à la fin du « présentéisme » : actuellement pour être jugé efficace un salarié doit généralement faire des horaire à rallonge, ce qui est difficilement compatible avec la parentalité. Il y a également un sondage sur la question sur le site de l‘ORSE (Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises).
  • Il faut un vrai choix dans les modes de garde. On peut ergoter sans fin entre crèche et nounou, c’est aussi souvent quelque chose qu’on sent plus qu’on ne le raisonne. Mais laisser son enfant à une personne ou une structure en qui on n’a pas vraiment confiance, c’est délétère. Si on trouve déjà qeulque chose… Je pense qu’il est crucial de développer tous les modes de garde là où il y a pénurie, et de renforcer la formation et la qualification des personnes qui y travaillent. Par ailleurs, les crèches d’entreprise, les crèches parentales, les haltes-garderies, les crèches familiales et j’en passe sont des idées à creuser et à développer, pour que chaque pot trouve son couvercle.

Notez que je ne suis pas la première à m’intéresser à ces questions : je vous recommande un tour chez Maman travaille (et ses propositions) et chez Mamamiiia pour la version québecoise.

Pour ceux à qui ces mesures semblent exorbitantes, je rappelle que la femme française a en moyenne deux enfants dans toute sa vie (je vous fais grâce des virgules). Sur 40 ans (et sûrement plus) de vie professionnelle, si on prend en compte la partie qui serait strictement assumée par la femme (mettons 2 mois en prénatal et 6 mois en postnatal en comptant large), ça nous fait… 16 mois ! Même pas un an et demi. Si le reste est assumé équitablement entre papa et maman, on voit bien qu’il n’y a pas vraiment de raison de pénaliser les femmes par des salaires en moyenne inférieurs, si ce n’est d’avoir été dotées par la nature d’un utérus et d’une paire de seins. Et je ne trouve pas de source pour l’étayer, mais il me semble bien que les banques françaises (pourtant pas vraiment connues pour leur philanthropie) offrent 45 à 90 jours de congé supplémentaires aux jeunes mères. Je ne crois pas que ce soit la raison de leurs déboires actuels…

Quant aux parents qui souhaitent prendre une pause plus longue pour se consacrer à leur(s) enfant(s), je ne les oublie pas :

  • Quel revenu ? ça me semble une question complexe (pour combien de temps, combien d’enfants, selon les revenus du conjoint, etc), mais je suis sûre qu’il y a matière à amélioration de l’existant. La question de la pérennité des couples dans ce cadre n’est pas à glisser sous le tapis, ceci dit rappelons que le contrat de mariage par défaut en France (la communauté réduite aux acquêts) a justement pour but de protéger le conjoint qui a sacrifié sa carrière pour les enfants en lui attribuant tout simplement la moitié des revenus et propriétés de l’autre.
  • Quelle formation ? Après plusieurs années hors du marché du travail, il est clair qu’un accompagnement pour s’y réinsérer pourrait être crucial. Pourquoi pas également un bilan de compétences ?
  • Quel droit à la retraite ? On n’y pense pas toujours et ça n’est pas très glamour, mais ça n’est quand même pas négligeable. Si on reste 3, 5, 10 ans sans cotiser, ça peut porter sérieusement à conséquences. Je ne connais pas bien la législation en la matière et ne veux pas dire de bêtise, mais ça me semble un problème à étudier.
  • Comment rompre l’isolement des jeunes parents ? Pas évident, mais voici quelques pistes. On pourrait déjà améliorer l’accueil des parents avec leurs enfants, dans des lieux prévus pour (type maisons vertes), mais aussi en général dans la société et dans les lieux publics. Par exemple, prévoir un petit coin avec quelques jouets dans les commerces, cafés, administrations, etc, ne coûte pas grand chose et peut rendre bien service (il y a ça dans la pharmacie en bas de chez moi et le poussin n’en décolle pas). La socialisation des tout petits, ce n’est pas d’en jeter 30 du même âge ensemble et de vérifier régulièrement qu’il n’y a pas de mort (ça serait plutôt Sa Majesté des mouches), mais c’est surtout de leur permettre d’interagir avec des plus grands, des plus petits, avec des adultes, des jeunes, des vieux. Bref, avec la société. N’oublions pas que le modèle « traditionnel » implique une vie sociale riche, la famille nucléaire étant largement incluse dans ce que Françoise Dolto appelle la famille « tribale », où il y a toujours une grand-mère, cousine, tante ou voisine à proximité pour prendre le relai auprès des jeunes parents (oui à l’époque il s’agissait surtout de femmes). La difficulté à mettre en place ce type de soutien dans notre société, conjuguée à une pression croissante sur les parents pour que leurs enfants soient parfaits, peut avoir des conséquences douloureuses pour les mères (et pères ?) au foyer. Heureusement internet et ses nombreux forums offrent une forme de tribu, mais ce n’est pas l’ordinateur qui va promener pendant une heure votre nouveau-né hurlant dans l’appartement.
Évidemment ces idées ne seraient pas applicables partout et ne conviendraient pas à tout le monde, mais je pense que ça contribuerait globalement à une société plus juste (Bisounours, lâche-moi !). Je n’ai pas non plus parlé des parents séparés, des familles mono-parentales, homo-parentales et j’en passe, parce que je connais mal ces sujets. Et vous, qu’en pensez-vous ?