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Féminité et maternité

dimanche, septembre 4th, 2011

Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais apparemment féminité et maternité seraient difficilement compatibles. Si vous avez réussi à échapper aux injonctions de la presse parentale et féminine à redevenir une fâââââmme après la naissance, une simple recherche Google vous apprendra que rester femme pendant ou après la grossesse ne va pas de soi (voir par exemple les Maternelles, Doctissimo, ainsi qu’une critique magistrale par @LaPeste ; même le corps médical s’y met). Soit. Si j’en crois la définition de la féminité par Wikipédia :

La féminité est l’ensemble des caractères morphologiques psychologiques et comportementaux propres aux femmes. Ils sont biologiquement liés au sexe et fortement influencés, voire conditionnés par l’environnement socioculturel. Ils sont exclusifs et différencient les femmes des hommes qui eux possèdent des caractères masculins

Je pense qu’à peu près tout le monde sera d’accord pour dire que la maternité, surtout dans son incarnation physique (grossesse, accouchement, allaitement), est exclusivement féminine. En clair, s’il n’y a évidemment pas besoin d’être une mère pour être une femme, il semble nécessaire d’être une femme pour être une mère. L’idée que la maternité menacerait la féminité me semble donc pour le moins capilotractée.

En fait le problème vient plutôt de la définition de la féminité qu’on nous propose. Être une femme, en clair, c’est être séduisante. Et cette séduction n’est reconnue que si elle est conforme au modèle imposé : bien habillée, bien coiffée, mince, bien maquillée, épilée de près. Je ne vois pas bien en quoi ceci serait une caractéristique strictement féminine : les hommes aussi peuvent séduire, y compris par une apparence soignée et conforme aux canons de l’époque et du lieu (même s’ils sont souvent légèrement différents de ceux des femmes). Bien sûr je ne nie pas le plaisir engendré par la séduction et les bienfaits personnels qu’on peut retirer à s’occuper de son corps et à le mettre en valeur, y étant moi-même assez attachée, mais je ne vois pas en quoi ce serait la définition de la femme, la condition sine qua non de la féminité. Au contraire, porter un enfant ou le mettre au monde me semblent des preuves éclatantes de féminité, même si encore une fois nul besoin de faire cela pour être une femme. C’est juste que je vois peu d’autres choses qui soient aussi exclusivement et universellement féminines.

Que nous dit cette définition de la féminité basée sur la séduction ? Pourquoi met-on autant la pression sur les femmes pour qu’elles se conforment à ces canons ? D’abord, cela fait vendre. Eh oui, pour attendre la perfection féminine, il faut des cosmétiques, des épilateurs, des habits… Ensuite, cela les occupe : c’est le « harem de la taille 38 » où nous nous enfermons toutes seules. Et tout cela pour qui ? Pour les hommes ? Mais les goûts des hommes sont à peu près aussi divers que les physiques féminins, sans compter que la séduction et la sexualité ne se réduisent pas à l’apparence physique. D’ailleurs, cette définition ultra-sophistiquée de la féminité séductrice pourrait bien être contre-productive pour la libido féminine. Et, surtout, il n’y a rien d’anormal ou de pathologique à ne pas vouloir mettre la priorité sur sa vie sexuelle. Chacun avance dans son couple comme il le souhaite, sans qu’il y ait une norme étroite à laquelle se conformer à tout prix.

Une femme -comme un homme d’ailleurs- peut s’investir et se réaliser dans bien d’autres choses que la parentalité ou que son apparence physique : le travail, l’engagement associatif et/ou politique, un blog, le sport, l’amitié, la fête, la maison (déco, cuisine…), le sexe, et bien d’autres encore. On peut explorer les axes qu’on souhaite, en parallèle ou séquentiellement, faire l’impasse sur d’autres… bref c’est à chacun de tracer son chemin comme les circonstances le lui permettent. Parce qu’évidemment maintenant que les femmes ne sont plus strictement cantonnées à certains chemins, la nouvelle contrainte est de leur demander d’être excellentes sur tous et en même temps.

Mais quoi qu’il en soit, nous sommes entièrement femmes quand nous sommes enceintes jusqu’au cou, victimes de remontées acides, d’une crise d’acné impromptue et d’oedème aux chevilles. Encore femmes quand à moitié nues, nous hurlons que ce p… d’anesthésiste vienne maintenant ou on se fera une auto-césarienne avec les dents, sans manquer de constater la fâcheuse tendance de certains de nos fluides corporels à s’échapper hors du contrôle de notre volonté. Toujours femmes quand l’oeil hagard et cerné nous tentons de compter les vergetures et de retrouver notre nombril égaré sur notre ventre distendu entre deux tétées. Que diable pourrions-nous être d’autre ?

Je profite de ce billet pour m’attaquer dans la foulée à « retrouver son corps après la grossesse« . Si seulement retrouver son corps voulait dire refaire connaissance avec ce corps qui change, qui évolue, pour certaines choses de façon presque imperceptible et pour d’autres bien plus radicalement, l’aimer, en prendre soin… Mais en général, retrouver son corps signifie simplement revenir sur le droit chemin : obtenir et garder un corps de jeune adolescente. Pas de gras (et surtout pas de cellulite), pas de poil, pas de ride. Facile, il suffit de 1. rester fââââmme et 2. « prendre soin de soi ». Quand je vois des femmes plutôt minces avoir une alimentation exclusivement à base d’oeuf dur, de jambon blanc et de yaourts (à 0% bien sûr), j’aimerais bien qu’on m’explique en quoi cela consiste à prendre soin de son corps (pour ceux qui ne verraient pas, voir cet avis de l’ANSES, ainsi résumé par le Monde : « Les régimes amaigrissants sont mauvais pour la santé »).

Les amies, j’ai un scoop : vous ne retrouverez JAMAIS votre corps d’avant la grossesse. Vous pouvez arriver à quelque chose qui s’en approche, mais le poids n’est que la partie visible de l’iceberg : les abdos un peu ramollis malgré la rééducation, les seins qui ont changé de forme, de taille ou de couleur, les pieds qui grandissent, quelques vergetures et capitons, même discrets, la pilosité qui change… Bien sûr on ne subit pas toutes les mêmes effets à la même intensité, mais même celles sur qui ni la maternité ni le temps ne semblent avoir de prise les subissent également.

Inutile de se voiler la face, la maternité nous change. Elle bouscule notre corps, notre psyché, nos priorités, notre vision des choses. Il est bien naïf de se convaincre que rien ne changera avec l’arrivée de l’enfant, que nous on ne deviendra pas des bonnets de nuit qui ne veulent plus sortir et ne parlent que de couches, qu’on ne sera pas comme ces mères mal coiffées qui ont une bouée de sauvetage greffée au-dessus des hanches. Bien entendu, il est salutaire de ne pas se perdre et de garder des choses pour soi, comme des activités non liées aux enfants, mais il est illusoire de penser qu’on pourra tout garder en même temps et à la même intensité. Et tout aussi illusoire de penser que nous pouvons ressembler toute notre vie à des adolescentes en papier glacé. On a mieux à faire, non ?

Pour poursuivre la réflexion, quelques lectures (cliquez aussi sur les liens dans le billet) :

(et sûrement bien d’autres, n’hésitez pas à en signaler !)

Sur ce blog (si vous avez réussi à les rater dans le corps du billet, mais je ne recule devant rien pour faire ma pub) :

Photo : Thomas Beatie, l’homme enceint. Parce que quelle que soit la thèse qu’on défend, on trouve toujours un exemple pour la contredire…

I love ma cellulite

jeudi, février 10th, 2011

Renoir Guerre au gras, guerre aux femmes

Malgré des progrès indéniables ces dernières années, la cause féministe a encore du chemin devant elle. Tout le monde a entendu parler des inégalités salariales, des femmes qui assument 80% des tâches ménagères ou de l’articulation difficile entre vie professionnelle et maternité, pour ne citer que quelques thèmes majeurs. Mais il en est un dont on ne parle pas souvent, et qui est pourtant insidieusement répandu dans les sociétés occidentales : c’est la guerre au gras. Attention, je ne parle pas ici de la lutte contre le surpoids et l’obésité, en tant que problèmes d’ordre médical, mais de l’obsession de la graisse chez des personnes de corpulence moyenne (présentant un indice de masse corporelle normal, pour simplifier). Cette obsession n’a non seulement aucune justification médicale, mais elle est fondamentalement injuste pour les femmes. Eh oui, les femmes sont naturellement plus grasses que les hommes, tout simplement car leurs corps ont été façonnés par l’évolution pour porter les enfants et les allaiter, activités hautement énergétiques s’il en est. Or le tissu adipeux est la façon la plus efficace de stocker de l’énergie (et paradoxalement la plus légère). Wikipedia nous apprend ainsi que chez la femme, la graisse représente 20 à 25% de la masse totale tandis que chez l’homme cette proportion varie de 15 à 20%.

Le gras nous devient particulièrement hideux lorsqu’il prend la forme de cellulite, qu’on retrouve chez près de 90% des femmes contre seulement 2% des hommes. Cette dernière phrase devrait déjà vous faire tiquer : on érige en anormalité à combattre et éradiquer par tous les moyens quelque chose qui touche près de 90% des femmes. On met en avant alimentation et exercice dans les facteurs favorisant la cellulite, mais vous n’allez pas me faire croire que 90% des femmes sont des feignasses qui se gavent de MacDo toute la journée tandis que 98% des hommes ont une hygiène de vie exemplaire. Effectivement, les chiffres sont sans appel : le surpoids touche 32% des femmes et 46% des hommes, tandis que la maigreur affecte 5% des femmes et 2% des hommes. Non, les vrais facteurs de cellulite sont la génétique et les hormones féminines. La cellulite est aussi associée au corps féminin que les seins : certaines en ont beaucoup, d’autres presque pas, mais la grande majorité en a.

Décider que la cellulite est une tare à corriger est en réalité une nouvelle façon de contrôler et de mutiler le corps des femmes. C’est exactement le même raisonnement qui a poussé certains Chinois à bander les pieds jugés trop grands ou les Padaung à étirer les cous jugés trop courts, pour ne citer que quelques pratiques emblématiques. Bien sûr, chez nous l’approche est plus subtile mais la pression est tout aussi efficace. Cherchez « cellulite » sur Google, et vous ne trouverez que des pages pour vous aider à vous en débarrasser. Même un bon tiers de la page Wikipedia y est consacré. En outre, la confusion graisse – cellulite – surpoids – obésité et l’idée reçue selon laquelle les problèmes de poids sont une simple affaire de volonté véhiculent le message suivant : la graisse est un signe de paresse et de laisser-aller.

Évidemment il y en a que ça arrange. Les enjeux financiers sont colossaux : coupe-faim, sachets protéinés, pilules et tisanes drainantes, crèmes amincissantes anti peau d’orange, soins esthétiques variés, liposuccions et j’en passe bénéficient d’un immense marché, à savoir 90% de la moitié de la population. Leur efficacité est pourtant loin d’être avérée et ils ne sont pas tous sans risque. Et les femmes, pendant ce temps, dépensent une énergie et des sommes considérables et mettent leur santé en péril pour tenter de régler un problème qui n’en est pas un (la cellulite en soi n’est absolument pas pathologique), et qu’elles ne pourront pour la plupart pas régler durablement, puisqu’elles ne risquent pas de se débarrasser de leurs gènes ni de leurs hormones.

Alors refusons ce diktat, cette guerre au corps féminin qui se cache derrière l’obsession du gras et de la cellulite. Cessons de vouloir réparer un corps qui n’est pas cassé, sortons du harem de la taille 38. Prendre soin de son corps, ce n’est pas l’affamer et le couper de ses sensations de régulation naturelle. C’est manger à sa faim et avec plaisir une alimentation variée. Ce n’est pas s’astreindre à transpirer sans envie en maximisant la dépense calorique, c’est avoir la joie de faire fonctionner un peu son corps en se vidant la tête, que ce soit par le sport, une bonne balade, danser jusqu’au bout de la nuit ou que sais-je. Ce n’est pas torturer ses chairs pour tenter de les déloger, c’est profiter d’un massage agréable. Et ce n’est pas à votre corps de s’adapter aux vêtements, c’est aux vêtements de le mettre en valeur.

Faisons la paix avec nos corps. N’ayons plus honte de nos capitons, de nos petits bourrelets. C’est difficile, et je sais de quoi je parle (étant fort bien pourvue à ce niveau-là). Nous avons été façonnées depuis notre plus jeune âge à les trouver répugnants, et la société actuelle ne fait rien pour changer cela, entre stars photoshoppées et matraquage publicitaire permanent de lutte anti-gras. Mais le changement devra d’abord passer par nous. Laissons notre gras tranquille. Cessons de nous juger les unes les autres, surtout à l’aune de nos capitons. Revendiquons le droit, la fierté même d’avoir de la graisse et de la cellulite. Et surtout faisons passer le message. Que chacune puisse au moins se poser la question de pourquoi son gras lui est si insupportable. Si vous avez un blog, si vous participez à un forum, n’hésitez pas à en parler, en utilisant cet article (que vous pouvez copier coller, en partie ou intégralement, à condition d’en indiquer la source) ou avec vos propres mots. J’aimerais bien qu’en cherchant « cellulite » avec Google on puisse trouver au moins quelques pages qui ne demandent pas de s’en débarrasser au plus vite. Vous m’aidez ?

Image : Après bain, de Pierre-Auguste Renoir