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Accoucher sans assistance

mardi, avril 14th, 2009

mcdreamyemcstaemy A peine revenue de vacances, je tombe sur cette info dans mes flux RSS : un bébé est mort lors d’un accouchement à domicile non assisté (ANA = accouchement non assisté, pour les intimes) en Australie. Le détail qui tue (sans mauvais jeu de mot) : sa mère, Janet Fraser, est l’animatrice d’un site appelé Joyous Birth à côté duquel nos Déchaînées et autres BOOB (qui ne font pourtant pas toujours dans la dentelle) ont l’air un peu molles. Les médias en profitent pour poser l’éternelle question : est-il risqué d’accoucher chez soi ? (et pour présenter la chose de façon un peu, hum, orientée, disons)

Autant le dire tout de suite, ça part mal. Parce qu’entre accoucher chez soi avec une sage-femme rompue à l’exercice dans le cadre d’un accompagnement global (c’est-à-dire suivi régulier de la grossesse par ladite sage-femme notamment) et accoucher chez soi sans aucun suivi médical ni avant, ni pendant, ni après, il y a une large différence. La première option est généralement appelée AAD (accouchement à domicile), et la seconde ANA (voir plus haut). Evidemment on ne parle pas ici des ANA inopinés, lorsque le bébé arrive trop vite pour permettre une quelconque assistance médicale. Le problème, c’est que les médias (mais aussi certains partisans de l’ANA) tendent à confondre les deux. On a aussi une bonne dose de mauvaise foi un peu partout ce qui n’arrange rien. Par exemple, il ne me semble pas pertinent d’invoquer les femmes du tiers monde (ou nos ancêtres) qui accouchent (ou ont accouché) sans assistance et/ou à la maison, que ce soit dans un sens (« des millions de femmes ont accouché sans assistance sans problème ») ou dans l’autre (« accoucher à domicile est dangereux : voyez la mortalité périnatale au Moyen Age »). Les femmes occidentales sont généralement en bonne santé, bien nourries, reposées, et se trouvent au sein du dispositif de santé le plus performant qu’ait connu l’humanité. On ne peut pas comparer cela aux paysannes du Moyen-Age ou du Sierra Leone.

Alors, qu’est-ce qui est vraiment dangereux (ou pas) ? J’ai trouvé en fouillant un peu quelques études statistiques publiées dans des journaux scientifiques qui comparent les taux de mortalité maternelle et infantile entre naissances à la maison et à l’hôpital. Il n’est pas toujours spécifié si les naissances à la maison sont accompagnées par une sage-femme, même s’il semble que ce soit généralement le cas. Je précise aussi que je n’ai eu accès qu’aux résumés des études et pas aux articles complets. Voici quelques résultats :

  • Pang et al (2002) trouvent un risque accru pour les naissances à domicile (a priori avec sage-femme).
  • Mori et al (2008) montrent eux que les naissances à la maison plannifiées sont plus favorables que celles non plannifiées, le pire étant les transferts d’urgence à la maternité.
  • Blix et al (2008), après une méta-analyse (regroupement d’un grand nombre d’études antérieures), déduisent qu’il n’y a aucune raison de décourager l’AAD chez les parturientes à faible risque.
  • Johnson et Daviss (2005) trouvent que l’AAD n’entraîne pas plus de mortalité que l’accouchement à l’hôpital mais moins d’interventions.

On a donc une image un peu floue ; cela explique aussi pourquoi tout le monde peut brandir des chiffres apparemment sérieux tout en défendant des positions opposées. A mon humble avis, il faut déjà prendre ces statistiques avec précaution, ne serait-ce que parce que le nombre d’AAD est extrêmement faible par rapport au nombre de naissances à l’hôpital (l’étude de Blix et al indique environ 150 AAD par an en Norvège pour environ 40 000 naissances), ce qui n’est pas terrible pour faire de bonnes stats. Et cela montre peut-être que dans notre contexte occidental, le lieu d’accouchement n’est pas forcément le facteur le plus important : peut-être la qualité du personnel soignant, du matériel disponible, les délais d’intervention (un AAD à 5 minutes ou à 2 heures de la maternité ça peut faire une différence), la préparation de la mère, l’âge du capitaine ou que sais-je encore sont-ils finalement plus importants ?

Pour revenir à nos moutons, il semble donc qu’un AAD bien préparé et encadré, pour une grossesse à faible risque (voir par exemple la charte AAD de l’ANSFL), soit une alternative crédible pour donner naissance dans de bonnes conditions. Par contre un ANA… Je ne suis ni sage-femme ni obstétricien et la seule naissance à laquelle j’ai participé (en sus de la mienne) était celle de mon Poussin. Mon opinion sur le sujet a donc une valeur toute relative. Ce qui est sûr c’est qu’il est extrêmement difficile de trouver des études crédibles sur ce sujet spécifique, puisque les personnes qui y ont recours sont très peu nombreuses et ne le clament généralement pas sur tous les toits. Enfin il me semble que c’est un peu comme faire de la moto sans casque : grisant d’avoir le vent dans les cheveux mais en cas de pépin aïe aïe aïe. Ce qui ne veut pas dire que le casque rend invulnérable, mais qu’il assure quand même un minimum de protection. Et ce qui ne veut pas dire non plus que toute personne faisant de la moto sans casque va mourir : il y a un tas de gens qui ont fait de la moto sans casque et sans une égratignure.

Quoi qu’il en soit, il me semble important de bien faire la différence entre un projet d’accouchement à domicile (AAD) dans le cadre d’un accompagnement global et avec l’assistance d’une sage-femme, et un projet d’accouchement non assisté (ANA). Je trouve très regrettable que des femmes soient poussées à entreprendre un ANA à cause du manque de sages-femmes pratiquant les AAD : il me semble important que les femmes puissent avoir le choix. Et n’oublions pas qu’en matière de naissance le risque zéro n’existe pas et qu’il y a aussi (et surtout) des enfants et des femmes qui meurent dans les maternités, même si ce sont généralement les morts à domicile qui ont les honneurs de la presse. Et quelles que puissent être mes divergences avec Janet Fraser, toute ma sympathie lui va dans la terrible épreuve qu’elle traverse.

Quelques lectures pour aller plus loin :

  • Le blog Femme et mère, autour d’un projet d’ANA
  • Navelgazing midwife, article d’une sage-femme pratiquant les AAD sur les ANA (long et en anglais mais vraiment très intéressant -malgré les références au Sierra Leone…) ; rien que la conclusion vaut le coup : « La naissance ce n’est pas juste de ressentir une expérience incroyable. L’expérience doit être combinée avec la santé et la sécurité de la mère et du bébé. C’est ça qui est une expérience incroyable ! »

Sur ce blog :

Et un peu de vocabulaire/jargon anglo-français pour s’y retrouver :

  • UC = unassisted childbirth = accouchement non assisté (ANA) ; UCer = personne entreprenant un ANA
  • VBAC = vaginal birth after cesarean = accouchement vaginal après une césarienne (AVAC)
  • UP = unassisted pregnancy = grossesse non assistée (sans suivi médical)
  • CPM = certified professional midwife = sage-femme pouvant pratiquer les AAD aux USA
  • Freebirth = ANA
  • Homebirth = AAD

(La photo vise à réconcilier les femmes avec le corps médical)

Où accoucher

vendredi, juillet 18th, 2008

 Pour la grande majorité des femmes, la question ne se pose même pas : on accouche à la maternité. Pourtant il y a une large gamme de possibilités (certes pas aussi étendue que ce qu’on souhaiterait mais…), et même « la maternité » recouvre un certain nombre d’options.

C’est vrai, c’est quoi une maternité ? D’après wikipedia,

Les maternités sont des lieux de santé assurant le suivi de la grossesse, l’accouchement et les suites de couche de la femme enceinte, ou parturiente. 

Ce sont des structures hospitalières, privées ou publiques, dans lesquelles travaillent aussi bien des médecins (obstétriciens, anesthésistes, pédiatres) que des sages-femmes (et bien sûr infirmières, auxiliaires de puériculture, aides-soignantes, etc). Toute intervention nécessaire peut y être pratiquée, notamment grâce à la présence d’un bloc chirurgical (et du personnel ad hoc pour le faire fonctionner). Il existe trois niveaux (en fait quatre si on compte bien) qui correspondent aux niveaux de pathologies (en gros au niveau de prématurité de l’enfant) pouvant être pris en charge. Ils vont de 1 (le moins « médicalisé ») à 3 avec une petite subtilité pour le 2 qui se divise en 2A et 2B.  Je ne vous recopie pas tous les détails donnés par wikipedia pour chacun que vous pouvez lire d’un simple clic. Comme cela a déjà été abordé ici, les maternités de niveau plus bas ne sont paradoxalement pas les moins excitées du bistouri. Bien y réfléchir avant de choisir donc… si tant est que votre situation géographique vous le permette (dit la Parigote qui dans son seul arrondissement compte pas moins de quatre maternités) !

Sachez ensuite que certaines maternités proposent ce qu’on appelle des pôles physiologiques, avec des salles de naissance dites « nature », avec ballons, baignoires, draps accrochés au plafond pour se suspendre, etc (voir un exemple ici). Seules les sages-femmes y officient (l’anesthésiste ne passera pas vous proposer la péridurale). Elles sont bien sûr réservées aux accouchements a priori non pathologiques, et si un problème survient la parturiente est immédiatement transférée dans le circuit « classique ».

Une autre possibilité est l’accouchement avec une sage-femme libérale à la disposition de laquelle l’hôpital met son plateau technique. En gros, la sage-femme vous suit à son cabinet pendant votre grossesse, et le jour J vous vous retrouvez à la maternité, où on vous donne une salle d’accouchement et là vous vous débrouillez toutes les deux (enfin le papa est admis quand même). Si tout s’est bien passé, une fois l’accouchement fini, vous prenez vos cliques et vos claques (n’oubliez pas le bébé) et rentrez chez vous, où la sage-femme passera régulièrement vous voir. Et si ça ne se passe pas si bien, les toubibs de la maternité prendront la situation en main.

Si vous avez décidé que ni la grossesse ni l’accouchement n’étaient des pathologies (et si vous avez bien sûr la chance que votre grossesse se déroule sans anicroche), vous pouvez fuir hôpitaux et cliniques, mais autant vous prévenir : en France c’est un peu le parcours du combattant (contrairement à d’autres pays européens comme les Pays-Bas, terre sacrée des militants de la naissance naturelle).

Il est théoriquement possible d’accoucher chez soi avec l’aide d’une sage-femme libérale (les initiés parlent d’accouchement à domicile ou AAD). Mais vue la réticence globale du système sanitaire en France, ces sages-femmes sont de moins en moins nombreuses car ont de gros problèmes d’assurance. Et les parents peuvent ensuite avoir maille à partir avec la sécu (ce qui est bien dommage puisque -on s’en doute- l’AAD est bien moins coûteux que la maternité), sans compter les tracasseries avec la maternité à laquelle il faut quand même mieux s’inscrire pour s’y rabattre en cas de pépin. Un répertoire de sages-femmes libérales pratiquant les AAD en France (ainsi que celles ayant accès à un plateau technique) est disponible sur le site http://www.perinatalite.info/ (il faut ensuite cliquer sur « répertoire sages-femmes », on ne peut pas faire de lien direct). Certaines vont même jusqu’à l’accouchement non assisté (ANA), soit volontairement (mais ça n’est vraiment pas recommandé), soit parce qu’elles ont un poussin très très pressé (un joli exemple chez Isabelle95). Bon à savoir : dans la grande majorité des cas, les accouchements super rapides ne nécessitent pas d’intervention médicale particulière.

Enfin une dernière possibilité est celle de la maison de naissance. Celle-là est vraiment théorique puisqu’il n’y en a pas en France. Mais si vous habitez à l’étranger ou à proximité de pays maisondenaissançophiles, vous pouvez en bénéficier. La maison de naissance est un lieu indépendant entièrement sous la responsabilité de sages-femmes, au sein duquel une (ou deux) sage-femme réferente suit une femme enceinte pendant sa grossesse puis son accouchement et enfin les suites de couches. Bien entendu, à tout moment, la future maman peut être transférée vers un service d’obstétrique hospitalier si son état le nécessite. Un certain nombre de projets sont dans les cartons en France mais ils semblent rencontrer une certaine résistance de la part des pouvoirs publics et des médecins (notamment le CNGOF et le CARO) , alors que les sages-femmes soutiennent largement l’expérimentation du concept (voir le communiqué du Conseil national de l’ordre des sages-femmes). Je n’ai pas une connaissance très pointue des spécificités françaises qui empêchent de transposer chez nous un système qui a visiblement fait ses preuves chez nos voisins, mais il semblerait que ce soient surtout des querelles de chapelles qui soient à l’oeuvre, ce qui est bien dommage. En témoigne la controverse sur la localisation des maisons de naissance, qui pour certains devraient se trouver à l’intérieur des maternités et pour d’autres (le CIANE en particulier) en être totalement indépendantes. Et c’est bien dommage, car même si je ne me sens pas moi-même prête à accoucher en maison de naissance et à renoncer à Sainte Péridurale (faudrait déjà que je sois enceinte me direz-vous…), je trouve important qu’il y ait une offre suffisamment diversifiée pour que chacune y trouve son compte dans des conditions de sécurité optimales. 

Pour ceux et celles que ça intéresse, un peu de lecture (en plus des sites déjà cités en cours d’article) :

Le point sur les maisons de naissance : http://chaumont.catherine.free.fr/mdn/index.html

Le réseau européen des maisons de naissance (en anglais) : http://www.birthcenter-europe.net/index.html

Une histoire de la naissance en France par Marie-France Morel en quelques pages : http://couleurbebe.free.fr/phpBB2/viewtopic.php?t=4460

Le collectif Naître chez soi : http://www.naitrechezsoi.org/

N’hésitez pas à en proposer d’autres en commentaires.

(Image : http://cereales.lapin.org/index.php?number=131)