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L’allaitement en public

mercredi, avril 4th, 2012

 Il y a quelques jours, une femme a été virée d’une boutique MAC (le maquillage, pas les ordinateurs) pour avoir osé y allaiter son bébé. Au delà du bad buzz pour la marque (jusqu’ici je n’ai vu que des réactions indignées, comme celle d’Eve ou sur le baby blog) cela me donne un bon prétexte pour enfin publier ce billet qui trainait dans mes cartons.

Personnellement, je n’arrive pas à comprendre comment on arrive encore à se poser la question de l’allaitement en public. Je ne vois simplement pas comment en France en 2012 on peut être choqué par la vue d’une femme qui allaite au point de vouloir la cacher. Je ne dis pas qu’on n’a pas le droit de ne pas apprécier la scène et j’entends bien que comme toute population les femmes allaitantes doivent compter parmi elles quelques abruties de première classe mais là n’est pas la question. Je trouve incommodantes les personnes qui vident une demi bouteille de parfum par jour mais je ne vais pas les insulter ou suggérer qu’on réglemente ou interdise le port public de parfum. Supporter que les autres offensent mon goût est le prix à payer pour ma propre liberté. On pourrait arrêter l’article là mais je trouve intéressant de creuser ce que ce malaise peut cacher.

Qu’est-ce qui peut bien motiver l’idée de proscrire l’allaitement en public ?

Est-on choqué par la vue du sein ? D’une part, on ne montre que très peu son sein en allaitant, puisqu’il est caché par la tête du bébé, et avec un peu de pratique et des vêtements à peu près adaptés (pas forcément des vêtements prévus pour l’allaitement, même si ça aide) on arrive facilement à préserver sa pudeur. Je ne résiste pas à vous citer cette phrase mythique d’Eve :

[On réagit] comme si à chaque fois qu’elle se préparait à allaiter, une femme se mettait à faire tournoyer ses seins avec des pampilles sur les tétons à la manière d’une danseuse burlesque.

(Ségolène, tu vois ce qui manque chez MamaNana !)

Et surtout, quelle hypocrisie ! Si la vue d’un sein vous offense, militez d’abord contre le topless à la plage et surtout contre la pub, où le sein fait vendre à peu près tout et n’importe quoi. Est-on arrivé à un point où un sein qui ne fait rien vendre choque ? Ou est-ce l’idée de voir qu’un sein peut avoir une fonction non érotique qui pose problème ? Comme la bouche, le sein peut être utilisé à des fins sexuelles ; pourtant on ne se cache pas pour manger (en tout cas pas en France). Tiens d’ailleurs il fait quoi ce bébé qui tète ?

L’autre possibilité c’est que c’est l’acte de la tétée qui choque. Alors oui, on a parfaitement le droit de ne pas aimer l’allaitement, on peut se sentir mal à l’aise face à cet acte. Mais là il me semble que c’est à la personne qui est gênée de se poser des questions plutôt que d’en vouloir à la mère allaitante. Moi-même, bien qu’ayant allaité Pouss2 jusqu’à 14 mois, j’ai tellement peu l’habitude de voir des bambins téter que les rares fois où cela m’arrive j’ai souvent un moment d’inconfort. Mais je trouve ma réaction inappropriée et ce n’est en rien le problème de la femme et de son enfant. Et j’imagine que si j’en voyais plus souvent (ou si j’en avais vu depuis ma plus tendre enfance) ça ne me ferait ni chaud ni froid.

Globalement, cette réaction de gêne voire de dégoût est souvent instinctive, fruit de notre histoire personnelle et du conditionnement social. A propos de ce dernier, il me semble que cette stigmatisation de l’allaitement en public par certains participe de la façon dont l’allaitement est instrumentalisé par notre société pour imposer aux femmes une énième contrainte. On explique d’une part que pour être une bonne-mère-qui-veut-le-mieux-et-plus-encore-pour-son-enfant il FAUT allaiter, et on fait à côté de ça tout pour que l’allaitement échoue et qu’il soit le plus insatisfaisant possible le temps de sa courte durée : mettre en permanence en doute la capacité de la femme à nourrir correctement son enfant en accusant l’allaitement de tous les maux, imposer des règles de fréquence inutiles et nocives… et en particulier pour ce qui nous intéresse aujourd’hui :

  • entretenir le mythe d’une affectation unique du sein qui est soit sexuel soit nourricier et ne peut passer de l’un à l’autre, avec le corps de la femme tourné vers le plaisir de l’homme ou celui de son bébé, sans se soucier du sien à elle
  • suggérer que la femme qui allaite ne doit pas se montrer et donc contraindre les femmes à devoir concilier allaitement (et donc de rester cloîtrée à la maison) et indépendance financière par le travail, puisque le modèle de la femme au foyer n’est pas franchement valorisé socialement

Donc quoi qu’on fasse, on perd toujours sur au moins un tableau, coupable de n’avoir pas su résoudre la quadrature du cercle.

Alors bien sûr si on n’en a pas envie, si on ne le sent pas, il ne faut pas se forcer. Les débuts de l’allaitement en particulier sont parfois laborieux et seront souvent plus sereins à l’abri des regards, pas toujours bienveillants. N’oublions pas certains bébés qui ont absolument besoin de calme et de concentration pour téter. Mais si vous en avez le souhait je vous encourage chaudement à allaiter partout et sans complexe. Je ne suis pas fan des accessoires visant à rendre « discret » l’allaitement (qui ont à mon avis l’effet inverse et qui participent à cette idée que l’allaitement c’est bizarre et honteux) mais si cela peut rendre certaines plus à l’aise alors il ne faut pas hésiter. Un bon compromis peut être d’allaiter dans l’écharpe ou le porte-bébé, même si ce ne sera pas toujours facile voire possible, notamment selon l’âge et le gabarit de l’enfant.

Comme vous l’avez compris, je ne suis pas vraiment d’accord avec l’image de l’allaitement qu’on donne le plus souvent, qui passe sans intermédiaire du devoir moral sublime sur l’autel de Mère Nature à l’infernale contrainte esclavagisante. Alors que ça devrait juste être un truc aussi ordinaire et habituel qu’un bébé, qui peut être aussi bien génial, pénible, jouissif, douloureux, pratique, galère, etc. Et je trouve que beaucoup de femmes ne peuvent choisir réellement librement d’allaiter ou pas car elles n’ont vu personne allaiter, ou peut-être juste une copine pour qui ça s’est mal passé. On ne peut pas vraiment réaliser ce que c’est d’allaiter en lisant une brochure, en écoutant une séance de préparation à la naissance ou en regardant quelques photos ! D’autant plus que même si bien sûr il y a de grandes règles communes, chaque allaitement est unique, et vécu différemment par chaque femme. Pour vraiment appréhender ce que c’est, ce que ça veut dire d’allaiter, et pouvoir ainsi faire un vrai choix, il faudrait en voir, et beaucoup. Les initiatives comme celle de Maman sur Terre (qui s’appelle maintenant Mother Earth) de rassembler des témoignages d’allaitement permettent de se faire une idée de la diversité des allaitements, mais cela ne remplace pas de voir en vrai des bébés qui tètent et d’en discuter avec leur mère (et leur père !). Pensez-y la prochaine fois que vous mettrez bébé au sein devant autrui : vous rendez un double service à la collectivité. Eh oui, d’une part vous protégez les oreilles délicates des alentours en leur évitant d’être percées par des cris stridants de bébé affamé et d’autre part vous aidez les mères et les futures mères à se faire leur propre idée sur l’allaitement.

Et pour une prochaine fois un débat que je n’ai pas encore vu en France : est-il acceptable de tirer son lait en public ? Joker !

Addendum le 6 avril : Ségolène a publié un billet très intéressant sur l’allaitement hors de chez soi, et MAC a répondu à Stadire du Baby blog

Image : Mère s’apprêtant à allaiter en public (et tentative éhontée de racoler un peu de lectorat masculin)

Boire ou se reproduire, faut-il choisir ?

mardi, novembre 1st, 2011

Un récent dossier de la revue médicale Prescrire relance le débat : peut-on boire (de l’alcool, what else ?) pendant la grossesse  ? Il faut savoir tout d’abord que Prescrire jouit d’un prestige important au sein de la communauté médicale française (plus que Top Santé par exemple…), étant un des rares lieux de débat scientifique médical exempt de l’influence de l’omniprésente industrie pharmaceutique. Ses recommandations sont donc le fruit d’une étude poussée et critique de la littérature internationale. Je n’ai pas accès à l’intégralité du dossier, n’étant pas abonnée, mais le résumé public, s’il rappelle bien sûr les risques liés à la consommation excessive d’alcool, ne recommande pas pour autant l’abstinence totale :

En pratique, il est important d’informer des risques liés à la consommation d’alcool durant la grossesse, mais de manière nuancée, sans culpabiliser d’une éventuelle consommation minime d’alcool. Cette information répétée semble utile pour réduire la consommation des femmes qui ont une consommation à risque. En leur conseillant de ne pas dépasser 4 verres par semaine, et 2 verres en une occasion.

Alors, après avoir appris qu’on se privait de fromages au lait cru pour de mauvaises raisons, va-t-on découvrir qu’on s’abstient en vain d’un bon verre de vin ? Rappelons d’abord que l’alcool ne pose potentiellement problème qu’à partir du moment où la circulation sanguine maternelle se connecte à celle de l’embryon, soit entre deux et trois semaines de grossesse (soit le moment où en théorie vous observez un retard de règles et faites votre test : qui a dit que la nature était mal faite ?).

Par ailleurs, une étude a même montré de meilleurs résultats pour les enfants dont les mères avait bu un peu d’alcool pendant la grossesse (1-2 verres par semaine) par rapport à ceux dont la mère s’était abstenue ; de là à encourager un petit verre aux femmes enceintes…

Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que -contrairement à beaucoup de molécules actuellement médiatisées, comme BPA, parabens etc- la toxicité de l’alcool est tout à fait avérée. Il est notamment reconnu comme « cancérogène pour l’homme » (Groupe 1 du CIRC, soit le plus haut niveau de certitude) et comme tératogène (c’est-à-dire qu’il provoque des malformations congénitales).

Je trouve également intéressant de s’intéresser à ce qu’on sait sur l’impact de l’alcool via le lait maternel. Celui-ci est moins important que lors de la grossesse, puisqu’il y a un effet de dilution (le foetus partage le sang maternel et est donc exposé à la même concentration en alcool, alors que le bébé allaité ingère le lait alcoolisé, celui-ci étant alors dilué dans son sang par l’appareil digestif). En outre, le bébé ne tète pas (toujours) en continu donc il peut éviter le moment où le lait est le plus concentré en alcool, alors que le foetus voit son sang renouvelé en permanence par la circulation maternelle via le placenta. Rappelons enfin que la concentration en alcool du lait est à peu près égale à celle du sang. Ainsi, la Leche league en compilant diverses études montre qu’on n’est pas obligée de complètement renoncer à l’alcool lorsqu’on allaite :

A court terme, l’absorption par la mère d’une dose d’alcool inférieure à 1 g/kg d’alcool pur ne posera généralement aucun problème au bébé allaité.

L’alcootest pour lait maternel Milkscreen se base quant à lui sur une limite de 0.03 % d’alcool dans le lait (notez que chaque rapport utilise une unité différente ce qui ne simplifie pas la comparaison ; mais cela correspondrait à un à deux verres « standard », selon les individus et les circonstances) au-delà de laquelle on observerait un changement des habitudes de sommeil et de tétée des nourrissons, mais ce seuil est également sujet à débat. On voit en tout cas qu’une dose peu importante peut affecter le comportement du bébé : même si cela n’est pas du même ordre qu’une malformation ou qu’un retard de croissance, je trouve que cela incite à la prudence, d’autant plus que comme on l’a vu le bébé allaité est moins exposé que le foetus et qu’il est également plus mature (donc plus résistant, notamment par la mise en place progressive de l’équipement enzymatique permettant de métaboliser l’alcool).

Bref, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. Je pense que tout le monde sera d’accord pour dire qu’un verre de vin pour toute la grossesse n’aura probablement pas d’impact visible sur le bébé, et pour dire qu’une bouteille de vin par jour ce n’est pas une bonne idée. Mais où est la limite entre les deux : c’est bien cela qui fait débat. Il est probable aussi que les variations individuelles soient trop importantes pour pouvoir fixer une limite claire et adéquate pour le plus grand nombre (autre que 0). Et dans le doute, on recommande de ne pas boire du tout. Je comprends la nécessité d’un message simple, surtout dans un pays où l’alcool est hyper banalisé (quoi ? la bière et le cidre ça compte comme de l’alcool ?), mais en même temps je déteste qu’on décide pour moi. Croit-on vraiment que les femmes sont incapables d’appréhender elles-mêmes ce type de problème ? Qu’elles n’ont pas le bien-être et la santé de leur bébé au coeur de leurs préoccupations ? Est-ce qu’on ne peut pas plutôt les laisser décider des risques qu’elles souhaitent prendre ou pas ? Quoi qu’il en soit, j’aime bien l’approche de Prescrire : « informer des risques (…) de manière nuancée, sans culpabiliser ». Et je ne vois pas pourquoi elle ne ferait pas consensus.

Image : « Attention : la consommation d’alcool peut entraîner la grossesse. » Et cet article est dédié à Mère Bordel à qui je pense à chaque fois que je vois une bouteille de vin…

Ah qu’il est beau le débit de lait

mercredi, octobre 26th, 2011

Vous l’avez sans doute remarqué, je parle régulièrement d’allaitement sur le blog. Parce que je pense que de façon générale on n’en parle ni assez ni bien. Il me semble que tant que ça ne sera pas quelque chose de normal, d’ordinaire, il faudra continuer, parce que tant qu’il y a des femmes, des enfants, des familles qui seront victimes d’idées reçues ou d’une vision extrêmement biaisée de la chose il n’y aura pas de choix éclairé. Ceci étant posé, le but de ce billet est de proposer quelques pistes sur quel lait donner si on ne peut ou ne veut donner le sien, et en particulier en allaitement mixte. C’est une question qui n’est pas triviale, parce qu’en schématisant à peine on a d’un côté les associations de soutien à l’allaitement qui -et c’est bien normal- font la promotion du lait maternel et de l’autre les industriels qui -c’est bien normal aussi- veulent vendre. Quant aux médecins, j’ai du mal à voir l’indépendance de ceux qui prennent un stylo Gallia dans leur pot à crayons Nestlé après avoir fixé leur rendez-vous sur un agenda Guigoz. Je vous jure que c’était le cas de notre premier pédiatre, pourtant recommandé par la moitié du quartier. Après j’en ai trouvé un autre qui était abonné à Allaiter aujourd’hui mais c’est une autre histoire… Il n’est donc bien sûr pas question de mettre dans le même sac toute une profession et il y en a qui font l’effort de chercher l’information ailleurs. Mais que vont-ils trouver alors que leur formation initiale parle peu et mal d’allaitement et que les études sur les alternatives au lait humain sont pour la plupart trustées par les industriels ? En particulier pour ce qui concerne l’allaitement mixte, pourtant de plus en plus répandu, avec un nombre croissant de femmes qui choisissent d’allaiter mais qui doivent et/ou souhaitent s’éloigner un peu de leur bébé. Il est donc assez difficile de trouver des données objectives et fiables, donc je choisis de vous présenter simplement l’état de mes réflexions et recherches, pour susciter les vôtres.

Je vous invite par ailleurs à lire deux documents de l’OMS fort intéressants. Comme ‘ils s’adressent au monde entier, tout n’est pas forcément pertinent pour les lecteurs de ce blog (qui n’ont a priori pas de problème de contamination de biberons) mais je trouve aussi utile de prendre un peu de recul et de s’ouvrir l’esprit :

Je passe déjà sur la possibilité de donner du lait humain qui ne soit pas celui de la mère : en France actuellement le lait des lactariums (lactaria?) n’est disponible que sur ordonnance et seuls de rares échanges informels permettent à des bébés « ordinaires » de bénéficier de lait donné (ou vendu, ne soyons pas naïfs). Mais il y a encore un siècle on trouvait des nourrices au sens propre et dans d’autres cultures il n’est pas rare de donner le sein à un bébé qui n’est pas le sien.

Je rappelle également qu’il n’y a pas que le biberon comme vecteur pour l’alimentation lactée : si on panache avec l’allaitement au sein il est même plus prudent de ne pas l’utiliser pour éviter la confusion sein-tétine. On peut citer la tasse à bec, la soft cup (à ne pas confondre avec celle-là…), la cuiller, la seringue, le DAL, le verre, et je ne suis bien sûr pas exhaustive.

Prenons tout d’abord le cas du bébé dont l’alimentation est 100% lactée (c’est-à-dire à la louche* qu’il a moins de six mois). Là il semble relativement avéré qu’en dehors du lait humain, la préparation infantile pour nourrisson (en langage courant « lait premier âge ») est la plus appropriée (pour info l’appellation « lait maternisé » est interdite). La composition de ces produits est extrêmement réglementée et les différences entre les marques sont relativement marginales. A noter que les limites sur les résidus de pesticides autorisés dans les aliments pour bébé sont beaucoup plus strictes que pour les produits généraux (mais on peut aussi acheter bio pour privilégier un mode de production plus respectueux de l’environnement et de la santé des travailleurs agricoles). Si vous n’avez besoin qu’occasionnellement de préparation infantile (par exemple vous sortez un soir et ne voulez ou ne pouvez tirer de lait), il existe des petits conditionnements liquides qui permettent d’éviter l’achat d’une grosse boîte qu’on finit par devoir jeter. Je dis ça mais je n’en ai jamais vu ni en pharmacie ni en supermarché. Mais il paraît que ça existe.

Pendant la phase de transition entre alimentation principalement lactée et alimentation principalement solide (soit de quatre-six mois à un an-un an et demi grosso modo), c’est plus flou. En théorie c’est là qu’interviennent les préparations de suite (ou laits deuxième âge). Bien que leur composition soit strictement définie par le Codex alimentaire, certains n’y voient qu’un moyen pour les industriels de pouvoir faire de la pub (pour les préparations premier âge c’est interdit). L’académie de médecine recommande tout de même de proscrire le lait de vache non modifié jusqu’à un an. Si le bébé n’est pas du tout allaité, il semble à peu près logique de se tourner vers ces préparations. A noter que l’OMS, dans le document cité ci-dessus, préconise pour les produits laitiers donnés à l’enfant non allaité au sein, et ce à partir de 6 mois :

La quantité de lait nécessaire est de 200 à 400 mL/j quand par ailleurs des aliments d’origine animale sont régulièrement consommés en quantité suffisante. Sinon, elle doit être augmentée à 300 à 500 mL/j. Les sources appropriées de lait sont le lait entier d’origine animale (vache, chèvre, buffle, mouton, chameau), le lait traité à Ultra Haute Température (UHT), le lait évaporé reconstitué (mais pas le lait condensé), le lait fermenté ou le yaourt, et le lait maternel exprimé (traité par la chaleur si la mère est séropositive pour le VIH).

Et s’il s’agit par exemple de le nourrir en l’absence de sa mère qui autrement l’allaite, l’intérêt des préparations infantiles se discute. Une fois que le régime solide intéresse de plus en plus l’enfant, on peut très bien imaginer qu’il ne prenne pas de lait du tout en l’absence de sa mère (sauf si bien sûr elle part en gros plus de 24 heures). Ainsi, lorsque Pouss2 est entré à la crèche vers 8 mois 1/2, sachant qu’il avait un solide coup de fourchette, nous avons demandé qu’il ait un yaourt ou autre laitage solide au goûter plutôt qu’un biberon de préparation infantile (je me suis très vite lassée du tire-lait -voir mon témoignage complet sur allaitement et travail ici). Evidemment ce n’est pas évident de tirer une limite claire entre qui a besoin de préparation infantile et qui non, c’est aussi une affaire de bon sens à mon avis.

Enfin après un an (voire dix mois), les industriels qui pensent à tout nous proposent le lait de croissance. Contrairement aux autres préparations il ne fait pas l’objet d’une réglementation internationale, la France a d’ailleurs l’immense chance d’être un des pays les mieux achalandés en la matière. Commençons par rappeler qu’à la base lorsqu’on donne un biberon c’est pour remplacer l’allaitement donc si on n’est pas choqué de voir un enfant de cet âge au biberon on ne devrait pas l’être de le voir au sein. Même si le lait maternel n’est plus aussi vital à cet âge qu’il l’est à la naissance, il fait partie de l’alimentation normale jusqu’à au moins deux ans. Pour reprendre le document de l’OMS sur la nourriture des enfants allaités cité ci-dessus :

Continuer l’allaitement au sein à la demande jusqu’à l’âge de deux ans ou au delà.

[…]

L’allaitement au sein continue d’assurer une contribution nutritionnelle importante bien au-delà de la première année de vie.

Trois cas de figure se présentent. Si vous allaitez encore à la demande, la supplémentation en lait, de croissance ou autre, est toujours inutile (cela n’empêche bien sûr pas que l’enfant consomme des laitages -fromages, yaourts, voire un chocolat chaud de temps en temps- avec le reste de la famille pour le plaisir). Si vous n’allaitez pas/plus du tout, sachez que si certaines sociétés savantes les considèrent comme indispensables, ce n’est pas le cas de toutes. Le Collège national des généralistes enseignants par exemple pense qu’ils n’ont pas montré leur intérêt. Il s’appuie en cela sur un article de Saint-Lary et al (2009) (merci @sapristii) qui indique qu’aucune étude n’a montré d’effet des laits de croissance sur les enfants français. Notez à quel point cette étude et ce communiqué sont peu repris dans les médias parentaux qui pour la plupart servent les annonceurs et pas les parents (voyez par exemple cet article qui a été rédigé directement à partir des communiqués de presse des industriels).

J’entends parfois des parents dire qu’ils donnent du lait de croissance car leur enfant n’a pas une alimentation équilibrée (comprendre il refuse les fruits et légumes). Or les spécificités de ce produit sont : plus de fer, plus d’acides gras essentiels et moins de protéines. Rien à voir donc avec les fibres, vitamines et autres antioxydants contenus dans les fruits et légumes. Chez nous lorsque Pouss2 a arrêté de téter vers 14 mois et des brouettes il est donc passé au lait de vache, de préférence frais et bio (ou fermier), entier ou demi-écrémé selon ce qu’on trouve (passons sur le fait qu’une bouteille de lait frais bio ne doit pas être si loin du prix du lait de croissance…). Il est aussi possible de donner d’autres laits animaux (chèvre, brebis…), même s’ils sont souvent plus difficiles à trouver et plus onéreux. Vous trouverez sur Wikipedia un tableau récapitulant la composition des principaux laits animaux. Par contre attention les « laits » végétaux (amande, riz, soja… qui n’ont pas le droit à l’appellation lait d’ailleurs, d’où mes guillemets) ne sont vraiment pas équivalents en termes nutritionnels. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas en donner ou en mettre dans la cuisine mais que ce sont d’encore moins bons proxys du lait humain. Pour les enfants qui sont allergiques ou intolérants au lait de vache, je passe mon tour : cela mériterait un article à part entière. Mais il est évident qu’il ne faut pas insister pour donner au poussin un aliment qui le rend malade, que ce soit par des problèmes digestifs (diarrhées, vomissements…) ou des manifestations dermatologiques (plaques, boutons…). Je réalise qu’avec tout ce blabla, j’ai oublié le troisième cas, celui de l’enfant au lait maternel mais pas que. Il me semble assez clair que le lait de croissance n’est pas indispensable non plus dans ce cas. Cet enfant peut également se passer de lait (sauf s’il y trouve un réconfort moral bien sûr) pendant un certain temps : l’équilibre nutritionnel ne se fait pas sur un repas ou une journée mais à plus long terme.

Je dis bien que le lait de croissance n’est « pas indispensable », ce qui ne veut pas dire du tout que les enfants qui en prennent en pâtissent (et d’ailleurs Pouss1 en a pris, toujours sur les recommandations du pédiâââtre (c) Jaddo cité plus haut). Mais la façon qu’ont les industriels de nous expliquer qu’on ne peut pas élever notre enfant convenablement sans recourir à leurs indispensables produits me fait sortir de mes gonds. Je ne suis pas anti produits industriels, il y a comme dans beaucoup d’autres familles des petits pots dans nos placards. Je suis juste énervée par la communication éhontée qu’ils font. A ce propos l’OMS dit bien que vers un an l’enfant peut recevoir une alimentation « proche de celle du reste de la famille » (contrairement à ce que prétend le Syndicat français des aliments de l’enfance, qui présente un léger conflit d’intérêt en la matière). Et je cite à nouveau les documents pour un léger hors sujet sur le passage de la purée aux morceaux (pour ceux qui n’ont pas directement zappé la purée) :

Diverses études (Deweyet Brown, 2002) indiquent que vers l’âge de 12 mois, la plupart des nourrissons sont capables de consommer la « nourriture familiale » d’une consistance solide. Pourtant, nombreux sont ceux qui continuent à recevoir des aliments semi-solides, vraisemblablement parce qu’ils peuvent les ingérer plus efficacement, l’alimentation prenant ainsi moins de temps aux personnes s’occupant d’eux. Certaines données laissent à penser qu’il existe un« moment critique » pour l’introduction des aliments solides « grumeleux » : s’ils commencentà être pris en retard, au-delà de l’âge de 10 mois, cela pourrait augmenter le risque ultérieur de difficultés d’alimentation (Northstone et al., 2001). Ainsi, bien qu’il y aurait un gain detemps à continuer d’alimenter avec des aliments semi-solides, il est souhaitable d’augmenter graduellement la consistance de l’aliment avec l’âge pour permettre un développement optimal de l’enfant.

Là encore l’idée n’est pas de dire que certains font bien ou font mal mais juste de donner quelques pistes d’explications aux parents dont les enfants refusent les morceaux.

*Les catégories d’âge citées dans le billet sont bien sûr à prendre comme des indications qui doivent composer avec la variabilité de chaque cas ; il n’est pas question de dire qu’à partir de six mois et un jour le bébé est prêt à et doit ingérer autre chose que du lait et pas avant ni après.

Photo : Une autre forme d’allaitement, montrée dans Mon beau-père, mes parents et moi (Meet the Fockers). Et pour le titre, les fans de Trenet et les autres peuvent se faire un moment nostalgie sur Youtube.

Edition du 31/10/11 : Deux billets intéressants signalés en commentaire : Quel lait donner au moment du sevrage ? sur A tire d’ailes et la liste des laits infantiles 2011 sur Mamanonyme

Mon bébé comprend tout

dimanche, août 21st, 2011

Voilà un livre dont je dois vous parler depuis bien longtemps. C’est encore une fois à une amie fort attachante que j’en dois la lecture. J’avoue que je n’avais pas très envie de me plonger dedans à la base, car il se traîne une sacrée réputation : c’est le livre qui dit qu’il faut que les bébés pleurent (enfin c’est ce que dit sa réputation). Mais n’écoutant que mon courage et mon dévouement pour vous, Basse-cour chérie, j’ai tout lu.

D’abord, un premier point qui n’a pas manqué de me séduire : Aletha Solter est titulaire d’un doctorat en psychologie, a étudié avec Jean Piaget (un monument en psychologie de l’enfant), et assortit la moindre de ses assertions d’une citation de la littérature scientifique en bonne et due forme. J’ai aussi apprécié qu’elle parle assez systématiquement de « parent », et pas juste de la pauvre mômman, sur qui pèseraient toutes les responsabilités (surtout en cas d’échec). J’ai par contre été moins séduite par la traduction, avec notamment cette perle : j’ai fini par comprendre que « couverture de sécurité » était une traduction littérale de « safety blanket », alors que dans ce contexte il s’agit plutôt d’un doudou que d’une couverture de survie. Je ne suis pas fana non plus des « exercices pratiques » à la fin de chaque chapitre, qui m’évoquent plus une McPsychothérapie à emporter (copyright Le Spykologue) que quelque chose de vraiment utile.

Et le fond alors ? Voici déjà les quatre postulats de base, copiés-collés depuis la quatrième de couverture :

  • Le nouveau-né sait de quoi il a besoin.
  • Si ses besoins sont satisfaits et qu’on ne lui fait pas de mal, il sera gai, intelligent et aimant.
  • Le bébé est très vulnérable ; ses peines et ses besoins insatisfaits peuvent avoir des effets durables.
  • Il a la possibilité de guérir spontanément de ses peines s’il peut exprimer ses sentiments de détresse.

Les besoins généraux du bébé tels que décrits dans le livre ne sont pas révolutionnaires (en gros être alimenté, porté et câliné à la demande, avec une forte préférence de l’auteur pour allaitement et sommeil partagé), si on excepte la question des pleurs. En effet, pour l’auteur, les pleurs, lorsqu’ils ne traduisent pas un besoin non satisfait de l’enfant (faim, sommeil, propreté…), sont là pour lui permettre d’exprimer ses sentiments négatifs et sont nécessaires à son équilibre et à son bien-être. Ils ne doivent donc pas être entravés par ce qu’elle appelle des automatismes de contrôle, dont les plus courants sont le doudou (euh pardon, la couverture de sécurité), la tétine, le pouce et même la tétée câlin. Par contre, pour être vraiment libérateurs et réparateurs, les pleurs doivent toujours être versés dans les bras d’un adulte aimant et contenant (à ce sujet, voir aussi cette étude récente, trouvée -encore !- grâce au Spykologue selon laquelle la recette du « bien pleurer » tiendrait en trois termes : « vite, fort et avec un confident »). Si l’enfant est laissé seul, c’est nocif. Donc en gros, c’est LA solution magique à tous les problèmes : une bonne séance de pleurs dans les bras (temps illimité, près d’1 heure d’affilée ce n’est pas un problème…) et vous aurez un enfant charmant, gai, qui dort et fait le café.

Aletha Solter a donc globalement une idée extrêmement exigeante de ce que doit être la parentalité, et martèle régulièrement que c’est une tâche extrêmement difficile, pour laquelle les parents devraient recevoir autant d’aide que possible, tant par leur entourage que par la société. Elle pousse d’ailleurs son raisonnement jusqu’au bout : à moins d’être exceptionnellement bien aidé, un couple ne devrait selon elle pas avoir plus de deux enfants, qui devraient avoir au moins trois ans d’écart.

Pour ma part, je trouve l‘idée de base intéressante, même si développée de façon légèrement psycho-rigide. En effet, notre société a un rapport assez bizarre aux pleurs des bébés et enfants : non seulement un bon enfant est un enfant mort silencieux, mais tout cri doit être a minima ignoré, voire réprimandé. Or nous avons tous de la colère, de la frustration, de la tristesse et d’autres émotions négatives à exprimer. Je ne connais pas beaucoup d’adultes capables de le faire systématiquement de façon productive (ou en tout cas qui ne soit nocive ni pour eux ni pour les autres), même si nous avons à notre disposition un certain nombre de moyens : en parler, pleurer sur une épaule compatissante, faire une activité physique, etc. Un bébé ou un jeune enfant ne peut que pleurer ou crier pour exprimer une vaste gamme d’émotions négatives, à moins carrément de les transformer en problèmes physiques par la somatisation. Il me semble donc assez intéressant et utile pour un parent de savoir qu’il n’est pas forcément anormal ou pathologique de ne pas réussir à consoler immédiatement tout pleur ou cri de leur enfant. Au contraire, accueillir ces manifestations avec compassion peut aussi être bénéfique à l’enfant. C’est finalement une forme d’écoute active, également préconisée par A. Solter, qui cite d’ailleurs Thomas Gordon. A noter que Gordon Neufeld et Gabor Maté, dans Retrouver son rôle de parent, parlent également du rôle crucial des « larmes d’impuissance » pour aider un bambin à accepter la frustration.

Cependant, je ne peux que regretter le caractère assez dogmatique et péremptoire de l’ouvrage, qui me semble bien difficile à mettre en pratique aussi exactement que le préconise l’auteur. En gros, si j’ai bien compris, il faut être prêt à écouter des pleurs, pour une durée indéfinie, à tout moment du jour et de la nuit. Sans parler de ma disponibilité émotionnelle, forcément limitée, il n’est pas compatible avec mon mode de vie de passer 45 minutes à écouter la frustration de mon bébé qui ne veut pas aller à la crèche alors que j’ai une réunion il y a 10 minutes. Je suis aussi bien contente que Pouss2 prenne la tétine dans la voiture, ce qui lui permet de rester à peu près calme dans une situation où on ne peut pas le prendre dans mes bras. Autre problème : comment faire la distinction entre pleurs exprimant un besoin et pleurs de décharge ? Personnellement je trouve que c’est justement un des avantages de l’allaitement : pas besoin de savoir si bébé veut manger, câlin, dormir, consolation ou un mélange de plusieurs, puisque le sein peut lui fournir tout cela, et plus encore. Il me semble qu’une interprétation trop stricte de ces préceptes pourrait d’ailleurs dans certains cas entraîner des problèmes de lactation par stimulation insuffisante. Enfin les pleurs incessants peuvent aussi signaler une vraie pathologie (chez les nouveaux-nés on peut citer notamment le RGO, relativement courant, très douloureux, et pas toujours accompagné de régurgitations), qui demande un traitement médicamenteux et pas seulement de l’empathie pour guérir.

En bref, il me semble important de retenir le message de fond du livre, à savoir que pleurer en présence d’une oreille compatissante est aussi un besoin fondamental des bébés et enfants (voire des adultes mais c’est un autre sujet), tout en le relativisant. Je trouve qu’il est important de dire les faits, même si c’est une vérité qui ne nous arrange pas, mais le dogmatisme « faites comme ça et pas autrement sinon votre enfant va devenir un dangereux psychopathe façon Hannibal Lecter » m’horripile. Je préfère largement l’approche de Sarah Blaffer Hrdy par exemple. Personnellement je n’en recommanderais donc pas la lecture sans l’assortir de certaines précautions fortes. C’est typiquement le genre de livre qui n’est absolument pas fait pour être appliqué à la lettre à mon avis, sous peine de finir complètement chèvre (d’ailleurs on pourrait presque se demander si ce n’est pas là qu’Elisabeth Badinter a trouvé sa caricature de la mère naturaliste allaitante sacrificielle dans laquelle je ne me reconnais absolument pas). Vous pouvez par ailleurs découvrir un certain nombre des théories et propositions d’Aletha Solter sur le site des Parents conscients (j’aime bien ses 20 alternatives à la punition par exemple). Quoi qu’il en soit, il me semble important de toujours garder un certain recul par rapport aux livres en général : ils peuvent bien sûr nous apporter des éclairages passionnants, voire nous permettre de vrais changements, mais n’oublions pas que les choses sont rarement si simples dans la vraie vie et que les bébés, eux, ne les ont pas lus.

Ajout ultérieur : afin que ce billet puisse contribuer aux Vendredis intellos de Mme Déjantée (dont je vous recommande au passage le blog), je complète avec le petit widget associé et un extrait du bouquin (deux, en fait). Vous comprendrez qu’en tant que BHL des Pampers (surnom qui m’avait été donné il y a quelque temps déjà sur un autre blog) je ne pouvais pas rester indifférente à une telle initiative…

Voici un premier extrait, qui montre bien le potentiel de culpabilisation du bouquin :

J’ai expliqué plus haut que le fait de faire attendre un enfant pour sa nourriture peut l’amener plus tard à avoir un appétit insatiable de nourriture ou de boisson. Pour une raison complètement différente, le surallaitement peut conduire au même problème.

Comprendre : si faim et soif de bébé ne sont pas satisfaits avec une précision chirurgicale il va devenir un adulte boulimique et alcoolique.

Pour finir sur une note plus réconfortante, un extrait sur la nécessité d’aider les parents et en particulier des mères :

Une autre raison pour laquelle il peut sembler difficile d’être parent est que beaucoup d’entre eux ne sont pas assez aidés. S’occuper d’un enfant est un travail extrêmement prenant, et on ne peut pas attendre d’une seule et même personne qu’elle lui donne l’attention dont il a besoin tout au long de la journée (et la nuit, aussi !). L’envie d’avoir du temps pour soi, loin de son enfant, ne signifie pas forcément qu’on le rejette. On attend souvent des femmes qu’elles soient les seules à s’en occuper : c’est ridicule ; les mères ont besoin d’aide.

 

 

La fièvre du samedi soir…

vendredi, avril 8th, 2011

Non ce blog n’est pas mort, il est juste tenu par une Poule qui croule sous le boulot. C’est là que la Providence a eu pitié de votre gallinacée plumitive habituelle et frappé à sa porte en la personne de Ludivine, étudiante en dernière année de médecine et future médecin généraliste. Elle fait habituellement un beau travail d’information médicale sur son blog, L’ordonnance ou la vie, mais a proposé de venir ici nous éclairer sur la fièvre chez l’enfant. Je l’ai bombardée de questions et voilà le résultat. Place au Dr Poule !

Lorsqu’on est parent, la fièvre, on connaît. Généralement on sait aussi que fièvre + enfant = esprit pas tranquille et envie de consulter… mais en même temps une consultation simplement pour se rassurer, est-ce que ça vaut le coup ? Et puis si c’est rien, ça fait une consultation inutile, une ordonnance avec du paracétamol, du temps perdu, quelques fois un médecin pas sympa… Alors je fais quoi ? Pour s’en sortir avec toutes ces questions, apprenons à mieux connaître l’ennemi.

1. Quand parle-t-on de fièvre ?

Pour commencer la fièvre se définit par une température supérieure à 38°C chez un enfant (ou un adulte) au repos depuis 20 minutes et à distance du repas. C’est une réaction normale du corps à une agression. Le corps, en plein combat avec un agresseur (virus, bactérie…) envoie un signal d’alerte au cerveau qui va déplacer la température interne de 37-37,5°C vers 38°C ou plus. Cette augmentation de température “réveille” les cellules du système immunitaire (l’armée du corps composée de macrophages, polynucléaires, lymphocytes) et augmente leur efficacité, en même temps qu’elle permet de diminuer la virulence et la croissance des agresseurs. La fièvre est donc une réponse adaptée et théoriquement bénéfique lors d’une infection.

Pourtant, la fièvre est souvent traitée et ceci pour plusieurs raisons. Mais avant d’explorer ces raisons, comment mesurer la fièvre ; quel thermomètre utiliser ? Les plus répandus sont les thermomètres à infrarouges (auriculaires, frontaux), les thermomètres électroniques et ceux en verre. Les plus précis sont les électroniques et ceux en verre utilisés en rectal. Si vous vous demandez dans ce cas pourquoi les urgences des hôpitaux utilisent les infrarouges auriculaires ou frontaux, je pense que c’est pour des raisons pratiques (pas de vaisselle à faire, pas besoin de déshabiller, d’explorer en détail les parties intimes du patient, ni d’attendre pour le résultat, en plus ça fait marcher les laboratoires qui fournissent les embouts…), mais c’est moins précis. Au diable la précision, à l’hôpital, il y a d’autres moyens pour voir à quel point c’est grave !

En ce qui vous concerne, vous avez le droit d’être sérieux(se) et d’opter pour l’électronique, en rectal : mettez l’enfant sur le dos et insérez le thermomètre doucement jusqu’à 2,5 cm dans le rectum, avec un peu de vaseline au bout pour éviter les blessures de la muqueuse et on attend le bip de mesure. Pour ceux en verre, c’est la même chose, sans le bip et avec 2 minutes de mesure ; le seul risque étant la casse et une coupure.

Les autres lieux de prise de température sont moins précis comme la bouche, plutôt après 5 ans (et pas le thermomètre en verre) et où il faut bien expliquer de laisser le thermomètre sous la langue, serrer avec les lèvres pas avec les dents, ne pas parler, bien fermer la bouche, être patient… Ou l’aisselle où il faut en plus faire des calculs : + 0,5°C bouche et aisselle, mais selon les auteurs ça varie entre + 0,4 et 0,8°C bonjour la précision…

Moins fiable, la prise de température sous l'aisselle

2. La fièvre à la maison : je fais quoi ?

Pourquoi traiter ?

Combattre la fièvre du point de vue médical, n’a ni pour but de prévenir les convulsions fébriles, ni d’obtenir la disparition immédiate de la fièvre. En revanche, le traitement permet d’assurer le confort de l’enfant, la récupération de son comportement habituel avec son entourage, ainsi que sa capacité à jouer, à être manipulé par ses parents pour le change et autre, ainsi que la reprise rapide de son appétit.

Dans tous ces cas, on peut traiter, mais sans obligation. Il faut bien comprendre que la fièvre en elle-même ne pose pas de problème, si ce n’est qu’elle n’est pas agréable, et retentit sur le comportement. Donc rassurez-vous, si vous n’avez pas le “paracétamol facile”, ce n’est pas si grave ; il vous reste le traitement non médicamenteux qui peut déjà faire un bon effet.

Quelle que soit la maladie qui cause la fièvre, le traitement sera le même ; pour cette raison, lors d’une hospitalisation, la fièvre sera toujours traitée pour les raisons de confort évoquées plus haut.

Comment traiter ?

Le plus efficace est d’associer un traitement physique et un traitement médicamenteux.

Le traitement physique : il vise à augmenter les pertes de chaleur dans le but de diminuer la température interne. Pour cela, il faut enlever les vêtements en trop (laisser le strict minimum sous-vêtements ou pyjama léger), enlever les édredons ou autres enrobages de tissus inutiles, opter pour une température “basse” 18-19°C par exemple dans la pièce et proposer régulièrement de petites quantités de boissons fraîches (eau, tisane) notamment la nuit. N’hésitez pas à déshabiller votre enfant et à faire un « peau à peau » avec lui pour évacuer le surplus de chaleur vers votre peau. Si vous allaitez, donner à la demande permettra de le réhydrater par l’apport de lait, le rassurera et limitera la perte de poids s’il s’alimente peu. Les autres méthodes, telles que les bains à une température inférieure à 2°C de celle de l’enfant ou les enveloppements humides, sont actuellement abandonnées pour des raisons qui m’échappent, mais qui sont probablement d’ordre pratique (écologiques faut pas rêver non plus…).

Le traitement médicamenteux : 3 possibilités théoriques, une seule à utiliser en pratique. Ce traitement est généralement proposé à partir de 38,5°C.

Le paracétamol est LE médicament à utiliser en cas de fièvre. Il convient à tout enfant, quel que soit l’âge et est très bien toléré. La dose est de 60 mg par kg et par jour, donné en 4 prises, ce qui fait 15 mg par kg à chaque prise. Le traitement doit être poursuivi durant 48 heures, sans oublier la prise de nuit pour qu’il n’y ait pas de rupture d’efficacité… Il permet à la fois de diminuer la fièvre (antipyrétique) et les douleurs (antalgique).

L’autre option, qui n’est à utiliser qu’en deuxième recours et surtout après l’avis d’un médecin est l’ibuprofène (Advil) qui ne peut être donné qu’à partir de 3 voire 6 mois selon les auteurs, pour la fièvre. Le gros problème de ce médicament est qu’il possède les mêmes effets secondaires que l’aspirine (3ème option thérapeutique théorique) dont la famille commune est celle des AINS anti-inflammatoires non stéroïdiens, ce qui leur confère un gros désavantage par rapport au paracétamol. Les risques les plus fréquents, sont des altérations du rein, des saignements digestifs / ulcères, des déséquilibres des ions sanguins. De plus, il ne faut pas en donner à un enfant atteint de varicelle (ou rhume ou grippe), car il existe un risque de complication dont on ne sait pas grand chose, mais qui n’est pas très sympa : le syndrome de Reye qui mène à des défaillances d’organes en chaine et donc à un séjour en réanimation. Pas de panique, cela reste rare, mais disons que c’est une information intéressante à connaître pour se rappeler que les Advil et compagnie sont contrairement aux idées reçues, des médicaments pas si anodins que cela.

Restons simples et posons cette équation : enfant + fièvre = paracétamol. Pas besoin d’ordonnance, mais partiellement remboursé avec, donc à vous de voir. Théoriquement on recommande de le donner en sirop, c’est facile pour doser en fonction du poids avec la pipette. C’est la version officielle. Personnellement, je dois avouer que je suis plutôt fan de la version suppositoire en raison des excipients multiples, variés et inutiles (?) ajoutés dans les versions sirop et poudre (aspartame pour les versions sans sucre…). Dans les suppositoires, il n’y a que de la glycérine en excipient, entre 1 excipient et 6 je préfère en donner 1 seul à un enfant. Pour évaluer la dose avec les suppositoires, il suffit de choisir le dosage en fonction de la fourchette de poids, exemple doliprane suppo 100 mg pour un poids entre 3 et 8 kg. Après rien ne vous empêche de le couper en deux si votre enfant fait 4 kg. C’est sûr que c’est moins précis que pour le sirop, mais bon, on fait ce qu’on peut avec ce qui est disponible actuellement !

3. Consultation or not ?

Maintenant abordons la partie la plus délicate et probablement la plus stressante : quand consulter ? Niveau statistiques, il semblerait que la première cause de fièvre chez l’enfant soit l’infection virale des voies aériennes, ce qui va du nez (rhume) aux bronches (bronchite).

Est-ce que ça vaut le coup de consulter pour cela ? A priori non, vu que comme vous l’avez bien compris “les antibiotiques, c’est pas automatique !” et en cas d’infection virale, le traitement se résume à prendre son mal en patience et du paracétamol. En pratique, comment être sûr du diagnostic lorsque l’on est pas médecin ? C’est tout le problème. Heureusement, il y a quelques signes d’alerte que vous pouvez apprendre à repérer sur votre enfant et qui vous orienteront vers les urgences pédiatriques. Si tous ces signes sont absents, soyez rassuré(e).

Globalement toute situation peut amener à voir le médecin traitant / pédiatre en premier. Cela devrait être le circuit habituel. Néanmoins, j’ai fait un petit classement, pour vous éviter de perdre du temps à aller chez le médecin, qui va vous envoyer aux urgences dans les situations où il va de toute manière falloir hospitaliser, au moins pour surveiller quelques heures. D’ailleurs, ne vous inquiétez pas forcément si on vous propose l’hospitalisation lors de la consultation, c’est plutôt par prudence ; un enfant, surtout avant deux ans, peut voir son état de santé se dégrader très vite. Mieux vaut hospitaliser pour une surveillance 24-48 heures que de trop attendre et devoir lancer un traitement à la dernière minute, où la phase de récupération de l’enfant sera plus longue.

Les signes où il est inutile de consulter :

Fièvre isolée de moins de 3 jours, sans aucun autre signe. Dans ce cas, impossible pour le médecin de dire de quoi il s’agit. Il va vous dire : on attend et va prescrire du paracétamol = vous auriez pu le faire vous-même !

– Enfant supportant bien la fièvre, continue à manger normalement, ne se plaint pas plus que ça. Idem, on attend de voir comment ça évolue.

Nez qui coule + toux (sans impression qu’il va s’étouffer dans la minute). C’est viral dans presque tous les cas, donc à part le nettoyage du nez plusieurs fois par jour, l’hygiène et le réconfort, pas grand-chose à prescrire pour le médecin.

Les signes qui vous emmènent chez votre médecin :

– la fièvre ne passe pas au bout de 3 jours

– l’enfant présente une éruption cutanée, des tâches roses pâles, plus ou moins nombreuses, qui grattent ou pas et qui sont apparues deux à trois jours après le début de la fièvre. Il s’agit probablement d’une infection virale, parmi les nombreuses maladies éruptives de l’enfant possibles (selon les vaccins faits). Le traitement est le plus souvent : paracétamol + repos. Mais une consultation est nécessaire pour vérifier qu’il n’y a pas de complications et évaluer le risque de contagiosité ainsi que les mesures d’hygiène à prendre.

– l’enfant est “fragile” c’est à dire qu’il est atteint d’une maladie chronique grave telle que la drépanocytose, une immunodépression, une maladie systémique etc. Dans ce cas, un avis médical s’impose, par précaution.

– vous remarquez des douleurs à la moindre mobilisation d’une jambe, d’un bras et toujours le même. Il s’agit probablement d’une infection d’une articulation (ostéo arthrite) ; des examens seront nécessaires pour en savoir plus sur la nature de l’attaquant.

– les selles sont anormales et vous remarquez des glaires avec du sang. Il s’agit probablement d’une diarrhée bactérienne = nécessité d’une prescription d’antibiotiques avec examens complémentaires.

vomissements / diarrhées avec une alimentation encore possible = gastro-entérite aiguë. Ne pas tarder à consulter si l’enfant mange de moins en moins ou si il vomit ce qu’il mange. Proposez lui toutes les 10-30 minutes de petites quantités de boisson type SRO (soluté de réhydratation orale disponible en pharmacie sans ordonnance) ou encore mieux la tétée si vous allaitez. Le lait maternel contient de la lactadhérine (glycoprotéine) qui permet de bloquer la multiplication du rotavirus, souvent responsable de gastro-entérite aiguë, ainsi que des oligosaccharides (glucides) qui participent au maintien et à la restauration d’une flore bactérienne intestinale sympathique. Si vos tentatives de réhydratation échouent, consultez. Votre médecin va peser l’enfant pour estimer la perte de poids liée à la déshydratation (vomissements / diarrhées = perte d’eau +++). Dès 5% de perte de poids par rapport au poids antérieur et selon l’âge, ce sera hospitalisation, pour poser une perfusion de réhydratation au minimum.

– si la fièvre apparaît au retour d’un voyage dans un pays étranger (dans le mois qui suit le retour). Risque de maladie infectieuse selon le pays (paludisme, fièvre jaune…).

Les signes qui vous font appeler le SAMU ou aller aux urgences pédiatriques rapidement :

– l’enfant a du mal à respirer, il est bleu (cyanosé), a les côtes qui sont anormalement apparentes lorsqu’il respire, il respire beaucoup plus vite que d’habitude, vous avez l’impression qu’il s’étouffe. Il va lui falloir au minimum un apport d’oxygène au masque, d’où une hospitalisation, même courte.

– l’enfant ne mange plus, il ne boit que la moitié ou moins de la moitié de ses biberons, de ses repas et refuse les boissons ou la tétée si vous allaitez. Il va rapidement se dégrader si son corps ne reçoit pas les nutriments indispensables à sa défense.

– l’enfant a moins de 6 semaines ou moins de 3 mois si c’est un prématuré (retrancher les mois de prématurité).

– il convulse. Il va falloir déterminer si les convulsions sont liées à la fièvre (généralement pas grave) ou à autre chose ; des examens complémentaires seront probablement nécessaires.

– apparition de purpura, n’importe où sur la peau. Ce sont des tâches rouges foncées et violettes qui ne disparaissent pas lorsque l’on applique un verre ou une règle transparente dessus, ce qui signifie que du sang est en dehors des vaisseaux sous la peau (attention ! ces taches sont différentes de celles des infections virales telles que varicelle ou rougeole qui sont plus claires, roses rouges). Si ces tâches augmentent en nombre en quelques heures et deviennent de plus en plus étendues avec en général une fièvre élevée vers les 40°C > Réflexe = appeler le 15 ou aller aux urgences pédiatriques immédiatement. Ce signe est le reflet d’une infection bactérienne à méningocoque qui provoque des hémorragies (d’où le sang sous la peau) et qui peut tuer si on ne réagit pas rapidement. Aux urgences, le médecin confirmera qu’il s’agit bien de cette maladie (voir ici pour la photo de purpura fulminans), puis il injectera immédiatement une dose d’antibiotique pour contrer l’infection.

– l’enfant ne supporte pas qu’on le touche, pleure et est inconsolable ou si il est plaintif, somnolent, peu réactif à vos attentions et a un comportement inhabituel avec une fièvre élevée (supérieure à 38,5°C), ou présente une raideur du cou. Ces signes témoignent d’un retentissement au niveau du cerveau. Il vaut mieux ne pas attendre pour partir à la recherche de l’explication de ce changement de comportement. Des examens seront nécessaires pour éliminer une méningite (atteinte des enveloppes du cerveau).

– l’enfant vomit ou a des diarrhées importantes et refuse de manger ou boire plusieurs repas / biberons/tétées de suite. Si les diarrhées sont accompagnées de sang, si l’enfant a un teint très pâle > ne pas attendre, il va falloir apporter de l’eau et des ions (perdus dans les vomissements / diarrhées), voire plus et éliminer une possible infection bactérienne.

Maintenant que vous avez lu ce paragraphe et que vous vous dites “punaise, tout ça, le stress !”, relisez le premier paragraphe : les infections des voies aériennes sont les plus fréquentes ! Voilà, vous pouvez respirer…

4. Convulsions et fièvre

Un petit mot sur les convulsions lors de la fièvre, encore appelées crises convulsives fébriles. Bien que très impressionnantes, elles sont rarement graves. Le plus souvent elles surviennent avant 2 ans, sont peu fréquentes avant 6 mois et après 5 ans. Les risques sont plus grands si une personne dans la famille en a déjà présenté, ce qui sous-entend une susceptibilité génétique. Toute fièvre bactérienne ou virale peut provoquer des convulsions.

Le paracétamol ne permet pas la prévention des convulsions, qui apparaissent dans les premières heures d’une fièvre supérieure ou égale à 39°C et correspondent en quelque sorte à la “surprise” du cerveau face à l’augmentation intense de la température. Les cellules sont à ce moment là ultrasensibles au moindre signal (hyperexcitabilité cérébrale) et vont interpréter de manière exagérée toute information transmise, ce qui crée une réponse explosive, déclenchant la crise convulsive.

Les cas pour lesquels les convulsions ne sont pas alarmantes :

– âge : 1 à 5 ans

– durée de la crise convulsive de mois de 10 minutes

– les convulsions atteignent tout le corps

– après convulsions, l’enfant est rapidement dans son état normal, il parle, peut marcher etc.

Les cas pour lesquels il y a un doute sur l’évolution :

– âge : moins de 1 an

– convulsions longues supérieures à 10 minutes

– les convulsions ne touchent d’une partie du corps, ou ont commencé par des signes localisés (bras, bouche…) avant d’atteindre tout le corps

– après la crise, le retour à un comportement habituel est long

– l’enfant a déjà eu des problèmes au niveau du cerveau (antécédents de méningite par exemple)

Dans tous les cas, un enfant faisant des convulsions en cas de fièvre, doit idéalement être examiné afin d’éliminer une infection du cerveau / système nerveux central ; la ponction lombaire permettant de faire la part des choses.

Si votre enfant a déjà fait une convulsion fébrile, sachez que votre médecin peut vous prescrire des suppositoires de diazépam (Valium) à utiliser en cas de récidive des convulsions si celles-ci durent plus de 3 minutes. Cela ne vous dispense pas d’aller ensuite aux urgences !

5. Morale de l’histoire

Toutes ces connaissances, utiles pour pouvoir évaluer le degré de gravité d’un état fiévreux représentent la partie médicale de l’affaire, la partie émergée de l’iceberg lorsque l’on est parent. Un petit coup de paracétamol c’est bien sympa, mais il reste toute la partie gestion de l’humeur, du comportement des enfants lorsqu’ils sont malades. Dans ces cas là, quoi de mieux que l’effet placebo des bisous, câlins et autres attentions pour aider à supporter la fièvre et généralement la maladie ?

Sans me lancer dans ce qui pourrait faire l’objet d’un autre article, il est intéressant de relier les observations de la Poule, concernant l’association qui existe plus ou moins dans tous les esprits entre symptôme/maladie et besoin d’un médicament. Je partage son avis sur le fait que les désordres de santé minimes pourraient facilement être “désassociés” des médicaments et ce, dès l’enfance. Bien entendu, sans tomber dans l’excès inverse qui serait le refus de toute médication ! Trouver un juste milieu qui pourrait par exemple être de traiter en premier lieu avec les pansements psychiques tels que le soutien, l’encouragement ou encore suivre soi-même les conseils dispensés à nos enfants pour leur prouver que c’est possible etc. Si ces premiers traitements ne marchent pas, recourir alors sans hésitation aux médicaments.

Ce discours, bien qu’allant à l’encontre des attitudes actuelles, que ce soit médicales ou sociétales (je dois être un parent parfait) est un appel à avoir confiance en son intuition, son jugement, grâce à la connaissance que nous pouvons acquérir par l’observation et les soins que nous accordons à nos enfants. Qu’ils aient quelques semaines ou des années de vie, nous les connaissons bien ; et l’expérience que l’on peut avoir lors des consultations médicales témoigne bien du fait que ce ne sont généralement pas les parents les plus attentifs à leurs enfants qui commettent des erreurs aux issues malheureuses. Arrêtez de vous stigmatiser si vous ne cédez pas à la tentation immédiate de la molécule magique ! Mieux vaut une bonne surveillance de l’évolution, qu’un médicament et une confiance aveugle dans son action “scientifiquement démontrée”…

 

Crédit photo : Trombouze, Vabellon

D-MER(de toi)

lundi, février 14th, 2011

Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé allaitement… en même temps ça changera des derniers billets à caractère polémique, puisqu’il s’agit aujourd’hui d’un article purement informatif (contrairement à ce que le jeu de mots à deux balles du titre pour lequel je vous présente mes plus plates excuses pourrait laisser croire). Je veux en effet vous parler d’un problème de l’allaitement très récemment décrit aux Etats-Unis, le réflexe dysphorique d’éjection du lait (en anglais dysphoric milk ejection reflex soit D-MER, abréviation que je vais garder le long de l’article). Voici la description qu’en fait le site d-mer.org, qui est à ma connaissance la seule source d’informations sur ce trouble. Je vais donc me contenter de traduire pour les lectrices qui ne liraient pas l’anglais.

D-MER, c’est quoi ?

C’est un trouble récemment reconnu affectant les femmes qui allaitent et se caractérisant par une dysphorie abrupte, soit des émotions négatives apparaissant juste avant l’éjection du lait et se poursuivant sur quelques minutes au plus. Les tests préliminaires indiquent qu’on peut soigner la D-MER et les premières recherches pointent vers une activité dopaminique inadéquate au moment de la montée de lait comme source de la D-MER.

D-MER, ce n’est PAS :

  • une réponse psychologique à l’allaitement
  • une simple nausée lors du réflexe d’éjection, ou tout autre symptôme physique isolé
  • une dépression du post-partum ou un baby blues
  • une aversion générale pour l’allaitement
  • l’aversion pour l’allaitement que peut ressentir une femme enceinte qui allaite un aîné

Que ressent la mère qui souffre de D-MER ?

Les émotions négatives, ou dysphorie, que ressent la mère souffrant de D-MER se manifestent souvent dans son ventre -un sentiment de creux, comme un vide ou un nœud émotionnel dans le ventre. Les mères décrivent un certain nombre d’émotions liées à la D-MER , allant de la crainte à la colère en passant par l’anxiété, émotions faisant toutes partie du spectre de la D-MER, pour laquelle on peut décrire ces trois niveaux. Le point commun entre ces niveaux est la vague d’émotions négatives, juste avant d’allaiter, en allaitant, en tirant du lait et pendant les montées de lait spontanées, s’arrêtant au bout de 30 à 90 secondes, et reprenant généralement à chaque réflexe d’éjection. Un des points clés de D-MER est que la mère se sent bien sauf pour les montées de lait, et que les sentiments sont assez brefs (pas plus de 2 minutes), ce qui rend ce trouble bien différent de la dépression du post-partum.

Il est facile de ne pas réussir à identifier ce trouble puisque :

  1. certaines femmes ont des montées de lait si rapprochées pendant les tétées que les émotions n’ont pas le temps de retomber
  2. beaucoup de femmes ne sentent pas le réflexe d’éjection et donc ne peuvent pas le connecter à leur dysphorie
  3. le fait que la dysphorie ait également lieu pendant les montées de lait entre les tétées rend également cette connexion difficile.

Quelle est le mécanisme expliquant la D-MER ?

Le réflexe d’éjection du lait est causé par l’ocytocine, et s’accompagne d’une chute de dopamine afin d’entraîner une augmentation de la prolactine, qui va permettre de refaire du lait. Les femmes souffrant de D-MER ont une chute plus importante de dopamine, ce qui cause la dysphorie temporaire (voir par exemple ici).

Quelques trucs pour soulager la D-MER

  • Evaluer sa production de lait. L’hyperlactation induit de nombreux réflexes d’éjection, si elle est avérée il existe des trucs pour la modérer (voir par exemple ici).
  • Se distraire pendant la tétée. Lire, discuter, regarder la télé…
  • Boire beaucoup. Il semble que l’hormone anti-diurétique, qui augmente quand on est déshydraté, soit également impliquée.
  • Dormir. Plus facile à dire qu’à faire quand on a un petit bébé…
  • Faire de l’exercice. Cf point précédent. On peut toujours commencer par faire une bonne balade tous les jours.
  • Prendre de la caféine. Attention, pas plus que 150 mg par jour (soit environ 1-2 tasses de café) sinon les effets deviennent négatifs).
  • La solitude. Certaines femmes trouvent leur D-MER pire si elles sont en compagnie, ne pas hésiter à s’isoler.
  • L’orgasme. Il peut aggraver la D-MER par la chute de dopamine qu’il provoque. Bon ça tombe bien, en général ce n’est pas l’activité prioritaire de la jeune mère.
  • Se motiver. Prévoir un petit truc sympa pour après la tétée/journée, auquel on se raccroche pendant les dysphories (« là c’est pas top mais après je me fais une tablette de Côte d’Or »).
  • Suppléments alimentaires. Voir la liste ici, je n’ai pas le courage de tout traduire, d’autant que les noms sont très similaires en français pour la plupart (et n’oubliez pas le traducteur Google).
  • Traitement médical. Pour les cas les plus sévères, le site recommande la bupropione (Zyban et Wellbutrin). Je n’ai aucun avis sur la question, et ce médicament étant sur ordonnance il vous appartient d’en discuter le cas échéant directement avec votre médecin ou votre sage-femme.

Et bien sûr, être informée. On vit généralement plus facilement ces sentiments difficiles si on sait qu’ils sont purement physiologiques et transitoires.

C’est d’ailleurs dans ce but que je me suis précipitée pour écrire cet article. J’ai eu plusieurs témoignages de femmes m’indiquant que l’allaitement les vide, les épuise, les pompe. Je ne savais pas trop quoi leur répondre, car la sécrétion de lait en soi n’est pas supposée être plus fatigante que la sécrétion d’urine, de transpiration ou de sang. Bien sûr, avoir un petit bébé est fatigant, et les tétées correspondent aux moments où on se pose enfin dans une journée bien remplie, sans compter que la prolactine a un effet soporifique. On peut donc ressentir une certaine somnolence pendant les tétées, ce qui peut faire penser que l’allaitement fatigue, alors qu’en réalité il aide à se reposer. Mais ces femmes ne semblaient pas satisfaites par cette explication, et je ne savais pas comment les aider, n’ayant bien sûr pas de raison de remettre en question leur ressenti. Je crois donc que ces explications pourraient leur être d’une aide précieuse, d’autant plus que le contexte actuel force un peu le trait sur l’allaitement : il faut allaiter pour être une bonne mère et c’est forcément un moment de béatitude et d’extase. Imaginez ce que ressent la mère qui souffre de D-MER : à chaque fois qu’elle allaite, ni plénitude, ni quasi-orgasme, mais un horrible sentiment de vide, de colère, de désarroi, menant tout droit sur la pente implacable de la culpabilité. Elle doit être une aberration de la nature, elle qui appréhende de plus en plus la prochaine tétée, alors pourtant qu’elle ne ressent pas de douleur physique. D’ailleurs elle finirait presque par se demander si elle est vraiment faite pour être mère. Pour peu qu’il y ait un contexte qui y soit favorable, la dépression du post-partum n’est probablement pas loin. Tout ça pour un problème de dopamine ! Le site d-mer.org signale que la D-MER peut entraîner des problèmes d’attachement entre la mère et l’enfant, et suggère d’organiser des moments agréables avec le bébé sans tétée (jeu, bain, portage, etc) pour balancer les émotions négatives des tétées.Vous trouverez ici la liste des émotions recensées comme pouvant être liées à la D-MER, je n’ai pas non plus le courage de tout traduire, mais là encore le traducteur Google est efficace pour le mot à mot et je peux aussi répondre aux questions en commentaire.

Bien sûr, les recherches sont encore en cours, il n’y a pas encore eu de publication scientifique sur la question, mais il me semble important que les femmes sachent que ces questions se posent, que ces hypothèses sont testées, et que l’information circule, également parmi les professionnels de santé. On sait que nombre d’entre eux ne sont pas formés à l’allaitement, je crois que c’est aussi à nous de leur parler de tout ça, et ne pas hésiter à leur apporter les documents du site d-mer.org pour discuter de la pertinence d’un traitement si vos symptômes sont trop handicapants. Et n’hésitez pas à témoigner, ici, ailleurs sur la toile ou en vrai (réunions de soutien à l’allaitement par exemple).

Image : « Comment créer un lien avec bébé ». Pas vraiment dans le sujet mais ça allège un peu l’ambiance (et ça me fait beaucoup rire).

Je travaille et j’allaite

samedi, octobre 23rd, 2010

allaitement_travail Un autre billet « nénés » pour soutenir la Semaine mondiale de l’allaitement maternel qui s’achève, et après on parle d’autre chose, promis. Après l’article choc de Marie-Claire, voici donc un témoignage sur la conciliation allaitement et travail. Il s’agit de La Poule P., 30 ans, blogueuse, qui a souhaité garder l’anonymat (OK je sors).

Pour Pouss1, cette conciliation a été de courte durée. J’ai repris le travail peu après la fin du congé maternité, et j’avais déjà bien entamé le sevrage. Il a gardé tétée du matin et tétée du soir, puis tétée du soir seule pendant deux-trois semaines et puis on est passés au biberon exclusif vers ses quatre mois.

Pour Pouss2, j’ai choisi de prendre six mois de congé parental à la suite du congé maternité, entre autres pour pouvoir l’allaiter plus longtemps. Bien sûr il est possible d’allaiter exclusivement et de reprendre rapidement son travail, mais c’est tout de même plus simple d’être avec le poussin. Il a donc commencé la crèche à huit mois, n’ayant jusque là eu que de rares biberons de mon lait lors de mes quelques absences. Malgré son bel appétit pour les nourritures solides, il n’était pas rare qu’il tète encore toutes les trois heures en moyenne (sauf la nuit où j’ai fermé le bar depuis ses six-sept mois environ). J’ai de longues journées (je le laisse d’environ 8h à 19h -une nounou vient le chercher à la crèche le soir) donc dans un premier temps j’ai tiré du lait pour qu’il ait un biberon à goûter. L’adaptation s’est très bien passée, avec des repas solides très appréciés et pas de réclamation quant à la diminution un peu abrupte du nombre de tétées.

Le hic c’est qu’étant en lactation automatique j’ai beaucoup de mal à tirer des quantités suffisantes de lait, ne ressentant aucun trop plein de lait en l’absence de mon fils (ni en sa présence d’ailleurs, le lait ne vient que lorsqu’il tète). J’essaie le tire-lait électrique double pompage (Lactina de Medela, un vrai tue l’amour), le tire-lait manuel (Avent), à la main, mais les résultats sont kif kif. Le plus efficace restant de tirer un sein pendant que Pouss2 tète l’autre (comme quoi le bébé est vraiment irremplaçable pour provoquer un bon réflexe d’éjection), mais du coup je finis par passer chaque tétée avec le tire-lait, ce qui est un peu acrobatique (d’autant que Pouss2 est un grand bébé tonique de 8 mois 1/2) et gâche la simplicité de l’allaitement que j’apprécie tant. Après deux semaines à ce régime, nous convenons avec les puéricultrices d’essayer de remplacer ce biberon par un yaourt, ce qui ne semble à nouveau poser aucun problème à Pouss2.

Finalement nous sommes arrivés à l’arrangement suivant : en semaine, deux, parfois trois tétées par jour (ou même une seule de temps en temps si je rentre tard) et laitages solides en mon absence, et le week-end (ou les jours de congé), tétée plus ou moins à volonté (généralement trois-quatre par jour). Ma lactation semble bien s’adapter, sans manque ni débordement, ce qui est vraiment très agréable. Pouss2 lui n’a pas l’air perturbé par ce nouveau rythme, et prend sein et yaourts avec le même enthousiasme (et la même redoutable efficacité). Il n’a pas redemandé à téter la nuit pour compenser (ouf). Le bonus c’est qu’il a attrapé une gastro à la crèche, pendant laquelle il vomissait tout sauf mon lait : je dois dire que ce n’est pas désagréable de pouvoir facilement soulager son enfant malade.

Bien entendu, cet arrangement ne fonctionnera pas pour tout le monde, loin s’en faut, mais je crois qu’il est bon de savoir que cette possibilité existe. Vous trouverez d’ailleurs des témoignages sur le blog A tire d’ailes et un topo plus complet chez Ficelle, qui illustrent bien la diversité des alternatives.

Photo : Licia Ronzulli, l’eurodéputée italienne qui a fait sensation en venant au Parlement européen avec son bébé d’un mois en écharpe. Je ne sais pas si elle allaite mais en tout cas c’est un bel exemple de conciliation famille-travail !

Aparté sans aucun lien : poussée par le Coq et son imparable slogan (« 100 % des gagnants ont tenté leur chance »), je me suis inscrite aux Golden Blog Awards pour tenter d’obtenir un peu de reconnaissance (d’autant plus que je stagne toujours dans les abysses du Wikio). En cliquant sur ce lien, vous pouvez voter pour moi. Promis je ne vous en reparlerai plus (sauf si par miracle je gagne quelque chose).

C’est la faute à l’allaitement si…

lundi, octobre 11th, 2010

mannequin-toddler-nursing Je prends un peu d’avance sur la semaine mondiale de l’allaitement maternel, mais comme ça fait une éternité que je n’ai pas publié vous ne m’en voudrez pas j’espère. Je voudrais revenir sur quelques idées reçues sur l’allaitement. En effet, la schizophrénie actuelle veut qu’après avoir expliqué à la future mère que si elle ne veut pas allaiter elle va limite être signalée aux services sociaux, on accuse ensuite l’allaitement de tous les maux et problèmes. Encore une fois, le but de cet article n’est absolument pas de culpabiliser celles qui ne souhaitent pas allaiter, ou pour qui ça ne marche pas, mais plutôt d’encourager les autres, et surtout d’éviter que le choix d’allaiter ou pas soit basé sur de mauvaises raisons. Voilà dix exemples de ce qu’on peut entendre ou lire :

1. C’est la faute à l’allaitement si mon bébé ne grossit pas (assez). Trois possibilités : 1. bébé est naturellement un petit gabarit/appétit de moineau, auquel cas le lait infantile ne changera rien, 2. bébé a une maladie qui l’empêche de prendre du poids, auquel cas il devient d’autant plus important de poursuivre l’allaitement, 3. il y a un problème d’allaitement qui empêche bébé de manger à sa faim. Un bébé qui ne mange pas à sa faim va d’abord pleurer beaucoup pour réclamer plus puis passer en mode « économie d’énergie » (sauf s’il est déjà fragile auquel cas il va directement à la case « économie d’énergie ») ; attention donc au nouveau-né poids plume qui dort tout le temps et ne réclame jamais. Au biberon on mesure ce qui rentre, tandis qu’au sein on mesure ce qui sort. Les couches sont-elles bien pleines d’urines et de selles (n’oublions pas qu’à partir de six semaines environ le bébé allaité peut beaucoup espacer ses selles, jusqu’à plusieurs jours d’intervalle) ? Le poids est UN indicateur parmi d’autres de la bonne croissance du bébé (et vous trouverez ici les courbes de référence pour des bébés allaités). Les problèmes d’allaitement les plus fréquents qui conduisent à ce que l’enfant ne mange pas assez sont soit une mauvaise succion (à corriger à l’aide d’un(e) spécialiste : sage-femme, consultante en lactation, animatrice d’association de soutien…), soit un allaitement trop dirigé (style toutes les trois heures dix minutes par sein) qui ne stimule pas assez la lactation (voir ici un bel exemple). Au moindre doute ne pas hésiter à demander l’avis d’une personne compétente (pas forcément votre médecin, voir ici quelques pistes pour juger de sa compétence en la matière).

2. C’est la faute à l’allaitement si le papa ne s’occupe pas du bébé. Certes la tétée occupe une part importante de la vie d’un nouveau-né, mais il y a tellement d’autres choses dont son père peut s’occuper. Outre le fait qu’il peut déjà prendre en charge l’ensemble des tâches ménagères pour que la mère se repose après l’accouchement, en plus des couches à changer, des bains à donner, etc, il y a surtout les câlins, le portage, le dodo dans les bras et tous ces petits plaisirs. Sans compter que c’est souvent le mieux placé pour faire accepter un autre moyen que le sein d’avoir du lait (biberon, tasse etc) quand la mère veut laisser le poussin. Je crois que ce qui compte vraiment plus que le mode d’alimentation c’est que le père soit motivé pour trouver sa relation et ses « trucs » avec le bébé et que la mère soit prête à le laisser prendre toute sa place.

3. C’est la faute à l’allaitement si mon bébé a des coliques/mal au ventre etc. Si vous avez un bébé au tube digestif sensibilisé par un problème ou un autre (reflux gastro-œsophagien, allergie, intolérance…), il n’y a pas mieux que le lait maternel pour lui. C’est ce bébé qui est difficile, quel que soit le mode d’alimentation, et c’est souvent pire avec un lait infantile qui lui est moins adapté (sans compter les essais pour trouver celui qui convient). Si le lait maternel peut donner mal au ventre, c’est souvent parce que le bébé n’a eu que le lait de début de tétée, très riche en lactose. Pour éviter ce problème (repéré généralement par des selles vertes et moussues), il suffit de ne pas changer trop souvent de sein. Dans certains cas d’allergies, l’allergène passant par le lait maternel, la poursuite de l’allaitement va nécessiter que la mère suive un régime d’éviction (ce qui n’est pas une partie de plaisir je vous l’accorde).

4. C’est la faute à l’allaitement si mon bébé dort mal/ne s’endort qu’au sein. La question du sommeil des bébés est si complexe et polémique qu’une dizaine de billets n’y suffirait pas. Ceci dit sur la question allaitement et sommeil, tous les cas de figure existent : le bébé exclusivement allaité qui fait des nuits de 10-12 h à quelques semaines, le bébé qui fait ses nuits une fois passé au bib, celui qui au contraire continue à se réveiller (enfin surtout à réveiller ses parents…). On peut tout de même observer que d’une part il n’est pas anormal qu’un enfant n’arrive pas à gérer son sommeil entièrement seul pendant au moins un an, voire deux ou trois. Et d’autre part, il se trouve que la tétée est un formidable moyen d’endormir ou de rendormir un bébé. C’est souvent très efficace, et pour un effort minimum puisqu’on peut le faire en se rendormant soi-même (lors de la tétée les hormones sécrétées favorisent le sommeil, ce qui peut donner l’impression que l’allaitement fatigue). Il faut donc en avoir sacrément marre des tétées de nuit et des endormissements à rallonge pour chercher une autre méthode. Ceci dit, rien n’empêche aux parents d’un bébé allaité d’essayer d’autres pistes, notamment avec le père (vous voyez qu’il participe !), qui sera moins tenté de donner ce qu’il n’a pas. Là encore, que le père ait mis en place ses trucs avec le bébé facilite la dissociation du sein et du sommeil. Et les tout petits changent tellement vite qu’aucune habitude, bonne ou mauvaise, n’est gravée dans le marbre.

5. C’est la faute à l’allaitement si je ne peux rien faire. Scoop : un bébé, même un petit nouveau-né supposé dormir 20 heures sur 24, suffit à vous occuper environ 25 heures sur 24. Et ce que vous allaitiez ou non. « Il est 16 heures et je n’ai toujours pas réussi à prendre de douche » : je crois l’avoir entendu chez toutes mes amies découvrant les joies de la maternité, celles qui allaitent comme celles qui n’allaitent pas. Le gros avantage de l’allaitement, c’est que passées les éventuelles difficultés de mise au sein du début, le bébé se débrouille tout seul. Donc la tétée est un formidable alibi pour se poser tranquille dans un fauteuil (ou autre endroit confortable) avec une bonne lecture, un coup de fil, un DVD, une histoire pour l’aîné ou autre activité tranquille (et surtout une tablette de chocolat). Enfin personnellement je ne suis pas très douée pour allaiter en porte-bébé, mais dans ce cas on devient en prime mobile (pas au point de passer l’aspirateur, mais quelle bonne excuse pour refiler cette activité à son cher et tendre -ou se faire offrir des heures de ménage comme cadeau de naissance).

6. C’est la faute à l’allaitement si je ne peux jamais sortir. Soyons honnêtes : il est plus facile de sortir avec un bébé allaité mais moins facile de sortir sans. L’allaitement est souvent un super joker qui permet d’apaiser et d’endormir un petit dans les circonstances les plus difficiles : on peut ainsi éviter de se taper l’affiche dans un lieu public avec un bébé qui hurle. Et bien sûr l’aspect logistique est grandement simplifié puisqu’au moins dans les premiers mois on n’a pas de nourriture à trimballer. Quand on ne peut/veut pas sortir avec bébé, les options sont multiples selon l’âge et les circonstances : pas de lait en l’absence de la mère, du lait tiré donné par différents artifices (biberon, tasse à bec, seringue, pipette…) ou du lait artificiel. Pour la reprise du travail, je crois que c’est aussi aux professionnels de la petite enfance de faire le travail pour aider l’enfant à s’adapter. Rappelons qu’un enfant allaité dont la mère travaille devrait être une situation très ordinaire (puisque les recommandations des autorités sanitaires françaises préconisent l’allaitement jusqu’à deux ans et que le congé maternité post-natal n’est que de dix semaines), et pas une bizarrerie qui ne rentre pas dans les cases.

7. C’est la faute à l’allaitement si mon enfant est indécollable. Un petit bébé a besoin de contact et de câlins, autant que de nourriture. L’allaitement est une façon de répondre à ce besoin, mais pas la seule. Et l’intensité du besoin est fonction de la personnalité de l’enfant, de son âge, et de la réponse qui y est apportée, bien plus que de la façon dont on le nourrit. Il y a aussi -et ce n’est pas un reproche- des mères qui ont un peu de mal à lâcher leur bébé, et ce n’est pas l’apanage des allaitantes (même si elles sont peut-être plus nombreuses dans ce cas…).

8. C’est la faute à l’allaitement si je dois surveiller ce que j’avale. Hors cas d’allergie ou d’intolérance avéré, on peut bien manger exactement ce qu’on veut quand on allaite. Il est conseillé de limiter (mais pas éviter) la caféine (comme quand on est enceinte), sauf là encore si vous constatez un effet majeur sur le bébé. Il est possible de boire de l’alcool en sachant que le taux dans le lait est identique à celui du sang ; l’idéal étant si/quand l’enfant a un rythme de boire le soir après la dernière tétée et d’avoir toute la nuit pour cuver. Il existe même des alcootests pour le lait maternel. Quant à la cigarette, même s’il est préférable de l’éviter, son impact laisse le lait maternel supérieur au lait infantile. Et si vous devez prendre des médicaments, n’hésitez pas à envoyer votre médecin sur le site du CRAT. Là encore, les risques liés à l’exposition (souvent ponctuelle) au médicament sont souvent faibles en regard des bénéfices procurés par l’allaitement maternel.

9. C’est la faute à l’allaitement si je ne peux pas retomber enceinte. Peut-on tomber enceinte en allaitant ? Oui mais c’est plus facile si on pose le bébé. Plus sérieusement, hors des critères stricts de la MAMA, l’allaitement n’est pas une contraception mais peut empêcher certaines femmes de tomber enceinte. Sans compter qu’un taux élevé de prolactine (hormone de la lactation) peut induire une baisse de libido. A priori si vous avez eu votre retour de couche c’est que l’ovulation est relancée et que vous pouvez retomber enceinte (attention l’inverse n’est pas vrai, c’est-à-dire qu’on peut être enceinte sans avoir eu le retour de couche). Sinon, il faut effectivement patienter ou sevrer (totalement ou partiellement).

10. C’est la faute à l’allaitement si je ne ressemble à rien. En théorie, l’allaitement facilite le retour du corps à l’état pré-grossesse, puisque les premières tétées aident l’utérus à retrouver sa taille normale (ce qui peut occasionner les fameuses tranchées) et que les graisses maternelles sont supposées être converties en lait. Dans la vraie vie, il y a celles qui sortent de la maternité en jean slim taille 36 et mère nature la truie (copyright Pensées de ronde) pour les autres. Idem pour la taille et la forme des seins : difficile de savoir a priori dans quel camp vous serez, même si la grossesse est souvent pointée comme principal coupable des variations de volume mammaire (avec pour état final la forme décrite poétiquement comme gant de toilette ou encore queue de castor). Cependant l’allaitement est une super excuse pour refaire sa garde-robe (avec toutes ces boîtes de lait économisées) à un moment où on est rarement au top physiquement (je ne dis pas qu’on a besoin d’une garde-robe spécifique pour allaiter, juste que c’est une excuse pour faire du shopping). LA spécialiste de la question, c’est Ségolène de MamaNANA, comme le montre par exemple ce billet (ou encore celui-là). Je n’ai pas grand chose à rajouter, si ce n’est d’insister sur l’importance d’avoir un bon soutien-gorge, bien coupé et à la bonne taille pour rééquilibrer sa silhouette. Personnellement je n’ai que des soutien-gorge à armatures (sinon je trouve que ça ne sert à rien ; quant au risque d’engorgement j’en ai eu quelques uns mais toujours sur le dessus du sein donc à mon avis sans rapport) et j’aime bien aussi qu’ils soient un peu rembourrés : non que je cherche du volume supplémentaire mais ça donne un meilleur maintien, sans compter que c’est plus discret pour les coussinets (ou pour vos nouveaux tétons façon star de porno). On trouve encore très peu de choses en boutique, même si Vertbaudet et H&M s’y mettent doucement. Sur le net, outre MamaNANA on peut fouiller chez Sibellia (lingerie uniquement) et BellaMaman par exemple. Pas mal de sites de puériculture et de vêtements de grossesse ont aussi quelques trucs pour compléter sa commande.

Et vous, en voyez-vous d’autres ?

Photo : Source

Faire des bulles

lundi, juillet 12th, 2010

poule_plongeuseDans la vraie vie, votre dévouée Poule ne s’intéresse pas qu’à ses poussins. Je suis -entre autres- accro à l’ivresse des profondeurs, même si ces dernières années mes palmes sont surtout restées au placard. Ne désespérant pas de refaire quelques bulles un de ces jours, j’ai fait quelques recherches que je viens partager avec les poules plongeuses, s’il y en a qui traînent dans les parages.

Peut-on plonger enceinte ? La réponse est hélas non (en même temps comment enfiler une combinaison néoprène quand on n’arrive même plus à attacher ses chaussures ?), quel que soit le terme de la grossesse, en raison de la méconnaissance totale des effets de la pression et de l’azote sur les échanges placentaire (et les quelques données disponibles semblent montrer un risque important de malformation). Si vous avez plongé sans savoir que vous étiez enceinte, une surveillance accrue s’impose (sauf au tout début lorsque l’embryon est indépendant de la circulation sanguine maternelle). Pour plus de détails, consulter le site du Dr Christophe Bezanson.

Peut-on plonger en allaitant ? Victoire, c’est possible ! Cela ne pose problème ni pour la mère, ni pour l’enfant. Il faut simplement faire attention au risque accru d’engorgement (intervalle prolongé entre deux tétées et port d’équipement pouvant comprimer les canaux lactifères) et à une sensibilité plus importante à la déshydratation et à la fatigue. Si vous parlez anglais, je vous conseille vivement un petit tour sur cette page qui fait le tour de la compatibilité des « problèmes » féminins (grossesse, règles, allaitement… mais aussi endométriose, cancers féminins etc) avec la plongée sous-marine.

A partir de quel âge peut-on emmener les enfants plonger ? La FFESSM propose des formations adaptées à partir de 8 ans. Voir par exemple le site de l’ARDEPE (Association pour la Recherche, le Développement et l’Enseignement de la Plongée aux Enfants -attention c’est un site web 1.0, assez violent au niveau graphique). PADI propose même des activités à partir de 5 ans (utilisation d’un scaphandre en surface).

A vos palmes !

Photo : la poule plongeuse

La plupart des bébés

mercredi, mai 26th, 2010

evian-bebe-5 Dans un monde où une part grandissante des jeunes parents n’ont jamais vu un bébé de près avant d’avoir le leur, et où la perception du bébé se base surtout sur les pubs, les films et la télé, il me semble utile de faire une petite mise au point sur ce qu’est vraiment un bébé, et en particulier un nouveau-né. Bien sûr il y a une certaine variabilité, ceci ne concerne donc pas « tous les bébés » mais « la plupart des bébés ».

Déjà, la plupart des nouveaux-nés sont moches (sauf les miens bien sûr qui sont magnifiques). Ce n’est pas vraiment qu’ils ne sont pas beaux, mais ils ne ressemblent pas à l’image d’Epinal du bébé. Normal : lorsqu’il y a un accouchement dans un film, le bébé a minimum trois mois (avant cela c’est illégal de les faire travailler). Quant à ceux des pubs (style bébé cadum) ils ont minimum 8-9 mois.

Beaucoup de bébés n’aiment pas les couffins, berceaux, lits, transats et autres indispensables de la puériculture. Ils préfèrent largement être dans les bras de quelqu’un et sont équipés de détecteurs de matelas ultra-sensibles avec alarme à 130 dB. En prime, il faut que ce quelqu’un soit debout et marche, sinon l’alarme se relance. L’image du petit ange qui dort tranquillement dans son petit lit entre deux repas tient plus du phantasme de parent épuisé que d’une représentation crédible du bébé ordinaire.

Et puisqu’on est dans le sommeil, rares sont les bébés qui font leurs nuits à peine rentrés de la maternité, ou à quelques semaines, ou à trois mois, ou à 5 kg, ou …. Et même s’ils les font à un moment donné, profitez du répit car de nombreuses circonstances peuvent changer cet état béni : poussée dentaire, maladie, acquisition d’une étape de développement (comme la marche), changement de l’environnement (déménagement, petit frère, passage de la Lune dans la troisième maison du Bélier…), etc. D’ailleurs tout le monde ne s’accorde pas sur la définition de « faire ses nuits ». Sur le site LLL, on apprend que cela consiste à « dormir jusqu’à cinq heures d’affilée au moins quatre nuits par semaine »*, et que 25 % des enfants d’un an ne remplissent pas ces critères ! Entre cette situation et dormir systématiquement des nuits de douze heures sans interruption, il y a une large palettes de situations où doit se trouver la majorité des bambins (et donc des styles éducatifs très variés).

Quant à l’endormissement seul c’est une compétence qui s’acquiert trèèèès progressivement. Rien que de plus banal qu’un bébé qui ne s’endort qu’au sein/dans les bras/en voiture/en poussette/en porte-bébé (et j’en oublie sûrement) et ce pendant plusieurs mois (« plusieurs » pouvant être supérieur à douze…). A propos de l’endormissement au sein voir l’avis du Dr Jack Newman (point n°9).

D’ailleurs beaucoup de bébés aiment téter. Les premiers mois, c’est d’ailleurs leur principale source de plaisir et de réconfort. Bien sûr ils aiment aussi être dans les bras (et le contact leur est aussi vital que le lait) mais le besoin de succion ne peut pas être comblé par un câlin. Or il n’y a pas trente-six façons de satisfaire ce besoin de succion, d’autant plus qu’il est extrêmement rare qu’un nouveau-né sache téter ses doigts de façon satisfaisante : le sein, le petit doigt d’un des parents ou la tétine. Ainsi, dans le monde 8 bébés sur 10 sucent leur pouce et 50 à 80% des bébés occidentaux entre un et six mois ont une tétine. Donc pour la plupart des bébés cela se traduit par passer beaucoup de temps au sein (rien à voir avec les quinze minutes toutes les trois heures qu’on préconise encore dans certaines maternités) et/ou par avoir une tétine (même si les parents s’étaient jurés -avant la naissance- que cet instrument de Satan n’entrerait pas dans leur foyer). Et ils sont aussi nombreux à avoir besoin de téter pour s’endormir, que ce soit le sein, le pouce, la tétine ou autre chose.

Mais quand on a le nez dans le guidon et qu’on dort par tranches de 2-3 heures depuis des semaines, on oublie que les enfants changent. Vite. Radicalement. Leur échelle de temps n’est pas la même que la nôtre : un mois pour un nouveau-né, c’est énorme. Inutile de paniquer s’il ne fait pas ses siestes dans son lit alors qu’il doit aller chez la nounou dans quelques semaines, il aura tellement changé d’ici-là. Et s’il ne les fait toujours pas le jour J, il s’adaptera (avec l’aide de la nounou, qui est payée pour ça). Pensez que cet adorable boutchou qui s’abandonne au sommeil dans vos bras sera un jour un ado boutonneux aux cheveux gras qui vous ignorera à la sortie du collège. Il est parfois plus simple d’accepter que la situation, bien que difficile, est normale et finira par passer que d’essayer par tous les moyens de la faire évoluer. Et en attendant il y a quand même des trucs pour se faciliter la vie : un bon porte-bébé pour l’enfant qui ne veut pas faire de sieste dans son lit par exemple.

Votre enfant ne fait rien de tout ça ? Alors profitez-en et ne pavoisez pas trop auprès de vos congénères qui ont des cernes jusqu’au menton, vous n’y êtes probablement pas pour grand chose (certains le découvrent quand ils ont ensuite un autre enfant qui correspond plus au profil type…). Et si vous le reconnaissez dans tout ou partie de cette description, dites-vous bien que tout cela n’a rien d’anormal et n’est pas de votre faute. Vous n’avez pas raté un truc, vous n’êtes pas des parents incompétents. Ceux qui vous prétendent le contraire n’ont jamais vécu avec un bébé ou sont sous le coup de la fameuse amnésie parentale. A ma connaissance il n’y a AUCUNE recette miracle pour modifier totalement et durablement ces comportements. Bien sûr chaque famille a sa petite cuisine, ses petits trucs qui facilitent la vie, qui permettent parfois d’accélérer des transitions quand la situation devient trop difficile mais ce ne sont jamais des panacées universelles. Enfin si vous n’avez pas encore d’enfant (ou si vous êtes enceinte), attendez-vous à tout cela et pire encore, et vous ne pourrez avoir qu’une bonne surprise.

Enfin que ceux de mon lectorat pour qui ce billet est un enchaînement de truismes et de lapalissades me pardonnent, mais il me semble que tout ceci n’est pas assez dit. Personnellement j’aurais bien aimé trouver ça dans le Laurence Pernoud que j’ai lu enceinte de Pouss1 . Et vous, il y a d’autres chose que vous auriez aimé qu’on vous dise ?

*pour ma part je considère qu’un enfant fait ses nuits lorsqu’il n’a plus besoin d’intervention extérieure pour se rendormir pendant la nuit.

Photo : en général les bébés ne font pas de roller, mais vous le saviez peut-être ?