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EFSA et BPA

vendredi, juillet 25th, 2008

 Il y a quelques mois, le tocsin sonnait chez les cyber-mamans pour annoncer un haro généralisé sur un composé chimique : le Bisphénol-A, ou BPA pour les connaisseurs. Cette molécule, qu’on retrouve dans certains plastiques (et notamment à l’intérieur des canettes), avait le mauvais goût d’être présente dans la grande majorité des biberons en plastique. Les Canadiens ont lancé la charge (voir ici et ), tandis qu’un nouveau marché s’ouvrait. Il est clair que tous les grands scandales sanitaires des dernières décennies (nuage de Tchernobyl s’arrêtant aux frontières, sang contaminé, amiante, vache folle et j’en passe) ont rendu le public assez chatouilleux sur ce genre de question. L’émoi général à l’idée d’empoisonner nos enfants a donc conduit les autorités sanitaires des pays occidentaux à se saisir au plus vite de la question.

En Union européenne, ce rôle est dévolu à l’Autorité européenne de sécurité alimentaire, ou European food safety authority : l’EFSA. C’est une agence communautaire que je connais bien par mon travail. Tout comme l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) en France, son rôle est de produire des évaluations scientifiques rigoureuses de tous les problèmes et questions liés à la sécurité sanitaire. Ces agences émettent alors des avis, à destination notamment des gestionnaires (le ministère ou la commission, selon l’échelle où on se place), qui prendront alors les décisions législatives, notamment pour autoriser ou pas tel ou tel produit. Leur fonctionnement s’appuie entre autres sur des panels d’experts, qui sont pour la plupart des scientifiques de renom, dont les conflits d’intérêt doivent être rigoureusement examinés par l’agence. Dans le cas du BPA, c’est le panel on Food contact materials, enzymes, flavourings and processing aids (panel CEF pour les intimes) qui s’est chargé d’examiner l’ensemble des données disponibles, et notamment les nouvelles études qui avaient alarmé nos amis d’outre-Atlantique.

D’abord une petite explication sur la façon dont on procède pour évaluer le risque lié à un produit chimique. On commence par le tester sur de pauvres animaux, qui doivent en manger, en respirer, en toucher, soit des quantités énormes en peu de temps, soit des quantités plus modérées sur plus longtemps. On observe alors les effets produits par le produit et on quantifie la dose à partir de laquelle ils surviennent. C’est la toxicité du produit. Pour le BPA, l’EFSA (ainsi que sa jumelle étatsunienne) conclue ainsi qu’on peut en avaler 0.05 mg/kg de poids corporel par jour sans qu’aucun effet ne soit observé. Cette valeur est appelée TDI, comme tolerable daily intake, ou dose journalière tolérable. C’est en fait la dose à laquelle aucun effet n’a été observé chez l’animal, mais divisée par 100 pour plus de précaution.

Ceci étant posé, il faut ensuite déterminer à quelle quantité on risque effectivement d’ingérer : par exemple l’eau de Javel est très toxique, mais il y a peu de chance que quelqu’un siffle le bidon (d’autant plus qu’il y a des avertissements sur l’étiquette et un bouchon anti-petites mains) donc au final le risque est faible, et c’est pour ça qu’on en trouve dans tous les supermarchés. Pour les produits alimentaires, il existe des modèles scientifiques pointus, basés sur des enquêtes auprès des gens pour savoir ce qu’ils mangent et en quelles quantités. Les particularités des uns et des autres sont prises en compte (végétariens, jeunes enfants, bébés, etc). Ces modèles permettent donc d’établir la quantité qui risque d’être effectivement avalée, c’est-à-dire l’exposition. Enfin, on compare la toxicité à l’exposition pour voir si une ou plusieurs catégories de consommateurs courront un risque lié à l’ingestion du produit.

Alors que nous dit l’EFSA ? Le panel CEF observe que le BPA est très rapidement métabolisé et excrété chez l’homme (y compris le nouveau-né), et ce beaucoup plus vite que chez les animaux de laboratoire, en l’occurrence les rongeurs (probablement des rats) sur lesquels les tests ont été effectués. En outre, les dernières études y sont qualifiées de « limitées en rigueur, en cohérence et peu plausibles au niveau biologique ». Le panel précise que cette conclusion est partagée par ses homologues étatsuniens, norvégiens (rappelons qu’il ne font pas partie de l’UE) et canadiens, ainsi que par un institut du Joint Research Centre de la Commission européenne. Pour l’EFSA, il n’y a donc pas lieu de revoir la TDI (la dose journalière tolérable), et de conduire une nouvelle évaluation du risque. Les Canadiens eux appellent les parents à la prudence sans toutefois aller jusqu’à l’interdiction.

Alors que faire dans ce flot d’informations contradictoires ? Le BPA est libéré par le plastique quand on y verse de l’eau bouillante. Si vous chauffez peu ou pas vos biberons, cela diminue d’autant l’exposition du poussin. Et si vous êtes vraiment préoccupés, achetez des biberons en verre (moi avec mes deux mains gauches ça me semble plus dangereux que le BPA mais ce n’est pas forcément le cas de tout le monde). Il existe aussi des biberons en plastique sans BPA (si les vôtres ne se signalent pas clairement comme tels, c’est a priori qu’ils en contiennent). Il y a enfin l’allaitement long et exclusif, bien sûr, mais même les mamans allaitantes apprécient de se faire remplacer par un bib de temps à autre. Moi je reste avec mes biberons non chauffés de la célèbre marque dont le nom rappelle les calendriers pour attendre Noël, garantis avec du BPA dedans.

Pour en savoir plus : un ensemble de questions/réponses très complet préparé par les autorités canadiennes.

(Photo Flickr -parce que ça manquait un peu de petits chatons par ici)

La listériose

mercredi, juillet 23rd, 2008

 On en parlait ce matin aux infos, alors j’en profite pour faire un petit point sur le sujet, d’autant plus que je constate que la plupart des femmes enceintes que je connais n’a que des idées très vagues sur le sujet.

La listériose est une infection provoquée par la bactérie Listeria monocytogenes (d’où son nom, pas très originaux ces scientifiques). La maladie est bénine chez les personnes en bonne santé (quelque chose entre pas de symptôme et une grippe) mais peut avoir des conséquences dramatiques pour une femme enceinte, ou plus exactement pour son bébé. L’infection peut en effet entraîner une fausse couche ou un accouchement prématuré, avec un bébé souvent mort-né ou gravement malade. C’est pourquoi on recommande aux femmes enceintes de consulter immédiatement en cas de fièvre supérieure à 38.5°C, puisque c’est un des symptômes de cette infection (mais de beaucoup d’autres aussi, ne voyez pas déjà le pire si le thermomètre s’affole). Une antibiothérapie est alors mise en place, mais il est difficile de trouver des chiffres sur le succès du traitement. Contrairement à la toxoplasmose ou à la rubéole (autres infections craintes par le gros bidon), on ne peut être ni immunisé ni vacciné.

Le meilleur traitement est donc la prévention, puisque la principale voie de contamination est l’alimentation.  Je vous livre telles quelles les recommandations de l’Institut de veille sanitaire (InVS) :

1- Listeria monocytogenes résiste au froid mais est sensible à la chaleur. Or parmi les aliments les plus fréquemment contaminés par L.m., certains sont consommés sans cuisson.

La consommation de ces aliments à risque en l’état doit être évitée :
   – éviter de consommer des fromages au lait cru (ainsi que le fromage vendu râpé) ;
   – éviter la consommation de poissons fumés, de coquillages crus, de surimi, de tarama, etc.
   – éviter de consommer crues des graines germées telles que les graines de soja

L.m peut également contaminer, lors de leur fabrication, des produits qui subissent une cuisson au cours de leur préparation mais sont ensuite consommés en l’état. Si la contamination de ces produits intervient après l’étape de cuisson, ces produits présentent le même risque que des produits crus
contaminés.

Il s’agit pour l’essentiel de produits de charcuterie :
   – éviter les produits de charcuterie cuite tels que les rillettes, pâtés, foie gras, produits en gelée, etc.
   – pour les produits de charcuterie type jambon, préférer les produits préemballés qui présentent moins de risque d’être contaminés.

Note de la PP : On voit donc que la congélation ne débarrasse pas de la bactérie (qui comme la plupart de ses congénères résiste sans problème à des températures de -80°C).  On voit aussi que les aliments incriminés ne posent plus de problème s’ils sont cuits : non au saumon fumé sur son blini, oui à la quiche saumon fumé-épinard, non au toast de foie gras, oui à la poularde farcie au foie gras. Et si vous avez des envies irrépressibles de jambon, saucisson et autres, prenez les aliments industriels emballés qui sont stérilisés par irradiation plutôt qu’à la coupe chez le boucher du coin. Pour info, la charcuterie Monop est de très bonne qualité (et je suis TRES difficile en jambons).

2- Listeria monocytogenes est ubiquitaire, les aliments sont contaminés par contact avec l’environnement :
   – enlever la croûte des fromages ;
   – laver soigneusement les légumes crus et les herbes aromatiques ;
   – cuire les aliments crus d’origine animale (viande, poissons, charcuterie crue telle que les lardons).

Ces mesures sont suffisantes pour éliminer les germes qui se trouvent en plus grande quantité en surface de ces aliments. Les steaks hachés, qui sont des aliments reconstitués (et pour lesquels cette notion de contamination en surface ne peut être retenue), doivent impérativement être cuits à coeur.

Note de la PP : dommage pour le steack tartare aller-retour et les sushis.

3- Afin d’éviter des contaminations croisées (d’un aliment à l’autre) :
   – conserver les aliments crus (viande, légumes, etc.) séparément des aliments cuits ou prêts à être consommés ;
   – après la manipulation d’aliments non cuits, se laver les mains et nettoyer les ustensiles de cuisine qui ont été en contact avec ces aliments.

Note de la PP : Donc on coupe les carottes pour l’entrée avant de débiter ses escalopes de poulet crues si on ne veut pas laver la planche entre les deux.

4- Les règles habituelles d’hygiène doivent également être respectées :
   – les restes alimentaires et les plats cuisinés doivent être réchauffés soigneusement avant consommation immédiate ;
   – nettoyer fréquemment et désinfecter ensuite avec de l’eau javellisée son réfrigérateur ;
   – s’assurer que la température du réfrigérateur est suffisamment basse (4°C) ;
   – respecter les dates limites de consommation.

Note de la PP : A la télé, la dame de l’InVS (qui est ma copine !) a notamment expliqué qu’une fois ouverts il fallait rapidement consommer les aliments (dans les 2-3 jours). Et -faut-il le rappeler ?- on consomme rapidement un produit décongelé et on ne le recongèle pas (sauf s’il a été cuit entre temps ; ex : vous utilisez des oignons surgelés dans votre tagine, vous pouvez quand même congeler le reste de tagine, surtout après deux heures de cuisson) !

Je précise aussi qu’à mon avis ce sont ces recommandations-là qui font autorité. La connaissance des contaminations alimentaires n’est pas vraiment le boulot des sages-femmes et gynécologues, c’est celui d’agences comme l’InVS ou l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments). L’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), qui est chargé de la communication vers le grand public, propose un certain nombre de brochures très bien faites (plus que les deux autres, qui sont moins accessibles je trouve) sur tous les sujets de santé (alimentation, alcool, dépression, SIDA, etc). Si vous avez un doute sur un aliment, c’est à mon avis vers ces instituts qu’il faut se tourner. Par contre, si vous craignez qu’il ne soit trop tard, c’est bien sûr le médecin ou la sage-femme qui vous suit qu’il faut consulter.

Si vous suivez à la lettre ces recommandations, vous risquez de vous attirer l’incrédulité, voire les moqueries de votre entourage (surtout la génération précédente chez qui ce discours de prévention était totalement absent). Il faut savoir que la listériose est un problème relativement récent qui n’existe que dans les pays industrialisés. On compte quelques centaines de cas par an en France, ce qui est évidemment très peu (même s’il y a probablement des cas non recensés car passant pour une simple crève). Dans ce contexte, certaines femmes trouvent que le risque est trop faible pour se priver de toutes ces bonnes choses, d’autant que leurs mère et/ou belle-mère leur répètent à l’envi qu’elles ont bien mangé et bu tout ce qu’elles voulaient et que leurs enfants se portent comme des charmes (ce qui n’est évidemment pas un raisonnement acceptable, l’absence de preuve n’étant pas la preuve de l’absence). Il est vrai qu’on a probablement plus de « chances » de se prendre une voiture en traversant la rue que d’attrapper la listériose en craquant sur un camembert coulant ou un plateau de sushis. Mais l’exposition à cette maladie est un risque relativement facile à maîtriser (dit celle qui a failli pleurer à une soirée où il n’y avait que des poissons crus, marinés ou en rillettes -dont elle rêvait pour apaiser ses nausées- et qui n’a mangé que des blinis). Quoi qu’il en soit, c’est comme toujours au gros bidon de peser le pour et le contre avant de se jeter sur le saumon fumé (ou de passer Noël aux carottes râpées -bien rincées, attention !), mais au moins avec les recommandations à jour : pas très logique de se priver de camembert si on se gave de foie gras à côté. Un de ces quatre il faudra que je vous parle toxoplasmose aussi (mais ça m’a semblé moins urgent car celles qui sont immunisées ne sont pas concernées).

Et si vous voulez tout savoir sur Listeria et la listériose, un topo complet est disponible ici (c’est là que j’ai trouvé la jolie photo de la bête).

Stériliser or not stériliser, that is the question

mardi, avril 15th, 2008

Suite à une petite conversation en commentaire avec anne, je suis allée fouiller sur le site de l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), qui a émis un certain nombre de recommandations sur les biberons (préparation, conservation, nettoyage). Celles-ci concernent à la fois les biberons de lait maternel et de lait maternisé, donc peuvent intéresser le plus grand nombre.

On peut trouver le rapport complet ici (116 pages -mais la moitié est une traduction en anglais-, avec certaines parties concernant les crèches et les services pédiatriques, pas passionnantes) et un petit résumé sous forme de questions-réponses (mais moins complet forcément).

Leur conclusion est claire : de façon générale, il n’y a pas lieu de stériliser les biberons. Par contre il faut les laver minutieusement (si au lave-vaisselle, la température doit être d’au moins 65°C), et les faire sécher à l’air libre (jamais au torchon). Si on ne peut pas les faire sécher, il faut les laisser au frigo. Et bien sûr toujours se laver les mains avant de préparer un biberon.

Pour utiliser un tire-lait, il faut le laver d’abord à la main puis éventuellement au lave-vaisselle. Il est recommandé de passer à l’eau bouillante (pas l’eau chaude du robinet qui est un nid à microbes) la téterelle et le flacon de recueil, et de les laisser refroidir à sec. Ne pas utiliser de stérilisation chimique à froid (pourquoi, mystère). Par contre le récipient de conservation n’a pas besoin d’être stérile du moment qu’il est bien propre (comme expliqué plus haut). Là je ne comprends pas trop pourquoi il faut ébouillanter le flacon de recueil mais pas celui de conservation. Si quelqu’un a une explication… Sans compter que s’il faut faire bouillir son tire-lait au boulot, on est mal barrées.

D’après le rapport, les stérilisateurs vendus dans le commerce ne remplissent par ailleurs pas les normes actuelles pour être qualifiés de procédés de stérilisation (ce qui ne veut pas dire qu’ils soient totalement inefficaces non plus).

Conservation du lait maternel : 4 h à température ambiante, 48 h au frigo, 4 mois au congélateur.

Conservation du lait maternisé : 1 h à température ambiante, 30 h au frigo.

Dans tous les cas, il faut le mettre au frais le plus vite possible. Si on veut remplir un biberon par étapes (par exemple avec la coquille recueil lait -totalement ignorée par le document, dommage), il faut refroidir le nouvel apport de lait avant de le mélanger au reste (qui est bien sûr déjà au frigo). Et attendre que le biberon soit totalement rempli pour le congeler. Apparemment les bacs à glaçon pour la surgélation ne font pas partie des contenants recommandés (flacons/biberons en polypropylène, polycarbonate ou verre), même s’il peut être bien pratique.

A noter que l’eau utilisée pour les biberons ne doit pas venir d’un dispositif de filtration (type carafe Brita par exemple), qui auraient tendance à accumuler les bactéries. Et l’eau embouteillée doit être (une fois ouverte) conservée au frigo, et pas plus de 24 heures (ha, ha, ha). Sachant qu’il ne faut pas chauffer les biberons au micro-ondes (hi, hi, hi).

Notez que l’Afssa ne recommande pas en général de chauffer les biberons ; nous avons d’ailleurs vite proposé cela au poussin qui heureusement a été d’accord : c’est vraiment beaucoup plus pratique (surtout en déplacement).

Que faire de toutes ces recommandations ? A mon humble avis, s’en inspirer au quotidien, mais rester cool, surtout quand le poussin commence à utiliser ses petites menottes pour porter tout ce qui passe à sa jolie petite bouche édentée… Quelle est l’utilité de donner des biberons stériles alors qu’il est en train de mâchonner votre chaussure qui sort du métro ?