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Dites-le aux femmes enceintes

samedi, octobre 8th, 2011


Marie-Hélène Demey a longtemps enseigné le yoga aux femmes enceintes, y compris à moi lors de ma première grossesse. Ces séances étaient tout à fait remarquables, proposant à la fois un temps de parole et d’échanges et un enchaînement de postures simples, qui ont été pour moi un remarquable traitement de beaucoup des petits maux de la grossesse. L’ouverture et la tolérance étaient également de mise, avec un grand respect pour les choix de chacune. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai accueilli son livre, qu’elle a eu la grande gentillesse de m’offrir.

Marie-Hélène récapitule dans cet ouvrage toute la sagesse ainsi accumulée, pour mieux vivre tant la grossesse que l’accouchement, à la fois sur le plan physique et psychologique. Elle s’intéresse aussi bien aux questions très concrètes, de l’explication des examens médicaux aux positions pour dormir, qu’au cheminement psychologique pour devenir parent. Son propos est émaillé par de nombreux témoignages des femmes (et hommes!) qu’elle a accompagnées. Point positif non négligeable : j’aime beaucoup les photos d’illustration, qui évitent à la fois le mannequin taille 36 avec un faux ventre et un sourire parfait et la vraie femme enceinte en mode Véronique et Davina comme semble l’affectionner Bernadette de Gasquet (ce qui n’enlève rien à l’intérêt de ses livres…).

Je dirais que c’est un bon compagnon de grossesse, surtout pour une femme qui ne sait pas trop à quoi s’en tenir ; un chouette cadeau pour une copine enceinte pour lui donner des infos sans lui faire peur (à l’inverse par exemple je n’offrirais pas Jaccouche bientôt et j’ai peur de la douleur à une amie qui n’a pas exprimé clairement un intérêt pour une naissance sans péridurale). L’équilibre est en effet bien délicat, entre vouloir donner toutes les cartes, éviter de plaquer ses propres envies et regrets sur la situation d’une autre, bref informer sans culpabiliser, ce n’est pas une mince affaire !

C’est un livre qui aide à (re)prendre confiance en soi et en ses capacités de mère. Il permet de faire le plein de sérénité et encourage les femmes à prendre en main et à vivre pleinement ces périodes si particulières de la grossesse, de l’accouchement et des jours qui suivent. Enfin pour celles que cela intéresse, sachez que même si Marie-Hélène est à la retraite, des séances extrêmement fidèles à celles qu’elle avait développées existent toujours à Soleil d’Or (Paris XIVème), ainsi qu’à Accueil Naissance (Paris XIIIème). Je sais, je les ai testées pour ma seconde grossesse.

Je finirai sur une petite citation qui résume parfaitement l’esprit du travail proposé :

Il s’agit d’un accompagnement.

Il permet aux femmes d’accéder en confiance à leurs propres ressources, de s’approprier davantage le moment de la naissance, et d’accueillir plus consciemment l’enfant qui va naître.

La place donnée à la parole et le travail corporel régulier sont les supports d’un cheminement de chacune au milieu des autres, tant sur le plan physique que sur le plan psychique.

Bien-être, autonomie et sérénité en seront les bienfaits.

Ce billet espère participer aux Vendredis Intellos, en espérant que Mme Déjantée ne me tiendra pas trop rigueur du fait qu’il ait été publié un samedi…



I have a dream

mercredi, décembre 8th, 2010

sagefemme E-zabel témoignait l’autre jour sur son blog de son expérience du baby blues et de la dépression du post-partum. Il est évidemment crucial d’informer les femmes de la possibilité de l’un comme de l’autre afin de les préparer au mieux à les affronter le cas échéant ; un tel billet est un formidable moyen de communiquer sur cela et je ne vais pas ici le décrire. Ce qui m’interroge, c’est la part de responsabilité de l’entourage de la jeune mère dans ces cas. En effet, autant il est important de savoir qu’il y a des processus hormonaux qui peuvent influencer l’humeur et le comportement, de façon parfois très forte, autant je trouve que les hormones ont parfois bon dos. Une jeune femme qui pleure à la maternité ? C’est les hormones, c’est le baby blues ! Êtes-vous sûr que ça n’a rien à voir avec le fait que depuis 6 heures du matin un(e) parfait(e) inconnu(e) entre dans sa chambre toutes les demi-heures environ pour des choses aussi urgentes que la prise de température ou une photographie de son bébé ? Alors que son bébé venait enfin de s’endormir du sommeil du juste vers 5h53 ? Ou encore cette vague impression d’avoir Hiroshima entre les jambes grâce au duo gagnant forceps/épisio ? Le fait qu’il faille rendre des comptes précis sur la quantité de lait ingérée (à la goutte près) et de selles produites (description quantitative et qualitative) sur les dernières 24 heures, qui conduit généralement les mères inexpérimentées à culpabiliser d’avoir oublié si bébé a tété 12 ou 17 minutes le sein gauche à 3h54 du matin et celles qui ont plus de bouteille à mentir ? Qu’on suggère insidieusement qu’elle affame son bébé si elle l’allaite et qu’elle l’empoisonne si elle le biberonne ? Qu’elle rentre chez elle pour trouver un bazar sans nom et ne peut compter que sur elle-même pour assurer un semblant d’ordre au foyer (heureusement ceci est de moins en moins fréquent, n’est-ce pas Messieurs ?) ? Vous devez commencer à voir où je veux en venir ?

Je ne suis pas professionnelle de santé, je ne suis pas psychologue, je ne suis pas dans une association, je n’ai même pas eu de baby blues, ce qui vous donne une idée de ma légitimité sur la question, mais je voudrais partager et discuter ici quelques idées avec vous, pour mieux entourer les femmes autour de la naissance et ainsi limiter et prévenir tant baby blues que dépression du post partum.

A mon avis, une des clés de la prévention c’est la sage-femme. Pas n’importe quelle sage-femme, ma sage-femme, ta sage-femme, leur sage-femme… En clair : une femme, une sage-femme. C’est ce que j’ai eu pour la grossesse, la naissance et les suites de couches de Pouss2 et c’est tellement logique. L’accompagnement global n’implique absolument pas d’accoucher chez soi sur une peau de mouton en brûlant de l’encens et en priant mère Gaïa d’épargner son bébé. On peut avoir une péridurale, une césarienne, passer une semaine à la maternité… tout est possible en fonction des besoins et envies de la femme et de son enfant ! Bien sûr le fait que ce soit cette sage-femme qui soit présente à l’accouchement, pendant toute sa durée, et exclusivement auprès de cette femme, peut poser des problèmes d’organisation (même si les sages-femmes en accompagnement global s’y engagent), qui pourraient être résolus en créant des petites équipes (deux à cinq sages-femmes par exemple dont il y a toujours une de garde ou d’astreinte), de telle façon à ce que la femme en travail et la sage-femme qui l’accompagne se connaissent. Pour moi, bien plus qu’une batterie d’examens, c’est là la vraie sécurité médicale autour de l’accouchement. Ce n’est pas une démédicalisation de la naissance que je souhaite, c’est une autre médicalisation. La sage-femme est compétente pour déceler toute pathologie et y répondre, que ce soit en pratiquant les premiers gestes (réanimation du bébé, délivrance artificielle, prescription de médicaments, etc) ou en passant le relai au médecin. Et ce dernier cas ne veut pas dire que la sage-femme ne peut pas garder sa place auprès des parents, afin d’assurer cette continuité si précieuse, qui lui permettra aussi de déceler les premiers signes d’une pathologie.

Je vais caricaturer*, mais à votre avis qui est plus à même de détecter une dépression du post-partum ? Le gynéco que vous voyez un quart d’heure dont la moitié les jambes en l’air ou la sage-femme qui vous reçoit trois quarts d’heure à parler de votre grossesse et de votre accouchement ? Et lors d’un accouchement, qui voit en premier que quelque chose ne va pas : la sage-femme qui court entre plusieurs femmes en travail en surveillant des monitorings continus (dont l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé reconnaît d’ailleurs qu’ils n’ont pas de meilleurs résultats qu’une écoute discontinue tout en entraînant plus d’interventions comme les césariennes) ? ou celle qui est auprès de la parturiente, qu’elle a appris à connaître au cours des derniers mois, et qui verra tout de suite une pâleur, un tremblement ou tout autre signe subtil potentiellement annonciateur d’un problème** et déclenchera immédiatement les tests médicaux ad hoc pour confirmer ou infirmer cette suspicion ? A qui la femme aura-t-elle plus de facilités à dire son ressenti, à confier une intuition que quelque chose ne va pas pendant l’accouchement, à avouer ses faiblesses, son découragement, ses difficultés après la naissance? Quelqu’un qu’elle a vu trois fois entre deux portes ou quelqu’un avec qui elle a noué une vraie relation de confiance ?

Il a été établi à de nombreuses reprises l’importance des processus psychologiques pendant la grossesse (certains hélas poussant le raisonnement un peu trop loin et incriminant la mère pour absolument tout et n’importe quel problème, ce qui en plus de ne pas être basé sur grand chose d’autre que leur pifomètre est hyper culpabilisant pour les femmes qui n’y peuvent pas grand chose). Alors pourquoi ne pas s’appuyer beaucoup plus largement sur les sages-femmes, qui ont la double compétence d’accompagnement humain ET médical ? Pourquoi ne pas leur permettre ainsi d’exercer pleinement leur profession, en respectant les besoins psychologiques de la mère tout en garantissant sa sécurité physique et celle de son bébé ?

En pratique, cela ne veut pas du tout dire que tout le monde doit accoucher de la même façon, mais simplement pouvoir trouver la sage-femme (ou la petite équipe) avec qui vivre sa grossesse, son accouchement et les suites, à la maternité, à la maison ou en maison de naissance, en fonction des souhaits des parents et des impératifs liés à d’éventuelles pathologies. Les sages-femmes hospitalières pourraient voir le mode d’organisation refondé pour travailler en ce sens, quant aux sages-femmes libérales une plus grande place pourrait leur être accordée, tant dans les maternités (avec l’ouverture plus généralisés des plateaux techniques, permettant aux femmes d’accoucher à la maternité mais en n’étant accompagnée que par la sage-femme libérale, comme je l’ai fait pour Pouss2) qu’à domicile et dans les (futures) maisons de naissance. A mon avis cela serait une belle piste pour s’assurer que chaque femme a les soins dont elle a réellement besoin : ni trop, ni trop peu ; un suivi sur mesure plutôt que des protocoles rigides et pas toujours efficaces.

Concrètement, si vous êtes enceinte ou si vous souhaitez une grossesse, je ne peux que vous encouragez à chercher une sage-femme, qui deviendra votre sage-femme. Dans l’état actuel du système français, c’est souvent plus simple de chercher une sage-femme libérale, qui aura généralement plus de temps à accorder en consultation (la mienne prévoyait 40-45 minutes par consultation pré-natale, ce qui se traduisait généralement par une heure !) et qui pourra venir vous voir à la maison après la naissance (et pourquoi pas à la maternité aussi, même si ce n’est pas vraiment dans nos mœurs ?). Malheureusement, elle ne pourra que rarement vous accompagner pendant la naissance, mais si cette possibilité vous intéresse cela vaut vraiment le coup de chercher. Elle peut en tout cas dès le début de la grossesse faire le point avec vous sur ce que vous souhaitez pour votre accouchement et vous aider à choisir une maternité dans votre coin en fonction de cela. Bien sûr, si vous n’accrochez pas, n’hésitez pas à changer, je crois vraiment que le facteur humain est capital dans cette relation. N’hésitez pas à faire cette démarche, même si vous êtes dans un cas particulier (jumeaux par exemple) ou pathologique (menace d’accouchement prématuré, suspicion de malformation, etc). Pour trouver une sage-femme, outre le bouche à oreille, vous pouvez consulter les pages jaunes, l’annuaire de l’ANSFL et celui du site Périnatalité (qui est d’ailleurs plein d’infos intéressantes). Au niveau financier, les consultations sage-femme sont remboursées par la sécurité sociale ; certaines pratiquent des dépassements d’honoraires (remboursables par les mutuelles en fonction de votre couverture) mais pas toutes.

Voici enfin quelques articles du blog autour de ce sujet :

Une femme, sa sage-femme : ce n’est peut-être qu’un rêve, mais je crois qu’il est à notre portée. Et vous ?

*Ces questions un peu provocatrices ne visent pas à remettre en question les personnes et leurs compétences mais plutôt l’organisation de notre système de soins

**Dans Au monde (dont vous trouverez une fiche de lecture ici), Chantal Birman raconte qu’elle a repéré une détresse fœtale qui n’était pas visible par les examens classiques par le rire inhabituel de la mère.

Photo : affiche trouvée sur le site de l’Association Corporative des Etudiants Sages-femmes

Au monde

dimanche, avril 11th, 2010

aumonde Sur les conseils de Ficelle, j’ai acheté (pas cher, il existe en poche) et lu Au monde, ce qu’accoucher veut dire de Chantal Birman. L’auteur est sage-femme depuis les années 70 et nous parle de sa pratique, de son cheminement et des implications de ce qu’elle a vécu et observé pour la société en général et pour les femmes en particuliers. A vrai dire, je le rebaptiserais bien Ce qu’être sage-femme veut dire, car ce livre est extrêmement instructif sur ce métier, souvent mal connu. Sa réflexion sur la place des sages-femmes au sein du corps médical, avec une perspective historique remontant au Moyen Age, et sur ce que cela implique pour les femmes et leur statut dans la société est passionnante. Quand on lit que pour un chef de service particulièrement gratiné la sage-femme est « ce truc en rose avec un seul neurone », c’est assez révélateur de la considération sociale pour une profession aussi complexe, essentielle et à haute responsabilité qui a simplement la particularité d’être à une écrasante majorité féminine. Si on ajoute que les sages-femmes ont pour mission de s’occuper des femmes et des bébés, cela en dit long sur la place et le statut que la société accorde à ces derniers. Il est particulièrement intéressant (et choquant !) de constater que si les sages-femmes ont en pratique de lourdes responsabilités médicales, y compris devant les tribunaux, elles n’ont pas ni la reconnaissance ni l’autonomie qui devrait aller avec. Ainsi, ce sont les sages-femmes qui pratiquent les interruptions médicales de grossesse (IMG) mais elles n’ont pas le droit de les prescrire. L’actualité récente a d’ailleurs montré un nouvel exemple : il était question de donner la compétence aux sages-femmes pour prescrire et poser la contraception des femmes à tout moment (et plus seulement pour la seule période du post partum), et cela a finalement été refusé par l’Assemblée nationale.

Chantal Birman est une féministe militante et pointe le doigt sur un certain nombre de difficultés et d’injustices faites aux femmes. Son combat pour le maintien du droit à l’IVG prend tout son sens lorsqu’elle raconte ses toutes premières gardes à l’époque où l’avortement était un crime pouvant conduire à la peine capitale, et où il était obtenu en provoquant une infection de l’utérus, qui s’avérait régulièrement fatale. Il est aussi intéressant d’apprendre que de nombreuses femmes, ambigües par rapport à leur grossesse, avortent parce que le père refuse l’enfant ; et c’est finalement la femme qui en porte la culpabilité. Une large part du livre est aussi consacrée à la maltraitance des femmes, que ce soit par les coups, les brimades, le viol ou encore l’inceste, et aux répercussions que cela entraîne sur leur maternité.

Le livre s’intéresse aussi à l’évolution des pratiques obstétricales : par exemple tout en expliquant comme la péridurale est indispensable et a apporté une réponse à certains accouchements difficiles, Chantal Birman déplore sa généralisation comme palliatif au manque de sages-femmes, qui peuvent ainsi surveiller toujours plus d’accouchements simultanément, au détriment de l’accompagnement humain pourtant irremplaçable. Pour elle, les femmes ont de moins en moins le choix d’accoucher sans péridurale ; et cette médicalisation accrue couplée à une pénurie de personnel médical n’est pas positive pour leur sécurité.

La liste des réflexions et constats de ce livre qui se lit tout seul est longue et je ne me vois pas en reproduire ici l’exhaustivité mais j’ai trouvé cette lecture passionnante et très enrichissante. Et je ne parle pas des nombreux récits de naissance et d’accompagnement des femmes enceintes qui l’émaillent. Ce n’est clairement pas un guide grossesse/naissance, mais plutôt l’occasion de réfléchir aux tenants et aux aboutissants de la maternité pour les femmes : on peut le lire enceinte, pas enceinte, mère, pas mère, père, pas père et en tout cas ça change du discours lénifiant et infantilisant souvent dispensé aux femmes enceintes. On n’est pas obligé d’être d’accord avec tout (je ne suis pas très à l’aise avec l’idée développée que les « petits » maux de la grossesse et des règles soient un prix que les femmes décident inconsciemment de payer pour avoir le droit d’être mères) pour apprécier les analyses proposées et s’intéresser aux problèmes soulevés. Et franchement ça relève un peu le niveau après les débats récents sur les petits pots ou les couches lavables…

There will be blood

samedi, mars 6th, 2010

Eric-true-blood-7701652-864-1296 Attention : billet anti-glamour. On a déjà évoqué ici ou la question des saignements autour de la grossesse mais je me disais qu’un petit récapitulatif sur la question pourrait intéresser les poules de la basse-cour.

Pendant la grossesse, en théorie, on ne saigne pas du tout. On parle d’ailleurs d’aménorrhée (absence de règles), qui est un des principaux signes précoces de la grossesse. Cependant, comme toujours la théorie et la pratique sont deux choses séparées et on peut avoir des « règles anniversaires » en début de grossesse, sans que ce soit inquiétant. Il arrive également que la nidation s’accompagne de petits saignements. Ensuite, un col un peu sensible peut saigner un peu après un examen, voire spontanément en fin de grossesse (notamment lorsqu’il y a des contractions). Tant que cela reste ponctuel, peu abondant et que le sang est frais (bien rouge), sans autre signe d’alerte (pertes vaginales inhabituelles, température etc), ce n’est pas un motif d’inquiétude non plus (bien sûr si vous êtes quand même inquiète il ne faut pas hésiter à consulter). Le bouchon muqueux peut aussi être accompagné d’un peu de sang lorsqu’on le perd.

Au moment de l’accouchement, là encore les contractions peuvent provoquer quelques saignements, mais les choses sérieuses ne doivent normalement commencer qu’après la sortie du bébé. Une surveillance rapprochée s’impose alors afin d’éviter l’hémorragie de la délivrance, qui reste une des principales complications de l’accouchement pour la mère (en France première cause de mortalité maternelle). Une fois que le placenta et les membranes amniotiques sont sortis dans leur intégralité, le risque est fortement diminué. La plupart des maternités ont d’ailleurs un protocole de délivrance dirigée, avec injection d’ocytocine artificielle au passage des épaules du bébé et sortie du placenta par traction contrôlée du cordon, ces pratiques ayant montré qu’elles permettaient de réduire le risque d’hémorragie. A noter qu’une tétée précoce peut également provoquer des contractions (les fameuses tranchées qui n’ont pas grand chose à voir avec les poilus de Verdun) et aider la délivrance. On perd environ 250 à 300 ml de sang (à partir de 500 on parle d’hémorragie).

Le post-partum est marqué par des pertes de sang (les lochies) pendant plusieurs semaines. Elles sont généralement très abondantes dans les jours qui suivent l’accouchement puis diminuent rapidement. Vers 12-15 jours arrive le petit retour de couche, qui correspond à la cicatrisation de la zone d’insertion placentaire. Il passe généralement inaperçu puisqu’il est rare de s’arrêter de saigner avant, et les saignements sont peu abondants. Rappelons qu’à cette période les protections périodiques internes (comme la coupe ou les tampons) ne doivent pas être utilisés pour écarter les risques d’infection.

Le retour de couche marque le retour de la fécondité mais attention, comme c’est l’ovulation qui provoque les règles, lorsqu’il arrive c’est généralement qu’on a déjà ovulé. On peut donc tomber enceinte AVANT le retour de couche. Celui-ci arrive six à huit semaines après l’accouchement si on n’allaite pas, et n’importe quand si on allaite. Si on ne souhaite pas tomber enceinte, il faut donc prendre ses précautions à partir de trois semaines après l’accouchement environ. Contrairement à ce qu’on entend parfois, il est possible de se faire poser un stérilet sans avoir eu son retour de couche (le stérilet aux hormones n’est pas contre-indiqué pour l’allaitement), après la visite post-natale des six semaines. Si on allaite on peut recourir à la MAMA (méthode de l’allaitement maternel et de l’aménorrhée), mais attention les conditions sont restrictives :

  • bébé de moins de six mois
  • tétée exclusive au sein et à la demande (pas de biberon, pas de tétine)
  • pas plus de quatre heures entre les tétées
  • pas de retour de couche

(les mauvaises langues diront que le simple respect de ces conditions suffit à remplir la seule méthode de contraception fiable à 100% : l’abstinence)

Et bien sûr il reste la pilule (ou ses dérivés : patch, anneau, implant…) et les méthodes barrière en local (préservatif, diaphragme, spermicides…), sans compter les méthodes d’observation (comme la méthode sympto-thermique, même si j’ai du mal à trouver des infos sur son application pendant cette période particulière). Je réalise qu’on a un peu dérivé du sujet initial mais je trouve qu’on n’en fait jamais trop sur la contraception (cf ici).

Photo : Comment parler de sang sans rendre hommage à Eric, si injustement oublié ici. Et puis c’est la journée des droits de la femme, non ?

Informer sans culpabiliser : est-ce seulement possible ?

lundi, février 1st, 2010

culpabilite La maternité est un puits sans fond de culpabilité. Il est donc crucial que déjà entre mères nous évitions de nous pousser les unes les autres plus profond alors que nous avons déjà tendance à nous y enfoncer toutes seules. Cependant si nous voulons faire des choix éclairés, il faut aussi que nous bénéficions d’informations sur les différentes alternatives dont nous disposons. Pour avoir fréquenté ‘un certain nombre de mères, j’ai vite réalisé que la ligne entre « ne pas culpabiliser » et « donner des informations objectives » est bien étroite et difficile à tenir. Ne pas donner un conseil non sollicité qui risque de faire plus de mal que de bien ? Nier les vérités qui ne nous arrangent pas ?

En préalable, il faut tout de même rappeler que la plupart des sujets qui nous déchirent sont finalement des problèmes de nantis (les fameux MPR : méga problème de riche) : quand certaines affrontent chaque jour l’angoisse de ne pas pouvoir nourrir leur famille, j’en suis à me demander comment agrémenter le persil tubéreux de mon panier bio pour que les hommes consentent à en manger. Alors que des femmes risquent leur vie pour faire naître leur bébé, je suis en panique car je n’ai toujours pas fini mon sac pour la maternité à 40 SA. J’arrête là, vous voyez le tableau.

Je dois aussi ajouter que personnellement, je suis assez mal placée pour juger quiconque. J’ai donné naissance avec et sans péridurale. J’ai été suivie par une gynéco et par une sage-femme. J’ai utilisé des Pampers et des couches lavables. J’ai allaité et donné des biberons (avec BPA). J’ai des portes-bébé et des poussettes (face à la route en plus). J’ai fait des purées et donné des petits pots (même pas bio). J’ai fait du cododo et j’ai laissé pleurer. J’ai fait de l’écoute active et j’ai crié des insanités. J’ai repris à temps plein après le congé maternité et je m’apprête à prendre 6 mois de congé parental total. Comme tout le monde, j’ai mes doutes et mes regrets, mais globalement je suis en paix avec mes choix. Je les assume. Parce qu’à chaque instant, j’ai essayé, en fonction des informations et connaissances dont je disposais, de trouver la meilleure solution, le meilleur compromis pour ma famille. Et je ne crois pas que chacune de ces options font de moi une bonne ou une mauvaise mère. Un bon parent n’est pas pour moi quelqu’un qui aurait validé toutes les cases d’une improbable check list, mais plutôt une personne qui essaie, qui fait de son mieux, qui n’hésite pas à se remettre en question, à voir ce qui se fait, avec comme but ultime de trouver ce qui convient le mieux à toute sa famille (si tant est qu’on puisse vraiment définir le bon parent). La construction physique et mentale d’un enfant est un processus tellement complexe qu’on ne peut attribuer sa réussite ou son échec (sans compter la difficulté pour définir des critères de réussite ou d’échec) à un seul de de ces facteurs.

Comme je lis et me documente pas mal sur tous ces sujets (sans compter quelques cogitations issues de mon neurone unique -dont j’espère qu’il va retrouver quelques copains maintenant que j’ai pondu…), j’essaie de partager les informations, les théories, les résultats scientifiques qui me semblent intéressants et pertinents avec ceux et celles que ça intéresse (et apparemment il y en a si j’en crois les stats du blog et les commentaires enflammés toujours plus nombreux). J’essaie d’être objective, même si bien sûr la nature même du support -un blog dont je suis la poulocrate unique- implique une grande subjectivité : je traite les sujets dont j’ai envie, comme j’en ai envie, sans demander l’avis de personne. Mon but n’est jamais de culpabiliser, même s’il m’arrive d’être involontairement maladroite, et même si je sais combien certains sujets peuvent être douloureux.

Par exemple, je sais maintenant que si j’écris un billet sur l’allaitement, quelles que soient les précautions que je vais prendre, il est quasiment certain qu’il y aura au moins un commentaire d’une mère qui se sentira blessée par le sujet, ou au moins « obligée » de justifier pourquoi elle-même n’a pas allaité. Faut-il pour autant arrêter de parler d’allaitement ? Je pense au contraire que plus on en parlera, plus les femmes seront informées, et moins il y en aura à qui ça restera en travers de la gorge : les femmes pourront faire leur choix en connaissance de cause et auront plus de chances de mener leur projet à bien, ce qui à mon avis les aidera à mieux l’assumer derrière.

Il y a aussi tout le débat autour des conditions d’accouchement et de leurs répercussions physiques et psychologiques sur la mère et l’enfant, qui peut facilement devenir culpabilisateur (ou être ressenti comme tel, ce qui revient au même). Bien sûr que cela n’est qu’un facteur parmi d’autres, mais faut-il pour autant éviter d’en parler ? Se pose finalement la question de l’intérêt commun vs l’intérêt individuel : globalement il est dans l’intérêt de la société d’être composée de gens équilibrés et en bonne santé (ne serait-ce que parce que c’est elle qui paie pour ceux qui ne vont pas bien). Mais l’histoire a montré de nombreuses fois qu’on ne fait pas le bonheur du peuple malgré lui, et cela ne doit pas se faire aux dépens des libertés individuelles. On se trouve donc face à un certain nombre de questions auxquelles je n’ai bien sûr pas de réponse : Comment faire évoluer notre organisation pour encourager les pratiques qui nous semblent les plus bénéfiques ? A quel prix ? Pour quel bénéfice ? Quelles sont les priorités ? Par exemple, faut-il plutôt encourager la confiance en soi des parents et leur sentiment de compétence, au risque d’entretenir des pratiques néfastes ? Ou faut-il privilégier l’information scientifique la plus en pointe sur les pratiques les plus bénéfiques, alors qu’on a l’impression d’avoir déjà prescrit tout et son contraire au fil des années ?

Je ne crois pas qu’on puisse trouver de réponse simple à ces questions (à dire vrai je trouverais même ça inquiétant) mais je voulais partager avec vous ces réflexions qui touchent finalement à la raison d’être de ce blog.

D’autres réflexions qui peuvent vous intéresser :

La naissance de l’Oeuf

vendredi, janvier 22nd, 2010

eclosion Puisque ça semble intéresser la basse-cour, voici plus de détails sur la naissance (la ponte ? l’éclosion ?) de l’Oeuf.

Commençons par le détail des faits, en essayant de rester succincte. Dimanche en fin d’après-midi, j’ai rendez-vous avec la sage-femme pour une énième consultation de dépassement de terme. Elle me propose un décollement des membranes que j’accepte. Je rentre tranquillement à la maison où les contractions s’installent dans la soirée. Vers minuit, ma mère est arrivée pour garder le Poussin et la sage-femme prévenue, nous partons pour la maternité. La salle de pré-travail est très agréable, elle ressemble plutôt à une grande chambre d’hôtel avec un lit double, un canapé et une grande baignoire. Nous restons là plusieurs heures, au rythme du travail qui s’intensifie. La sage-femme écoute régulièrement le cœur du bébé et me propose différentes positions ou options pour mieux supporter la douleur (bain, ballon…), mais elle nous laisse tous les deux la plupart du temps. La douleur monte crescendo et j’ai de plus en plus de mal à la supporter. Le Coq alterne entre se faire broyer les mains et me masser vigoureusement les reins (j’avais des marques le lendemain…).

Après un dernier bain, je décide de passer en salle de naissance (on ne peut pas accoucher dans la salle de pré-travail car elle n’est pas au même étage que le bloc opératoire…) car j’ai peur de ne plus pouvoir bouger après. Arrivés là, la douleur devient carrément intenable. J’ai l’impression d’être dans un épisode de 24 heures face à Jack Bauer sauf que je n’ai pas la moindre idée de quoi lui dire pour qu’il arrête. Je ne trouve rien qui me soulage, je voudrais juste que ça s’arrête, même cinq minutes. La sage-femme m’explique que le bébé n’arrive pas bien à s’engager car la poche des eaux est très importante et l’empêche de progresser. En prime il se présente dos contre mon dos (en OS pour les intimes*), ce qui est moins favorable. Il peut y en avoir encore pour deux heures, et je ne vois déjà pas comment je vais pouvoir supporter la prochaine contraction (même en hurlant et en insultant tout le monde). J’essaie le gaz hilarant mais le masque m’étouffe, je n’arrive pas à le garder. La sage-femme propose soit de percer la poche des eaux soit d’appeler l’anesthésiste. Je prends la première option même si la seconde est plus que très tentante (mais je m’imagine que le temps total pour avoir l’anesthésie risque d’être proche du temps qu’il reste pour que le bébé sorte). La rupture de la poche est censée rendre les contractions plus douloureuses, mais dans mon cas cela les rend un poil moins intolérables. Je trouve une sorte de second souffle en me mettant à quatre pattes sur la table d’accouchement et en poussant un peu pendant les contractions. Je n’irais pas jusqu’à dire que ça va mieux, disons plutôt qu’au lieu d’envisager de sortir le bébé en m’ouvrant le ventre avec les dents je me dis que je pourrais peut-être tenir quelques minutes de plus. Le bébé en question progresse, j’essaie de l’accompagner ou au moins de ne pas me bloquer mais chaque nouvelle sensation semble encore plus douloureuse que la précédente. Il est à nouveau bloqué par un reste de col, que la sage-femme doit tenir pendant qu’une contraction lui permet d’avancer, tandis que je lui hurle d’arrêter (je vous laisse imaginer à quel point ce type d’opération peut être agréable). Finalement il arrive enfin au dernier passage, horrible sensation de brûlure qui me paraît interminable mais au moins la fin est là. La sage-femme me propose de toucher sa tête, je lui crie de le sortir, je veux juste que ce soit fini et vite. Et là, enfin, enfin, enfin, tout s’arrête. Il est 6h07.

Je m’allonge sur la table pendant qu’elle débobine le cordon (apparemment y en a qui faisaient des scoubidous pour passer le temps ces derniers jours) puis me donne le bébé. Sans doute le contre-coup de l’épreuve, je me mets à grelotter violemment, je suis transie de froid. La sage-femme craint que cela n’annonce un problème mais finalement un bon édredon suffit à me réchauffer pour faire la connaissance de l’Oeuf. Lui est très calme, il ne pleure pas et nous regarde. Le cordon a cessé de battre, la sage-femme le coupe (ni le Coq ni moi n’en avons envie). Le placenta est déjà décollé, je n’ai qu’à pousser quelques fois pour le faire sortir ; voilà au moins une source potentielle de problèmes facilement évacuée. L’Oeuf demande rapidement le sein et le tète goulûment. Tous les soins sont fait dans mes bras, à part la pesée bien sûr qui est faite sur la table d’à côté. La suite est beaucoup plus ennuyeuse et agréable : nous restons encore dans la salle, le temps de prendre le petit déjeuner, avant de remonter dans notre « chambre » de pré-travail, où nous attendons le pédiatre en dormant tous les trois sur le grand lit. Enfin vers 16 heures, toutes les formalités réglées (et déjà marre de la clinique), nous repartons tous les trois à la maison.

Voilà grosso modo pour les faits, le plus délicat étant maintenant d’essayer de prendre un peu de recul sur cette expérience et de tenter une sorte de bilan. Il s’agit bien sûr de ma petite expérience personnelle qui n’a pas valeur de généralité ; chacune vit les choses différemment. Evidemment, je ne peux pas m’empêcher de comparer avec la naissance du Poussin, bien différente puisque sous péridurale. Franchement, je ne m’attendais pas à souffrir autant. J’étais beaucoup plus sereine et joyeuse lorsque j’ai donné l’ultime poussée qui a fait sortir le Poussin ; je ne peux honnêtement pas dire que la naissance de l’Oeuf était le plus beau jour de ma vie. Et je n’ose pas imaginer ce que cela peut être de vivre une naissance sans péridurale avec un protocole rigide à supporter (monitoring continu, position imposée etc) ; en ce qui me concerne je pense que c’est purement et simplement de la torture. J’ai lu un certain nombre de récits de naissances physiologiques où les femmes racontent avoir enfin senti toute la puissance de leur féminité, et vécu une expérience quasi-mystique. Personnellement la puissance de ma féminité je la sens mieux avec une tenue séduisante qu’à quatre pattes les fesses à l’air à hurler que je n’en peux plus et à insulter tout le monde. Ce ne sont pas non plus des circonstances dans lesquelles je me sens fière et triomphante ; j’ai plus l’impression de m’en être pris plein la figure que de pouvoir me vanter d’avoir passé une épreuve difficile.

Ceci dit autant j’étais curieuse de cet aspect, autant ce n’était pas ma motivation première pour accoucher dans ces circonstances. Pour moi, il s’agissait de donner toutes ses chances à l’Oeuf pour avoir une naissance aussi physiologique que possible. Dans ce sens, c’est plutôt un succès. Ce n’était pas une naissance facile : gros bébé se présentant « mal », poche des eaux gênant la progression… L’absence de péridurale m’a « forcée » à me mettre à quatre pattes ce qui apparemment lui a permis de s’engager et de progresser efficacement, et même de faire le grand tour pour arriver dans la « bonne » configuration (présentation OP). Il n’est pas impossible qu’en d’autres circonstances il ait été nécessaire de recourir à une méthode instrumentale (forceps ou autres) pour l’aider à sortir. Je ne sais pas dans quelle mesure cela a joué, mais il est arrivé avec une tête parfaitement ronde et lisse, et un calme olympien (pas comme sa mère). Ceci dit son frère n’était pas dramatiquement différent sur ces points.

En ce qui me concerne, sur le plan physique, j’ai un gros bonus : mon Oeuf de 4,4 kg et 36 cm de périmètre crânien a laissé mon périnée intact, sans une égratignure. Très appréciable. D’après la sage-femme, la délivrance a été accompagnée d’une perte de sang minime, ce qui est également positif. Je récupère plutôt vite et bien, mais c’était aussi le cas pour la naissance du Poussin.

Finalement, si troisième il devait y avoir, je ne sais pas honnêtement ce que je ferais. Le Coq (qui trouve le récit un peu édulcoré : rajoutez ça et là une bonne dose de hurlements et autres menaces de vasectomie pour compléter le tableau) m’a déjà dit que ce serait avec péridurale ou sans lui, pour vous donner une idée du bon moment qu’il a passé (enfin il reste ouvert à la discussion). De mon côté j’ai déjà du mal à envisager de revivre ça, et encore moins sans lui. En toute honnêteté je ne sais pas si les bénéfices retirés valaient un tel prix pour moi. Mais on a du temps pour y réfléchir…

Quant à la suite des aventures avec le retour précoce à la maison, je vous en parlerai dans un prochain billet. En attendant il est temps de rebaptiser les poussins après l’éclosion de l’Oeuf : le Poussin devient Pouss1 et l’Oeuf Pouss2.

*Pour tout savoir sur les différentes présentations, voir le site de Césarine.

(Image : This is Broken)

Bien-être et maternité

jeudi, janvier 7th, 2010

bienetre Je continue sur la lignée des livres prêtés par ma prof de yoga prénatal (probablement un des derniers, car comme l’indique l’adjectif « prénatal », je risque de ne plus beaucoup la revoir d’ici très bientôt) avec ce beau pavé du Dr Bernadette de Gasquet. Celle-ci est à la fois médecin et professeur de yoga, et s’est rendue célèbre dans le microcosme de la périnatalité par ses travaux sur la mécanique obstétricale et notamment ses propositions en matière de liberté de position à l’accouchement. Elle a aussi beaucoup travaillé sur les abdos et le périnée.

C’est plutôt un bon livre pour accompagner la grossesse car il ne se contente pas d’énumérer tous les problèmes auxquels on peut être confrontée avec pour seule explication « c’est normal/c’est les hormones/c’est psychosomatique » et pour seule proposition d’amélioration « ce n’est pas grave/ça ne durera pas plus de 9 mois, soyez patiente/prenez du paracétamol/arrêtez de stresser/allez voir un psy ». En effet le livre propose toute une série de postures (inspirées ou directement prises au yoga), d’exercices, de relaxations et de propositions pour aider concrètement les femmes à se sentir bien pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum. Les postures sont bien décrites et illustrées au fil des pages, en accompagnement de la description des troubles qu’elles sont censées apaiser, et il y a des propositions de séances pré et post-natales pour les enchaîner. Evidemment si comme moi vous avez un cours de yoga c’est moins utile, mais si vous avez des difficultés à en trouver un ou une fâcheuse tendance à oublier les postures (SNU quand tu nous tiens), c’est toujours bon à avoir sous le coude. Ce que je trouve bien aussi dans ce livre c’est qu’il n’est pas culpabilisant et qu’il reste très pragmatique, du coup je pense qu’il peut convenir à beaucoup de femmes et pas seulement à celles qui sont vraiment dans une démarche d’accouchement très « nature » et physiologique. Du coup je pense qu’il peut faire un cadeau apprécié à une amie enceinte, même si on n’est pas tout à fait dans la même approche.

Evidemment, ce livre a aussi quelques aspects qui peuvent être irritants. Il est écrit surtout sous forme de dialogue entre la femme et le « professeur » (mais moins particulier que le style Leboyer quand même…), ce qui peut faire bizarre. Il y a quelques suggestions et conseils un peu étranges (du style remplacer son sac à main par une valisette qu’on pourra utiliser comme repose-pied ; je peux vous dire que le premier qui tente de remplacer mon Twenty par une valisette il se prend le Twenty en question et son énorme aimant dans sa face*), mais après tout rien n’empêche de piocher ce qui nous convient et d’ignorer le reste. Le livre date de 1997 (il est à sa septième édition) mais ses photos ont un furieux goût de 80’s-début des 90’s, on se croirait chez Véronique et Davina… Notez qu’il n’est pas obligatoire de revêtir la même tenue ou de se faire un brushing assorti pour que les postures soient efficaces. L’allaitement n’est pas trop mal traité mais ça ne vaut pas un vrai livre sur le sujet comme le grand classique de Marie Thirion, ou mieux encore la possibilité d’avoir une personne référente de confiance (sage-femme, consultante en lactation, animatrice d’association…) dès la naissance du bébé pour aider à résoudre ses problèmes avec des solutions adaptées. Ce n’est pas la même chose de voir une photo d’une position d’allaitement ou d’avoir quelqu’un qui vient chez vous vous montrer comment la réaliser avec vos fauteuils, vos coussins et votre bébé. Enfin il faut avoir un minimum envie d’essayer les postures et les étirements, il semble peu probable qu’une approche donnée puisse convenir à tout le monde.

En conclusion je dirais que dans la myriade des guides de grossesse c’est plutôt un bel investissement, à offrir, se faire offrir, prêter ou emprunter. A mon avis bien plus utile que le Pernoud en tout cas (et moins cher si j’en crois les tarifs Amazon).

*par contre je suis tout à fait ouverte si on cherche à le remplacer par un Birkin par exemple…

Quand partir à la maternité

mardi, décembre 22nd, 2009

JustinChambers_DrKarev Autant le dire tout de suite, cet article ne concernent pas vraiment celles qui ont le projet d’accoucher chez elles. Mais comme elles ne représentent qu’environ 1% des accouchements en France, on peut en déduire qu’il reste donc un nombre non négligeable de femmes enceintes (et de futurs pères) qui se posent cette question.

Il y a en gros deux raisons d’aller à la maternité (hors des rendez-vous) :

  • pour accoucher
  • parce qu’on suspecte un problème pour l’enfant et/ou pour la mère

Pour le deuxième cas, les principaux signes d’alerte sont :

  • fièvre (supérieure à 38.5°C)
  • pertes de sang : il faut savoir cependant que le col de l’utérus étant très irrigué et plus fragile pendant la grossesse il n’est pas inquiétant d’avoir des pertes légères de sang frais après un examen, un rapport ou encore une bonne série de contractions.
  • pas de mouvement du bébé pendant 24 heures
  • contractions fréquentes et prolongées et/ou perte de liquide amniotique avant 37 semaines d’aménorrhée (bon pas de panique si on est à 36 SA et 4 jours…) : un début de travail prématuré doit conduire fissa à la maternité, où on pourra essayer de l’arrêter ou au moins de le retarder, le temps d’injecter des corticoïdes afin d’accélérer la maturation des poumons du bébé.

Il me semble aussi que les femmes enceintes, au fur et à mesure que le bébé grandit, ainsi qu’au fil des grossesses, développent une connaissance intuitive de leur bébé ; à mon avis il ne faut pas hésiter à consulter en urgence si on a vraiment le sentiment que quelque chose ne va pas.

Parlons maintenant du cas le plus général et le plus joyeux (c’est Noël après tout) : un bébé qui va bien, qui est à terme et qui a décidé de faire plus ample connaissance avec ses parents. On ne parlera pas ici des grossesses pathologiques pour lesquelles les recommandations sont à voir au cas par cas avec l’équipe médicale.

Rappelons déjà que les deux signes qui montrent que le travail se lance sont des contractions régulières et/ou la rupture de la poche des eaux. On dit de façon classique qu’il faut partir à la maternité dès qu’on perd du liquide amniotique (rupture franche ou fissure de la poche) ou quand on a des contractions toutes les 5 minutes depuis 2 heures pour un premier bébé (1 heure pour les suivants). Cependant il me semble qu’en fonction d’un certain nombre de paramètres, une femme aura intérêt à partir plus vite ou au contraire plus tard. La distance de la maternité, la garde éventuelle des aînés, le souhait d’une naissance physiologique ou d’avoir une péridurale aussi vite que possible, le rang de naissance (les accouchements sont censés être de plus en plus rapides, même si cela peut se rallonger après quelques enfants -le nombre exact étant sujet à débat et hautement dépendant de la femme) sont autant de facteurs qui doivent vous conduire à tempérer ces indications, à la hausse ou à la baisse.

Concernant la perte des eaux, on demande de venir rapidement à la maternité à cause du risque infectieux (le fœtus n’étant plus protégé par la membrane hermétique) ; ceci est cependant tempéré par les partisans de la naissance physiologique qui suggèrent qu’il y a plus de pathogènes à l’hôpital que chez soi et craignent les infections nosocomiales. Quelle que soit votre décision dans ce cas, surveillez la couleur et la consistance du liquide : s’il se teinte ou perd son aspect transparent et fluide partez rapidement. Ceci dit la rupture prématurée des membranes à terme (en français : quand on perd les eaux avant d’avoir des contractions) ne concerne qu’environ 10% des accouchements (même si dans les films cette proportion monte à environ 75%). Par contre, si vous perdez les eaux alors que les contractions ont déjà bien commencé il ne faut plus traîner car la naissance risque d’arriver assez vite. Et une fois la poche des eaux rompue il est fortement déconseillé d’aller à la maternité à pied (risque notamment de procidence du cordon). Si vous n’avez pas de voiture, sachez que la Sécu vous remboursera un trajet en ambulance ; les pompiers et le SAMU sont « gratuits » mais ils vont à la maternité la plus proche, qui n’est pas forcément celle où vous êtes inscrite.

Un écueil à repérer : le faux travail (ou pré-travail selon la façon dont on voit les choses), qui consiste en des contractions dites inefficaces car elles n’agissent pas sur le col, même si elles sont aussi douloureuses que des contractions de travail. Le test généralement recommandé consiste à prendre un bain chaud et/ou quelques Spasfon, en comprimés solubles ou en suppositoires (voir la posologie avec votre praticien habituel) : si ça s’arrête vous pouvez rester au chaud. Attention aussi à la perte du bouchon muqueux qui n’est pas en soi un signe d’accouchement imminent (ce sont des pertes visqueuses d’une délicate couleur marronnasse, un vrai poème). Cependant quand il fait chaud il peut être quasi liquide et ainsi se confondre avec du liquide amniotique. En cas de doute, la maternité doit normalement vous avoir donné le téléphone des salles de naissance où vous pouvez joindre une sage-femme de garde 24 heures sur 24 (sinon n’hésitez pas à le demander à la dernière consultation).

Enfin si malgré tout vous accouchez de façon impromptue chez vous ou en route, sachez que ces accouchements ultra-rapides sont généralement sans problème. Contrairement à ce qu’on voit dans les films, il n’y a généralement pas d’urgence à couper le cordon, prenez le temps de reprendre vos esprits. Si vous êtes chez vous et que tout se passe bien (bébé a l’air à peu près en forme, vous ne pissez pas le sang…), j’aurais tendance à vous suggérer d’appeler une sage-femme libérale pour venir évaluer la situation plutôt que les pompiers qui n’y connaissent souvent pas grand chose ; même s’ils sont grands beaux et musclés ce n’est généralement pas le moment où on veut en voir débarquer cinq dans son salon. Et pour information, le lieu officiel de la naissance (pour l’Etat civil) n’est pas l’endroit où le bébé est sorti mais celui où a eu lieu la délivrance (expulsion du placenta et des membranes).

Je vous ai préparé avec tout le sérieux et la rigueur scientifique qui me caractérisent un petit questionnaire pour vous aider.

A quelle distance êtes-vous de la maternité et quelles sont les conditions de trafic ?

a. J’habite à 3 minutes à pied.

b. Je suis à 20 minutes de voiture quand ça roule mais aux heures de pointe ça peut prendre 1h30.

c. Il y en a pour deux heures de route de montagne, certains cols seront peut-être fermés à cause de la neige, et la voiture démarre une fois sur deux.

d. La réponse d.

Quelle est votre situation familiale ?

a. C’est mon premier enfant et le papa a arrêté de travailler depuis 1 mois juste pour s’occuper de moi.

b. C’est mon deuxième enfant, il faut que je fasse venir quelqu’un pour le garder et le père travaille à 1 heure de chez nous.

c. C’est mon cinquième enfant, il faut que je dépose les aînés chez ma mère (qui ne conduit pas) à une heure de chez moi après être allée tous les chercher dans quatre écoles/crèches différentes et le père en a pour 3 heures à nous rejoindre.

d. La réponse d.

Quel est votre position sur la péridurale ?

a. Si quelqu’un s’approche avec une aiguille, je mords.

b. Je voudrais essayer sans ou au moins l’avoir le plus tard possible.

c. Peut-on l’avoir avant le début des contractions ?

d. La réponse d.

Comment s’est déroulée votre grossesse ?

a. C’est quoi une contraction ? ça veut dire quoi « col long, fermé, postérieur et tonique » ?

b. Cela fait un mois que j’ai régulièrement des contractions et on m’a dit que mon col était ramolli et un peu ouvert (un ou deux doigts).

c. Cela fait trois mois que je suis allongée/que je fais le poirier et que je prends des médicaments pour menace d’accouchement prématuré, il paraît qu’on voit déjà les cheveux.

d. La réponse d.

Comment voyez-vous votre maternité ?

a. Je veux y passer le moins de temps possible, l’odeur d’hôpital me donne la nausée et tous ces gens en blouse font sûrement partie du CMCM (Complot Mondial Contre Moi).

b. Je trouve le personnel plutôt sympa et j’adore la déco des salles de pré-travail.

c. C’est là que je me sens en sécurité : d’ailleurs si je pouvais j’habiterais dans un hôpital, c’est tellement plus prudent.

d. La réponse d.

Avez-vous déjà accouché ? Si oui combien de temps ont duré vos premiers accouchements ?

a. 72 heures sans compter les 15 jours de « faux » travail.

b. Entre 6 et 10 heures.

c. J’ai accouché au restaurant/sur le trottoir/à la Poste.

d. La réponse d.

Vous avez répondu à toutes les questions ? Passons donc aux résultats…

Si vous avez une majorité de a, vous pouvez probablement attendre d’avoir envie de pousser pour vous mettre en route.

Si vous avez une majorité de b, bonne chance pour savoir quand partir, vous avez à peu près autant de probabilité d’arriver beaucoup trop tôt que d’accoucher en route.

Si vous avez une majorité de c, allez à la maternité à 37 SA pour vous faire déclencher.

Si vous avez une majorité de d, vous devez arrêter de regarder cette vidéo en boucle.

Photo : C’est peut-être lui qui vous attend à la maternité (Joyeux Noël Clemys !).

J’accouche bientôt et j’ai peur de la douleur

mardi, décembre 1st, 2009

trelaun Le titre de ce billet n’est pas une confession de la Poule (euh OK en fait si…) mais le titre d’un livre de Maïtie Trélaün dont je vais entreprendre ici un compte-rendu de lecture. C’est un livre récent (2008), publié aux éditions du Souffle d’or, n’existant pas en poche donc pas donné (22€ d’après la couverture), en ce qui me concerne je l’ai donc emprunté (toujours à ma prof de yoga qui est bien mieux achalandée pour ce type de bouquins que la bibliothèque du quartier…).

L’auteur est une sage-femme expérimentée (presque 30 ans de pratique) qui travaille en accompagnement global, en plateau technique comme à domicile. Elle propose toute une réflexion autour de la douleur de l’accouchement, étayée par des explications illustrées sur la physiologie du processus (rôle des hormones, progression du bébé dans le bassin, etc), sur les gestes médicaux pouvant y être associés, des références à des études scientifiques médicales, des réflexions sur le rôle de la culture et du sacré, et des témoignages de parents (y compris quelques récits de naissances). Bref  j’ai beaucoup apprécié la méthode. Le fond est également assez équilibré, même si bien sûr le sujet en lui-même est à haut potentiel de culpabilisation. Je précise pour vous donner une idée que j’ai eu une péridurale pour la naissance du Poussin, que je l’ai bien vécue (mais si, mais si), et que je ne me suis pas sentie agressée par le livre…

Au niveau du contenu il y a un certain nombre de réflexions intéressantes sur l’accouchement (l’auteur parle d’enfantement pour le processus physiologique). Dans la lignée de Michel Odent, l’auteur insiste sur le respect des processus hormonaux à l’œuvre lors de l’accouchement, dont les bénéfices sont multiples pour la mère comme pour l’enfant. Bien sûr on ne peut pas faire abstraction de ces connaissances mais c’est à mon avis une vraie épée à double tranchant quant à la culpabilisation maternelle : « tu n’as pas été capable d’avoir un accouchement physiologique donc ton enfant va devenir un psychopathe asocial », est une conclusion facilement tirée par la mère et pire, par d’autres qui pensent qu’il y aurait besoin d’en remettre une couche. Bref je reste toujours perplexe sur la façon optimale de communiquer ces informations (si vous avez des idées ?), même si je trouve que ça n’est pas trop mal fait dans ce livre.

Concernant le rôle de la douleur, il est proposé que de la même façon qu’elle nous protège des blessures dans d’autres cas (par exemple je me brûle la main donc je la retire immédiatement avant que ça ne s’aggrave), elle a pour rôle de guider la future mère dans le processus d’enfantement, pour qu’elle prenne les positions les plus adaptées pour faire progresser le bébé (d’où à mon avis l’absurdité de dire « je veux accoucher sur le côté » ou « je veux accoucher à quatre pattes », mieux vaut dire « je veux pouvoir choisir ma position au moment M »). Ce serait également une épreuve initiatique dont la femme ressortirait grandie, renforcée dans ses capacités de mère. L’auteur note d’ailleurs que ses patientes ont la réputation d’être plus « habiles » avec leur bébé que les jeunes mamans lambda auprès des auxiliaires de puériculture, j’ajouterai qu’il y a probablement un effet de sélection de ses patientes : une femme qui choisit l’accompagnement global cherche généralement à prendre une plus grande autonomie et n’arrive généralement pas là par hasard. M. Trélaün remarque d’ailleurs que dans beaucoup de cultures sont organisées des épreuves initiatiques pour les garçons, l’accouchement étant considéré comme suffisant pour les filles (et dans le monde occidental c’était l’armée pour les hommes…). Personnellement je reste plus dubitative sur ce point, certains de ces rites notamment étant extrêmement violents à mon goût ; je ne suis pas sûre que la comparaison soit toujours heureuse. Ceci dit, on compare souvent l’accouchement sans péridurale à une épreuve sportive d’endurance, comme un marathon ou l’ascension du Mont Blanc, notamment pour les bénéfices du dépassement de soi et de ses limites.

L’auteur fait également la différence entre douleur et souffrance, et insiste bien sur l’importance de ne pas tomber dans le dolorisme, façon Ste Future maman vierge et martyre. Pour une raison ou pour une autre, si une parturiente ne peut accueillir la douleur, que cela devient une souffrance qui la fait finalement sortir de la physiologie, alors il ne faut pas hésiter à recourir à la péridurale. Globalement, je suis d’ailleurs assez d’accord avec sa façon de voir l’utilisation de la péridurale. C’est un outil fabuleux mais ça ne doit pas être l’unique réponse à la douleur ; on peut citer : techniques de préparation (haptonomie, sophrologie, yoga…), soutien par un accompagnant (père, sage-femme, doula…), liberté de position (notamment avec la possibilité de suspendre par exemple), bain, ballon… Il est vrai qu’il y a un certain nombre de maternités où les alternatives à la péri se réduisent en gros à mordre dans un morceau de cuir (en faisant bouillir des linges propres façon Dr Quinn femme médecin). N’oublions pas la fameuse phase de désespérance, encore peu connue des femmes et des personnels soignants, qui entraîne un certain nombre de péridurales peu utiles et finalement mal vécues (puisque très proches de la fin de l’accouchement). Bien sûr, et comme le souligne l’auteur, ce n’est pas à chacun d’attendre que l’autre fasse le premier pas en lui rejettant la responsabilité, mais aux femmes comme aux équipes soignantes d’œuvrer ensemble en ce sens.

Il y a aussi un chapitre très intéressant sur l’eau et l’accouchement, avec beaucoup d’informations sur ce qu’un bain peut entraîner aux différents stades du travail. L’effet analgésique et détendant du bain est bien connu, mais saviez-vous que l’immersion provoquait la sécrétion d’une hormone, l’ANP, qui est un antagoniste de l’ocytocine (essentielle à la bonne progression de l’accouchement) ? Ceci dit sa libération est lente et prend environ deux heures : il ne faut donc pas rester trop longtemps dans le bain et en sortir si le travail semble s’arrêter. Il vaut mieux également éviter que la mise au monde à proprement parler ait lieu dans l’eau (même si ça n’est pas interdit bien sûr) : l’effet de l’ANP peut notamment entraîner plus d’hémorragies de la délivrance (en ralentissant les contractions utérines) et la surveillance de telles hémorragies est plus compliquée si la femme est dans le bain. J’ajouterai que vous n’êtes pas sans savoir qu’en sortant du ventre maternel le bébé appuie au passage sur le rectum de sa maman et que si celui-ci n’est pas vide… je ne vous fais pas de dessin (sinon allez voir l’excellente chronique de Mère indigne sur le sujet)… mais imaginez en prime si vous êtes dans le bain… désolée pour ceux qui lisent en mangeant…

Pour revenir à des considérations moins scatologiques, il n’est pas recommandé d’avoir un plan prédéfini en tête pour la naissance (du style « je prendrai un bain pour me soulager »), l’important étant au contraire de se laisser aller et d’obéir aux sensations et aux besoins du moment. Chaque naissance est différente, et surtout imprévisible. Le plan doit être justement d’accepter l’imprévisible au fur et à mesure qu’il se présente, même si ça n’empêche pas de préparer certaines alternatives au cas où (pour reprendre l’exemple : s’assurer qu’on accès à une baignoire/piscine même si finalement on ne l’utilise pas).

Globalement j’ai donc trouvé que ce livre était une lecture très intéressante, même si c’est ensuite à chacun de faire le tri dans ce qui lui convient ou pas, et j’aurais tendance à le recommander à tous ceux qui sont concernés de près ou de loin (les femmes enceintes donc mais aussi les pères, le personnel soignant, pourquoi pas une femme qui a mal vécu son accouchement, etc). Il y a d’ailleurs un chapitre sur les hommes dont je ne désespère pas que le Coq lise les neuf pages d’ici le mois de janvier…

Revenons maintenant à une étude citée dans le livre (p. 150) qui a fait débat dans les commentaires du billet précédent. Il s’agit d’une étude où deux groupes de femmes ont eu pour certaines une péridurale avec des anesthésiants, et pour d’autres une péridurale avec simplement du sérum physiologique. L’étude a été faite en triple aveugle, c’est-à-dire que ni l’anesthésiste, ni la parturiente, ni l’accoucheur ne savent qui a du sérum phy et qui a l’anesthésiant. D’après le compte-rendu dans le livre, la satisfaction suite à l’anesthésie était identique dans les deux groupes, ce qui bien sûr ne manque pas de provoquer la surprise, voire l’incompréhension. J’ai donc cherché à en savoir plus. Passons sur le fait qu’il y a des coquilles dans la citation de l’étude (ce qui est souvent le signe d’une citation qu’on a repris chez quelqu’un d’autre sans retourner au papier d’origine… impression renforcée par la présentation des résultats sous forme d’une citation dont on ne comprend pas d’où elle vient et qui cite les deux articles…), l’internet et PubMed permettent de contourner ce genre de difficultés et j’ai pu mettre la main sur le résumé de cette étude, ainsi que de celle qui a suivi (également citée). Malheureusement je n’ai par contre pas pu mettre la main sur les papiers complets. Ceci dit dans ce type d’article le résumé est écrit par les auteurs et passé au crible du comité de lecture donc on peut considérer que c’est relativement fidèle.

Que nous dit le résumé de la première étude (Chestnut et al, 1987, Anesthesiology, 66(6): 774-80) ?

Son but est d’étudier l’influence d’une anesthésie péridurale à la bupivacaïne pendant le deuxième stade du travail* sur le mode d’accouchement (notamment extractions instrumentales). Il y a deux groupes de 46 femmes, l’un qui va recevoir la bupivacaïne et l’autre le sérum physiologique. Mais ceci n’aura lieu qu’à partir de 8 cm de dilatation : jusque là les 92 femmes ont une péridurale « normale ». Or c’est pendant la première phase du travail (donc avant les 8 cm et la substitution par du sérum phy) que les deux groupes ont des taux de satisfaction équivalents (96 et 98 %). Pendant la deuxième phase, les auteurs observent une différence statistiquement significative de satisfaction relative à l’anesthésie (82% des femmes ayant la bupivacaïne vs 41% pour le sérum phy). Concernant les effets de l’anesthésie sur le déroulement du travail :

  • nombre égal de césariennes dans les deux groupes (13%)
  • temps de travail plus long pour la deuxième phase sous produit anesthésiant (124 minutes) que sous sérum phy (94 minutes)
  • 70% d’extractions instrumentales (forceps, ventouse) pour le groupe sous anesthésiant vs 28% sous sérum phy
  • scores d’Agpar des nouveaux-nés non statistiquement différents

Donc on voit bien que l’anesthésiant utilisé (la bupivacaïne en l’occurrence) a des effets importants, significativement supérieurs au placebo, tant en termes de fonctionnement de l’analgésie qu’en termes de conséquences sur le déroulement de la naissance.

Passons maintenant à la seconde étude (Chestnut et al, 1990, Anesthesiology, 72(4): 613-8). Je vais être plus rapide car c’est un protocole très similaire à la première, la principale différence étant de tester un autre mélange de produits anesthésiants, en l’occurrence bupivacaïne à 0.0625% et fentanyl à 0.0002%. En outre, la substitution entre produit anesthésiant et sérum phy a lieu cette fois à dilatation complète, et les deux groupes de femmes ont des tailles différentes (29 anesthésiées, 34 sous placebo). Là encore, autant les scores de douleur sont équivalents pendant la première phase (avant le test à proprement parler donc), autant ils sont significativement plus élevés avec le sérum phy. Par contre les différences observées en termes d’extractions instrumentales ou de durée du travail ne sont pas statistiquement significatives entre les groupes.

D’après ces informations, l’interprétation proposée par Maïtie Trélaün ne me semble donc pas conforme à ce qui est rapporté dans ces études. Pour moi les conclusions des ces résumés sont que l’analgésie péridurale a une efficacité bien supérieure à celle du placebo (même si il y a aussi un effet placebo -et sans doute une combinaison d’autres facteurs-, le taux de satisfaction pour le sérum phy étant loin d’être négligeable) et qu’elle peut avoir des effets sur le déroulement du travail qui peuvent dépendre des produits utilisés. Bien sûr ces conclusions pourraient être remises en question par une lecture complète des publications en question ; il faudrait aussi faire une biblio de ce qui a été publié depuis (ça date un peu), et prendre en compte d’autres facteurs, toutes sortes de choses que j’ai une grande flemme de faire. Mais quoi qu’il en soit j’ai du mal à voir comment on pourrait en déduire que la péridurale n’est pas plus efficace que le placebo.

J’avoue que ça me pose question sur le reste des études citées dans le bouquin, et cela doit rappeler à chacun de prendre avec précaution avec les études brandies à tort et à travers comme montrant tout et son contraire. Evidemment c’est du boulot et du temps d’aller rechercher les études à la source, ça demande parfois des ressources supérieures à ce qui est simplement accessible sur le net, et je suis la première à ne pas m’embêter avec l’exercice…

Bon je vous laisse j’ai rendez-vous avec l’anesthésiste (et ce n’est pas une blague !).

*C’est-à-dire la sortie du bébé, le premier stade étant la dilatation du col et le troisième la délivrance du placenta (voir ici pour la description détaillée).

Let’s talk about sex (2)

vendredi, octobre 30th, 2009

sky_difool_funNous avons vu hier comment faire un bébé (ah bon vous saviez déjà ?) et comment accommoder gros ventre et kama sutra (ou pas), continuons sur la lancée. Sans développer ici plus avant, je vous rappelle que l’accouchement en lui-même peut être une expérience orgasmique.

Troisième étape : après l’accouchement. Le post partum immédiat est probablement la période la moins propice à la bagatelle, ne serait-ce que parce qu’avoir mal quand on s’assied et/ou quand on urine fait qu’on ne laisse généralement personne s’approcher de la zone stratégique à moins de 200 mètres. Et puis sur les semaines (mois ?) qui suivent il y a le chamboulement du corps (le ventre vide qui pendouille est généralement moins bien perçu que le beau ventre rond et tendu), la fatigue, le bébé collé au sein 20h/24 (si on allaite) ou tout simplement dans les bras, les lochies, les hormones qui sont contre nous, le baby blues, pas le temps de prendre soin de soi, j’en passe et des meilleures. Le sexe peut sembler trrrrrrrrès loin sur la liste des priorités mais cela peut être un atout pour rééquilibrer et resouder le couple parental, souvent soumis à rude épreuve après la naissance ; là encore, cela ne peut être que bénéfique pour les enfants. Evidemment c’est un équilibre qui sera propre à chaque famille et à chaque situation et le sexe n’est pas non plus le seul ciment du couple.

L’allaitement est bien sûr loin d’être incompatible avec les activités sexuelles mais il n’y est pas toujours propice : éjections de lait impromptues (l’ocytocine est à la fois l’hormone du sexe et de l’éjection du lait), libido plus basse (la prolactine, qui permet la sécrétion de lait, est très mauvaise pour les envies de zigounipiloupilage) , lingerie pas toujours au top du sexy avec coussinets qui dépassent (certains modèles constituent à mon avis une méthode de contraception fiable à 100%), sans compter d’éventuelles difficulté d’ordre psychologique (concilier sein nourricier et sein érotique, pas toujours facile pour la femme comme pour l’homme)… Ceci dit la poitrine de la femme allaitante a aussi ses avantages, ne serait-ce que par sa taille. De la même façon le cododo peut rendre les choses un peu plus compliquées, mais d’une part les enfants ont généralement le sommeil lourd, et d’autre part il n’y a pas que le lit. Ces pratiques sont d’ailleurs souvent accusées par certains psys d’interférer avec la sexualité parentale et décriées pour cela ; il me semble que si un des parents (en général la mère) les utilise pour repousser les avances de l’autre cela ne fait que révéler un problème sous-jacent et n’en est pas pour autant l’origine. Les cas pathologiques ne doivent pas masquer la majorité des familles où allaitement et cododo (y compris prolongés) vont de pair avec une vie sexuelle parentale épanouie.

Le moment de reprendre finit donc par arriver (quelques semaines ? quelques mois ? ne vous mettez pas de date couperet obligatoire…) ; la pénétration peut faire peur à la femme, surtout si l’accouchement a été difficile (épisio, forceps…). Y aller à son rythme, insister sur les câlins et les préliminaires (là encore on peut se faire plaisir sans passer par le coït), si nécessaire utiliser du lubrifiant et/ou des préservatifs, sont autant de moyens de rendre les choses plus agréables. Et puis n’oubliez pas qu’aussi bien équipé que soit votre homme cela n’est pas comparable par rapport à un bébé… Il faut aussi du temps pour se réapproprier son nouveau corps, d’autant que le retour à une situation « normale » n’est généralement pas immédiat (9 mois pour le faire, 9 mois pour le défaire, dit l’adage). Des facteurs tant physiques (si le vagin était un peu « étroit » avant l’accouchement par exemple) que psychologiques (on peut se sentir plus accomplie en tant que femme par la maternité) font qu’avoir eu un bébé peut rendre l’activité sexuelle plus agréable pour la femme qu’avant, même si l’inverse est bien sûr également possible. N’oublions pas la rééducation périnéale qui aide aussi pour retrouver des sensations et se réapproprier son corps, tant physiquement que psychologiquement. Enfin rappelons que si plusieurs semaines après avoir accouché votre cicatrice d’épisio ou de déchirure vous fait toujours mal ou vous gêne, il faut en parler à votre gynéco ou à votre sage-femme, des solutions existent.

Petit détail qui a son importance : contrairement aux deux étapes précédentes, n’oubliez pas la contraception. L’allaitement peut empêcher une grossesse avec un taux d’efficacité proche des méthodes plus habituelles (98%) mais sous certaines conditions bien définies. Rappelons que si on allaite, on n’est pas obligée d‘attendre le retour de couches pour se faire poser un DIU (stérilet), même s’il faut attendre environ 6-8 semaines (le retour de couches sans allaitement en gros ; le non-allaitement restant encore beaucoup la norme dans certains esprits médicaux) que l’utérus ait repris sa taille et sa forme. Et c’est l’ovulation qui déclenche les règles (et non l’inverse), donc on peut ovuler et tomber enceinte avant le retour de couches (certaines femmes qui allaitent longtemps puis enchaînent les bébés peuvent ainsi ne pas avoir de règles du tout entre deux) : n’attendez pas celui-ci pour prendre vos précautions (à moins de souhaiter des enfants très rapprochés bien sûr).

Finalement, je dirais que nous sommes dans une société où le sexe est devenu une valeur à part entière ou presque : pour avoir une vie « réussie » il faut avoir une Rolex une activité sexuelle aussi importante et épanouissante que possible. Bien sûr il est positif que le puritanisme et les tabous sur le plaisir, la masturbation et le sexe en général soient battus en brèche mais le retour de balancier me semble un peu fort. On a le droit de ne pas considérer le sexe comme THE source de plaisir et de bonheur, on peut être un couple solide et équilibré sans faire des galipettes toute la sainte journée, bref je ne crois pas qu’on ait besoin de normes et de chiffres (quelle fréquence ? combien de temps ? combien d’orgasmes ?) dans ce domaine. Chacun a ses besoins, ses envies, qui peuvent varier avec le temps, selon les situations ; bien sûr il faut trouver un équilibre au sein du couple pour concilier les attentes des deux partenaires, donc dialoguer, dédramatiser, et ne pas hésiter à consulter (gynécologue, urologue, sexologue, psychologue…) si des difficultés (physiques et/ou psychologiques) récurrentes en font une source de tensions et de conflits trop importants.

Bonus : si vous ne connaissez pas, filez voir cette BD de Melaka sur le sujet.

(Photo : Vous ne les reconnaissez sans doute pas. Indices : Lovin Fun ; « Ce n’est pas saaaaaale, pense aux fleurs »)