Posts Tagged ‘AAD’

Entre leurs mains

dimanche, décembre 15th, 2013

 J’ai eu la chance d’être invitée à l’avant-première du film Entre leurs mains, un documentaire sur l’accouchement à domicile. J’y allais un peu nez au vent, n’ayant pas trop suivi le projet, et j’ai eu une très bonne surprise. Après quelques minutes, j’ai été happée et je n’ai plus vu le temps passer. D’habitude je n’aime pas trop les documentaires militants (même quand ils militent pour des causes que je soutiens), qui ont une fâcheuse tendance à en faire des tartines aux dépens de l’honnêteté intellectuelle la plus basique. Ce n’est pas le cas d’Entre leurs mains, qui fait un excellent travail, tout en sobriété et en finesse. J’ai aussi beaucoup apprécié l’équilibre délicat entre l’émotion et les arguments rationnels (ainsi que l’absence des chants mayas chers à mon amie 10 lunes). Très simplement, le film suit quatre sages-femmes qui ont fait ce choix d’accompagner des femmes et des couples dans leurs projets de naissance physiologique et respectée, à la maison ou en plateau technique. Il aborde aussi bien les raisons qui poussent les femmes dans ce choix, les questions que suscite cette approche de la naissance (tant du côté parents que du côté sage-femme), que les obstacles qui s’empilent contre elle.

Quelques mots d’abord sur l’accouchement à domicile (AAD) et l’inévitable question de la sécurité. On parle là d’une pratique extrêmement définie et cadrée, et pas comme on l’entend souvent d’un retour en arrière ou d’accoucher « comme les Africaines » (qui comme chacun sait forment un grand tout homogène). En réalité, il s’agit plutôt d’accoucher comme les Allemandes, les Suissesses, les Néerlandaises, les Anglaises… Les femmes qui font ce choix sont soigneusement sélectionnées en amont grâce au suivi prénatal : sont exclus les jumeaux (ou plus !), les bébés en siège, les prématurés et toutes les pathologies. Elles doivent également pouvoir être transférées facilement vers une maternité en cas de complication. La présence continue auprès de la femme de la sage-femme, avec les compétences et le matériel appropriés, permet une détection précoce des problèmes pouvant survenir en cours de travail. L’Association nationale des sages-femmes libérales récapitule tout cela dans sa charte de l’AAD.  Par ailleurs, la revue Cochrane sur le sujet, publiée en 2012, conclut qu’en l’état des connaissances… on ne peut pas conclure. Globalement il faut être vigilant sur les études sur le sujet qui mélangent souvent plusieurs types de naissances à domicile : non planifiées, avec une variété d’accompagnement (aux USA notamment il y a plusieurs « sortes » de sages-femmes, aux compétences différentes)…

Personnellement, ce que j’ai vu en filigrane tout le long du film et dans le débat qui a suivi, c’est le féminisme, même si le mot n’a jamais été prononcé. Des femmes qui se battent pour faire respecter leurs choix et leur corps, ça vous dit quelque chose ? Des femmes qui se battent pour offrir cette liberté, cette autonomie à d’autres femmes (les sages-femmes sont majoritairement des femmes même s’il y a aussi des hommes) ? Se battre est bien le mot, puisque tout est fait pour décourager ces pratiques. Au delà de l’opprobre qui pèse tant sur les femmes (forcément folles inconscientes) que sur les sages-femmes (des sorcières, voire des gourous sectaires), et qui use même les meilleures volontés, il y a la résistance active du reste du système de santé : les maternités qui refusent les inscriptions des femmes ayant un projet d’AAD (alors que c’est justement la condition de la sécurité), les femmes en transfert mal accueillies, les plateaux techniques qui restent fermés aux sages-femmes libérales (sauf de très rares exceptions)… et surtout l’assurance, obligatoire pour tout professionnel de santé, qui monte à 20 000 € par an pour pratiquer l’AAD, ce qui est totalement inenvisageable dans les conditions actuelles de leur rémunération (une sage-femme qui va se rendre disponible 24h/24 7j/7 pour accompagner une femme qui accouche, aussi longtemps que nécessaire, touchera 313,60 € de la Sécu, incluant le suivi des suites de couches). Ainsi ces sages-femmes travaillent à la limite de la légalité, risquant de fortes amendes, de la prison et la radiation de l’Ordre des sages-femmes (soit l’interdiction d’exercer leur passion et surtout leur gagne-pain).

Clarifions également un autre malentendu : personne dans le film (ou dans les défenseurs de l’accouchement physiologique que je connais d’ailleurs) ne milite pour interdire la péridurale ou pour imposer une nouvelle façon de faire aux femmes. Il ne s’agit surtout pas de faire de l’accouchement une nouvelle épreuve de bonnematernitude. L’objectif est d’une part que les femmes bénéficient d’informations leur permettant un choix éclairé, et d’autre part que ce choix ne soit pas purement virtuel. A mon sens, le problème relève de plusieurs difficultés :

  • les réticences de certains professionnels de santé à remettre en cause leurs pratiques, en dépit des preuves scientifiques de leur inutilité voire de leur nocivité (ainsi le monitoring continu entraîne plus d’interventions sans diminuer la mortalité infantile par rapport au monitoring intermittent, ainsi l’utilisation du Syntocinon augmente le risque d’hémorragie de la délivrance, etc), le tout mâtiné d’un certain paternalisme
  • un système de santé qui pense faire des économies sur le dos des femmes en remplaçant les sages-femmes par des machines-qui-font-PING (poke les Monty Python -à voir ABSOLUMENT)
  • l’inflation du risque médico-légal qui se retourne contre les patientes, les médecins et sages-femmes étant généralement poursuivis pour n’être pas intervenus plutôt que pour l’avoir fait inutilement

Le film en outre ne veut absolument pas opposer l’AAD à la naissance à l’hôpital, mais demande leur coexistence, ainsi qu’une meilleure prise en compte de la physiologie dans les maternités. Au delà des quelques inévitables sombres connards, il y a dans les hôpitaux une large majorité de gens qui font du mieux qu’ils peuvent avec les contraintes qu’ils subissent (de moyens, mais aussi de formation insuffisante sur l’accouchement physiologique -point bien abordé dans le film).

En tant que femme, en tant que féministe, je pense que ce film doit être aussi largement diffusé que possible. Il est intéressant de noter qu’il n’a pu voir le jour que grâce au soutien financier des particuliers, parmi lesquels une large majorité de femmes, si j’en crois le générique de fin. Il faut que les femmes et les filles (et aussi les hommes) sachent qu’une naissance peut être un évènement puissant et paisible, très loin des représentations hystériques qu’on en donne habituellement. Il faut mettre parmi les revendications féministes de premier plan : « une femme qui accouche, une sage-femme » (j’en avais déjà parlé il y a un moment, et c’est apparemment le cas au Royaume-Uni, d’après une des sages-femmes du film). Il n’est pas acceptable que 85% des femmes qui subissent une épisiotomie ne soient pas consultées (voire même pas informées). En France on est à 800 000 naissances par an : même en enlevant les naissances multiples et celles qui ont la « chance » d’accoucher deux fois dans l’année, ça fait quand même un paquet de femmes concernées.

Pour voir le film : il sera diffusé (en version courte) pendant les vacances sur Public Sénat (qui fait partie des financeurs, ayant identifié la dimension politique du sujet). Les dates sont disponibles ici (je comprendrai que ce ne soit pas votre priorité le 24 décembre à 22h30…). J’étais bien entourée pendant la projection, et mes camarades sages-femmes ont eu la souris plus vive que la mienne pour donner leur avis :

Pour l’amour du risque

jeudi, janvier 13th, 2011

Nous sommes confrontés chaque jour à des choix, aux conséquences plus ou moins importantes. Une part majeure de notre décision est l’évaluation des risques associés à chacune des alternatives qui s’offrent à nous. En tant que parent, c’est d’autant plus difficile que nous sommes responsables d’une personne qui n’est pas encore en mesure de faire ses propres choix. Comme vous le savez si vous traînez depuis quelque temps dans la basse-cour, j’essaie de documenter et d’argumenter avec des faits les propositions que je fais ici, tentant à ma  mesure d’aider qui le souhaite à avoir un vrai choix éclairé. Cependant je ne peux que constater la logique pour le moins floue avec laquelle raisonne un certain nombre de mes concitoyens, y compris à des niveaux d’étude et de spécialisation auxquels l’esprit de Descartes est censé régner. Cela est particulièrement vrai pour tout ce qui touche aux enfants, la moindre remise en question de ce que nous avons fait ou projetons de faire étant souvent vécue comme une critique acerbe de notre compétence et même de notre bonne volonté  parentale (ou d’expert, pour le corps médical par exemple).

Prenons quelques exemples avec certaines pratiques, minoritaires sous nos latitudes et à notre époque. Le traitement des risques et des problèmes est très différent selon  l’alternative considérée. Intéressons-nous au sommeil de nos enfants, et aux décès qui peuvent y être associés, que ce soit par suffocation ou par mort subite du nourrisson. Si l’enfant meurt dans un berceau ou lit à barreaux, on cherchera à comprendre ce qui dans le couchage a pu causer son décès et si on ne trouve rien on blâmera le hasard. Si par contre son décès a lieu dans le lit parental, c’est forcément parce qu’il s’y trouvait et n’avait pas à y être. C’est du moins ce que diront certains des experts les plus écoutés, qui seront ensuite relayés par les médias puis par l’entourage des parents déjà durement éprouvés. Pourtant la logique voudrait qu’on conduise la même investigation dans les deux cas, afin de fournir des recommandations adéquates pour diminuer les risques. Par exemple, il est clair que nos lits d’adultes ne sont souvent pas conçus pour accueillir des tout petits, avec des risques de chute et de suffocation plus importants que dans les lits de bébés. Cependant, il est tout à fait possible de les aménager pour réduire ces risques. Mais on préfère dire que le cododo est dangereux. Sachant que la majorité de la population le pratique de toute façon à un moment ou un autre (quel parent ne s’est JAMAIS retrouvé avec un bébé dans son lit ?), ça ne me semble pas très productif. Ou alors il faudrait carrément interdire le sommeil des bébés, ça nous éviterait bien des prises de tête sur qui doit faire les nuits de qui, quand et surtout comment…

De la même façon, on ne parle que rarement des morts autour de la naissance à l’hôpital, qu’elles soient maternelles ou infantiles. Par contre, le moindre problème lors d’un accouchement à domicile est immédiatement relayé et imputé au choix du lieu de naissance. Ne doutons pas que si les maisons de naissance finissent par voir le jour, on ne leur fera pas de cadeau. On énumère toujours les risques inhérents à accoucher ailleurs qu’à l’hôpital, mais rarement de ceux qui découlent de ce lieu : accident sur la route (d’autant plus probable avec un conducteur stressé par la situation et d’autant plus grave que si le travail est avancé la femme risque de ne pas attacher sa ceinture pour mieux supporter les contractions pendant le trajet) et infections nosocomiales sont les plus évidents même s’il y en a d’autres. On peut ainsi trouver rassurant que le cœur du bébé soit écouté en continu par un appareil pendant l’accouchement (comme c’est généralement pratiqué dans les maternités) ; pourtant la Haute autorité de santé (HAS) nous informe que pour un accouchement non pathologique, lorsque cette écoute est faite de façon intermittente, il n’y a pas d’incidence sur la mortalité infantile et il y a moins d’interventions (césariennes ou extractions instrumentales, qui ne sont pas dénuées de risques : ainsi l’étude européenne Peristat –p. 100- nous apprend qu’en France une extraction instrumentale double le risque de mort maternelle tandis qu’une césarienne le multiplie par 8). Mais la pénurie de personnel (une sage-femme de garde doit suivre plusieurs femmes en travail en même temps) et le risque de procès (le monitoring continu constitue une trace tangible de la surveillance pendant l’accouchement qui pourra justifier pourquoi il y a eu ou pas une intervention) font qu’en pratique le monitoring continu tend à s’imposer dans les maternités.

Ainsi il est courant de ne présenter les risques que dans un seul sens. Prenons les examens prénataux : on vous parlera généralement des pathologies que ces tests visent à dépister, mais il est plus rare qu’on vous présente les problèmes qu’ils induisent. Le dépistage du diabète gestationnel est ainsi sujet à controverse.
Quelques extraits du rapport de la HAS sur le sujet :

La valeur prédictive positive du test de dépistage (O’Sullivan) est faible : moins de 20 % des femmes dépistées positives sont des vrais positifs en retenant un seuil de dépistage (test de O’Sullivan) à 1,40 g/l (7,8 mmol/l). [NB : Le test de O’Sullivan est recommandé par le CNGOF pour toutes les femmes enceintes, il s’agit de mesurer l’effet de l’ingestion d’une solution de glucose sur la glycémie.]

Il n’existe aucune preuve directe de l’efficacité d’un dépistage systématique ou ciblé du diabète gestationnel à partir de la 24e semaine de grossesse pour réduire la mortalité et la morbidité périnatales.

Par ailleurs, le diagnostic et la prise en charge du diabète gestationnel ne seraient pas dénués d’effets indésirables : anxiété, accroissement du nombre de consultations et d’examens complémentaires, accroissement des taux de césariennes même en l’absence de macrosomie foetale, accroissement du taux de déclenchement et du passage en réanimation néonatale des nouveau-nés. [NB : et je trouve fortement paternaliste l’idée que c’est une bonne excuse pour imposer aux femmes une meilleure hygiène alimentaire]

Petit test : parmi les lectrices de ce blog qui sont ou ont été enceintes, à qui a-t-on fait part de ces informations au moment de la prescription du test ? A qui a-t-on simplement dit
« Vous allez faire le test de O’Sullivan, voici l’ordonnance » ? Je ne veux absolument pas minimiser les risques liés au diabète gestationnel ou suggérer qu’on supprime ces tests, mais proposer que la décision de les faire ou pas revienne à la femme, après une discussion permettant la présentation complète des avantages et inconvénients avec le praticien qui suit la grossesse. En fait je propose simplement qu’on respecte la loi Kouchner sur le  consentement éclairé, révolutionnaire non ? Je sais bien qu’entre la démographie médicale déclinante et les restrictions budgétaires les soignants ont de moins en moins de temps à consacrer aux patients mais je ne crois pas qu’il faille pour autant baisser les bras. C’est à chacun de prendre le temps de s’informer (oui, internet est une source formidable de connaissances, pourvu qu’on ait un peu de discernement), de poser des questions et au final de prendre ses responsabilités. Les examens dits obligatoires doivent être proposés à toutes les femmes, mais celles-ci n’ont pas l’obligation de les faire. Et je trouve insultant de leur demander si elles n’ont pas à cœur la santé de leur bébé quand leur avis diffère de celui du praticien. Chacun a sa hiérarchie des risques ; certaines sont basées sur des idées reçues et il est important de s’assurer qu’une décision n’est pas prise à partir de faits biaisés ou incomplets, mais au final c’est aux parents de choisir quels risques ils souhaitent prendre. Je crois qu’au lieu de commencer par critiquer une décision qui nous paraît irresponsable (et je parle aussi entre parents, où nous sommes prompts à nous jeter la pierre) il serait bien plus constructif d’en demander les raisons. Nous pourrions soit apprendre des choses soit apporter d’autres informations, bref il n’est pas impossible que chacun reparte avec un nouveau point de vue, plus complet et plus ouvert sur la question. J’en profite pour vous signaler un nouveau blog, l’ordonnance ou la vie, tenu par une étudiante en médecine qui a des réflexions très intéressantes sur la question.

Mais le patient responsable doit l’être jusqu’au bout. Comme dirait Peter Parker (alias Spiderman), « With great power comes great responsibility. »  Tant que tout se passe bien, c’est facile. Le souci c’est quand les choses tournent en eau de boudin. Si le médecin a recommandé un acte que le patient n’a pas voulu effectuer, et que l’état du patient s’aggrave, jusqu’à quel point  ? Ainsi, certains obstétriciens s’opposent aux accouchements hors maternité (domicile ou maison de naissance) car ils craignent les transferts en urgence sous leur responsabilité d’un problème sur lequel ils n’avaient jusque là aucune prise. Il arrive alors que des femmes avec un projet d‘accouchement à domicile (AAD) qui vont se faire enregistrer en maternité pour préparer un éventuel transfert en urgence soient mal reçues par le personnel soignant, et c’est parfois pire lors d’un tel transfert (un peu comme les femmes qui avaient tenté de se faire avorter avant la légalisation de l’IVG et à qui certains médecins faisaient des curetages sans anesthésie pour les dissuader de recommencer). L’effet de telles pratiques étant que loin de décourager les femmes de recourir à l’AAD, cela les dissuade simplement d’ouvrir un dossier à l’hôpital, voire en cas de problème va parfois leur faire repousser le transfert au-delà du raisonnable. D’un côté il est clair qu’un soignant qui « fait payer » à un patient un choix différent de ce qu’il préconise est inacceptable, de l’autre on peut comprendre le ras-le-bol des blouses blanches face à des patients qui viennent faire leur shopping médical. Comme le dit cette sage-femme américaine, « You buy the hospital ticket, you go for the hospital ride » (difficile à bien traduire, quelque chose du genre « Si on prend un ticket pour l’hôpital, alors on va à l’hôpital », ou moins littéralement « N’attendez pas de l’hôpital ce qu’il ne peut pas vous donner »). Évidemment, entre la raréfaction des sages-femmes accompagnant les AAD, le peu de plateaux techniques ouverts aux sages-femmes libérales et les tergiversations autour des maisons de naissance (sans compter les aléas de la Sécu qui rembourse ou pas les accouchements dans des maisons de naissance à l’étranger), un nombre non négligeable de femmes se retrouve avec un suivi classique en maternité par défaut. On voit donc que la situation est complexe, et la conciliation des intérêts des parties pas toujours évidente.

C’est parfois si difficile qu’on en arrive au procès, dont la crainte est devenu un puissant moteur d’évolution des pratiques obstétricales. Les primes d’assurance des professionnels flambent, alors que les revenus fixés par la Sécu stagnent, rendant notamment l’exercice libéral de plus en plus difficile (voir ce billet de 10 lunes avec tous les chiffres, ainsi que les commentaires qui suivent pour d’autres éclairages). Là encore, la problématique n’est pas simple. D’une part on ne peut pas dire qu’il ne faudrait plus faire d’action en justice, ce qui reviendrait de facto à une immunité médicale, et d’autre part les patients peuvent se retrouver obligés de mener des actions en justice par des assurances qui ne veulent pas prendre en charge les coûts (notamment pour un enfant handicapé par exemple). Bref cela dépasse le cadre de la discussion et je ne me sens pas compétente pour réformer le système, même s’il me semble évident qu’il y a une bonne marge d’amélioration. Finalement, cela paraîtra sans doute évident mais je crois plus que jamais qu’il est indispensable de pouvoir établir un partenariat de confiance entre soignant et soigné (et ce d’autant plus quand le soigné n’est pas malade, comme c’est le cas d’une femme enceinte ou d’un jeune enfant qu’on emmène aux visites de contrôle). Commençons par écouter ce que l’autre a à nous dire avant de le juger, soyons prêts à examiner honnêtement nos raisons et nos motifs, pour assumer pleinement la responsabilité de nos décisions.

Je réalise que ce billet est un peu fourre-tout et décousu mais à ce stade j’avoue ne plus avoir le temps ni le courage de le remanier voire de le redécouper donc je le publie en l’état car je pense qu’il y a quand même quelques éléments intéressants dont j’aimerais discuter avec vous.

Photo : oui je sais c’est l’Agence tous risques, mais je n’ai jamais vu un seul épisode de Pour l’amour du risque alors… Et non, ça n’a pas grand rapport avec le schmilblick.

Grossesse et grippe A

lundi, septembre 21st, 2009

dr-owen-hunt-photo_316x476 Aujourd’hui la Poule se joint au concert médiatique pour vous parler un peu de la grippe A. Loin de moi l’idée de m’introniser expert en grippe ou en épidémiologie, mais figurez-vous que ces Messieurs du CNGOF (Collège national des gynécologues obstétriciens de France) ont pondu un beau petit document (à télécharger ici) pour expliquer la grippe A aux femmes enceintes. Petite parenthèse : je ne veux pas piétiner les plates-bandes d’Olympe mais je trouve assez hallucinant qu’un organisme dont la vocation est en gros de s’occuper de la santé des femmes (en l’occurrence le CNGOF) soit composé quasi exclusivement de bonshommes (voir ici les membres du bureau et ceux du CA, c’est pire que le Sénat, et en plus y en n’a pas un avec un vague air de McDreamy, la loose). Fin de l’apparté.

Pour revenir à notre sujet du jour, à moins de vivre en ermite reclus ces derniers jours, vous avez difficilement pu échapper au fait que la grippe A serait plus dangereuse pour les femmes enceintes (en particulier au troisième trimestre) que pour l’individu lambda. En gros, comme les femmes enceintes ont d’une part une capacité respiratoire moindre (z’avez remarqué cette impression d’avoir le diaphragme entre les seins et les clavicules ?) et d’autre part un système immunitaire moins efficace, elles ont plus de risques de développer des complications pulmonaires sévères. Et de façon générale, une fièvre élevée (causée par une grippe ou une autre infection) peut provoquer des contractions et faire passer la grossesse en menace d’accouchement prématuré, voire accouchement prématuré, ce qui n’est pas franchement souhaitable. Il vaudrait donc mieux éviter de contracter la grippe (A ou autre d’ailleurs) lorsqu’on est enceinte.

Que nous recommande le CNGOF ? (en plus des inévitables lavages de main & co, voir ici pour tous les détails)

Bonne nouvelle :

Il n’y a pas de raison de modifier vos activités : travail, transports, réunions de famille…

Mais quelques lignes plus loin :

Eviter les lieux de contamination : hôpitaux, cliniques, écoles, transports en communs,
grands rassemblements publics…

Donc si vous êtes (au hasard) une gyn-obs enceinte qui travaille à l’hôpital et s’y rend par les transports en commun, libre à vous de choisir celles des deux recommandations contradictoires qui vous arrange le plus. Dommage que vous n’ayez pas participé à la rédaction du document ceci dit…

Sinon je dois avoir un don de prescience mais l’organisation prévue pour mon suivi de grossesse et mon accouchement (pourtant choisie avant l’été) est pile poil dans les recommandations anti-grippe : consultations au cabinet par une sage-femme libérale (échographies également en ville), suites de couche à la maison plutôt qu’à la maternité… En tant que partisane du libre choix des femmes et du développement des alternatives plus physiologiques, je ne peux que me réjouir que la pandémie mette en lumière ce type de suivi. Mais (il y a un mais) n’oublions pas les femmes en situation précaire ayant un accès limité à ce type de soins (mauvaise connaissance du système, quartiers avec peu de professionnels…). Pour ces femmes le suivi de grossesse en maternité publique est souvent une des seules occasions d’être examinée par un professionnel de santé, de voir certaines pathologies (liées ou pas à la grossesse) dépistées, mais aussi d’améliorer leur intégration dans la société, notamment pour celles issues de l’immigration : cela peut être l’occasion de les orienter vers des travailleurs sociaux par exemple, mais tout simplement de leur faire connaître leurs droits. La réduction possible du nombre de consultations et d’échographies (suppression de celle du troisième trimestre) proposée en page 9 renforce ces inquiétudes. Espérons donc que la pandémie n’ait pas (trop) de répercussions de ce type sur ces populations déjà fragiles.

Je vous passe le passage sur l’allaitement par une mère grippée (p. 7) dont les modalités décourageraient probablement la fondatrice de la Leche league, ainsi que sur la réponse lapidaire à la question « Où accoucher ? » (p. 5) :

L’accouchement doit avoir lieu, comme de coutume, dans un établissement de santé (clinique
ou hôpital), y compris en période de pandémie grippale.

Même pour éviter la grippe A, le CNGOF n’est apparemment pas prêt à envisager l’accouchement à domicile (bien sûr accompagné par une sage-femme rompue à l’exercice et pour les femmes dont la grossesse présente un niveau de risque minimal). Cela serait pourtant dans la continuité de leurs recommandations d’éviter autant que possible la fréquentation des hôpitaux…

La vaccination des femmes enceintes est recommandée (dans la lignée des préconisations d’autres organismes de santé), même s’il n’est fait nulle mention de l’intérêt ou du risque des adjuvants (voir pour cela l’avis du HCSP qui semble privilégier l’emploi d’un vaccin sans adjuvant pour les femmes enceinte -je dis « semble » parce que d’une phrase à l’autre on a un peu l’impression qu’ils préconisent tout et son contraire). Les adjuvants utilisés pour ce vaccin font en effet l’objet d’une controverse importante, qui explique en partie la réception très mitigée de la campagne de vaccination par la population.

De mon côté j’avoue que je reste très indécise quant à faire ou pas ce vaccin, même si pour le moment je reste très dubitative concernant le Poussin vu que primo il est en bonne santé et robuste et deuzio il n’est pas gardé en collectivité. Je pense aussi que si je n’étais pas enceinte je ne le ferais probablement pas. Bref c’est le doute dans la basse-cour. Et chez vous ?

(Photo : bon OK si c’est lui qui fait le vaccin j’y vais…)

Cherche journaliste désespérément

mardi, avril 28th, 2009

tintin4 Bon. Après le grand n’importe quoi de Marianne, c’est au tour de Charlie Hebdo de publier un brûlot sur l’accouchement à domicile. Vous trouverez le texte complet ici. Le BOOB (Bêtisier officiel de l’obstétrique) a déjà fait une explication de texte détaillée (ici), alors je ne vais pas revenir sur toutes les bêtises qu’on pourra y trouver. Les chanceuses qui ont pu tester épisio et déchirure (en deux accouchements quand même) apprécieront particulièrement cette affirmation (qui n’engage que son auteur) :

Après tout, on a le droit de préférer une déchirure tortueuse à un coup de ciseaux net et précis.

Bref. Je trouve ça consternant d’amateurisme, de parti pris, de mauvaise foi et de malhonnêteté intellectuelle. Et je n’aime pas les gens qui décident pour les autres ce qu’ils doivent vouloir ou aimer. Je trouve regrettable que ce type de débat ne puisse rester rationnel et dépassionné.

Pourtant je n’adhère pas à toutes les initiatives ni à toutes les positions des Déchaînées (qui sont la cible principale de l’article, même si avec elles beaucoup de femmes pourront se sentir visées), loin de là, mais ce n’est pas une raison pour jeter le bébé avec l’eau du bain (ha ha ha). Et au moins elles ne se prennent pas trop au sérieux. Pas comme certaines journalistes qui doivent penser que l’objectivité et les recherches ne font pas partie de leur travail. Dommage, j’aimais bien le titre « Une autre ponte est possible ».

Si jamais Agathe André (la journaliste en question) passe par ici, je peux en toute modestie et en toute humilité lui recommander de lire (au moins !) les pages suivantes de ce blog :

Accoucher sans assistance

mardi, avril 14th, 2009

mcdreamyemcstaemy A peine revenue de vacances, je tombe sur cette info dans mes flux RSS : un bébé est mort lors d’un accouchement à domicile non assisté (ANA = accouchement non assisté, pour les intimes) en Australie. Le détail qui tue (sans mauvais jeu de mot) : sa mère, Janet Fraser, est l’animatrice d’un site appelé Joyous Birth à côté duquel nos Déchaînées et autres BOOB (qui ne font pourtant pas toujours dans la dentelle) ont l’air un peu molles. Les médias en profitent pour poser l’éternelle question : est-il risqué d’accoucher chez soi ? (et pour présenter la chose de façon un peu, hum, orientée, disons)

Autant le dire tout de suite, ça part mal. Parce qu’entre accoucher chez soi avec une sage-femme rompue à l’exercice dans le cadre d’un accompagnement global (c’est-à-dire suivi régulier de la grossesse par ladite sage-femme notamment) et accoucher chez soi sans aucun suivi médical ni avant, ni pendant, ni après, il y a une large différence. La première option est généralement appelée AAD (accouchement à domicile), et la seconde ANA (voir plus haut). Evidemment on ne parle pas ici des ANA inopinés, lorsque le bébé arrive trop vite pour permettre une quelconque assistance médicale. Le problème, c’est que les médias (mais aussi certains partisans de l’ANA) tendent à confondre les deux. On a aussi une bonne dose de mauvaise foi un peu partout ce qui n’arrange rien. Par exemple, il ne me semble pas pertinent d’invoquer les femmes du tiers monde (ou nos ancêtres) qui accouchent (ou ont accouché) sans assistance et/ou à la maison, que ce soit dans un sens (« des millions de femmes ont accouché sans assistance sans problème ») ou dans l’autre (« accoucher à domicile est dangereux : voyez la mortalité périnatale au Moyen Age »). Les femmes occidentales sont généralement en bonne santé, bien nourries, reposées, et se trouvent au sein du dispositif de santé le plus performant qu’ait connu l’humanité. On ne peut pas comparer cela aux paysannes du Moyen-Age ou du Sierra Leone.

Alors, qu’est-ce qui est vraiment dangereux (ou pas) ? J’ai trouvé en fouillant un peu quelques études statistiques publiées dans des journaux scientifiques qui comparent les taux de mortalité maternelle et infantile entre naissances à la maison et à l’hôpital. Il n’est pas toujours spécifié si les naissances à la maison sont accompagnées par une sage-femme, même s’il semble que ce soit généralement le cas. Je précise aussi que je n’ai eu accès qu’aux résumés des études et pas aux articles complets. Voici quelques résultats :

  • Pang et al (2002) trouvent un risque accru pour les naissances à domicile (a priori avec sage-femme).
  • Mori et al (2008) montrent eux que les naissances à la maison plannifiées sont plus favorables que celles non plannifiées, le pire étant les transferts d’urgence à la maternité.
  • Blix et al (2008), après une méta-analyse (regroupement d’un grand nombre d’études antérieures), déduisent qu’il n’y a aucune raison de décourager l’AAD chez les parturientes à faible risque.
  • Johnson et Daviss (2005) trouvent que l’AAD n’entraîne pas plus de mortalité que l’accouchement à l’hôpital mais moins d’interventions.

On a donc une image un peu floue ; cela explique aussi pourquoi tout le monde peut brandir des chiffres apparemment sérieux tout en défendant des positions opposées. A mon humble avis, il faut déjà prendre ces statistiques avec précaution, ne serait-ce que parce que le nombre d’AAD est extrêmement faible par rapport au nombre de naissances à l’hôpital (l’étude de Blix et al indique environ 150 AAD par an en Norvège pour environ 40 000 naissances), ce qui n’est pas terrible pour faire de bonnes stats. Et cela montre peut-être que dans notre contexte occidental, le lieu d’accouchement n’est pas forcément le facteur le plus important : peut-être la qualité du personnel soignant, du matériel disponible, les délais d’intervention (un AAD à 5 minutes ou à 2 heures de la maternité ça peut faire une différence), la préparation de la mère, l’âge du capitaine ou que sais-je encore sont-ils finalement plus importants ?

Pour revenir à nos moutons, il semble donc qu’un AAD bien préparé et encadré, pour une grossesse à faible risque (voir par exemple la charte AAD de l’ANSFL), soit une alternative crédible pour donner naissance dans de bonnes conditions. Par contre un ANA… Je ne suis ni sage-femme ni obstétricien et la seule naissance à laquelle j’ai participé (en sus de la mienne) était celle de mon Poussin. Mon opinion sur le sujet a donc une valeur toute relative. Ce qui est sûr c’est qu’il est extrêmement difficile de trouver des études crédibles sur ce sujet spécifique, puisque les personnes qui y ont recours sont très peu nombreuses et ne le clament généralement pas sur tous les toits. Enfin il me semble que c’est un peu comme faire de la moto sans casque : grisant d’avoir le vent dans les cheveux mais en cas de pépin aïe aïe aïe. Ce qui ne veut pas dire que le casque rend invulnérable, mais qu’il assure quand même un minimum de protection. Et ce qui ne veut pas dire non plus que toute personne faisant de la moto sans casque va mourir : il y a un tas de gens qui ont fait de la moto sans casque et sans une égratignure.

Quoi qu’il en soit, il me semble important de bien faire la différence entre un projet d’accouchement à domicile (AAD) dans le cadre d’un accompagnement global et avec l’assistance d’une sage-femme, et un projet d’accouchement non assisté (ANA). Je trouve très regrettable que des femmes soient poussées à entreprendre un ANA à cause du manque de sages-femmes pratiquant les AAD : il me semble important que les femmes puissent avoir le choix. Et n’oublions pas qu’en matière de naissance le risque zéro n’existe pas et qu’il y a aussi (et surtout) des enfants et des femmes qui meurent dans les maternités, même si ce sont généralement les morts à domicile qui ont les honneurs de la presse. Et quelles que puissent être mes divergences avec Janet Fraser, toute ma sympathie lui va dans la terrible épreuve qu’elle traverse.

Quelques lectures pour aller plus loin :

  • Le blog Femme et mère, autour d’un projet d’ANA
  • Navelgazing midwife, article d’une sage-femme pratiquant les AAD sur les ANA (long et en anglais mais vraiment très intéressant -malgré les références au Sierra Leone…) ; rien que la conclusion vaut le coup : « La naissance ce n’est pas juste de ressentir une expérience incroyable. L’expérience doit être combinée avec la santé et la sécurité de la mère et du bébé. C’est ça qui est une expérience incroyable ! »

Sur ce blog :

Et un peu de vocabulaire/jargon anglo-français pour s’y retrouver :

  • UC = unassisted childbirth = accouchement non assisté (ANA) ; UCer = personne entreprenant un ANA
  • VBAC = vaginal birth after cesarean = accouchement vaginal après une césarienne (AVAC)
  • UP = unassisted pregnancy = grossesse non assistée (sans suivi médical)
  • CPM = certified professional midwife = sage-femme pouvant pratiquer les AAD aux USA
  • Freebirth = ANA
  • Homebirth = AAD

(La photo vise à réconcilier les femmes avec le corps médical)

Naissance orgasmique

lundi, janvier 5th, 2009

Pour commencer l’année en beauté, et suite aux commentaires de l’article précédent Happy 2009, un petit billet sur la naissance orgasmique, dont la possibilité a été relayée par un article de Courrier International « Accoucher, une expérience orgasmique » que vous trouverez ici (je le reproduis en fin d’article au cas où il ne serait plus en ligne). Il y a également un documentaire étatsunien, Orgasmic birth, qu’on peut se procurer en DVD (je ne sais pas s’il y a un doublage/des sous-titres en français). Il est possible d’en récupérer pour usage privé mais aussi pour organiser des projections publiques (pour ceux qui ont des asssoc’, pour les maternités, etc). Voici la bande-annonce (VO non sous-titrée, mais certains passages, euh, semblent relativement universels) :

Vu comme ça, ça fait envie, mais je crois que même lorsque toutes les conditions les plus favorables, la probabilité de connaître un orgasme en accouchant reste faible. Cette bloggueuse suggère qu’elle serait équivalente à celle de deux vierges connaissant un orgasme simultané lors de leur premier rapport…

Je pense qu’il est intéressant de diffuser ce genre d’information, ne serait-ce que pour tenter de corriger notre vision collective de la naissance qui est (légèrement) biaisée. D’autant plus lorsqu’on lit un des commentaires de la bande-annonce sur YouTube qui dit qu’en gros ces femmes sont perverses de jouir sur leur enfant et qu’on doit enfanter dans la douleur… Mais bon, de là à dire que si on est dans de bonnes conditions et qu’on respire comme il faut, non seulement on n’aura pas mal, mais en plus ce sera l’orgasme, ahem ahem. J’ai lu un certain nombre de récits de naissance à domicile et AUCUN ne fait mention de ce type de sensation. Peut-être que les femmes qui ont écrit les récits sont trop pudiques pour faire étalage de ces ressentis, en même temps ce n’est pas l’impression que donne leur lecture. En attendant si vous cherchez le « big O » il y a je pense d’autres méthodes que celle-là. Par contre, saviez-vous que les orgasmes peuvent être plus intenses quand vous êtes enceinte ? Ou encore que le plaisir sexuel (en général, pas seulement l’orgasme) peut être plus important après avoir eu un enfant (pas juste après, hein…) ?

Et vous, ça vous tente ? Y a-t-il des chanceuses qui ont déjà connu ça ?

L’article de Courrier International :

Courrier international – n° 861 – 3 mai 2007
Insolites
Accoucher : une expérience orgasmique
Douloureux, l’accouchement ? Katrina Caslake, elle, a trouvé cela divin, voire orgasmique. “C’était une expérience très sensuelle”, commente cette sage-femme de Wallington, qui a mis au monde (sans péridurale) ses deux fils, aujourd’hui âgés de 17 et 18 ans. “Toutes mes zones érogènes étaient stimulées. Je poussais des cris très proches de ceux de l’orgasme. De fait, c’était un véritable orgasme. Je vivais la chose la plus féminine qui soit donnée de vivre à une femme et c’était fantastique.” Même souvenir pour Frederika Deera. “Cela m’a remplie d’une euphorie indescriptible”, se rappelle cette attachée de presse qui a donné le jour à sa fille Delphine il y a deux ans à l’hôpital de Portsmouth. “C’était le nirvana : on a dû me faire une suture très importante, mais ça ne m’a même pas gênée.”
C’est cette expérience “jouissive” qui a poussé Katrina Caslake à devenir sage-femme. “Je savais que je n’étais pas un cas isolé”, explique la praticienne, qui travaille aujourd’hui pour Yours Maternally, un service d’obstétrique indépendant. “En encourageant d’autres femmes à faire confiance à leur corps et à se détendre, je me suis dit que je pourrais les aider à vivre des accouchements moins douloureux, plus agréables.” Même approche au Birth Centre, dans le sud de Londres, où Nathalie Mottershead, sage-femme, encourage activement l’accouchement sensuel. “Si les couples sont d’accord, on pratique des massages des mamelons et du clitoris pour faire apparaître les contractions, favoriser l’ouverture du col et du vagin et contribuer à soulager la douleur.” Objectif : faire de l’accouchement un moment de plaisir, voire d’extase. “Nous travaillons en étroite collaboration avec les femmes pour qu’elles puissent accoucher à domicile. Si les futures mamans acceptent de se sentir sexy, le travail peut être agréable, indolore, et le plaisir peut aller crescendo jusqu’à la naissance proprement dite.” “Si la femme se sent suffisamment à l’aise pour accepter une stimulation des mamelons et du clitoris pendant l’accouchement, cela aide à lutter contre la douleur et ça facilite le travail”, confirme Andrya Prescott, porte-parole de l’Association des sages-femmes indépendantes. Un petit tour sur le site Internet de l’Organisation américaine pour les naissances non assistées confirme à quel point l’accouchement peut être érotique. Le site décrit en détail des fantasmes de femmes où romantisme et rapports sexuels se traduisent par des “vagues de plaisir” et des “orgasmes cosmiques” au moment de la naissance. Manifestement, les femmes qui grimpent aux rideaux lors de l’enfantement sont plus nombreuses qu’on ne le croit. Sur les 151 femmes interrogées par la sage-femme américaine Ina May Gaskin, 82 disent avoir vécu au moins un accouchement orgasmique. Certes il s’agissait de naissances à domicile et de femmes ouvertes à ce type d’expérience. Mais les avantages sont loin d’être négligeables : un seul et unique orgasme serait 22 fois plus puissant qu’un calmant moyen, et l’excitation sexuelle entraîne une ouverture très sensible du vagin.
“Les femmes y réfléchiraient peut-être à deux fois avant d’accepter une péridurale si elles sa­vaient tout ça, mais personne n’en parle”, déplore Ina May Gaskin, pionnière de l’accouchement naturel, qui fut la première à découvrir la possibilité de l’orgasme pendant la naissance.
Mais il y a un hic : comme toute activité sexuelle, l’intensité du plaisir dépend largement de l’état de relaxation, de confiance et de sécurité que ressent la femme. Or la majorité des parturientes redoutent l’“épreuve” de l’accouchement. Ces craintes se traduisent, avant même le début du travail, par des contractions musculaires et une hausse du taux d’adrénaline. “Le problème, c’est que cette hormone inhibe le désir sexuel et freine les contractions, souligne Andrya Prescott. On est plus tendu et plus sujet à la douleur. C’est pour ça que le travail et la naissance à l’hôpital peuvent être mal vécus. Entourées d’étrangers, les femmes ont un taux d’adrénaline élevé. Dans ce cas, même si elles sont a priori partantes pour une stimulation sexuelle, elles peuvent aussi bien faire une croix dessus.”
Aujourd’hui encore, le sujet est tabou. “Beaucoup de femmes ont peur d’être considérées comme perverses ou anormales si elles admettent avoir des sensations sexuelles pendant l’accouchement”, souligne Carolyn Cowan, professeur de yoga. “Je donne des cours de danse érotique pour femmes enceintes, pour essayer de les débarrasser de ces inhibitions. J’ai deux ou trois trucs à leur apprendre – il a fallu que j’accouche de mon fils pour trouver mon point G.” L’excitation sexuelle provoque la sécrétion d’ocytocine, une hormone qui favorise l’affection et l’attachement, à l’origine des contractions utérines dans l’accouchement et dans l’orgasme. Il s’agit par ailleurs d’une endorphine : elle génère du plaisir tout en étant un puissant analgésique. Dans l’accouchement sensuel, le nourrisson n’est pas en reste. Inondé d’hormones du bien-être, il aura plus de chances de venir au monde heureux et détendu.
Anastasia Stephens
The Independent

Trop de césarisées

lundi, décembre 8th, 2008

C’est le JDD qui reprend une étude de la Fédération Hospitalière de France (FHF, pas trouvé l’étude sur leur site), avec ces résultats : le taux de césariennes a doublé en un peu plus de 20 ans (de 10,9% en 1981 à 20,1% en 2007). Cela veut dire qu’actuellement un bébé sur cinq naît par césarienne. Or si cette opération s’avère vitale dans certains cas, il est clair qu’elle n’est pas dénuée de risques, tant pour la mère (mortalité 3,5 fois supérieure à la voie basse) que pour l’enfant (risque de fragilité pulmonaire accru, entre autres). L’OMS, cet empêcheur de jouer du bistouri tranquille, préconise un taux de 15%. D’après le JDD, les raisons avancées de cette popularité de la césarienne sont les suivantes :

  • Optimisation de l‘organisation et du budget des services en programmant des césariennes quand le personnel est disponible
  • Augmentation des grossesses tardives et multiples qui sont statistiquement plus sujettes à complications
  • Crainte des poursuites judiciaires : un obstétricien sera poursuivi pour n’avoir pas fait la césarienne à temps, mais jamais pour avoir fait une césarienne injustifiée
  • Publication de l’étude Hannah (2000) montrant que la césarienne était moins risquée pour l’enfant que la voie basse en cas de présentation en siège, même si son interprétation porte à controverse (y compris par le CNGOF)
  • Hausse de la demande de césariennes de convenance

Pour ce dernier point, rappelons que la césarienne est une intervention chirurgicale, donc autant sur le coup c’est bien plus rapide et indolore qu’une voie basse, autant ça se paie ensuite pour les suites de couches.

Un autre point intéressant de cette étude est le top 100 du taux de césariennes par maternité, au sein duquel prédominent largement les cliniques privées de niveau 1. La palme (le César ?) revient à la clinique de la Muette avec un beau 43,3 %. En moyenne, le taux de césariennes est supérieur d’un point dans les maternités privées de niveau 1 à celui des maternités de niveau 3, toutes publiques et supposées accueillir les cas les plus pathologiques (même s’il y a toujours des surprises). J’avais déjà expliqué ici que privilégier une petite clinique à un gros hôpital n’était pas toujours une stratégie gagnante si on voulait un accouchement aussi physiologique que possible (même si bien sûr il s’agit d’une tendance globale à laquelle existent de nombreuses exceptions).

Les cliniques visées se défendent par les arguments suivants :

  • La césarienne n’est pas avantageuse financièrement (seulement 347 €).
  • Ce sont les femmes qui leur demandent des césariennes de convenance.
  • L’étude ne prend pas en compte le nombre d’accouchements, ce qui introduit un biais statistique (argument réfuté par la FHF).
  • Le taux de césarienne n’est pas un bon indicateur de la qualité des soins.

Tout ceci est fort intéressant, mais on peut regretter que comme souvent, l’article suppose qu’on ne peut accoucher qu’en maternité, ce qui n’est pas (tout à fait) le cas. Comme déjà évoqué ici, on peut accoucher :

  • en maternité
  • en maternité mais avec une sage-femme libérale ayant accès au plateau technique dans le cadre de l‘accompagnement global
  • en maison de naissance (si on n’habite pas en France ou alors près des frontières du Nord-Est)
  • à la maison avec une sage-femme libérale
  • à la maison sans assistance médicale (même si ça n’est pas recommandé, je ne crois pas que ce soit illégal)

Malheureusement, en France tout est fait pour orienter les couples vers la première option et pour décourager les autres possibilités ; d’ailleurs je vous rappelle que vous pouvez faire quelque chose (pour le moment j’ai eu une réponse convenue de l’Ordre des sages-femmes et pas un mot ni de Roselyne, ni du directeur de l’AP-HP, et pas plus de mon député, à qui j’avais envoyé une copie). Attention, il ne s’agit pas de stigmatiser les maternités ou les mères qui y accouchent (comme la Poule pondeuse par exemple), mais encore une fois d’offrir un vrai choix aux futurs parents. Il me semble en tout cas que ça pourrait être une bonne piste pour réduire un peu ce taux : ça n’empêchera pas les femmes de demander des césariennes de convenance mais ça devrait au moins diminuer la part due à l’optimisation du fonctionnement des services.

Si vous avez ou devez accoucher par césarienne, ce billet n’est pas là pour vous culpabiliser non plus : bien sûr qu’il y a un nombre non négligeable de cas où l’opération est incontournable, et heureusement qu’elle existe. A la maternité où j’ai accouché, ils recommandaient de prendre le rendez-vous des six semaines après la naissance avec l’obstétricien qui a pratiqué l’opération, afin de pouvoir lui poser toutes vos questions et de « refaire le film » ensemble. Et si vous ne le vivez pas bien, j’ai entendu beaucoup de bien de l’association Césarine. Peut-être certaines commentatrices qui sont passées par là pourront nous en dire plus ?

La poule pondeuse milite

jeudi, octobre 2nd, 2008

Je sais que ce blog est lu à l’international (rien que cette semaine nous avons eu des commentaires de Suisse, d’Espagne et de Californie, oui j’me la pète graaaaaave !), mais le post d’aujourd’hui est surtout à destination des lectrices résidant en France. Je vous ai parlé ici des différentes possibilités de lieu et d’accompagnement pour accoucher. Le problème est qu’un certain nombre de ces alternatives, même si elles existent sur le papier, sont en réalité extrêmement difficiles à mettre en oeuvre. Pour l’accouchement à domicile (AAD), il est très difficile de trouver une sage-femme qui les accompagne à cause des assurances prohibitives qu’elles doivent assumer. Les maisons de naissance n’existent pas en France, et les maternités ayant ouvert leur plateau technique aux sages-femmes libérales ne se bousculent pas au portillon. A Paris intra-muros, une seule maternité (la clinique du Bien Naître) propose cette alternative, sur les 28 que compte la capitale (si j’en crois cette liste). Je pense que même si on ne se sent pas attirée par les solutions alternative, on est quand même concernée car un pays qui en a les moyens comme le nôtre doit offrir une palette de soins comparable à ses voisins européens. D’autant plus que les solutions alternatives sont moins coûteuses pour la sécurité sociale que l’accouchement « classique » en maternité avec séjour de quelques jours à la clé. Il ne s’agit pas de dénigrer les maternités (ou les femmes qui y accouchent, dont je fais partie !), bien au contraire, mais d’obtenir une offre diversifiée en toute sécurité pour les femmes et les bébés. Certaines femmes sont tellement traumatisées par leur accouchement qu’elles sont réticentes à avoir un autre enfant : il est probable qu’avoir d’autres options pourrait les aider à surmonter ce blocage.

Passons à l’action ! A l’appel du CIANE (groupe de travail GT13), vous pouvez écrire au Conseil National de l’Ordre des Sages-femmes pour faire connaître la réalité de votre situation. On peut écrire aussi même si on n’est pas enceinte ! A mon avis, on peut rajouter son député en copie tant qu’on y est (voir ici si vous ne savez pas qui c’est). 

Tous les détails (modèles de lettre, adresses) sont ICI. N’hésitez pas à faire passer l’info, plus on est de fous…

Où accoucher

vendredi, juillet 18th, 2008

 Pour la grande majorité des femmes, la question ne se pose même pas : on accouche à la maternité. Pourtant il y a une large gamme de possibilités (certes pas aussi étendue que ce qu’on souhaiterait mais…), et même « la maternité » recouvre un certain nombre d’options.

C’est vrai, c’est quoi une maternité ? D’après wikipedia,

Les maternités sont des lieux de santé assurant le suivi de la grossesse, l’accouchement et les suites de couche de la femme enceinte, ou parturiente. 

Ce sont des structures hospitalières, privées ou publiques, dans lesquelles travaillent aussi bien des médecins (obstétriciens, anesthésistes, pédiatres) que des sages-femmes (et bien sûr infirmières, auxiliaires de puériculture, aides-soignantes, etc). Toute intervention nécessaire peut y être pratiquée, notamment grâce à la présence d’un bloc chirurgical (et du personnel ad hoc pour le faire fonctionner). Il existe trois niveaux (en fait quatre si on compte bien) qui correspondent aux niveaux de pathologies (en gros au niveau de prématurité de l’enfant) pouvant être pris en charge. Ils vont de 1 (le moins « médicalisé ») à 3 avec une petite subtilité pour le 2 qui se divise en 2A et 2B.  Je ne vous recopie pas tous les détails donnés par wikipedia pour chacun que vous pouvez lire d’un simple clic. Comme cela a déjà été abordé ici, les maternités de niveau plus bas ne sont paradoxalement pas les moins excitées du bistouri. Bien y réfléchir avant de choisir donc… si tant est que votre situation géographique vous le permette (dit la Parigote qui dans son seul arrondissement compte pas moins de quatre maternités) !

Sachez ensuite que certaines maternités proposent ce qu’on appelle des pôles physiologiques, avec des salles de naissance dites « nature », avec ballons, baignoires, draps accrochés au plafond pour se suspendre, etc (voir un exemple ici). Seules les sages-femmes y officient (l’anesthésiste ne passera pas vous proposer la péridurale). Elles sont bien sûr réservées aux accouchements a priori non pathologiques, et si un problème survient la parturiente est immédiatement transférée dans le circuit « classique ».

Une autre possibilité est l’accouchement avec une sage-femme libérale à la disposition de laquelle l’hôpital met son plateau technique. En gros, la sage-femme vous suit à son cabinet pendant votre grossesse, et le jour J vous vous retrouvez à la maternité, où on vous donne une salle d’accouchement et là vous vous débrouillez toutes les deux (enfin le papa est admis quand même). Si tout s’est bien passé, une fois l’accouchement fini, vous prenez vos cliques et vos claques (n’oubliez pas le bébé) et rentrez chez vous, où la sage-femme passera régulièrement vous voir. Et si ça ne se passe pas si bien, les toubibs de la maternité prendront la situation en main.

Si vous avez décidé que ni la grossesse ni l’accouchement n’étaient des pathologies (et si vous avez bien sûr la chance que votre grossesse se déroule sans anicroche), vous pouvez fuir hôpitaux et cliniques, mais autant vous prévenir : en France c’est un peu le parcours du combattant (contrairement à d’autres pays européens comme les Pays-Bas, terre sacrée des militants de la naissance naturelle).

Il est théoriquement possible d’accoucher chez soi avec l’aide d’une sage-femme libérale (les initiés parlent d’accouchement à domicile ou AAD). Mais vue la réticence globale du système sanitaire en France, ces sages-femmes sont de moins en moins nombreuses car ont de gros problèmes d’assurance. Et les parents peuvent ensuite avoir maille à partir avec la sécu (ce qui est bien dommage puisque -on s’en doute- l’AAD est bien moins coûteux que la maternité), sans compter les tracasseries avec la maternité à laquelle il faut quand même mieux s’inscrire pour s’y rabattre en cas de pépin. Un répertoire de sages-femmes libérales pratiquant les AAD en France (ainsi que celles ayant accès à un plateau technique) est disponible sur le site http://www.perinatalite.info/ (il faut ensuite cliquer sur « répertoire sages-femmes », on ne peut pas faire de lien direct). Certaines vont même jusqu’à l’accouchement non assisté (ANA), soit volontairement (mais ça n’est vraiment pas recommandé), soit parce qu’elles ont un poussin très très pressé (un joli exemple chez Isabelle95). Bon à savoir : dans la grande majorité des cas, les accouchements super rapides ne nécessitent pas d’intervention médicale particulière.

Enfin une dernière possibilité est celle de la maison de naissance. Celle-là est vraiment théorique puisqu’il n’y en a pas en France. Mais si vous habitez à l’étranger ou à proximité de pays maisondenaissançophiles, vous pouvez en bénéficier. La maison de naissance est un lieu indépendant entièrement sous la responsabilité de sages-femmes, au sein duquel une (ou deux) sage-femme réferente suit une femme enceinte pendant sa grossesse puis son accouchement et enfin les suites de couches. Bien entendu, à tout moment, la future maman peut être transférée vers un service d’obstétrique hospitalier si son état le nécessite. Un certain nombre de projets sont dans les cartons en France mais ils semblent rencontrer une certaine résistance de la part des pouvoirs publics et des médecins (notamment le CNGOF et le CARO) , alors que les sages-femmes soutiennent largement l’expérimentation du concept (voir le communiqué du Conseil national de l’ordre des sages-femmes). Je n’ai pas une connaissance très pointue des spécificités françaises qui empêchent de transposer chez nous un système qui a visiblement fait ses preuves chez nos voisins, mais il semblerait que ce soient surtout des querelles de chapelles qui soient à l’oeuvre, ce qui est bien dommage. En témoigne la controverse sur la localisation des maisons de naissance, qui pour certains devraient se trouver à l’intérieur des maternités et pour d’autres (le CIANE en particulier) en être totalement indépendantes. Et c’est bien dommage, car même si je ne me sens pas moi-même prête à accoucher en maison de naissance et à renoncer à Sainte Péridurale (faudrait déjà que je sois enceinte me direz-vous…), je trouve important qu’il y ait une offre suffisamment diversifiée pour que chacune y trouve son compte dans des conditions de sécurité optimales. 

Pour ceux et celles que ça intéresse, un peu de lecture (en plus des sites déjà cités en cours d’article) :

Le point sur les maisons de naissance : http://chaumont.catherine.free.fr/mdn/index.html

Le réseau européen des maisons de naissance (en anglais) : http://www.birthcenter-europe.net/index.html

Une histoire de la naissance en France par Marie-France Morel en quelques pages : http://couleurbebe.free.fr/phpBB2/viewtopic.php?t=4460

Le collectif Naître chez soi : http://www.naitrechezsoi.org/

N’hésitez pas à en proposer d’autres en commentaires.

(Image : http://cereales.lapin.org/index.php?number=131)