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Experts mode d’emploi

mardi, février 5th, 2013

 La controverse récente autour des pilules de 3ème et 4ème générations aura au moins eu le mérite de mettre en lumière la question du rôle des experts médicaux dans les médias, avec notamment une longue enquête du Monde sur les liens de certains gynécos avec les labos pharmaceutiques. Le choix de ces personnalités par les rédactions pour apporter un éclairage sur une question donnée ne semble en effet pas toujours être guidé ni par leur pertinence ni par leur compétence. Le Monde fait bien le point sur les conflits d’intérêt et les liens de nature diverse avec les labos pharmaceutique ou l’industrie agro-alimentaire, qui s’ils ne disqualifient pas entièrement l’expert devraient au moins être mentionnés. Notons que dans ce cas, certains médias particulièrement assujettis aux revenus publicitaires (et notamment la presse féminine et parentale) devraient sans doute en faire autant, ce qui ne laisserait pas grand chose à lire ou regarder.

Un autre problème moins mis en avant est l’incompétence de l’expert sur le sujet où on l’interroge : pourquoi interroger un pédiatre ou un psychanalyste sur la durée de l’allaitement ou la normalité du sommeil partagé ? Il n’est pas rare que certains en profitent pour propager leurs propres préjugés, qui prennent alors la couleur de vérités scientifiques alors qu’ils ignorent allègrement sur des pans entiers de la recherche (pour ces questions il serait souvent bien plus pertinent d’interroger des anthropologues ou des ethnologues par exemple, ou encore des épidémiologistes). Sans vouloir discréditer tout avis émis ex cathedra, il peut donc être utile d’aiguiser un peu son sens critique.

Concrètement, que faire quand on est confronté à une sentence d’expert, qu’elle soit dans une émission ou un article ou lors d’une consultation privée ?

  • Rechercher les éventuels conflits d’intérêt de la personne. Les déclarations d’intérêt des experts sont publiées sur les sites des agences et autorités publiques qui les sollicitent : voir par exemple la Haute autorité de santé (HAS), l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM, ex AFSSAPS) ou l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses, ex- Afssa et Afsset). Par exemple vous trouverez ici la déclaration d’intérêt du Dr Brigitte Letombe, à qui l’enquête du Monde s’est intéressée. Evidemment tous les experts médiatiques ne collaborent pas avec ces agences (ainsi je n’ai pas trouvé l’équivalent pour Israël Nisand, également cité dans l’article) mais c’est une première piste. Une recherche google peut également faire ressortir un colloque ou autre événement sponsorisé par les industriels dans lequel l’expert serait plus ou moins impliqué. Dans un cabinet médical, observez les affiches, prospectus, stylos etc : parfois les logos sont bien visibles, parfois c’est écrit en tout petit (par exemple la fameuse affiche pour le lait de croissance avec le biberon plein de frites était une production du Syndicat français des aliments de l’enfance, qui représente les intérêts de l’industrie agro-alimentaire -pour tout savoir sur le lait de croissance c’est ici). Certains avancent l’argument fallacieux que comme ils sont payés par tous ils n’en privilégient aucun, n’empêche qu’un médecin payé par les fabricants de pilule n’aura pas intérêt à mettre en avant les DIU ou les diaphragmes par exemple.
  • Vérifier la solidité scientifique de l’argument. A minima il doit être appuyé par des données scientifiques publiées, de préférence dans une revue à comité de lecture. La qualité de ces études et leur applicabilité étant variable, le must est une revue (ou mieux, une méta-analyse) de l’ensemble des études existantes. C’est le mode de travail de l’initiative Cochrane, dont certains travaux sont disponibles en français. En français, on peut également citer la revue Prescrire (même si beaucoup d’articles ne sont disponibles que sur abonnement) ou le Formindep. Les agences publiques citées ci-dessus (il y a aussi l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé, INPES et l’Institut de veille sanitaire, InVS) sont normalement une source d’expertise collégiale et basée sur les preuves, même si elles font régulièrement l’objet de critiques nourries (il y a aussi les agences européennes et celles d’autres pays occidentaux, avec les mêmes limites, sans parler des dissonances parfois observées d’un pays à l’autre). Les sociétés médicales ou associations de patients sont également une source d’informations, mais certaines sont également financées par l’industrie et d’autres peuvent privilégier des intérêts corporatistes. Si vous lisez l’anglais, il est intéressant de comparer le point de vue des gynécos étatsuniens sur l’accouchement à domicile (« si vraiment vous y tenez et que vous n’êtes pas trop gênée par la mort de votre bébé, faites-vous plaisir ») à celui de leurs homologues britanniques (« proposons l’AAD avec une sage-femme à toutes les femmes à bas risque, peut-être même que ce sera mieux pour elles »). A noter que la revue Cochrane qui s’est penchée sur le sujet va plutôt dans le sens des Anglais, même si comme souvent sur ces questions elle souligne un manque de données de bonne qualité. Il me semble qu’en particulier pour la périnatalité, beaucoup de questions ne sont pas strictement médicales et biologiques mais ont une forte composante culturelle et sociologique : qu’il s’agisse du sommeil, de la nourriture (y compris l’allaitement) ou de l’éducation en général, l’émergence de recherches pluridisciplinaires mêlant la biologie, la médecine, la psychologie et les sciences sociales est encore balbutiante (et hélas peu médiatisée).

Evidemment, la médecine ne se résume pas à l’application stricte des données de la recherche, sinon on pourrait remplacer les médecins par des ordinateurs qui suivraient des arbres de décision (et alors on n’aurait plus de blog de médecin à lire quand on s’emmerde au boulot). En plus si vous lisez un certain nombre de publications de la collaboration Cochrane par exemple, vous verrez que la phrase « les recherches existantes ne permettent pas de conclure » est sans doute celle qui revient le plus souvent. S’il faut donc descendre l’expert de son piédestal, il ne faut pas pour autant le jeter avec l’eau du bain.

Pour finir, voici les liens de quelques camarades blogueurs qui publient des billets basés sur la littérature médicale, même si je ne suis pas toujours d’accord avec tout (un jour, je mettrai à jour ma blogroll, un jour…) :

Photo : pardon, j’ai pas pu m’empêcher

Le poids : et alors ?

lundi, octobre 8th, 2012

 J’ai découvert récemment le blog de Fat nutritionist que j’ai littéralement dévoré (ha ha ha). Par ce biais, j’ai également découvert ce qui me semble être un équivalent étatsunien de l’approche du Dr Zermati et du GROS : Health At Every Size (HAES, littéralement La santé à toutes les tailles). Le paradigme de cette approche du surpoids et de l’obésité est que justement le poids n’est pas un bon indicateur de notre santé. Ainsi, plutôt que de se focaliser sur la perte de poids d’un patient, il vaudrait mieux s’attacher à diagnostiquer et traiter ses problèmes de santé en tant que tels (hypertension, diabète etc). Ce traitement peut passer par le changement d’habitudes (alimentation, exercice) qui peut lui-même alors mener à un changement du poids (ou pas), sans que ce soit le but recherché ou un bon marqueur de l’efficacité de la thérapie. Cette approche est assez radicalement différente des politiques publiques actuellement en oeuvre dans les pays occidentaux, aussi il m’a semblé intéressant de m’en faire l’écho ici, et en particulier de vous résumer cet article, publié en 2011 dans le Nutrition journal.

Quelques éléments de contexte

Les auteurs de l’article, Linda Bacon et Lucy Aphramor, sont des universitaires qui vivent également de l’approche HAES : vente de livres, séminaires, etc. On voit donc qu’il y a un certain conflit d’intérêt : la carrière et les finances des auteures iront plutôt mieux si l’innocuité et l’efficacité de HAES sont démontrées, et inversement. La méthodologie utilisée est une revue systématique de la littérature scientifique pré-existante sur ce sujet, focalisée sur six essais aléatoires en conditions contrôlées (en anglais « randomized controlled trial »), c’est-à-dire une des méthodes expérimentales les plus fiables en recherche médicale pour évaluer l’efficacité et les effets indésirables d’un traitement. Des données d’autres études (notamment rétrospectives, qui permettent d’évaluer a posteriori les bénéfices ou risques d’un traitement sur de plus larges groupes) sont également utilisées. Evidemment, la façon dont sont sélectionnés les essais déjà publiés rapportés dans l’article compte. Je me contenterai ici de vous indiquer ces limites sans les caractériser mieux, n’ayant pas le temps d’aller rechercher un par un les articles cités et de faire en parallèle ma propre revue de la littérature.

 

Que nous dit l’article ?

La première partie est une remise en question d’hypothèses couramment acceptées sur le rôle du poids comme indicateur de santé, et sur sa maîtrise via des directives strictes d’alimentation et d’exercice physique. Quelles sont-elles et quelles données scientifiques les appuient (ou pas) ?

  • L’adiposité est un facteur de risque significatif de mortalité : L’association entre l’IMC (indice de masse corporelle) et la longévité est faible, et les personnes en surpoids ou modérément obèses vivent aussi voire plus longtemps que celles qui ont un IMC normal. Il semblerait que pour un certain nombre de pathologies associées au surpoids (diabète de type 2, hypertension, maladies cardiaques…), les personnes obèses qui en souffrent vivent plus longtemps que les malades plus minces.
  • L’adiposité est un facteur de risque significatif de morbidité : Je cite l’article  « While it is well established that obesity is associated with increased risk for many diseases, causation is less well-established. » « Alors qu’il est bien établi que l’obésité est associée à un risque accru pour de nombreuses maladies, la causalité est moins bien établie. » Pour les auteurs, plus que le surpoids et l’obésité, ce sont les facteurs socio-économiques (pauvreté) et les variations de poids qui sont à incriminer.
  • La perte de poids allonge l’espérance de vie : Les études pointent plutôt vers l’inverse, c’est-à-dire que la perte de poids augmenterait la mortalité. Les bienfaits observés consécutivement à une perte de poids seraient plutôt dus aux changements de mode de vie (alimentation, exercice) associés à cet amincissement qu’à ce dernier.
  • N’importe qui peut perdre du poids sans regrossir par un régime approprié et de l’exercice physique, à condition d’être motivé : Je vais me contenter de cette citation, très éclairante, qui résume l’étude Women’s Health Initiative, le plus long et le plus large essai aléatoire en conditions contrôlées sur ces questions. « More than 20,000 women maintained a low-fat diet, reportedly reducing their calorie intake by an average of 360 calories per day and significantly increasing their activity. After almost eight years on this diet, there was almost no change in weight from starting point (a loss of 0.1 kg), and average waist circumference, which is a measure of abdominal fat, had increased (0.3 cm) » « Plus de 20 000 femmes ont suivi un régime pauvre en graisses, déclarant réduire leur apport en calories d’environ 360 calories par jour en moyenne et augmenter significativement leur activité. Après près de huit ans à ce régime, il n’y avait quasiment aucun changement de poids par rapport au début (perte de 0,1 kg), et le tour de taille moyen, qui est une mesure de la graisse abdominale, avait augmenté (de 0,3 cm). » Autre citation, cette fois d’un panel d’experts du National Institutes of Health « there is little support for the notion that diets lead to lasting weight loss or health benefits. » « Il y a peu de soutien à l’idée que les régimes entraînent une perte de poids durables ou des bénéfices en termes de santé. »
  • Rechercher la perte de poids est un objectif réalisable et souhaitable : L’article identifie un certain nombre des risques associés aux régimes restrictifs, comme l’ostéoporose, le stress psychologique et la production de cortisol ou l’augmentation du taux de polluants organiques persistants dans le sang. En outre, l’obsession du poids et l’insatisfaction de son corps qui l’accompagne souvent favoriseraient les troubles du comportement alimentaire. J’enfonce le clou avec une autre citation « Many studies also show that dieting is a strong predictor of future weight gain » « De nombreuses études montrent aussi que faire un régime est un facteur important d’augmentation future du poids ». Enfin les auteurs indiquent que ce présupposé entraîne la stigmatisation et la discrimination des personnes en surpoids. Outre la problématique morale, cette stigmatisation entraîne très concrètement une consommation accrue de nourriture, un évitement de l’exercice physique ainsi que des soins médicaux, la discrimination par les professionnels de santé étant avérée [je précise qu’il s’agit bien sûr d’une réalité « en moyenne », ce qui n’empêche pas -et heureusement- l’existence de professionnels bienveillants].
  • La seule façon pour une personne obèse ou en surpoids d’améliorer sa santé est de perdre du poids : Cette hypothèse n’a jamais vraiment pu être testée rigoureusement, pourquoi ? « One reason the hypothesis is untested isbecause no methods have proven to reduce weight longterm for a significant number of people » « Une des raisons pour laquelle cette hypothèse n’a pas été testé est qu’aucune méthode n’a fait la preuve de son efficacité à obtenir une perte de poids à long terme pour un nombre significatif de personnes. » Pour les auteurs, ce qui est important pour la santé ce sont les habitudes de vie indépendamment de l’évolution du poids : ainsi des bénéfices peuvent être obtenus en changeant ses habitudes même si cela s’accompagne d’un gain de poids.
  • Les coûts liés à l’obésité pèsent (ha ha) sur l’économie et cela peut être corrigé en cherchant à traiter et à prévenir l’obésité : Comme on l’a vu précédemment le lien entre obésité et maladie n’est pas si évident. En outre l’approche mise en oeuvre à large échelle contre l’obésité (régime et abdos-fessiers) est non seulement peu efficace mais comporte des risques, notamment de troubles du comportement alimentaire ou d’effet yoyo. En outre l’utilisation de l’IMC comme filtre pour déclencher la recherche ou pas de certaines maladies induit un surtraitement de la population en surpoids et obèse, et un sous-traitement de ceux qui ont un IMC normal. L’article met en avant une étude qui montre que plutôt que l’IMC, c’est l’image qu’une personne a de son corps qui serait un indicateur pertinent de sa santé.

 

Donc si je tente un grossier résumé : Partant du postulat erroné que tous les obèses sont malades, on leur fait subir un traitement inutile, inefficace et dangereux. En outre cela pose des problèmes éthiques et moraux, induisant des discriminations importantes envers ces personnes.

 

Que propose HAES ?

 

  • Encourager l’acceptation de son corps tel qu’il est plutôt que la perte ou la stabilisation du poids
  • Encourager une alimentation intuitive fondée sur les sensations corporelles (faim, satiété, envie, dégoût…) plutôt que sur la restriction cognitive (avec une grille préétablie d’aliments et de quantités autorisés ou interdits)
  • Encourager l‘activité spontanée et « incarnée » (je n’arrive pas à trouver une bonne traduction de « active embodiment ») plutôt qu’un planning d’exercice physique contrôlé

En bref, retrouver et favoriser une relation de plaisir, de confiance et d’autonomie avec son corps, y compris pour manger et bouger (.fr). Prendre le temps d’observer les effets qu’ont sur nous les aliments, à court et moyen terme, pour identifier lesquels nous conviennent le mieux (que ce soit pour l’humeur, concentration, énergie, satiété…). Chercher un mode d’activité physique agréable et facile à inclure dans sa routine : l’exercice « bon pour la santé » est souvent vu comme quelque chose de très codifié, selon un mode opératoire précis auquel il ne faut pas déroger. Or il peut aussi se trouver dans des activités simples du quotidien : ménage, jardinage, jouer avec les enfants, marcher, monter les escaliers, etc.

 

Quelles limites ?

C’est bien beau tout cela, mais qui nous dit que ce n’est pas une énième méthode de coaching à la noix ? A quel point ces allégations qui vont à l’encontre de toutes les recommandations officielles sont-elles solides ? Pas évident de vous répondre, n’étant ni médecin ni nutritionniste ni épidémiologiste ni rien de tout ça. En essayant de voir un peu comment cette approche était plus largement perçue j’ai trouvé… pas grand chose à part :

  • un article du ministère de l’agriculture étatsunien, plutôt positif
  • une critique sociologique du mouvement HAES : mais elle me semble en accepter les grands principes et se focaliser plutôt sur les détails de la mise en oeuvre ; sur ce point précis je n’ai pas d’opinion, n’en sachant pas beaucoup plus, mais je pense que cela ne remet pas en question les piliers de l’approche (de la même façon, on peut adhérer à la démarche de Zermati et du GROS et critiquer le site linecoaching).
  • le point de vue du Dr Sharma, spécialiste de l’obésité : il trouve l’approche intéressante et pense la mettre en pratique sans pour autant écarter d’autres alternatives. Pour lui, il faut trouver un juste milieu entre recommander systématiquement une perte de poids à tout patient ayant un IMC >30 et accepter toute surcharge pondérale sans prendre en compte son impact sur la qualité de vie et la santé du patient.

 

Ma réflexion

Personnellement, je pense qu’il est utile d’ouvrir le débat, et de pouvoir discuter de politiques publiques qui ont des effets sur de larges populations (d’autant plus que cette guerre au gras a également des effets importants sur les personnes avec un IMC normal, par l’idée que répandue que toute graisse = paresse et manque de volonté) tout en mobilisant d’importantes ressources (sans compter le marché de l’amincissement, qui est juste colossal). Evidemment, il ne faut pas en déduire que l’obésité (ou le surpoids) ne peut pas être un problème ou affecter la santé et la qualité de vie de certains, mais bien aborder chaque personne individuellement sans y plaquer un schéma déterminé par son poids. Je pense aussi que d’insister sur le fait que le poids est strictement déterminé par le comportement de l’individu (sous-entendu vertueux ou mauvais) peut conduire au sous-diagnostic de certaines pathologies qui influencent le poids (par exemple des problèmes de thyroïde peuvent entraîner prise comme perte de poids) : en caricaturant, on se réjouira d’une perte de poids subite sans juger utile de consulter, et à l’inverse on n’osera pas venir se plaindre d’une prise de poids de peur de se faire gronder et mettre au régime.

Je pense aussi que la nourriture que nous fournit l‘industrie agro-alimentaire dérègle nos circuits physiologiques de faim et de satiété. Déjà l’humain n’a jamais été confrontée à si large échelle à une telle abondance de gras, de sucre, de sel, et tout simplement de nourriture. Nos corps n’y sont simplement pas bien adaptés. En outre, on ne peut pas négliger l’omniprésence de nouvelles molécules qui viennent tromper nos sensations (exhausteurs de goût…), modifier notre métabolisme (acides gras trans…) ou notre régulation hormonale (BPA…). Il est évidemment délicat voire impossible de savoir à quel point ces substances affectent notre santé, mais pour autant on ne peut pas ignorer la transformation profonde de notre alimentation sur les cinquante dernières années, avec l’intensification de l’agriculture et le succès des préparations industrielles. Certes, personne ne nous oblige à les acheter mais qui arrive à ne jamais y recourir ? Même en étant féru de cuisine et critique du caddie, on aura bien du mal à s’en passer totalement et surtout à ne jamais fréquenter cantines, restaurants, fast-foods etc. Et l’idée n’est bien sûr pas de se retirer dans le Larzac vivre en autarcie (surtout si on y va tous, autant laisser Paris à Paris plutôt que dans le Larzac…) ou de devenir orthorexique, mais au moins d’être vigilant.

De façon plus générale, j’aimerais bien que la surveillance de l’industrie agro-alimentaire et les normes qu’elle doit respecter soient plus sévères. La France, attachée à sa gastronomie, est pourtant loin d’être la plus laxiste en ce domaine, mais elle reste très vulnérable face aux lobbys de l’agriculture et de l’industrie alimentaire (il n’y avait qu’à voir la panique à l’idée que Doux, le producteur de volaille de batterie aux antibiotiques fasse faillite : ne pouvait-on pas imaginer en profiter pour reconvertir cette activité vers une production plus douce pour l’environnement et la santé ?). On se focalise sur les coûts immédiats sans prendre en compte les coûts (immenses) sur le long terme à vouloir produire le plus possible pour le meilleur prix.

Il y a d’ailleurs très clairement un problème social à traiter, dans le sens où ce sont les catégories les plus défavorisées qui sont les plus touchées, et chez qui le surpoids et l’obésité sont les plus délétères. Comment donner accès à une nourriture de meilleure qualité, quand les produits frais sont chers et demandent un équipement trop coûteux pour certains pour être stockés et préparés convenablement ? Il ne suffit pas de faire la morale pour que ça fonctionne (et comme le mentionne l’article, si la honte faisait maigrir il n’y aurait plus d’obèses depuis longtemps).

Enfin la discrimination et la stigmatisation des gros sont inacceptables. Je dis bien gros car ça ne devrait pas être l’insulte que c’est devenue. C’est une description, comme on dit de quelqu’un qu’il est grand, petit, blond, brun, etc, et ça ne veut pas dire moche, nul, feignant, velléitaire ou que sais-je. A quel point est-on arrivé pour qu’un candidat à la présidentielle se sente obligé de perdre du poids pour être élu ? Personnellement je préférerais que le président consacre toute son énergie aux problèmes du pays plutôt que d’en avoir une partie déviée vers sa balance (comme dit Fat nutritionist c’est comme essayer de maintenir un ballon sous l’eau pour le reste de sa vie). Qu’on arrête de nous matraquer une norme corporelle de minceur, qu’on nous montre une plus grande diversité de physiques, sans en ériger systématiquement certains comme supérieurs aux autres (surtout si c’est toujours les mêmes). A quand une initiative Beauty At Every Size ?

 

D’autres billets du blog sur le même thème : I love ma cellulite et Casse-toi Dukon 

Image : « Wrong century », une oeuvre de l’artiste tchèque Tomas Kucerovsky ; illustration parfaite de la subjectivité des canons de beauté et de leur forte sensibilité aux normes sociales (des reproductions peuvent être commandées ici).

Olivia Moore est une mère indigne

lundi, avril 2nd, 2012

 Si vous avez un petit peu suivi le blog ces dernières semaines, la basse-cour était de sortie et les poulettes en goguette (à savoir Opale, Rysy, Mimi Pompon et bien sûr l’auteure de ces lignes) ont investi un petit bar parisien du côté de République pour aller voir le one woman show d’Olivia Moore. Je ne pensais pas a priori y consacrer un billet mais franchement j’ai eu un vrai coup de coeur pour son spectacle, partagé je crois par mes trois comparses. J’avais découvert Olivia à la journée des Mères actives, qu’elle avait magistralement clôturé par son sketch « Bref je suis une mère active » qui m’avait bien fait rire.

Pourquoi j’ai aimé le spectacle d’Olivia :

  • elle a une énergie incroyable, qui tient la salle en haleine, sans temps mort
  • au lieu de jouer sur la corde un peu éculée de la mère parfaite contre la mère indigne, et des caricatures des autres mères, elle s’amuse de ses propres difficultés
  • on est fortement incité à boire un mojito pendant le spectacle (mais c’est pas super pratique pour applaudir)
  • à partir de la situation « mère de famille nombreuse », elle balaie mine de rien assez large dans les thèmes et ça parle au plus grand nombre ; pas besoin d’avoir un enfant en bas âge pour en profiter
  • je suis secrètement fan d’Abba
  • tout simplement j’ai beaucoup ri, et je n’étais pas la seule

Concrètement, Olivia joue le jeudi soir à 20h30 (et parfois le dimanche à 15h) au Paname Art Café (vous pouvez vérifier les dates sur BilletReduc). L’entrée est gratuite mais il faut prendre une conso et l’artiste passe un chapeau à la fin (pensez à faire de la monnaie avant). Alors si vous avez des enfants ou des ados, si vous êtes déjà allé dans un hypermarché ou chez Ikea, si vous avez fréquenté le monde du travail, une banque ou un serveur vocal, courrez-y !

Et sinon je suis aujourd’hui sur Le plus pour répondre à Odile Buisson, gynécologue qui a commis une tribune très légèrement partisane il y a peu dans Le Monde. N’oubliez pas de lire aussi les réponses de 10 lunes, sage-femme, et de Souristine, médecin généraliste, avec qui nous avons cogité de concert. 

La journée des mères actives

jeudi, février 9th, 2012

 Comme je l’avais annoncé ici, j’ai assisté le 9 février à la première journée des mères actives, à la sympathique invitation de l’équipe de Maman travaille (dont je salue ici bien bas le travail magistral). Maman travaille, c’est un des premiers blogs que j’ai découverts, forcément intéressée par la problématique, même si je n’étais pas d’accord avec tout ce qui s’y disait (mais n’est-ce pas là la beauté d’internet que de pouvoir se frotter à des opinions et points de vue différents des nôtres ?), c’est maintenant un réseau et une association. Autour de la problématique des mères actives ont été abordés plus généralement l’articulation entre vie professionnelle et vie privée, la discrimination et bien d’autres questions qui nous touchent finalement tous. Selon mon engagement, j’en ai également fait un copieux Live tweet qui a noyé mes malheureux abonnés Twitter sous un flot d’extraits. Je dois dire que j’ai globalement été très impressionnée par la qualité des intervenants. A travers ce billet je vais essayer de vous donner plutôt une vision plus synthétique et forcément partielle de la journée, vraiment passionnante, sachant que l’équipe d’organisation fera sans doute une restitution plus exhaustive (tout a été filmé).

Un des leitmotivs de la journée pour moi : oser ! Oser se mettre en valeur, oser viser plus haut, oser demander un poste même si on ne se sent pas à 100% (120% ?) légitime pour le prendre… Comme l’a dit l’incroyable Aude de Thuin*, les femmes souffrent culturellement d’un manque de confiance en elles. Et en parallèle, ainsi que nous y incite Brigitte Grésy (une autre des stars du jour), les femmes doivent organiser leur incompétence parentale et ménagère, afin que les hommes prennent toute leur place dans la sphère familiale. Ceux-ci n’étaient d’ailleurs pas en reste (citons Till the Cat, père au foyer, et Mercredi C papa, une des rares associations d’hommes à s’intéresser à ces questions), et il ressort que les femmes d’aujourd’hui ne combattent plus contre les hommes mais AVEC eux (l’importance du bon choix du mari est d’ailleurs ressortie plusieurs fois comme un facteur clé de succès professionnel des femmes). On voit des effets positifs pour les hommes de s’impliquer dès les premiers jours auprès de leur bébé (cela augmenterait leur espérance de vie !) et également de promouvoir la parité en général ainsi que la flexibilité du temps de travail, ce qui augmente la performance mais également leur permet de passer sous le plancher de verre. Oui, car autour du plafond de verre c’est une vraie maison en fait, avec la métaphore déclinée à l’infini : plancher, murs, labyrinthe, et même escalators pour ces messieurs !

Il a été martelé tout au long de la journée que les valeurs, les compétences, les activités et les métiers que nous définissons comme féminins sont en réalité des stéréotypes culturels (si vous n’êtes pas convaincu lisez l’excellent livre de Brigitte Laloupe alias Olympe qui était là pour nous en parler), ce qui n’empêche que nous gagnerons tous à augmenter leur visibilité et leur attractivité : comme l’a souligné François Fatoux, délégué général de l’ORSE, si on cherche à attirer les femmes dans les métiers traditionnellement masculins (notamment en sciences) on ne fait pas la démarche inverse (combien d’hommes dans les métiers de la petite enfance ?). Il faut augmenter la visibilité des femmes au travail (et en particulier en situation de responsabilité) et celle des hommes au foyer, y compris dans la pub, mais aussi dans la presse, comme l’a rappelé Isabelle Germain.

Concrètement, je n’ai pas vraiment vu passer de solution révolutionnaire à tout cela. On a parlé modes de garde, avec le manque de places en crèche et la crèche d’entreprise qui n’est pas forcément la panacée (n’est-ce pas Mère Bordel ?), on a discuté congés parentaux/paternité/maternité : plus ? moins ? pour qui ? Ségolène Finet, s’appuyant sur son expérience aux Etats-Unis, a rappelé que le congé maternité se paie par une discrimination à l’emploi : si on ne veut pas de cette discrimination il faut un congé pour les deux parents ou un congé pour personne (ce qui est le cas aux US). On a également eu plusieurs intervenants pour rappeler qu’on ne peut pas être hyper performant sur tous les plans à tous les moments, avec l’idée de respecter les différents temps de la vie. Le congé parental (à temps partiel ou complet) est montré comme une respiration, voire comme un MBA où on apprendrait de nouvelles compétences ! Le télétravail est plébiscité, même si ses inconvénients ne sont pas occultés (incompatible avec la garde d’un enfant et source d’une trop grande porosité entre vie pro et vie privée). L’entrepreneuriat, s’il a le vent en poupe, n’est pas forcément la panacée, notamment avec des enfants en bas âge. Le temps partiel, et notamment le 80%, a été très critiqué (en gros même travail à faire en moins de temps et payé moins, incompatible avec l’ascension hiérarchique). Il semble pourtant mieux fonctionner voir être prisé par les hommes dans d’autres pays comme la Suisse. On n’a pas trop parlé de travail qu’on puisse faire AVEC les enfants (allez donc voir chez Alisabel pour quelques idées, comme toujours décoiffantes, sur ce sujet).

Mais peut-on vraiment avoir des solutions uniques pour tous ? La journée était très axée sur des problématiques de cadres supérieurs, de bobos. Aurélie Gastineau a rappelé que beaucoup de femmes ont un salaire quasi équivalent au coût de leur travail (garde de l’enfant, transport etc), ce qui dans un contexte économique tendu rend l’emploi salarié peu attractif. Attention aussi aux solutions à première vue cosmétiques, comme le jeudi des pères, qui une fois par mois (!! à terme par semaine) partiraient à 18 h, ou ce père qui expliquait tout fier avoir raté une réunion importante pour aller au conseil de classe. Les solutions ne sont pas les mêmes si on a un travail « de présence » (notamment en relation directe et physique avec le public ou le client : caissier, infirmier, commerçant…) ou « de dossier » (comme beaucoup de cadres) : l’un sera plus propice au temps partiel et l’autre au télétravail par exemple. De même, on a peu abordé les professions libérales, le public, les PME et TPE, les familles recomposées, homoparentales et bien d’autres cas, même s’il a été souligné que l’entreprise avait intérêt à étudier individuellement les besoins de chaque salarié. J’ai beaucoup aimé cette proposition de Laurence Cocandeau-Bellanger : il n’y a pas d’Idéal avec un grand I, il faut trouver son idéal à soi.

Enfin la journée a commencé et terminé autour de deux One woman shows, très complémentaires et également hilarants : le matin un extrait de Je suis top de Blandine Métayer, et l’après-midi Olivia Moore et son mythique « Bref, je suis une mère active ». J’avoue que ça m’a tellement donné envie que je serais tentée de proposer deux petites sorties aux poulettes parisiennes que ça tente : faites signe en commentaire.

En bref une belle journée, très inspirante et motivante, avec en prime la joie de rencontrer ou de revoir un certain nombre de chouettes personnes (elles se reconnaîtront) : un grand merci à Maman travaille !

*J’ai eu un véritable coup de coeur pour cette femme. Fondatrice du Women’s forum, avec un CV boulimique et une classe admirable, elle réussit en parallèle à rester vraie, sincère, émouvante, bref l’alliance parfaite du yin et du yang.

La poule pondeuse s’habille

mardi, février 16th, 2010

affiche_Pyjama_party_2003_3 L’autre jour en lisant mon Courrier international (oui je sais, ça la pète mais il faut bien que je me donne une contenance intellectuelle entre deux tomes de la série des Sookie Stackhouse) je suis tombée sur cette brève :

L’accès au supermarché Tesco de St Mellons, à Cardiff, est désormais interdit aux clients en pyjama ou en chemise de nuit. “Ils vont perdre leur clientèle”, estime Elaine Carmody. La jeune femme, éconduite par un vigile, juge cette mesure “ridicule”. Avec deux enfants, estime-t-elle, “on n’a pas le temps de se pomponner”. A Belfast, voilà déjà deux ans que le directeur de l’école primaire St Matthews a décidé de sévir. Accompagner ses enfants en pyjama est un “manque de respect pour l’établissement” et un “mauvais exemple” pour les élèves, a-t-il déclaré dans une note épinglant la “cinquantaine de mères” coutumières du fait.

Suis-je la seule à halluciner ? Je suis moi-même mère de deux enfants en bas âge et je ne suis encore jamais sortie en pyjama (de toute façon je ne porte pas de pyjama…). Par contre il n’est pas exclu qu’un certain Pouss1 sorte en pyjama si la phase du « Non non non non » ne passe pas rapidement…

Le meilleur matelas du monde

lundi, janvier 11th, 2010

cododo_papa Aujourd’hui, à 41 SA – 1 jour, j’avoue ne pas être d’humeur à disserter longuement, aussi je me contenterai de vous signaler cette petite vidéo (malheureusement pas réussi à l’intégrer directement à la page), vue chez les Z’imparfaites. Pour ceux et celles qui sont au boulot, vous pouvez regarder sans le son.

J’avoue que ça me pose quelques questions : Qui a dit que les pères ne pouvaient pas être maternants ? Quel parent ne s’est pas un jour retrouvé dans une situation du même type ? Où trouve-t-on un lit à barreaux de taille et de résistance suffisantes pour ce genre d’exercice (clairement même en n’étant pas enceinte il n’y a pas moyen que je tente le coup dans le nôtre) ? Pourquoi y a-t-il une caméra pour filmer la scène ? Y a-t-il beaucoup d’autres familles qui filment le coucher des enfants ?  (à ces dernières questions je dois répondre que même si la scène est « montée » elle est tellement criante de réalisme que ça n’enlève rien à sa saveur…).

Sinon, comme j’espère ne pas avoir le temps de bloguer cette semaine, je vous engage à aller faire un tour chez les Parents durables qui ont préparé tout un dossier prometteur sur l’éducation respectueuse.

Photo : Flickr

Grippe A express

vendredi, décembre 4th, 2009

barney_stinson302 Rassurez-vous personne n’est malade dans la Basse-cour, je voulais juste partager avec vous une page communiquée par Sabinounette, une gentille lectrice. Si jusqu’ici je n’avais pas dit grand chose sur le sujet épineux de la grippe H1N1, c’est tout simplement parce que je ne savais pas quoi dire. Très difficile de trouver des informations mesurées et objectives pour pondérer le discours officiel (qui il faut l’avouer fait un peu désordre par moment) ; j’accorde en général un crédit très très limité aux théories de complots en tout genre et ce sujet n’a pas fait exception. Donc au milieu de tout ça j’ai été bien heureuse de lire ce texte du Dr Dupagne, qui est équilibré, bien documenté et très intéressant, bref tout à fait mon genre de came. J’aime en particulier sa conclusion que je partage entièrement :

Sachez que, quelle que soit votre décision, la probabilité que vous soyez confronté à des conséquences graves liées à un mauvais choix est infime.

Pour ceux que ça intéresse (et à ma grande surprise il y en a, je dois être une blogueuse influente…), dans notre famille, entre ma grossesse et l’éclosion prochaine de l’Oeuf (sans compter un cas avec grosse complication de pneumonie dans mon entourage direct chez une personne sans facteur de risque particulier), nous avons choisi la vaccination, mais loin de moi l’idée de dire à quiconque ce qu’il devrait faire ou pas. Là encore je cite le Dr Dupagne :

Et si le doute vous hante encore, allez voir votre médecin pour en discuter, mais sachez qu’il ne pourra pas décider à votre place. Encore une fois c’est à vous de prendre cette décision.


Photo : Vous vous demandez sans doute ce que Barney vient faire là mais sachez que Neil Patrick Harris a joué le rôle titre de Doogie Howser, MD,  et aussi de Dr Horrible (une micro-série en comédie musicale à voir absolument), donc il me semble qu’il a sa place dans la rubrique « info médicale potentiellement angoissante devant être contre-balancée par la présence d’un beau médecin ». Ceci dit je commence à sécher un peu alors n’hésitez pas à faire des suggestions en commentaire…

Un p’tit pois au théâtre

vendredi, novembre 27th, 2009

trio-fond2 Comme je l’avais mentionné dans les commentaires ici, le Poussin et moi sommes allés par une belle matinée pluvieuse de novembre voir Trio pour un p’tit pois au théâtre de Vanves. C’est la première fois qu’il allait au théâtre, même s’il a déjà assisté à des concerts informels. Le bilan de la matinée est très positif (déjà on a pris deux bus, ça aurait pu justifier la sortie). En effet, le spectacle est de très bonne qualité, tant scénique que musicale : c’est poétique, c’est drôle, c’est original, même Maman (ou Papa) ne s’embête pas. Pour le Poussin ça a été particulièrement un succès parce qu’il adore la musique et les instruments ; or le spectacle est entièrement musical et fait la démonstration de dizaines d’instruments plus ou moins connus (guitare, saxophone, accordéon, piano, xylophone, mais aussi plein de flûtes bizarres, d’appeaux, de carillons, de percussions, etc). D’ailleurs je peux vous dire qu’en termes de décrochage de mâchoire avec léger filet de bave sur la commissure des lèvres, il en tenait une bonne couche ; comme quoi il n’y a pas que la télé… Mais les autres enfants (en moyenne des 3-6 ans je dirais) avaient l’air aussi de passer un bon moment, donc la passion musicale ne semble pas être un prérequis pour apprécier le spectacle. Le principal hic du spectacle, ce sont les noirs* et les passages avec peu de lumière et de la fumée, le Poussin se mettait systématiquement à pleurer. Heureusement ça ne durait jamais bien longtemps donc on n’a pas eu à partir (le spectacle dure environ 50 minutes).

Comme une vidéo sera toujours plus explicite que toutes mes descriptions (et aussi comme je suis une grosse flemmasse), voici quelques extraits du spectacle (vidéo également disponible sur Basse-cour TV) :

En bref, si jamais Pascal Ayerbe et ses deux comparses passent près de chez vous, n’hésitez pas à y emmener vos poussins. Pour toutes les infos sur le spectacle (y compris les prochaines dates) voir le site web (à noter qu’ils préconisent un âge minimum de 5 ans alors que le site du théâtre lui disait 2 ans… ici à 2 ans 1/2 on n’a pas regretté donc mais le Poussin est plutôt calme et musicophile).

*Avant que vous n’alertiez la LICRA et le MRAP, je signale que je parle des passages où tous les éclairages sont éteints (il fait noir quoi).

(Photo : Trio pour un p’tit pois)

Un sociologue parle d’éducation

jeudi, octobre 1st, 2009

copieur Bon OK c’est un article de méga-flemmasse mais Clemys a eu la gentillesse de m’envoyer le lien et je trouve les observations de ce Monsieur très justes et pertinentes alors je ne peux que vous les faire passer.

Interview de François de Singly parue dans le journal Le Monde du 29 septembre 2009 (je fais un copier coller car après un certain temps les articles deviennent payants… bon ce n’est probablement pas super légal mais tant pis j’ose…) :

François de Singly, sociologue à l’université Paris-Descartes, a publié de nombreux livres sur la famille, la vie privée et l’adolescence. Dans son dernier ouvrage, Comment aider l’enfant à devenir lui-même ? (Armand Colin, 160 p., 16,50 euros), à paraître le 1er octobre, il s’inscrit en faux contre les discours sur « l’enfant roi » et décrypte nos nouvelles manières d’éduquer les enfants.

Qu’est-ce qui a changé, en un siècle, dans le regard porté sur l’enfance ?

Dans les sociétés dites de la première modernité, de la fin du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe, la socialisation se résumait à l’apprentissage des règles : le petit apprenait les usages de la vie en commun, les préceptes d’hygiène, les manières de table et, ce faisant, il apprenait l’autorité et l’obéissance. L’application des valeurs de la philosophie des Lumières, comme l’autonomie, était repoussée à l’âge adulte, et encore.

Le grand tournant, c’est la seconde modernité, c’est-à-dire les années 1960. Le regard sur les enfants se modifie profondément en raison, notamment, du discours des psychologues symbolisé, en France, par Françoise Dolto. Les adultes se mettent à considérer que l’enfant est singulier et que le but de l’éducation est de l’aider à devenir lui-même. L’enfant doit donc être respecté en tant qu’être unique, mais aussi en tant qu’être humain : il devient un sujet de droit, comme le proclame la Convention internationale sur les droits de l’enfant de 1989. Ce mouvement est contemporain de la scolarisation massive et de l’apparition d’une « culture jeune » : les enfants ont des goûts musicaux, des vêtements, des jeux propres à leur génération, ce qui était impensable il y a un siècle.

En quoi ce changement de regard sur l’enfant a-t-il transformé le rôle des parents ?

A la culture de la transmission et de l’obéissance succède peu à peu une culture de la découverte et de l’accompagnement. Le parent continue à se soucier de la transmission des valeurs familiales, mais il doit également prendre en compte la singularité de l’enfant, respecter ses droits et accepter la présence de la culture de ses pairs. Je dis souvent qu’il propose à l’enfant une boîte de briques – des activités culturelles, des traditions familiales, des moments de sport -, mais que la règle du jeu est plus ouverte : les parents, comme l’enfant, ignorent ce qui sera construit. Plusieurs modèles, identités, peuvent être bâtis à partir des mêmes briques !

Le « voyage » éducatif a donc profondément changé. Dans la logique de la transmission, le parent avait une autorité supérieure et il savait à tout moment ce qui était le mieux pour l’enfant : il était le guide sévère d’un voyage organisé qui passait par de « grandes » étapes imposées.

Dans la logique de la découverte, l’important n’est pas tant le but du voyage que le voyage en tant que tel : c’est en lui-même qu’il est formateur, car il permet à l’enfant d’accéder à l’autonomie et de développer un soi raisonnable.

Les détracteurs de ces nouvelles manières d’éduquer affirment que ces « parents-accompagnateurs » ont renoncé à tort à l’autorité et à la contrainte…

Quand on regarde de près, en sociologue, les familles d’aujourd’hui, on s’aperçoit que, contrairement à ce que dit, par exemple, le pédiatre Aldo Naouri, les parents fixent des cadres, et ils en fixent même beaucoup : les enfants choisissent très rarement leurs heures de coucher, ils doivent respecter les rythmes de la vie familiale, notamment pour les repas, et ils font l’objet d’une très grande exigence scolaire.

Il y a donc, dans la plupart des familles, un apprentissage continu de la vie collective et surtout, un suivi rigoureux de la scolarité, qui constitue l’élément central de ce qui reste de la transmission. Les enfants d’aujourd’hui ont sûrement plus de terrains d’expression personnelle qu’il y a cinquante ans mais pour l’immense majorité des parents, l’école est non négociable !

Dans le « voyage-découverte », la contrainte n’est évidemment pas absente. Elle prend deux formes : le parent impose à la fois l’explicitation des demandes et le respect du contrat. L’explicitation car , dans une société démocratique, il faut apprendre à discuter avec ses semblables autrement qu’en disant « J’ai envie de… » : l’enfant doit donc faire l’apprentissage de l’argumentation. Le respect du contrat car le parent est là pour imposer les règles du jeu : il peut, par exemple, accepter que l’enfant change de sport, mais à condition d’expérimenter le nouveau pendant un certain temps.

Vous parlez dans votre livre de la « fatigue » des parents. A quoi est due cette fatigue ?

Les principes directifs du modèle ancien étaient simples mais reposants : il fallait, par exemple, donner les biberons à heure fixe et, plus tard, imposer des règles sans argumenter. Le voyage-découverte, lui, est souvent épuisant : il faut décoder les pleurs du bébé, se poser des tas de questions que l’on ne se posait pas il y a cinquante ans, et plus tard, argumenter avec l’enfant et faire la part entre ce qui est légitime que l’enfant exprime et ce qu’il doit apprendre pour vivre en société.

Si l’enfant, en grandissant, joue honnêtement le jeu du voyage-découverte, le parent doit en outre accepter ce que l’enfant est en train de devenir, même si cela ne lui fait pas vraiment plaisir. Ce n’est pas toujours facile !

Propos recueillis par Anne Chemin
Je ne sais pas vous mais moi ça me donne envie de lire son bouquin !

(Image trouvée ici)

Grossesse et grippe A

lundi, septembre 21st, 2009

dr-owen-hunt-photo_316x476 Aujourd’hui la Poule se joint au concert médiatique pour vous parler un peu de la grippe A. Loin de moi l’idée de m’introniser expert en grippe ou en épidémiologie, mais figurez-vous que ces Messieurs du CNGOF (Collège national des gynécologues obstétriciens de France) ont pondu un beau petit document (à télécharger ici) pour expliquer la grippe A aux femmes enceintes. Petite parenthèse : je ne veux pas piétiner les plates-bandes d’Olympe mais je trouve assez hallucinant qu’un organisme dont la vocation est en gros de s’occuper de la santé des femmes (en l’occurrence le CNGOF) soit composé quasi exclusivement de bonshommes (voir ici les membres du bureau et ceux du CA, c’est pire que le Sénat, et en plus y en n’a pas un avec un vague air de McDreamy, la loose). Fin de l’apparté.

Pour revenir à notre sujet du jour, à moins de vivre en ermite reclus ces derniers jours, vous avez difficilement pu échapper au fait que la grippe A serait plus dangereuse pour les femmes enceintes (en particulier au troisième trimestre) que pour l’individu lambda. En gros, comme les femmes enceintes ont d’une part une capacité respiratoire moindre (z’avez remarqué cette impression d’avoir le diaphragme entre les seins et les clavicules ?) et d’autre part un système immunitaire moins efficace, elles ont plus de risques de développer des complications pulmonaires sévères. Et de façon générale, une fièvre élevée (causée par une grippe ou une autre infection) peut provoquer des contractions et faire passer la grossesse en menace d’accouchement prématuré, voire accouchement prématuré, ce qui n’est pas franchement souhaitable. Il vaudrait donc mieux éviter de contracter la grippe (A ou autre d’ailleurs) lorsqu’on est enceinte.

Que nous recommande le CNGOF ? (en plus des inévitables lavages de main & co, voir ici pour tous les détails)

Bonne nouvelle :

Il n’y a pas de raison de modifier vos activités : travail, transports, réunions de famille…

Mais quelques lignes plus loin :

Eviter les lieux de contamination : hôpitaux, cliniques, écoles, transports en communs,
grands rassemblements publics…

Donc si vous êtes (au hasard) une gyn-obs enceinte qui travaille à l’hôpital et s’y rend par les transports en commun, libre à vous de choisir celles des deux recommandations contradictoires qui vous arrange le plus. Dommage que vous n’ayez pas participé à la rédaction du document ceci dit…

Sinon je dois avoir un don de prescience mais l’organisation prévue pour mon suivi de grossesse et mon accouchement (pourtant choisie avant l’été) est pile poil dans les recommandations anti-grippe : consultations au cabinet par une sage-femme libérale (échographies également en ville), suites de couche à la maison plutôt qu’à la maternité… En tant que partisane du libre choix des femmes et du développement des alternatives plus physiologiques, je ne peux que me réjouir que la pandémie mette en lumière ce type de suivi. Mais (il y a un mais) n’oublions pas les femmes en situation précaire ayant un accès limité à ce type de soins (mauvaise connaissance du système, quartiers avec peu de professionnels…). Pour ces femmes le suivi de grossesse en maternité publique est souvent une des seules occasions d’être examinée par un professionnel de santé, de voir certaines pathologies (liées ou pas à la grossesse) dépistées, mais aussi d’améliorer leur intégration dans la société, notamment pour celles issues de l’immigration : cela peut être l’occasion de les orienter vers des travailleurs sociaux par exemple, mais tout simplement de leur faire connaître leurs droits. La réduction possible du nombre de consultations et d’échographies (suppression de celle du troisième trimestre) proposée en page 9 renforce ces inquiétudes. Espérons donc que la pandémie n’ait pas (trop) de répercussions de ce type sur ces populations déjà fragiles.

Je vous passe le passage sur l’allaitement par une mère grippée (p. 7) dont les modalités décourageraient probablement la fondatrice de la Leche league, ainsi que sur la réponse lapidaire à la question « Où accoucher ? » (p. 5) :

L’accouchement doit avoir lieu, comme de coutume, dans un établissement de santé (clinique
ou hôpital), y compris en période de pandémie grippale.

Même pour éviter la grippe A, le CNGOF n’est apparemment pas prêt à envisager l’accouchement à domicile (bien sûr accompagné par une sage-femme rompue à l’exercice et pour les femmes dont la grossesse présente un niveau de risque minimal). Cela serait pourtant dans la continuité de leurs recommandations d’éviter autant que possible la fréquentation des hôpitaux…

La vaccination des femmes enceintes est recommandée (dans la lignée des préconisations d’autres organismes de santé), même s’il n’est fait nulle mention de l’intérêt ou du risque des adjuvants (voir pour cela l’avis du HCSP qui semble privilégier l’emploi d’un vaccin sans adjuvant pour les femmes enceinte -je dis « semble » parce que d’une phrase à l’autre on a un peu l’impression qu’ils préconisent tout et son contraire). Les adjuvants utilisés pour ce vaccin font en effet l’objet d’une controverse importante, qui explique en partie la réception très mitigée de la campagne de vaccination par la population.

De mon côté j’avoue que je reste très indécise quant à faire ou pas ce vaccin, même si pour le moment je reste très dubitative concernant le Poussin vu que primo il est en bonne santé et robuste et deuzio il n’est pas gardé en collectivité. Je pense aussi que si je n’étais pas enceinte je ne le ferais probablement pas. Bref c’est le doute dans la basse-cour. Et chez vous ?

(Photo : bon OK si c’est lui qui fait le vaccin j’y vais…)