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Lâcher prise

mercredi, mars 21st, 2012

 » Mon Dieu, donne moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d’accepter celles que je ne peux pas changer, et la sagesse de distinguer entre les deux. »

C’est grâce à la rédaction de ce billet que j’ai découvert que cette prière de la sérénité généralement attribuée à l’empereur Marc-Aurèle serait en réalité l’oeuvre d’un médecin américain des années 30 (ce qui ne stoppera pas sa diffusion généralisée par fichier pps avec arc-en-ciels, chatons et photo du Dalaï Lama) ; elle est souvent utilisée par les Alcooliques anonymes. Mais revenons au sujet qui nous intéresse plutôt que de pousser plus avant sur cette question d’éthylisme et d’anonymat.

A mon humble avis, les enfants entrent dans la deuxième catégorie de choses. Toute la (bonne) volonté du monde n’y changera rien, on ne maîtrise pas grand-chose. Et s’il y a quelque chose que ces quelques années avec mes enfants m’ont appris, c’est bien que les choses sont infiniment plus simples et un poil moins épuisantes une fois qu’on l’a compris et accepté. Cette acceptation en particulier est loin d’être évidente mais honnêtement je trouve que mieux vaut consacrer le peu d’énergie qu’il nous reste à cela que s’échiner à tenter de maîtriser des choses plus incoercibles que Katrina ou Xynthia.

D’autant plus que le lâcher prise n’est pas une valeur très en vogue dans nos sociétés où la conjugaison de l’hyper technologie et de l’assurance tous risques nous donnent l’illusion d’avoir n’importe quelle situation bien en main. C’est simple, il suffit de bien travailler à l’école, ensuite on pourra faire de bonnes études et avoir un bon travail qui paiera le trois pièces, la purée de butternut bio quotidienne et l’iphone 4S. En cas de pépin de santé, la médecine et la sécu sont là, si quelqu’un vient nous embêter, la police et la justice sont là, en cas d’autre problème on sera dédommagé et/ou pris en charge. Evidemment dans la vraie vie ça ne marche pas toujours aussi bien, mais l’idée générale est là. Ce n’est pas un regret ou une critique, juste une constatation.

Mais pour les enfants

D’abord vous avez beau avoir suivi le régime « fille », pris consciencieusement vos omégas 3 et votre acide folique, programmé des séances de galipettes à J14/au pic de température et fait le poirier 15 minutes après, rien ne garantit que ça marche. Et –à quelques rares et douloureuses exceptions près- vous ne pouvez vous retourner contre personne pour protester. Les méthodes médicalisées n’offrent pas non plus 100% de succès, bien loin s’en faut. La grossesse vous montre ensuite que la maîtrise totale du corps est une belle utopie, et l’accouchement refuse tout aussi obstinément de rentrer dans les cases que les obstétriciens ont pourtant passé la plus grande partie du siècle dernier à peaufiner. On ne sait pas l’arrêter, pas plus qu’on ne sait le déclencher à coup sûr (même s’il reste toujours la césarienne).

Quant au bébé… il n’a pas lu les manuels de puériculture, il n’a aucune notion de savoir vivre et d’étiquette sociale, et ne semble en manifester aucune honte. Il refuse de reconnaître les règles qui encadrent le travail de nuit, ainsi que le droit à une pause syndicale à intervalles réguliers. Il ne sait pas que ça ne se fait pas d’élever la voix comme ça (et le tapage nocturne malheureux ?). Je crois que c’est finalement une des choses les plus dérangeantes pour les parents : être confronté à un être aussi primaire, aussi indifférent aux conventions sociales, qui piétine nos règles et notre cadre si minutieusement construits. On n’en a tout simplement plus l’habitude. N’importe quel adulte se comportant de cette façon serait immédiatement neutralisé, au minimum par une ordonnance restrictive. Mais là il n’est non seulement pas envisageable de s’en débarrasser mais en plus il faut s’en réjouir. Cela n’enlève rien au fait qu’il soit adorable, qu’on fonde devant ses ongles minuscules, qu’on se shoote à sa bonne odeur de bébé, qu’on soit profondément touché par son sourire. Juste qu’on n’a pas l’habitude.

Concrètement, une fois qu’on a intégré qu’on ne maîtrise ni le sommeil, ni l’alimentation, ni plus généralement le comportement de son enfant, on peut souffler un coup. Ca ne veut pas dire qu’il faut laisser tomber ou que les parents n’ont aucun rôle à jouer ni rien à transmettre, lâcher prise n’est pas laisser faire. Mais au final c’est l’enfant qui a le dernier mot : à moins de le droguer vous ne pourrez pas le forcer à dormir, à moins de le gaver vous ne pourrez pas le forcer à manger, à moins de le bâillonner/assommer vous ne pourrez pas le forcer à arrêter de crier. Je me souviens être tombée de ma chaise en lisant à la fin de Parents efficaces que les parents ne peuvent pas empêcher leurs enfants de fumer par exemple (là on parle d’adolescents, pas de nouveaux nés bien sûr). Ils peuvent bien sûr les décourager, les informer, ils peuvent même interdire, mais ils ne peuvent pas empêcher. Nous devons en être conscients.

Au quotidien, cela veut dire encore et toujours de définir ses priorités à un moment donné (car la plupart de ces priorités fluctuent au cours du temps sans que ce soit gênant) : je préfère que bébé dorme le plus vite possible ou qu’il dorme dans son lit ? je préfère que mon enfant apprenne à patienter et à gérer sa frustration ou qu’il se taise tout de suite ? Plus facile à dire qu’à faire, j’en fais chaque jour l’expérience, mais salutaire pour toute la famille. Je ne vais pas redévelopper ici, mais plutôt vous inviter à (re)lire ces deux billets sur l’éducation sans punition en cliquant ici et .

Ségolène en parlait aussi dans ce billet, avec une approche un peu complémentaire : Devenir parent : entre contrôle et confiance ?. J’ai bien aimé la métaphore proposée par une commentatrice, Marie, qui compare les parents à des jardiniers et les enfants à des plantes. Notre rôle est de leur procurer de bonnes conditions pour grandir (et on se doute que selon la plante et selon l’endroit -on ne cultive pas le blé en Italie de la même façon qu’aux Pays-Bas- ces conditions vont varier). Mais chacun sait que ce n’est pas en tirant sur la plante qu’on la fera pousser plus vite (bon je dis ça mais vu mon passif en termes d’orchidées crevées je ne suis peut-être pas la personne à écouter sur le sujet).

Je finirai sur une réflexion un peu (mais pas trop) hors sujet. Le besoin que nous avons de nous comparer sans cesse les uns aux autres est bien humain, et je crois que cela nous offre des possibilités d’amélioration et d’ouverture immenses. Mais vraiment, il me semble que nous aurons tous beaucoup à gagner quand nous aurons réalisé que « bien » ne se définit pas forcément par « mieux que le voisin », et qu’il peut même y avoir plusieurs choses différentes de « bien » sans que l’une soit mieux que l’autre. Que la justification et la validation de notre choix, de notre état, n’a pas obligatoirement à se faire en critiquant ceux des autres. Là encore un bel exercice de lâcher prise

Image : oui, c’est une blague pourrie, et oui, j’assume (même si elle n’est pas de moi).

Casse-toi Dukon

lundi, janvier 2nd, 2012

Un célèbre médecin promoteur de régime défraie la chronique en demandant ouvertement au Président de la République de prendre en compte l’indice de masse corporelle (IMC) des candidats dans le calcul de la note finale au Bac. Passons sur le coup de pub tout en subtilité, passons sur l’inanité de la proposition qui a déjà été brillamment démontée ici.

Plusieurs éléments, explicites ou sous-jacents dans ce discours, me poussent à prendre le clavier pour y apporter un autre éclairage.

  1. Le surpoids et l’obésité sont des maladies. Bien sûr, une surcharge graisseuse (parce que si j’en crois Wikipedia, l’IMC d’un sportif de haut niveau comme le rugbyman Imanol Harinordoquy, à 29, indique un surpoids à la limite de l’obésité ; de là à le mettre au régime…) augmente le risque d’un certain nombre de pathologies, comme le diabète de type 2 ou les maladies cardio-vasculaires. Nul ne nie qu’il s’agit là d’un important problème de santé. Mais… qui est vraiment en surpoids ? Dans notre société où la minceur est devenue une valeur à part entière, il n’est pas rare de voir des personnes en parfaite santé entreprendre des régimes drastiques pour cause de bourrelet disgracieux ou d’une culotte de cheval à peau d’orange. Or quand on pointe au Dr Dukan les risques inhérents à son régime, il répond qu’il faut les mettre en balance avec ceux de l’obésité et du surpoids. Pourquoi pas, mais quid de toutes ces femmes dont la principale tare est de faire du 42 (alors que -pour faire simple- jusqu’à un IMC de 27 il n’y a pas de conséquences significatives pour la santé) ? Le bénéfice de rentrer (temporairement ?) dans un 36 vaut-il le risque de suivre un régime classé comme le plus dangereux de tous par la British Dietetic Association (pour qui il est encore pire que l’alcorexie, régime où l’aliment principal est l’alcool)  Quid de l’effet yoyo caractéristique des régimes hyper restrictifs dont une des conséquences est finalement l’installation de l’obésité ?
  2. Le surpoids n’est qu’un problème de volonté. Comme le souligne l’OMS, les causes principales de la prise de poids sont une alimentation inadaptée tant en qualité qu’en quantité, et la sédentarisation de notre mode de vie. Donc pour ressembler à Kate ou à Gwyneth, facile, tu poses ce paquet de chips et tu vas courir. Mais est-ce vraiment si simple ? Sommes-nous tous égaux devant le gras, notre corpulence étant un indicateur direct de notre capacité à bien organiser notre vie ? On sait pourtant que les porteurs d’une certaine mutation génétique ont un risque de 70% d’être obèse : est-ce à dire qu’on aurait trouvé le gène de la flemme ? Doit-on également balayer sous le tapis le lien entre alimentation et émotions ? Nous avons à peu près tous une certaine propension à développer des conduites potentiellement addictives pour gérer nos émotions, notamment par les circuits de la récompense : pour certains ce seront des drogues classiques comme l’alcool ou le tabac, pour d’autres la nourriture (et en particulier les aliments les plus gras, sucrés et salés), pour d’autres encore des comportements moins stigmatisés socialement, comme la pratique du sport à outrance (reconnaissons que cela a plus d’effets bénéfiques sur la santé que de fumer un paquet par jour). Manger du son d’avoine est-il vraiment la meilleure façon de traiter ces problèmes ?

Alors par pitié, arrêtons de stigmatiser les gros. Reconnaissons que de la même façon qu’il y a des petits, des grands, des blonds, des bruns, il y a différentes corpulences ; qu’on n’est pas obligé de les trouver également belles (chacun ses goûts, c’est bien légitime) mais que ça n’empêche pas d’accepter simplement leur coexistence et la possibilité que ce ne soit pas LE déterminant majeur de la beauté (ou pire de l’intérêt d’une personne). Cela n’empêche pas de s’intéresser à la progression de l’obésité et aux moyens de l’enrayer, mais ce n’est pas incompatible, au contraire. Peut-on déjà rappeler que l’obésité est directement liée à la pauvreté ? Comment voir un régime hyperprotéiné comme la panacée, alors même que ces aliments ont un coût financier élevé, sans même parler de leur coût exorbitant pour notre environnement (et indirectement pour notre santé) ? Par contre, je rejoins Dukan quand il pointe la responsabilité de l’industrie agro-alimentaire, dont il est clair que les intérêts ne sont pas directement convergents avec ceux de la santé publique ni de l’environnement. Il y a sûrement beaucoup à faire à un niveau général, notamment par l’éducation : apprendre des bases de cuisine pour limiter le recours aux préparations industrielles, apprendre à lire les étiquettes et à décrypter les pubs pour choisir au mieux (et la demande du consommateur pour une meilleure qualité est un puissant moteur pour le changement de l’industrie). Sans doute aussi de la réglementation et/ou des instruments fiscaux mais n’étant pas spécialiste je préfère m’abstenir. L’OMS fait quelques propositions générales qui semblent de bon sens.

Au niveau de chacun, il me semble important de prendre en compte qu’il n’y a pas UN problème (le surpoids) qui demande UNE solution (le régime). Un diagnostic personnalisé et objectif devrait être porté. Y a-t-il un réel problème physique, à savoir un surpoids avéré qui entraîne une ou plusieurs pathologies (ou qui en accroît significativement le risque) ? Est-ce un problème d’image, d’ordre plus psychologique (ce qui ne veut pas dire que cela ne peut pas être également une pathologie ou que ce n’est pas sérieux) ? Peut-on aider la personne à s’accepter telle qu’elle est ou a-t-elle besoin d’une transformation de son corps pour cela (ou encore d’une combinaison des deux) ? La personne a-t-elle un mode de vie propice au développement de certaines pathologies (régime très déséquilibré, forte sédentarité) ?

Enfin, pour finir sur une note plus personnelle, je voudrais remercier ici mon corps. Alors certes il est adipeux (mon IMC est à 25 et ce n’est pas à cause de mon imposante musculature pas plus que d’une lourde charpente osseuse) mais il est en bonne santé (je n’ai pas vraiment de médecin attitré parce que les rares fois où je suis malade en général il suffit que je passe un jour ou deux sous la couette pour guérir). Il séduit l’homme de ma vie. Il a conçu, porté, mis au monde et nourri deux beaux enfants, à peu près sans assistance médicale. Après avoir passé une bonne partie de ma vie à tenter de le changer, de l’amincir, à tester un tas de régimes plus délirants les uns que les autres, j’ai décidé que la moindre des choses était de le respecter et d’en prendre soin pour lui exprimer ma gratitude. Pour moi, cela passe par acheter de bons produits, variés, et les cuisiner de façon alléchante, et par des balades, du yoga quand j’ai le temps. C’est aussi le mettre en valeur : à force d’idolâtrer des top models dont le métier est de mettre en valeur les vêtements on finit par oublier que c’est à nos habits de nous embellir et non l’inverse. Je vous laisse, je vais faire des chouquettes avec Pouss1.

(et si vous êtes sur Twitter suivez le hashtag #PropositionDukon, ça vaut son pesant de cacahuètes. Sinon vous pouvez toujours (re)lire mon billet sur la cellulite)

Photo : Quatre saisons de Mad men n’ont pas entamé ma fascination pour Joan Holloway alias Christina Hendricks, qui nous montre un physique un peu différent des standards actuels et totalement sublimé par les stylistes de la série.

Féminité et maternité

dimanche, septembre 4th, 2011

Je ne sais pas si vous étiez au courant, mais apparemment féminité et maternité seraient difficilement compatibles. Si vous avez réussi à échapper aux injonctions de la presse parentale et féminine à redevenir une fâââââmme après la naissance, une simple recherche Google vous apprendra que rester femme pendant ou après la grossesse ne va pas de soi (voir par exemple les Maternelles, Doctissimo, ainsi qu’une critique magistrale par @LaPeste ; même le corps médical s’y met). Soit. Si j’en crois la définition de la féminité par Wikipédia :

La féminité est l’ensemble des caractères morphologiques psychologiques et comportementaux propres aux femmes. Ils sont biologiquement liés au sexe et fortement influencés, voire conditionnés par l’environnement socioculturel. Ils sont exclusifs et différencient les femmes des hommes qui eux possèdent des caractères masculins

Je pense qu’à peu près tout le monde sera d’accord pour dire que la maternité, surtout dans son incarnation physique (grossesse, accouchement, allaitement), est exclusivement féminine. En clair, s’il n’y a évidemment pas besoin d’être une mère pour être une femme, il semble nécessaire d’être une femme pour être une mère. L’idée que la maternité menacerait la féminité me semble donc pour le moins capilotractée.

En fait le problème vient plutôt de la définition de la féminité qu’on nous propose. Être une femme, en clair, c’est être séduisante. Et cette séduction n’est reconnue que si elle est conforme au modèle imposé : bien habillée, bien coiffée, mince, bien maquillée, épilée de près. Je ne vois pas bien en quoi ceci serait une caractéristique strictement féminine : les hommes aussi peuvent séduire, y compris par une apparence soignée et conforme aux canons de l’époque et du lieu (même s’ils sont souvent légèrement différents de ceux des femmes). Bien sûr je ne nie pas le plaisir engendré par la séduction et les bienfaits personnels qu’on peut retirer à s’occuper de son corps et à le mettre en valeur, y étant moi-même assez attachée, mais je ne vois pas en quoi ce serait la définition de la femme, la condition sine qua non de la féminité. Au contraire, porter un enfant ou le mettre au monde me semblent des preuves éclatantes de féminité, même si encore une fois nul besoin de faire cela pour être une femme. C’est juste que je vois peu d’autres choses qui soient aussi exclusivement et universellement féminines.

Que nous dit cette définition de la féminité basée sur la séduction ? Pourquoi met-on autant la pression sur les femmes pour qu’elles se conforment à ces canons ? D’abord, cela fait vendre. Eh oui, pour attendre la perfection féminine, il faut des cosmétiques, des épilateurs, des habits… Ensuite, cela les occupe : c’est le « harem de la taille 38 » où nous nous enfermons toutes seules. Et tout cela pour qui ? Pour les hommes ? Mais les goûts des hommes sont à peu près aussi divers que les physiques féminins, sans compter que la séduction et la sexualité ne se réduisent pas à l’apparence physique. D’ailleurs, cette définition ultra-sophistiquée de la féminité séductrice pourrait bien être contre-productive pour la libido féminine. Et, surtout, il n’y a rien d’anormal ou de pathologique à ne pas vouloir mettre la priorité sur sa vie sexuelle. Chacun avance dans son couple comme il le souhaite, sans qu’il y ait une norme étroite à laquelle se conformer à tout prix.

Une femme -comme un homme d’ailleurs- peut s’investir et se réaliser dans bien d’autres choses que la parentalité ou que son apparence physique : le travail, l’engagement associatif et/ou politique, un blog, le sport, l’amitié, la fête, la maison (déco, cuisine…), le sexe, et bien d’autres encore. On peut explorer les axes qu’on souhaite, en parallèle ou séquentiellement, faire l’impasse sur d’autres… bref c’est à chacun de tracer son chemin comme les circonstances le lui permettent. Parce qu’évidemment maintenant que les femmes ne sont plus strictement cantonnées à certains chemins, la nouvelle contrainte est de leur demander d’être excellentes sur tous et en même temps.

Mais quoi qu’il en soit, nous sommes entièrement femmes quand nous sommes enceintes jusqu’au cou, victimes de remontées acides, d’une crise d’acné impromptue et d’oedème aux chevilles. Encore femmes quand à moitié nues, nous hurlons que ce p… d’anesthésiste vienne maintenant ou on se fera une auto-césarienne avec les dents, sans manquer de constater la fâcheuse tendance de certains de nos fluides corporels à s’échapper hors du contrôle de notre volonté. Toujours femmes quand l’oeil hagard et cerné nous tentons de compter les vergetures et de retrouver notre nombril égaré sur notre ventre distendu entre deux tétées. Que diable pourrions-nous être d’autre ?

Je profite de ce billet pour m’attaquer dans la foulée à « retrouver son corps après la grossesse« . Si seulement retrouver son corps voulait dire refaire connaissance avec ce corps qui change, qui évolue, pour certaines choses de façon presque imperceptible et pour d’autres bien plus radicalement, l’aimer, en prendre soin… Mais en général, retrouver son corps signifie simplement revenir sur le droit chemin : obtenir et garder un corps de jeune adolescente. Pas de gras (et surtout pas de cellulite), pas de poil, pas de ride. Facile, il suffit de 1. rester fââââmme et 2. « prendre soin de soi ». Quand je vois des femmes plutôt minces avoir une alimentation exclusivement à base d’oeuf dur, de jambon blanc et de yaourts (à 0% bien sûr), j’aimerais bien qu’on m’explique en quoi cela consiste à prendre soin de son corps (pour ceux qui ne verraient pas, voir cet avis de l’ANSES, ainsi résumé par le Monde : « Les régimes amaigrissants sont mauvais pour la santé »).

Les amies, j’ai un scoop : vous ne retrouverez JAMAIS votre corps d’avant la grossesse. Vous pouvez arriver à quelque chose qui s’en approche, mais le poids n’est que la partie visible de l’iceberg : les abdos un peu ramollis malgré la rééducation, les seins qui ont changé de forme, de taille ou de couleur, les pieds qui grandissent, quelques vergetures et capitons, même discrets, la pilosité qui change… Bien sûr on ne subit pas toutes les mêmes effets à la même intensité, mais même celles sur qui ni la maternité ni le temps ne semblent avoir de prise les subissent également.

Inutile de se voiler la face, la maternité nous change. Elle bouscule notre corps, notre psyché, nos priorités, notre vision des choses. Il est bien naïf de se convaincre que rien ne changera avec l’arrivée de l’enfant, que nous on ne deviendra pas des bonnets de nuit qui ne veulent plus sortir et ne parlent que de couches, qu’on ne sera pas comme ces mères mal coiffées qui ont une bouée de sauvetage greffée au-dessus des hanches. Bien entendu, il est salutaire de ne pas se perdre et de garder des choses pour soi, comme des activités non liées aux enfants, mais il est illusoire de penser qu’on pourra tout garder en même temps et à la même intensité. Et tout aussi illusoire de penser que nous pouvons ressembler toute notre vie à des adolescentes en papier glacé. On a mieux à faire, non ?

Pour poursuivre la réflexion, quelques lectures (cliquez aussi sur les liens dans le billet) :

(et sûrement bien d’autres, n’hésitez pas à en signaler !)

Sur ce blog (si vous avez réussi à les rater dans le corps du billet, mais je ne recule devant rien pour faire ma pub) :

Photo : Thomas Beatie, l’homme enceint. Parce que quelle que soit la thèse qu’on défend, on trouve toujours un exemple pour la contredire…

L’enfant et le couple

mardi, mai 3rd, 2011

D’un point de vue purement biologique, l’enfant est la principale raison d’être du couple. Socialement, c’est également souvent le cas, même si les sociétés occidentales voient l’émergence d’une proportion croissante de couples et d’individus revendiquant le désir d’une vie sans enfant. Sans compter que le schéma familial classique avec le couple parental et les enfants qui en sont issus coexiste maintenant avec d’autres formes de parentalités : familles recomposées, homoparentalité, etc. Sans vouloir ignorer la diversité des situations, je vais me concentrer sur la famille « traditionnelle » mais surtout n’hésitez pas à vous en éloigner dans les commentaires.

Avant même la venue de l’enfant, cela peut déjà être un sujet de discorde : l’un souhaite être parent et pas l’autre, et voilà un beau sujet de friction. Et même si les deux sont d’accord mais que l’enfant ne vient pas… Un désir d’enfant non satisfait est une blessure profonde, qui peut conduire à la rupture. Quant à un bébé surprise, c’est aussi souvent une sacrée zizanie : quand l’un veut le garder et pas l’autre, quelle que soit la décision finale, c’est un sacré coup porté au couple.

Et quand un enfant désiré par ses deux parents s’annonce… Comme déjà expliqué ici, beaucoup d’adultes ne réalisent pas vraiment ce qu’est un bébé et ce qu’il demande. Sans vouloir verser dans les clichés, il est relativement fréquent que la future mère, une fois le deuxième trait apparu sur le bâtonnet, commence à se documenter sur la question. En même temps, plus difficile de faire comme s’il ne se passait rien quand avant même d’avoir atteint le centimètre votre future progéniture vous transforme en marmotte vomissante. Le suivi de la grossesse et les choix faits pour l’accouchement sont des sources de débat : comment choisir quand on n’a pas la même hiérarchie des risques ? D’autant plus qu’autant la mère a évidemment le dernier mot sur ce qui concerne son propre corps, autant le père a un avis légitime sur ce qui a des conséquences pour l’enfant : comment concilier cela (même si légalement c’est l’avis de la mère qui l’emporte) ? Que faire si la mère veut accoucher à la maison (et qu’elle trouve une sage-femme pour l’accompagner…) et que le père trouve cela trop dangereux  ? Ou qu’elle ne veut pas de péridurale alors qu’il ne peut envisager de la voir souffrir ? A l’inverse, c’est le père qui peut être persuadé des bienfaits d’une naissance avec peu d’intervention tandis que la mère désire une césarienne.

Et même dans les cas où personne ne se posait trop de questions, la naissance -toujours pleine d’imprévus- peut être vécue de façon bien différente. Parfois c’est le père qui a vu ce qu’il n’aurait pas voulu voir : sa femme dans une situation peu glamour, sa femme en danger ou encore une équipe en train de s’affairer autour d’elle et du bébé tandis qu’il reste planté là habillé en schtroumpf sans pouvoir rien faire. Il y a des cas où c’est la mère qui vit très mal un accouchement, pourtant décrit par le classique « La mère et le bébé vont bien ». Mais ce n’est pas parce qu’on a un corps qui fonctionne qu’on va bien, même si bien sûr ça aide !

La période du post-partum est particulièrement délicate. La femme, si elle n’est pas Rachida Dati, n’est en général pas au top (et c’est un euphémisme). On oublie à tort l’adage de grand-mère « Neuf mois pour le faire, neuf mois pour le défaire », et on s’imagine qu’à peine le flan démoulé on va revenir instantanément à l’état pré-conceptionnel. Mais rien que pour le ventre, imaginez-vous un peu : l’utérus, qui en temps normal fait à peu près la taille d’une figue fraîche, pèse à terme près d’un kilo, pour une capacité de plusieurs litres. Les abdominaux s’allongent d’environ 20 cm. Et tout cela n’est que la partie émergée de l’iceberg (comme déjà dit ici). Bref, alors que la femme est molle (dans une société qui valorise la fermeté), a la foufoune en chou-fleur (alors qu’elle doit porter des garnitures périodiques ultra-super-plus), les cheveux qui tombent, les poils qui poussent, les seins en obus, les hormones qui font pleurer et j’en passe (notamment certaines difficultés courantes des débuts de l’allaitement), elle doit apprendre à vivre avec un bébé, qui en prime ne ressemble pas du tout à ce qu’elle avait lu dans Laurence Pernoud. Le père, qui a parfois du mal à s’investir dans la grossesse voit d’un seul coup les choses devenir extrêmement concrètes, ce qu’il peut trouver difficile à assimiler. En bref, c’est un moment très délicat pour le couple. Et si vous rajoutez un soupçon de belle-maman qui dit que votre nouveau-né vous manipule déjà et/ou d’un pédiatre un peu psycho-rigide pour qui vous ne faites rien comme il faut, c’est un miracle qu’il n’y ait pas plus de crimes passionnels pendant le post-partum (peut-être les gens sont-ils simplement trop épuisés ?).

Et puis très vite il faut prendre des décisions, faire des choix : sommeil, alimentation, réponse aux pleurs… autant de sources possibles de dissensions voire de franches disputes. C’est vrai : avant de décider de faire un bébé à deux, qui a vraiment vérifié la totale compatibilité de vision de la chose au sein du couple ? Qui s’est posé des questions dont il ignorait jusqu’à l’existence ? D’autant plus qu’à 4 heures du matin, après deux mois de nuits hachées, ce n’est pas vraiment le moment idéal pour débattre de sa conception philosophique de l’éducation. Vous pouvez penser être rodés pour le deuxième (troisième, etc), mais en réalité le problème se repose et de façon différente. Chaque parent a une relation différente avec chaque enfant, et cela change selon les périodes. Et bien sûr chaque enfant pose des problèmes différents.

Alors, après ce tableau quasi-apocalyptique, que peut-on proposer ? Bien sûr, et comme toujours, chacun doit trouver ses propres solutions, adaptées à sa situation, mais voici quelques pistes (rien de bien révolutionnaire hélas).

  • Définir ses priorités éducatives. Qu’est-ce qui n’est vraiment pas négociable pour chacun, et qu’est-ce que chacun fait à sa sauce ? Cela est utile de façon générale, quand on doit confier l’enfant, et pour l’éducation en général : choisir ses combats… Par exemple moi je me fiche bien de la façon dont on donne le bain (du moment que le résultat est à peu près satisfaisant), voire même que les enfants en prennent un, mais je suis intransigeante sur les tapes et fessées : j’en veux zéro.
  • Définir des priorités familiales et individuelles. Avec l’arrivée d’un enfant, il est illusoire de penser qu’on va mener la même vie qu’avant. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut plus rien faire mais qu’il faut choisir. Il peut être salutaire de se garder une activité à soi, pour soi, mais c’est maintenant quelque chose à négocier entre parents. Ça peut aussi être l’occasion de (re)discuter du partage des tâches ménagères…
  • Anticiper le pétage de plomb et passer le relai. Les enfants, dès la naissance, savent nous pousser à bout comme personne. Avant de leur hurler dessus, ou pire de les violenter, dire à l’autre qu’on n’en peut plus et aller se défouler plus loin. Et être aussi disponible que possible pour rendre la pareille.
  • Laisser l’autre s’occuper de l’enfant sans l’abreuver de conseils ni le surveiller. Particulièrement important à trois heures du matin : celui qui s’est levé agit et l’autre la boucle, à moins d’être sollicité (ou que l’autre franchisse une ligne rouge -cf premier point- ou craque). Et à mon avis c’est une clé importante pour que chacun construise SA relation avec l’enfant. Certaines femmes disent qu’étant comblées par leur bébé leur couple passe au second plan. Pas un problème en soi, mais à mon avis il faut laisser au père la possibilité d’être lui aussi comblé par bébé.
  • Rester à peu près solidaires en public. Les jeunes parents sont sous le feu de critiques constantes de l’entourage, et c’est vraiment plus facile à supporter à deux. Alors bien sûr on peut se moquer gentiment des petites manies de l’un ou de l’autre, mais quand une des grands-mères suggère que le lait maternel n’est pas assez nourrissant, ou qu’il ne faut pas céder aux caprices d’un petit de 15 jours qui veut toujours les bras, on fait bloc.
  • Prendre sur soi. Le manque de sommeil rend irritable, voire méchant. Chacun doit faire un effort pour ne pas en rajouter, en particulier quand c’est le dixième réveil à deux heures du matin. Remettre les critiques et les griefs à un moment plus serein, et à tête reposée, quand on est plus à même de faire le tri entre ce qui nous tient vraiment à cœur et ce qui n’est pas si grave. Éviter autant que possible de se disputer quand c’est déjà la crise avec bébé (qui hurle depuis une heure/ne veut pas se rendormir/etc). On gère ça d’abord et ensuite on en discute. De façon plus générale, il faut accepter que l’enfant absorbe beaucoup d’énergie et que dans un premier temps au moins le couple se met un peu entre parenthèses. Mais comme disait Chantal Birman dans une vidéo que je ne retrouve plus, il faut que l’enfant consomme équitablement l’énergie des deux parents pour résoudre les problèmes de décalage de libido entre père et mère.
  • Éviter les reproches culpabilisateurs. En matière d’éducation et de puériculture, il y a peu de relations de cause à effet vraiment établies, et surtout ce sont généralement de grandes tendances dont on ne sait pas à quel point elles sont valables pour le bébé qui vous intéresse. Donc inutile de rabâcher quinze fois que c’est parce que Chéri a oublié le bonnet que Junior a attrapé une bronchiolite. Ou que c’est parce qu’il est trop/pas assez porté qu’il pleure dès qu’on le pose. On fait des choix, on les assume, on change si ça ne convient pas/plus, et si bébé ne ressemble pas à un article de Famili c’est peut-être juste parce que c’est un vrai bébé.
  • Se permettre un peu de mauvaise foi de temps en temps. Quand vous voyez d’autres familles, accordez-vous le petit plaisir de constater entre vous à quel point votre enfant est vachement plus mieux et que c’est sans nul doute grâce à vos immenses talents parentaux. Bien sûr, c’est en contradiction complète avec le point précédent (qui vous oblige à rester second degré) mais c’est ça qui est bon. C’est aussi pour cela que cela doit rester entre vous, sous peine de manquement grave à l’étiquette parentale. [NB : à mes amis et famille qui lisent ce blog : le Coq et moi ne faisons jamais ça bien sûr, ayant de base une pleine confiance en nos capacités parentales…]
  • Respecter le timing de l’autre. Un bébé c’est plein de premières fois, certaines qu’il provoque lui-même (première dent, premiers pas…), d’autres que ses parents initient : première fois qu’on le laisse, première fois qu’on le laisse à un autre qu’un parent, première nuit dans son lit (s’il a commencé dans celui des parents)… Il me semble que c’est au parent qui est prêt en premier de ne pas faire violence à l’autre, mais aussi à l’autre d’entendre le désir de son conjoint de passer une étape, même si c’est pour la différer finalement.

Bien sûr, difficile de parler de couple sans parler de sexe, mais on l’a déjà fait ici et . Enfin ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, disent certains : si votre couple survit aux enfants, il n’en sera que plus soudé.

Photo : Le couple du moment. Même s’ils n’ont pas (encore) d’enfant, je suis sûre que ça pourrait les intéresser…

Pour l’amour du risque

jeudi, janvier 13th, 2011

Nous sommes confrontés chaque jour à des choix, aux conséquences plus ou moins importantes. Une part majeure de notre décision est l’évaluation des risques associés à chacune des alternatives qui s’offrent à nous. En tant que parent, c’est d’autant plus difficile que nous sommes responsables d’une personne qui n’est pas encore en mesure de faire ses propres choix. Comme vous le savez si vous traînez depuis quelque temps dans la basse-cour, j’essaie de documenter et d’argumenter avec des faits les propositions que je fais ici, tentant à ma  mesure d’aider qui le souhaite à avoir un vrai choix éclairé. Cependant je ne peux que constater la logique pour le moins floue avec laquelle raisonne un certain nombre de mes concitoyens, y compris à des niveaux d’étude et de spécialisation auxquels l’esprit de Descartes est censé régner. Cela est particulièrement vrai pour tout ce qui touche aux enfants, la moindre remise en question de ce que nous avons fait ou projetons de faire étant souvent vécue comme une critique acerbe de notre compétence et même de notre bonne volonté  parentale (ou d’expert, pour le corps médical par exemple).

Prenons quelques exemples avec certaines pratiques, minoritaires sous nos latitudes et à notre époque. Le traitement des risques et des problèmes est très différent selon  l’alternative considérée. Intéressons-nous au sommeil de nos enfants, et aux décès qui peuvent y être associés, que ce soit par suffocation ou par mort subite du nourrisson. Si l’enfant meurt dans un berceau ou lit à barreaux, on cherchera à comprendre ce qui dans le couchage a pu causer son décès et si on ne trouve rien on blâmera le hasard. Si par contre son décès a lieu dans le lit parental, c’est forcément parce qu’il s’y trouvait et n’avait pas à y être. C’est du moins ce que diront certains des experts les plus écoutés, qui seront ensuite relayés par les médias puis par l’entourage des parents déjà durement éprouvés. Pourtant la logique voudrait qu’on conduise la même investigation dans les deux cas, afin de fournir des recommandations adéquates pour diminuer les risques. Par exemple, il est clair que nos lits d’adultes ne sont souvent pas conçus pour accueillir des tout petits, avec des risques de chute et de suffocation plus importants que dans les lits de bébés. Cependant, il est tout à fait possible de les aménager pour réduire ces risques. Mais on préfère dire que le cododo est dangereux. Sachant que la majorité de la population le pratique de toute façon à un moment ou un autre (quel parent ne s’est JAMAIS retrouvé avec un bébé dans son lit ?), ça ne me semble pas très productif. Ou alors il faudrait carrément interdire le sommeil des bébés, ça nous éviterait bien des prises de tête sur qui doit faire les nuits de qui, quand et surtout comment…

De la même façon, on ne parle que rarement des morts autour de la naissance à l’hôpital, qu’elles soient maternelles ou infantiles. Par contre, le moindre problème lors d’un accouchement à domicile est immédiatement relayé et imputé au choix du lieu de naissance. Ne doutons pas que si les maisons de naissance finissent par voir le jour, on ne leur fera pas de cadeau. On énumère toujours les risques inhérents à accoucher ailleurs qu’à l’hôpital, mais rarement de ceux qui découlent de ce lieu : accident sur la route (d’autant plus probable avec un conducteur stressé par la situation et d’autant plus grave que si le travail est avancé la femme risque de ne pas attacher sa ceinture pour mieux supporter les contractions pendant le trajet) et infections nosocomiales sont les plus évidents même s’il y en a d’autres. On peut ainsi trouver rassurant que le cœur du bébé soit écouté en continu par un appareil pendant l’accouchement (comme c’est généralement pratiqué dans les maternités) ; pourtant la Haute autorité de santé (HAS) nous informe que pour un accouchement non pathologique, lorsque cette écoute est faite de façon intermittente, il n’y a pas d’incidence sur la mortalité infantile et il y a moins d’interventions (césariennes ou extractions instrumentales, qui ne sont pas dénuées de risques : ainsi l’étude européenne Peristat –p. 100- nous apprend qu’en France une extraction instrumentale double le risque de mort maternelle tandis qu’une césarienne le multiplie par 8). Mais la pénurie de personnel (une sage-femme de garde doit suivre plusieurs femmes en travail en même temps) et le risque de procès (le monitoring continu constitue une trace tangible de la surveillance pendant l’accouchement qui pourra justifier pourquoi il y a eu ou pas une intervention) font qu’en pratique le monitoring continu tend à s’imposer dans les maternités.

Ainsi il est courant de ne présenter les risques que dans un seul sens. Prenons les examens prénataux : on vous parlera généralement des pathologies que ces tests visent à dépister, mais il est plus rare qu’on vous présente les problèmes qu’ils induisent. Le dépistage du diabète gestationnel est ainsi sujet à controverse.
Quelques extraits du rapport de la HAS sur le sujet :

La valeur prédictive positive du test de dépistage (O’Sullivan) est faible : moins de 20 % des femmes dépistées positives sont des vrais positifs en retenant un seuil de dépistage (test de O’Sullivan) à 1,40 g/l (7,8 mmol/l). [NB : Le test de O’Sullivan est recommandé par le CNGOF pour toutes les femmes enceintes, il s’agit de mesurer l’effet de l’ingestion d’une solution de glucose sur la glycémie.]

Il n’existe aucune preuve directe de l’efficacité d’un dépistage systématique ou ciblé du diabète gestationnel à partir de la 24e semaine de grossesse pour réduire la mortalité et la morbidité périnatales.

Par ailleurs, le diagnostic et la prise en charge du diabète gestationnel ne seraient pas dénués d’effets indésirables : anxiété, accroissement du nombre de consultations et d’examens complémentaires, accroissement des taux de césariennes même en l’absence de macrosomie foetale, accroissement du taux de déclenchement et du passage en réanimation néonatale des nouveau-nés. [NB : et je trouve fortement paternaliste l’idée que c’est une bonne excuse pour imposer aux femmes une meilleure hygiène alimentaire]

Petit test : parmi les lectrices de ce blog qui sont ou ont été enceintes, à qui a-t-on fait part de ces informations au moment de la prescription du test ? A qui a-t-on simplement dit
« Vous allez faire le test de O’Sullivan, voici l’ordonnance » ? Je ne veux absolument pas minimiser les risques liés au diabète gestationnel ou suggérer qu’on supprime ces tests, mais proposer que la décision de les faire ou pas revienne à la femme, après une discussion permettant la présentation complète des avantages et inconvénients avec le praticien qui suit la grossesse. En fait je propose simplement qu’on respecte la loi Kouchner sur le  consentement éclairé, révolutionnaire non ? Je sais bien qu’entre la démographie médicale déclinante et les restrictions budgétaires les soignants ont de moins en moins de temps à consacrer aux patients mais je ne crois pas qu’il faille pour autant baisser les bras. C’est à chacun de prendre le temps de s’informer (oui, internet est une source formidable de connaissances, pourvu qu’on ait un peu de discernement), de poser des questions et au final de prendre ses responsabilités. Les examens dits obligatoires doivent être proposés à toutes les femmes, mais celles-ci n’ont pas l’obligation de les faire. Et je trouve insultant de leur demander si elles n’ont pas à cœur la santé de leur bébé quand leur avis diffère de celui du praticien. Chacun a sa hiérarchie des risques ; certaines sont basées sur des idées reçues et il est important de s’assurer qu’une décision n’est pas prise à partir de faits biaisés ou incomplets, mais au final c’est aux parents de choisir quels risques ils souhaitent prendre. Je crois qu’au lieu de commencer par critiquer une décision qui nous paraît irresponsable (et je parle aussi entre parents, où nous sommes prompts à nous jeter la pierre) il serait bien plus constructif d’en demander les raisons. Nous pourrions soit apprendre des choses soit apporter d’autres informations, bref il n’est pas impossible que chacun reparte avec un nouveau point de vue, plus complet et plus ouvert sur la question. J’en profite pour vous signaler un nouveau blog, l’ordonnance ou la vie, tenu par une étudiante en médecine qui a des réflexions très intéressantes sur la question.

Mais le patient responsable doit l’être jusqu’au bout. Comme dirait Peter Parker (alias Spiderman), « With great power comes great responsibility. »  Tant que tout se passe bien, c’est facile. Le souci c’est quand les choses tournent en eau de boudin. Si le médecin a recommandé un acte que le patient n’a pas voulu effectuer, et que l’état du patient s’aggrave, jusqu’à quel point  ? Ainsi, certains obstétriciens s’opposent aux accouchements hors maternité (domicile ou maison de naissance) car ils craignent les transferts en urgence sous leur responsabilité d’un problème sur lequel ils n’avaient jusque là aucune prise. Il arrive alors que des femmes avec un projet d‘accouchement à domicile (AAD) qui vont se faire enregistrer en maternité pour préparer un éventuel transfert en urgence soient mal reçues par le personnel soignant, et c’est parfois pire lors d’un tel transfert (un peu comme les femmes qui avaient tenté de se faire avorter avant la légalisation de l’IVG et à qui certains médecins faisaient des curetages sans anesthésie pour les dissuader de recommencer). L’effet de telles pratiques étant que loin de décourager les femmes de recourir à l’AAD, cela les dissuade simplement d’ouvrir un dossier à l’hôpital, voire en cas de problème va parfois leur faire repousser le transfert au-delà du raisonnable. D’un côté il est clair qu’un soignant qui « fait payer » à un patient un choix différent de ce qu’il préconise est inacceptable, de l’autre on peut comprendre le ras-le-bol des blouses blanches face à des patients qui viennent faire leur shopping médical. Comme le dit cette sage-femme américaine, « You buy the hospital ticket, you go for the hospital ride » (difficile à bien traduire, quelque chose du genre « Si on prend un ticket pour l’hôpital, alors on va à l’hôpital », ou moins littéralement « N’attendez pas de l’hôpital ce qu’il ne peut pas vous donner »). Évidemment, entre la raréfaction des sages-femmes accompagnant les AAD, le peu de plateaux techniques ouverts aux sages-femmes libérales et les tergiversations autour des maisons de naissance (sans compter les aléas de la Sécu qui rembourse ou pas les accouchements dans des maisons de naissance à l’étranger), un nombre non négligeable de femmes se retrouve avec un suivi classique en maternité par défaut. On voit donc que la situation est complexe, et la conciliation des intérêts des parties pas toujours évidente.

C’est parfois si difficile qu’on en arrive au procès, dont la crainte est devenu un puissant moteur d’évolution des pratiques obstétricales. Les primes d’assurance des professionnels flambent, alors que les revenus fixés par la Sécu stagnent, rendant notamment l’exercice libéral de plus en plus difficile (voir ce billet de 10 lunes avec tous les chiffres, ainsi que les commentaires qui suivent pour d’autres éclairages). Là encore, la problématique n’est pas simple. D’une part on ne peut pas dire qu’il ne faudrait plus faire d’action en justice, ce qui reviendrait de facto à une immunité médicale, et d’autre part les patients peuvent se retrouver obligés de mener des actions en justice par des assurances qui ne veulent pas prendre en charge les coûts (notamment pour un enfant handicapé par exemple). Bref cela dépasse le cadre de la discussion et je ne me sens pas compétente pour réformer le système, même s’il me semble évident qu’il y a une bonne marge d’amélioration. Finalement, cela paraîtra sans doute évident mais je crois plus que jamais qu’il est indispensable de pouvoir établir un partenariat de confiance entre soignant et soigné (et ce d’autant plus quand le soigné n’est pas malade, comme c’est le cas d’une femme enceinte ou d’un jeune enfant qu’on emmène aux visites de contrôle). Commençons par écouter ce que l’autre a à nous dire avant de le juger, soyons prêts à examiner honnêtement nos raisons et nos motifs, pour assumer pleinement la responsabilité de nos décisions.

Je réalise que ce billet est un peu fourre-tout et décousu mais à ce stade j’avoue ne plus avoir le temps ni le courage de le remanier voire de le redécouper donc je le publie en l’état car je pense qu’il y a quand même quelques éléments intéressants dont j’aimerais discuter avec vous.

Photo : oui je sais c’est l’Agence tous risques, mais je n’ai jamais vu un seul épisode de Pour l’amour du risque alors… Et non, ça n’a pas grand rapport avec le schmilblick.

R.E.S.P.E.C.T.

jeudi, décembre 30th, 2010
Aretha Franklin

Aretha Franklin

Pour 2009, je vous faisais des vœux, que je renouvelle bien sûr cette année : qu’elle vous soit aussi douce et légère qu’un pyjama de bébé. En 2010, j’ai pris une résolution, à laquelle j’ai essayé de me tenir tant bien que mal. Pour 2011, je prends à nouveau une résolution. Je veux qu’on me respecte, en tant que femme et en tant que mère. Le manque de respect pour les femmes, y compris en tant que mères est tellement implicite dans notre société que ce n’est que depuis peu que j’en prends vraiment conscience. Il y a internet et les blogs bien sûr, avec Olympe, Emelire, A dire d’elles, la Fée myrtille et bien d’autres qui me pardonneront j’espère mon manque d’exhaustivité. Il y a aussi mes lectures papier, comme L’amour en plus d’Elisabeth Badinter (que j’ai trouvé bien plus intéressant que son dernier opus). Récemment, trois lectures ont contribué à la montée de mon ras-le-bol :

  • Le chœur des femmes, de Martin Winckler. Si vous ne connaissez pas encore le bonhomme, courez voir son site qui regorge d’infos médicales utiles et à jour sur la contraception notamment. Quant au roman, il met en scène (entre autres) un médecin (dont on devine facilement qu’il est une sorte d’alter ego littéraire de l’auteur) qui se bat pour que ses confrères donnent aux patientes le respect et l’écoute qui leur sont dues. On y apprend notamment que les femmes pourraient très bien être examinées en position « à l’anglaise » (allongées sur le côté) plutôt que dans la position gynécologique classique (poétiquement baptisée « poulet de Bresse » par certains), ce qui serait plus confortable, tant physiquement que psychologiquement. Y sont aussi reprises les préconisations de l’auteur pour rendre la pose d’un DIU moins douloureuse, qui ne semblent malheureusement pas beaucoup suivies en France. Et à part ça le livre se lit tout seul, même s’il y a quelques passages un peu téléphonés (oh l’interne sûre d’elle qui ne rêve que de chirurgie et pas d’histoires de bonnes femmes est devenue encore plus humaine et engagée que le gentil médecin : pas possiiiiible !). Pour en savoir plus voir par exemple la critique de Telerama.
  • Le site d’un gynécologue, sur lequel je suis tombée par hasard. Voilà un médecin qui est sans doute animé par les meilleures intentions, et doit sincèrement penser avoir le bien-être et la santé des femmes comme priorités. Mais quel paternalisme transpire de ses écrits ! Une rubrique est intitulée « Côté mamans : maladies et petits bobos » : à qui s’adresse-t-on ? A des femmes majeures en pleine possession de leurs moyens intellectuels ou à des enfants de cinq ans ? Je n’attends pas d’un médecin qu’il me parle de mes « petits bobos » ou m’enjoigne de « prendre mes petits cachets roroses et bleubleus pour faire dodo et être en pleine foforme » mais qu’il me parle d’adulte à adulte. Cette condescendance s’étend d’ailleurs aux sages-femmes (comme le faisait remarquer Chantal Birman dans Au monde, la façon dont sont reconnues les sages-femmes est assez symptomatique du traitement réservé aux femmes), et après que je l’ai interpellé sur Twitter, un étudiant sage-femme répondant à l’étrange pseudonyme de Gromitflash a vivement réagi sur son blog (notre échange de tweets incluait aussi 10 lunes qui a vu aussi rouge que son avatar). Par ailleurs le site présente un certain nombre d’erreurs, ou au moins d’opinions personnelles de l’auteur présentées comme des vérités générales, au mépris des études et recommandations officielles. Je n’ai pas le courage de tout détailler, mais il y a des exemples particulièrement flagrants dans les pages sur l’épisiotomie (a-t-il seulement lu les recommandations de ses pairs du CNGOF ?), sur l’allaitement (« plus une société est évoluée, moins l’allaitement maternel est prisé » : les pays scandinaves seraient-ils restés à l’âge de pierre ?) ou encore sur l‘accouchement (avec la position « libre » qui est une légère variante de la position gynécologique : sait-il qu’on peut accoucher sur le côté, à quatre pattes, accroupie et j’en passe ?). Bien sûr l’exercice médical n’est pas plus la simple mise en œuvre de directives que la maîtrise d’une langue étrangère ne se résume à la connaissance de son dictionnaire. Mais n’est-ce pas un manque de respect flagrant pour ses patientes (pour ne pas parler d’incompétence) que de s’asseoir allégrement sur les dernières études et avancées ?
  • L’art d’accommoder les bébés, de Geneviève Delaisi de Parseval et Suzanne Lallemand. Je suis en train de le lire et j’ai bien l’intention d’y consacrer un billet, tellement il me plaît. Je ne vais donc pas détailler, mais les auteurs analysent avec beaucoup de finesse et de mordant le traitement réservé aux mères depuis plus d’un siècle. Un livre à mettre entres toutes les mains !

Alors voilà mon plan d’attaque. Plutôt que de me lamenter sur ce que je voudrais que les autres fassent, autant prendre les choses (et ma petite personne) en main.

  • Changer le vocabulaire. C’est peut-être symbolique, mais je ne veux plus qu’on m’appelle maman (à part mes poussins bien sûr). Quand j’appelle l’école, la crèche ou toute autre chose pour les enfants, je me présente par mon nom et en tant que mère de Pouss1/Pouss2. On est entre adultes que je sache. Tant pis pour Google (et désolée pour mes consœurs), mais ici ce n’est pas un « blog de maman ». Et j’encourage toutes celles qui veulent être prises au sérieux à abandonner « bidou » et « gygy » pendant qu’on y est.
  • Ne plus me laisser faire. Si j’avais seulement eu l’aplomb pour répondre à l’anesthésiste qui m’appelait « ma belle », ou à la pédiatre qui menaçait Pouss1 d’une fessée s’il n’arrêtait pas de pleurer… Et à défaut d’avoir le courage de dire à ma gynécologue qu’elle examine avec la délicatesse d’un panzer, j’irai voir quelqu’un d’autre (oui j’ai l’inclination pour le conflit d’une serpillère, il faut que je me soigne).
  • J’adore me délasser les neurones en lisant la presse féminine, mais je n’achèterai plus de magazine avec les mots « maman » (cf premier point), « régime », « maigrir », « minceur » et « horoscope » sur la couverture (sauf s’il y a un article sur ce blog à l’intérieur, je n’ai pas pris pour résolution de renoncer à ma mégalomanie). Pour ceux que le point sur les régimes laisse perplexes (et pour les autres aussi) je ne peux que recommander ces articles de Mona Chollet : « Culte du corps », ou haine du corps ? et Sortir du « harem de la taille 38 ». D’ailleurs à moins d’une raison médicale, comme en 2010, je ne ferai pas de régime (à moins qu’une diète composée exclusivement de Côte d’or ne soit reconnue sous cette appellation). Oui, j’ai du gras et de la cellulite qui ne rentrent que rarement dans un 38, et alors ? Et j’invite tout le monde (si ce n’est déjà fait) à aller voir le site du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS). Pour l’horoscope je crois que ça se passe de commentaire.

Et vous ?

Photo : En voilà une qui sait demander qu’on la respecte et qui ne fait même pas du 38.

Les cinq étapes du deuil des nuits

mercredi, novembre 3rd, 2010

babysleep Réveil-matin (n.m.) : Invention servant à réveiller des adultes sans bébé.

Elizabeth Kübler-Ross ne le savait peut-être pas, mais sa description des cinq étapes du deuil s’applique parfaitement à une nuit typique d’un jeune parent :

  1. Choc et déni : cette courte phase du deuil survient lorsqu’on apprend la perte (moment où le parent est réveillé par un bruit suspicieux). C’est une période plus ou moins intense où les émotions semblent pratiquement absentes (à deux heures du matin le cerveau est bien trop ralenti pour produire des émotions). C’est en quittant ce court stade du deuil que la réalité de la perte s’installe (comprendre : bébé hurle à pleins poumons et il va bien falloir faire quelque chose si on veut espérer dormir).
  2. Colère : phase caractérisée par un sentiment de colère face à la perte (« Mais tu vas la fermer ta g… ! ») . La culpabilité peut s’installer dans certains cas. Période de questionnements (le parent passe mentalement en revue tous les avis et conseils plus ou moins contradictoires de son entourage et augmente la liste déjà longue des facteurs qui pourraient influencer le sommeil de bébé : alimentation, lumière, habits, literie, conjonction astrale…).
  3. Marchandage : phase faite de négociations, chantages… (à la fois entre parents « si tu te lèves cette fois je me lèverai la prochaine fois/ferai la vaisselle pendant 1 mois/**** (promesse sexuellement explicite ne pouvant être retranscrite sur un blog familial) », ou encore « si c’est moi qui me lève on ne fera pas de 2ème/3ème/4ème etc/tu peux te la mettre derrière l’oreille », mais aussi avec l’enfant, voire avec les puissances supérieures)
  4. Dépression : phase plus ou moins longue du processus de deuil qui est caractérisée par une grande tristesse (doux euphémisme caractérisant l’état du parent quand le bébé qu’il a mis vingt minutes à rendormir s’est réveillé en hurlant dès qu’il a touché le matelas, sur lequel il a pourtant été déposé avec autant de délicatesse que s’il s’agissait d’un paquet de nitroglycérine pure), des remises en question (le parent ne comprend pas pourquoi ce foutu gosse ne fait rien comme écrit dans le bouquin annoncé comme miracle, alors que le parent lui a suivi toutes les instructions à la lettre), de la détresse (le parent envisage l’internement psychiatrique, où au moins on est assuré de dormir dix heures par nuit, voire la prison, mais finit généralement par se rappeler qu’il vaut toujours mieux être réveillé par Léo, 5 mois, 7 kg, que par Jo le Serpent, 30 ans, 90 kg, et qui a pris pour quinze ans). Les endeuillés dans cette phase ont parfois l’impression qu’ils ne termineront jamais leur deuil (ou à défaut que cette chienne de nuit ne finira jamais, car quand on est debout pour la quatrième fois à 2 heures du matin, le temps ne passe pas très vite) car ils ont vécu une grande gamme d’émotions (envie de le jeter par la fenêtre, envie de se jeter par la fenêtre, désappointement quant aux prix généralement pratiqués dans la vente de bébés, etc) et la tristesse est grande.
  5. Acceptation : Dernière étape du deuil où l’endeuillé reprend du mieux. La réalité de la perte est beaucoup plus comprise et acceptée. L’endeuillé peut encore vivre de la tristesse, mais il a retrouvé son plein fonctionnement. Il a aussi réorganisé sa vie en fonction de la perte (comprendre : le parent prend dix-sept cafés par jour pour donner le change au boulot, porte une épaisse couche d’anticerne et attend avec impatience de pouvoir réveiller un ado grincheux à l’aube un lendemain de cuite. Il réalise aussi qu’il est super bien entraîné pour le Vendée Globe. Mais il lui arrive encore de mordre quand il entend que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt).

Image : Il n’existe hélas pas plus de méthode miracle pour faire dormir les bébés que de méthode magique pour mincir durablement sans effort et sans régime…

Mais qui est Mère Nature ?

jeudi, septembre 16th, 2010

mere_nature Naturel (n.m.) : Ce qui revient au galop quand on le chasse.

Ces derniers temps le naturel est à la mode, en particulier chez les jeunes parents (et leurs progénitures). Certains ne jurent que par cela, d’autres au contraire y voient l’ennemi à pourfendre. Mais le naturel, c’est quoi ? Si vous consultez votre dictionnaire (voir une version online ici), vous verrez que ce terme correspond à un grand nombre de définitions. En réalité il me semble que ça ne veut plus dire grand chose. Faut-il suivre nos instincts (ou plutôt les comportements « réflexes » dictés par nos hormones) ? Alors même que nous ne vivons plus dans les conditions dans lesquelles ces comportements ont été mis en place ? Comment faire la part entre ces « instincts » et nos conditionnements sociaux et familiaux ? Doit-on oublier que notre nature, toute mammifère qu’elle soit, inclut également un cerveau perfectionné permettant la réflexion et la prise de décision consciente ? Qu’a priori il n’est pas juste là pour décorer ?

Et franchement, je trouve qu’un certain nombre de pratiques étiquetées naturelles ne le sont pas vraiment. Mes couches lavables ? C’est un mélange de PUL, microfibre et micropolaire. Autant vous dire qu’elles ne poussent pas vraiment dans les arbres. Ma coupe menstruelle ? On a retrouvé dans une sépulture du Néolithique des coupelles en terre cuite portant des traces de sang, et d’ailleurs il est bien connu que les femelles bonobo plient des feuilles de bananier en forme de petite cloche pour affronter leur cycle menstruel. Les salles « nature » des maternités ? Physiologique me semble un terme plus approprié, quoique probablement discutable aussi (chacun sait que la chatte qui accouche s’empresse de se faire couler un bon bain chaud aux huiles essentielles…).  A contrario, quoi de plus naturel que le pétrole ? ou des virus comme Ebola et le VIH (d’ailleurs refilés par nos cousins simiesques) ? La violence, en particulier envers les femmes et les enfants, est une des caractéristiques les mieux partagées par les êtres humains à travers la planète (voir par exemple ici) : faut-il en déduire que c’est dans notre nature et cesser de lutter infatigablement contre ?

Plutôt que de chercher ce qui est le plus proche d’un état naturel que nul ne sait vraiment définir, voici donc quelques propositions de critères pour guider nos choix :

  • Quel est l’impact sur la santé ?
  • Quel est l’impact sur l’environnement ?
  • Combien ça coûte ?
  • Est-ce que c’est pratique ?
  • Est-ce que ça me plaît ?

Et lorsque cela concerne plusieurs personnes (notamment les décisions relatives aux enfants, qui impliquent toute la famille) : qu’est-ce qui permet de concilier au mieux les besoins de tout le monde ?

Bien sûr, chacun peut ordonner ces critères selon ses priorités, ou les réarranger en fonction des cas. Pour ma part, si on reprend certains exemples cités plus hauts, les couches lavables et la coupe menstruelle obtiennent pour moi le meilleur score à l’ensemble de ces questions par rapport aux alternatives. Par pitié ne me traitez pas de maman nature ! Sur ma boussole : pas d’idéologie, pas de naturalisme, mais pragmatisme, rationalité et surtout plaisir.

Image : Pourquoi la nature a horreur du vide (jeu de mot sur « vacuum » qui veut dire à la fois vide et aspirateur). Je vous recommande aussi cette petite BD.

La plupart des bébés

mercredi, mai 26th, 2010

evian-bebe-5 Dans un monde où une part grandissante des jeunes parents n’ont jamais vu un bébé de près avant d’avoir le leur, et où la perception du bébé se base surtout sur les pubs, les films et la télé, il me semble utile de faire une petite mise au point sur ce qu’est vraiment un bébé, et en particulier un nouveau-né. Bien sûr il y a une certaine variabilité, ceci ne concerne donc pas « tous les bébés » mais « la plupart des bébés ».

Déjà, la plupart des nouveaux-nés sont moches (sauf les miens bien sûr qui sont magnifiques). Ce n’est pas vraiment qu’ils ne sont pas beaux, mais ils ne ressemblent pas à l’image d’Epinal du bébé. Normal : lorsqu’il y a un accouchement dans un film, le bébé a minimum trois mois (avant cela c’est illégal de les faire travailler). Quant à ceux des pubs (style bébé cadum) ils ont minimum 8-9 mois.

Beaucoup de bébés n’aiment pas les couffins, berceaux, lits, transats et autres indispensables de la puériculture. Ils préfèrent largement être dans les bras de quelqu’un et sont équipés de détecteurs de matelas ultra-sensibles avec alarme à 130 dB. En prime, il faut que ce quelqu’un soit debout et marche, sinon l’alarme se relance. L’image du petit ange qui dort tranquillement dans son petit lit entre deux repas tient plus du phantasme de parent épuisé que d’une représentation crédible du bébé ordinaire.

Et puisqu’on est dans le sommeil, rares sont les bébés qui font leurs nuits à peine rentrés de la maternité, ou à quelques semaines, ou à trois mois, ou à 5 kg, ou …. Et même s’ils les font à un moment donné, profitez du répit car de nombreuses circonstances peuvent changer cet état béni : poussée dentaire, maladie, acquisition d’une étape de développement (comme la marche), changement de l’environnement (déménagement, petit frère, passage de la Lune dans la troisième maison du Bélier…), etc. D’ailleurs tout le monde ne s’accorde pas sur la définition de « faire ses nuits ». Sur le site LLL, on apprend que cela consiste à « dormir jusqu’à cinq heures d’affilée au moins quatre nuits par semaine »*, et que 25 % des enfants d’un an ne remplissent pas ces critères ! Entre cette situation et dormir systématiquement des nuits de douze heures sans interruption, il y a une large palettes de situations où doit se trouver la majorité des bambins (et donc des styles éducatifs très variés).

Quant à l’endormissement seul c’est une compétence qui s’acquiert trèèèès progressivement. Rien que de plus banal qu’un bébé qui ne s’endort qu’au sein/dans les bras/en voiture/en poussette/en porte-bébé (et j’en oublie sûrement) et ce pendant plusieurs mois (« plusieurs » pouvant être supérieur à douze…). A propos de l’endormissement au sein voir l’avis du Dr Jack Newman (point n°9).

D’ailleurs beaucoup de bébés aiment téter. Les premiers mois, c’est d’ailleurs leur principale source de plaisir et de réconfort. Bien sûr ils aiment aussi être dans les bras (et le contact leur est aussi vital que le lait) mais le besoin de succion ne peut pas être comblé par un câlin. Or il n’y a pas trente-six façons de satisfaire ce besoin de succion, d’autant plus qu’il est extrêmement rare qu’un nouveau-né sache téter ses doigts de façon satisfaisante : le sein, le petit doigt d’un des parents ou la tétine. Ainsi, dans le monde 8 bébés sur 10 sucent leur pouce et 50 à 80% des bébés occidentaux entre un et six mois ont une tétine. Donc pour la plupart des bébés cela se traduit par passer beaucoup de temps au sein (rien à voir avec les quinze minutes toutes les trois heures qu’on préconise encore dans certaines maternités) et/ou par avoir une tétine (même si les parents s’étaient jurés -avant la naissance- que cet instrument de Satan n’entrerait pas dans leur foyer). Et ils sont aussi nombreux à avoir besoin de téter pour s’endormir, que ce soit le sein, le pouce, la tétine ou autre chose.

Mais quand on a le nez dans le guidon et qu’on dort par tranches de 2-3 heures depuis des semaines, on oublie que les enfants changent. Vite. Radicalement. Leur échelle de temps n’est pas la même que la nôtre : un mois pour un nouveau-né, c’est énorme. Inutile de paniquer s’il ne fait pas ses siestes dans son lit alors qu’il doit aller chez la nounou dans quelques semaines, il aura tellement changé d’ici-là. Et s’il ne les fait toujours pas le jour J, il s’adaptera (avec l’aide de la nounou, qui est payée pour ça). Pensez que cet adorable boutchou qui s’abandonne au sommeil dans vos bras sera un jour un ado boutonneux aux cheveux gras qui vous ignorera à la sortie du collège. Il est parfois plus simple d’accepter que la situation, bien que difficile, est normale et finira par passer que d’essayer par tous les moyens de la faire évoluer. Et en attendant il y a quand même des trucs pour se faciliter la vie : un bon porte-bébé pour l’enfant qui ne veut pas faire de sieste dans son lit par exemple.

Votre enfant ne fait rien de tout ça ? Alors profitez-en et ne pavoisez pas trop auprès de vos congénères qui ont des cernes jusqu’au menton, vous n’y êtes probablement pas pour grand chose (certains le découvrent quand ils ont ensuite un autre enfant qui correspond plus au profil type…). Et si vous le reconnaissez dans tout ou partie de cette description, dites-vous bien que tout cela n’a rien d’anormal et n’est pas de votre faute. Vous n’avez pas raté un truc, vous n’êtes pas des parents incompétents. Ceux qui vous prétendent le contraire n’ont jamais vécu avec un bébé ou sont sous le coup de la fameuse amnésie parentale. A ma connaissance il n’y a AUCUNE recette miracle pour modifier totalement et durablement ces comportements. Bien sûr chaque famille a sa petite cuisine, ses petits trucs qui facilitent la vie, qui permettent parfois d’accélérer des transitions quand la situation devient trop difficile mais ce ne sont jamais des panacées universelles. Enfin si vous n’avez pas encore d’enfant (ou si vous êtes enceinte), attendez-vous à tout cela et pire encore, et vous ne pourrez avoir qu’une bonne surprise.

Enfin que ceux de mon lectorat pour qui ce billet est un enchaînement de truismes et de lapalissades me pardonnent, mais il me semble que tout ceci n’est pas assez dit. Personnellement j’aurais bien aimé trouver ça dans le Laurence Pernoud que j’ai lu enceinte de Pouss1 . Et vous, il y a d’autres chose que vous auriez aimé qu’on vous dise ?

*pour ma part je considère qu’un enfant fait ses nuits lorsqu’il n’a plus besoin d’intervention extérieure pour se rendormir pendant la nuit.

Photo : en général les bébés ne font pas de roller, mais vous le saviez peut-être ?

Mère indigne ?

mercredi, mars 10th, 2010

bad-parenting Au gré de mes pérégrinations sur le net, je suis tombée sur cette petite annonce :

Bonjour,

Je prépare un reportage pour M6 et l’émission 100% Mag, « je suis peut-être une mère indigne mais je l’assume. »
Je cherche a suivre dans le cadre de ce reportage des femmes de 30 ans environ qui se sentent avant tout femme avant d’être mère.
Ces femmes ne culpabilisent pas de ne pas jouer tous les soirs avec leurs enfants, elles partagnent toutes les taches avec le père, elles sortent, elles ne sont pas coller à leurs enfants en permanence…

Je voulais savoir si vous pouviez m’aider à trouver des femmes qui ont ce profil.
Je suis à votre disposition.
Cordialement

(NB : les fautes d’orthographe ne sont pas de moi)

Ah ? Une femme qui ne joue pas tous les soirs avec ses enfants, qui partage les tâches avec le père, sort et ne reste pas collée à ses enfants en permanence est une mère indigne ? C’est drôle, ce profil me ressemble étrangement ainsi qu’à la grande majorité des mères que je connais. Moi je dirais plutôt que c’est une mère équilibrée qu’une mère indigne mais bon. Nous sommes toutes la mère indigne de quelqu’un (notons cependant que ce sont surtout les mères qui sont indignes, quid des pères ?). Sans compter que ces derniers temps c’est devenu furieusement tendance d’avouer ses petits travers parentaux et de se présenter ainsi comme « indigne ». Evidemment je suis la première à rire comme une baleine en lisant certains récits, mais ne va-t-on pas un peu trop loin dans cette mode du mauvais parent, où le moindre écart à une norme supposée devient une marque d’indignité ? Soyons francs, ces parents qui revendiquent haut et fort leur supposée incompétence ne font rien qui leur vaudrait une visite de la PMI. Et les vrais parents indignes, eux, ne font heureusement rire personne.

Il me semble que le principal problème auquel le parent est confronté est de faire un compromis permanent entre les besoins de toute la famille. Selon le côté vers lequel on fait peser la balance, on sera un parent indigne ou un parent sacrificiel. La vraie question pour moi ce n’est pas ce que l’on fait ou pas, mais pourquoi on le fait. Un petit exemple : en ce moment j’allaite Pouss2 et il dort avec nous. Les uns diront que je suis une mère anti-féministe, qui se laisse mener en bateau par un petit tyran (qui n’a pas 2 mois), les autres penseront que je suis une mère trop fusionnelle et castratrice qui étouffe ce pauvre enfant et l’utilise comme prétexte pour m’éloigner de son père (je caricature à peine). Or quelle est la principale motivation pour cet arrangement nocturne ? La qualité (et la quantité) de mon sommeil. Même si je partageais les levers nocturnes avec le Coq, ça ferait déjà trop pour ma flemme. D’ailleurs comme je gère Pouss2 pour la nuit, c’est lui qui se lève quand Pouss1 fait un cauchemar, hé hé. Voilà comment une même situation peut me faire passer pour une mère indigne ou bouffée par ses gosses. Moi j’ai simplement l’impression d’avoir trouvé un bon compromis qui permet de satisfaire les besoins de tout le monde. Compromis que je n’hésiterai pas à remettre en cause dès que l’un de nous n’en sera plus satisfait (et qu’il fera moins froid la nuit). Alors qui est égoïste : la mère qui allaite parce que c’est pour elle un vrai plaisir ou celle qui donne des biberons pour que son mari se lève la nuit ? la mère qui a arrêté un travail peu valorisant dont le faible salaire suffisait juste à payer les frais de garde ou celle qui s’épanouit dans le poste de ses rêves pendant que ses enfants sont à la crèche ?

Personne ne peut décider à votre place de ce qui vous conviendra ou pas. Et je rejoins tout à fait Elisabeth Badinter quand elle dit que nous ne sommes pas un troupeau. J’ajouterai même que nos enfants et nos hommes non plus. Mais si je peux donner un conseil aux autres parents, c’est justement de surveiller la balance et de ne pas oublier leurs propres besoins (et si vous avez lu Gordon vous savez que ce n’est pas incompatible avec le respect des besoins des autres). Les enfants ont tendance à être ingrats (en particulier à l’âge éponyme) et il ne faut pas s’attendre à ce que devenus adultes ils soient éperdus de reconnaissance pour ce que vous leur avez sacrifié (cela s’applique aussi à votre employeur d’ailleurs). D’ailleurs ils trouveront toujours quelque chose à vous reprocher (y compris d’être si parfait qu’ils ne trouvent rien à vous reprocher, ce qui est extrêmement frustrant). Et pour eux, je pense que ce n’est pas d’avoir tel ou tel lait, telle ou telle couche, ou tel ou tel temps de présence parentale qui est important, mais bien d’avoir du lait, d’être propre et d’avoir des parents qui les aiment. Bien sûr, on a maintenant des données et des arguments qui nous permettent de savoir quelles sont les options les meilleures de façon générale (c’est-à-dire que statistiquement c’est mieux mais au cas par cas pour certains ça ne change pas grand chose alors que pour d’autres c’est une énorme différence), et nous ne pouvons pas les ignorer ou les réfuter juste parce qu’elles ne nous arrangent pas. J’essaie d’ailleurs sur ce blog de partager des informations et des réflexions pour avancer en ce sens, en limitant autant que possible la culpabilisation. Mais faut-il pour autant faire le grand chelem du parent parfait, si c’est au détriment de son équilibre personnel ? Je ne le pense pas. A chacun ses priorités, ses envies, ses besoins, et à chaque famille ses compromis.

Si c’est ça être un parent indigne, alors vive l’indignité !

Photo : mère indigne ou mère stupide ? (on fait de la philosophie par ici, mais oui)