Archive for the ‘Bibliothèque’ Category

Le dico des petits et gros bobos

dimanche, novembre 6th, 2011

L’auteur, Marjolaine Solaro, c’est Marjoliemaman, qui est encore mieux en vrai qu’en blog, et qui non contente d’avoir commis un chouette court-métrage a en prime écrit un livre. Elle a eu la gentillesse de me l’envoyer dédicacé (hiiiiiiiii !). En prime c’est illustré par Nathalie Jomard, l’illustratrice du blog Petit précis de grumeautique et c’est avec la participation d’une pédiatre, le Dr Julie Lemale.

Comme son nom l’indique, le livre fait le point sur un tas de problèmes de santé susceptibles de toucher nos poussins. Pour le coup, ce n’est pas un livre qu’on lit d’une traite mais plutôt un manuel qu’on compulse au gré des besoins. J’ai apprécié qu’il prenne plutôt bien en compte les spécificités de l’allaitement (le lait maternel est cité comme remède possible à la conjonctivite) : beaucoup de manuels considèrent encore que par défaut les enfants boivent au biberon. Par ailleurs il traite de problèmes allant du bébé (« coliques du nourrisson ») à l’ado (« mycose du pied ») en passant par les enfants (« poux »). Même si j’ai encore du mal à imaginer mes poussins en grands machins poilus qui puent des pieds et demandent un scooter avec une voix de phoque en rut, nul doute que ce livre nous accompagnera encore pour plusieurs années.  J’espère cependant que Marjo ne m’en voudra pas de prier ici pour qu’il prenne la poussière et que je ne l’ouvre plus que pour renseigner un-e ami-e (à moins que je ne me mette à cultiver mon hypocondrie façon Trois hommes dans un bateau ?).

J’en profite pour vous signaler deux autres livres écrits par des blogueuses (et les blogs en question, si vous aviez réussi à les rater), que j’ai lus avec beaucoup de plaisir :

  • Juste après dresseuse d’ours de Jaddo : il reprend les meilleurs billets de THE blog de médecin, à la fois instructif, émouvant et révolté (mais sans ours). La relève de Martin Winckler (qui assure la préface), mais en plus drôle.

  • Tu mourras moins bête de Marion Montaigne : une compilation hilarante des planches de vulgarisation scientifique qui composent un de mes blogs BD préférés. Je ricane comme une dinde toutes les deux cases même si j’ai déjà lu tout le blog.

Entre tout ça et le livre d’Olympe, qui a dit que la blogosphère féminine se résumait à un repère de pintades qui ne parlent que manucure et tricot en mangeant des cupcakes ? Et que voilà de chouettes idées cadeau avec Noël qui approche !

Pourquoi les femmes gagnent-elles moins que les hommes ?

lundi, octobre 10th, 2011

Quand j’ai commencé à bloguer, le féminisme était quelque chose d’un peu flou pour moi. Ma vision se résumait plus ou moins à la fameuse phrase de Françoise Giroud :

L’égalité entre les hommes et les femmes sera atteinte quand on nommera des femmes incompétentes à des postes importants.

Et puis j’ai découvert Olympe. Elle m’a permis de mettre des mots sur des choses que j’avais du mal à conceptualiser. Elle m’a ouvert les yeux, voire parfois un peu bousculée sur certaines choses. De proche en proche j’ai découvert d’autres femmes qui défendent une autre vision de la société : Sandrine Goldschmidt, Valérie, Mademoiselle S., Isabelle Germain, Gaëlle-Marie Zimmerman alias la Peste, Maïa Mazaurette, et j’en oublie. La diversité des points de vue, des modes d’expression, des sujets, m’a énormément enrichie. Je suis admirative de leur courage car leurs billets ne manquent pas d’attirer une foule de trolls en tous genres qui doivent être bien fatigants à gérer. Cela a donné aussi une nouvelle couleur à mes billets, avec certains plus engagés. Je ne sais pas si ce blog peut être défini comme féministe, et finalement peu importent les étiquettes, mais a minima je le considère comme féministophile.

Tout ça pour dire que quand Olympe m’a proposé de m’envoyer* son livre, j’ai sauté sur l’occasion. A peine déballé, je me le suis enfilé d’une traite ; la fluidité de l’écriture n’est pas au détriment de la richesse et de la rigueur de la démonstration. Les études, les observations, la dissection des mécanismes, tout s’enchaîne de façon parfaitement convaincante. Certes, je ne suis pas très objective, étant déjà convaincue avant même d’avoir ouvert le livre.

Pour reprendre rapidement le propos de l’ouvrage : dès la naissance (voire in utero grâce à l’échographie), nous conditionnons plus ou moins inconsciemment les enfants en fonction de leur sexe, en les façonnant à l’image que nous nous faisons du féminin et du masculin. Biologiquement, hors leurs organes reproducteurs, ils sont pourtant bien plus semblables qu’on ne voudrait le croire. Ainsi, les filles puis les femmes s’orientent préférentiellement vers certains métiers, se sentent responsables de la tenue de l’intérieur ainsi que de l’éducation des enfants et n’osent pas faire autant valoir leurs compétences et leurs réalisations au travail que les hommes. Les différences de comportement qu’on observe entre hommes et femmes sont donc bien plus le fruit d’un conditionnement social que d’un implacable déterminisme biologique. On voit bien que pour changer cela il faudra aller bien plus loin que des lois mal appliquées instaurant un quota de femmes dans certaines instances ou demandant qu’à compétences égales le salaire soit égal.

Personnellement cela me pose souvent des questions au quotidien. Je travaille dans le public (sans être fonctionnaire, ce qui n’est pas de la tarte, mais ce n’est pas le sujet du jour) donc le salaire n’est généralement pas négocié mais calculé sur la base de l’expérience passée à l’aide de grilles : pour un poste équivalent, si des collègues hommes gagnent plus que moi c’est généralement parce qu’ils sont un peu plus âgés. Je constate par contre que tant notre comité de direction que notre conseil scientifique ne comptent qu’une très faible proportion de femmes (et pas aux postes les plus importants). Il m’arrive également d’organiser des colloques, et si on veut espérer une certaine parité dans les intervenants c’est beaucoup plus de travail : les chercheurs les plus en vue sont majoritairement des hommes, idem dans les administrations et les entreprises. Si on n’y prend pas garde, on se retrouve avec un large biais en faveur des hommes (et hélas cela m’est arrivé plus d’une fois). Je ne parle même pas des autres composantes de la « diversité » qui sont à peu près entièrement absentes.

Dans le contexte familial c’est également délicat. J’ai un époux très XXIème siècle, avec qui nous nous sommes réparti les tâches en fonction de nos compétences et affinités respectives (qui sont un certes un peu cliché mais mieux vaut pour tout le monde que je fasse le dîner et qu’il fixe les étagères). Nous avons deux fils : d’un côté cela m’évite de me demander en permanence si je ne traite pas différemment les enfants en fonction de leur sexe, de l’autre cela donne une forte prédominance des voitures, trains, chevaliers et autres dans le stock de jouets familial. Mais la fréquentation de l’école a rapidement donné à Pouss1 (4 ans) des idées très arrêtées sur ce qui est pour les filles et ce qui est pour les garçons. Je trouve qu’il n’est pas évident de trouver l’équilibre entre lutter contre ces clichés et faire de l’enfant un vecteur des convictions parentales à ses dépens. Par exemple je pourrais insister pour que Pouss1 se déguise en princesse pour Mardi Gras mais cela risque d’une part de ne pas du tout lui plaire et d’autre part de lui attirer les railleries des autres enfants. Et même s’il m’en faisait lui-même la demande, devrais-je plutôt l’encourager à assumer sa différence ou le protéger des moqueries des autres ?

Enfin, en étant à peine caricaturale, si moi je travaille avec des hommes, mes enfants sont gardés par des femmes. Evidemment c’est déjà un tel casse-tête de trouver un bon mode de garde et une bonne école à proximité, s’il faut en plus ajouter des critères de parité on ne s’en sort pas. Mais au moins lorsque nous cherchons quelqu’un pour garder les enfants ponctuellement nous ne négligeons pas les garçons et nous avons régulièrement comme baby sitter le fils des voisins (qui a appris à changer une couche à cette occasion) et mes petits frères. Je trouve que d’une part c’est une chance pour les poussins d’être confrontés à des personnalités plus variées et d’autre part je me dis qu’un jour une femme nous remerciera d’avoir un mec pas trop empoté avec les bébés. Et enfin il me semble que c’est la meilleure campagne pour la contraception des ados…

Tout ça pour dire que j’espère que le livre d’Olympe** va supplanter Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus parce qu’il serait temps d’en finir avec ces vieux stéréotypes auto-entretenus. Et si je peux ajouter ma modeste pierre à l’édifice : Mesdames, je vous en conjure, ne dites JAMAIS « J’ai de la chance, mon homme m’aide beaucoup » ou « Ce soir c’est le papa qui fait du baby-sitting ». Les enfants et la maison sont votre responsabilité à tous les deux ; ensuite chaque famille trouve ses propres arrangements pour partager les tâches concrètement mais ce n’est pas à la base le problème de la femme à qui l’homme peut éventuellement faire la grâce d’un coup de main. Et ça ne vous viendrait pas à l’idée de dire que vous faites du baby sitting quand vous vous occupez de vos enfants, c’est donc pareil pour leur père.

 

*Oui parce que si je refuse systématiquement les partenariats commerciaux, c’est par contre avec plaisir que je lis et relaie les livres des ami-e-s (Marjo si tu me lis je ne t’oublie pas !).

**Dans la vraie vie Olympe s’appelle Brigitte Laloupe (ce détail peut vous être utile si vous voulez vous procurer cet excellent opus) mais je n’arrive absolument pas à remplacer Olympe par Brigitte. Et ça tombe plutôt bien.

Dites-le aux femmes enceintes

samedi, octobre 8th, 2011


Marie-Hélène Demey a longtemps enseigné le yoga aux femmes enceintes, y compris à moi lors de ma première grossesse. Ces séances étaient tout à fait remarquables, proposant à la fois un temps de parole et d’échanges et un enchaînement de postures simples, qui ont été pour moi un remarquable traitement de beaucoup des petits maux de la grossesse. L’ouverture et la tolérance étaient également de mise, avec un grand respect pour les choix de chacune. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’ai accueilli son livre, qu’elle a eu la grande gentillesse de m’offrir.

Marie-Hélène récapitule dans cet ouvrage toute la sagesse ainsi accumulée, pour mieux vivre tant la grossesse que l’accouchement, à la fois sur le plan physique et psychologique. Elle s’intéresse aussi bien aux questions très concrètes, de l’explication des examens médicaux aux positions pour dormir, qu’au cheminement psychologique pour devenir parent. Son propos est émaillé par de nombreux témoignages des femmes (et hommes!) qu’elle a accompagnées. Point positif non négligeable : j’aime beaucoup les photos d’illustration, qui évitent à la fois le mannequin taille 36 avec un faux ventre et un sourire parfait et la vraie femme enceinte en mode Véronique et Davina comme semble l’affectionner Bernadette de Gasquet (ce qui n’enlève rien à l’intérêt de ses livres…).

Je dirais que c’est un bon compagnon de grossesse, surtout pour une femme qui ne sait pas trop à quoi s’en tenir ; un chouette cadeau pour une copine enceinte pour lui donner des infos sans lui faire peur (à l’inverse par exemple je n’offrirais pas Jaccouche bientôt et j’ai peur de la douleur à une amie qui n’a pas exprimé clairement un intérêt pour une naissance sans péridurale). L’équilibre est en effet bien délicat, entre vouloir donner toutes les cartes, éviter de plaquer ses propres envies et regrets sur la situation d’une autre, bref informer sans culpabiliser, ce n’est pas une mince affaire !

C’est un livre qui aide à (re)prendre confiance en soi et en ses capacités de mère. Il permet de faire le plein de sérénité et encourage les femmes à prendre en main et à vivre pleinement ces périodes si particulières de la grossesse, de l’accouchement et des jours qui suivent. Enfin pour celles que cela intéresse, sachez que même si Marie-Hélène est à la retraite, des séances extrêmement fidèles à celles qu’elle avait développées existent toujours à Soleil d’Or (Paris XIVème), ainsi qu’à Accueil Naissance (Paris XIIIème). Je sais, je les ai testées pour ma seconde grossesse.

Je finirai sur une petite citation qui résume parfaitement l’esprit du travail proposé :

Il s’agit d’un accompagnement.

Il permet aux femmes d’accéder en confiance à leurs propres ressources, de s’approprier davantage le moment de la naissance, et d’accueillir plus consciemment l’enfant qui va naître.

La place donnée à la parole et le travail corporel régulier sont les supports d’un cheminement de chacune au milieu des autres, tant sur le plan physique que sur le plan psychique.

Bien-être, autonomie et sérénité en seront les bienfaits.

Ce billet espère participer aux Vendredis Intellos, en espérant que Mme Déjantée ne me tiendra pas trop rigueur du fait qu’il ait été publié un samedi…



Bien vivre l’allaitement

vendredi, septembre 23rd, 2011

Aujourd’hui, la Basse-cour a l’honneur d’accueillir une guest-star, et pas n’importe qui : la Mère Joie. Pour ceux qui n’auraient pas l’heur de la connaître, c’est une des rares blogueuses capables de balancer avec le même talent des vannes graveleuses, des réflexions personnelles touchantes et des dossiers hyper fouillés (voir la fessée et l’allaitement, à lire !). Donc quand j’ai vu sur Twitter qu’elle était en train de lire Bien vivre l’allaitement, un des livres que, par le blog alléchée, je convoite depuis quelque temps déjà , ni une ni deux, j’ai proposé à la Mère joie (les intimes disent LMJ) de faire une fiche de lecture et de la publier chez moi (observez la feinte de la blogueuse feignasse qui s’économise 1. de lire le livre et 2. de faire un billet récapitulatif). Et figurez-vous que non seulement elle ne m’a pas traitée de grosse sangsue parasite mais qu’elle a accepté. Et comme Mme Déjantée qui passait par là n’a pas les yeux dans la poche, on a convenu d’en faire en prime une participation aux Vendredis Intellos. Bref, un grand merci à LMJ, qui publie sur son blog une interview de Madeleine Allard et Annie Desrochers, les auteures du livre. Place donc à la Mère joie !

Deux mères québécoises de quatre enfants chacune se sont penchées durant cinq ans sur le « phénomène bio-culturel par excellence » qu’est l’allaitement et ses multiples facettes.

« Il n’est pas si simple de parler d’allaitement. Il ne suffit pas d’énoncer qu’il représente le meilleur choix. Allaiter est avant tout un geste intime qui demande ouverture et engagement. Pour cette raison, il faut en parler avec empathie et délicatesse » donne de suite la clef pour percevoir la force de l’ouvrage.

Bien vivre l’allaitement de Madeleine Allard et Annie Desrochers aux éditions Hurtubise est le livre que j’aurais aimé écrire sur l’allaitement. D’un ton totalement bienveillant, il ne s’adresse pas qu’aux femmes qui sont en train d’allaiter ou souhaitent allaiter : il est à remettre entre les mains d’un plus large public. Comme le précisent effectivement les auteures « Allaiter est bien plus que nourrir un bébé, c’est un geste social partagé avec d’autres. ».

Ultra documenté, construit impeccablement, il relève avec brio le défi de :

– Fournir sans jamais être ronflant des outils, des données techniques exhaustives telles que des positions pour allaiter et remédier à des situations précises, tirer le lait manuellement, reconnaître la succion efficace. Tous les maux ou les inquiétudes qui peuvent jalonner un parcours d’allaitement y sont aussi décrits ainsi que leurs solutions.

– Indiquer quelques règles biologiques / physiologiques (dont on oublierait presque l’évidence) aide-mémoire « Sein plein = fabrication du lait ralentie ; sein vide = fabrication du lait accélérée », « Toute la lactation repose sur une prise efficace du sein », allant jusqu’à utiliser des comparaisons judicieuses pour imager leur discours.

– Aborder toutes les particularités de l’allaitement de la relactation à l’allaitement en tandem.

– Inviter à la réflexion sur l’allaitement en posant des questions pertinentes. Il y a notamment un passage très intéressant sur l’allaitement des femmes ayant un problème avec la drogue, sur le deuil de l’allaitement ou sur la portée symbolique sacrée du lait.

Le lecteur (mot volontairement laissé au masculin) interrogé est rendu acteur mais n’est pas laissé seul sans réponse face à lui-même puisqu’il est rassuré en parallèle par des explications pointues pourtant très accessibles. Il ne s’agit pas par exemple de citer que le colostrum et le lait mature sont bons comme une sorte de miracle humain (« Le lait n’a rien de miraculeux ») mais bien d’en définir les propriétés réelles ; ce qui favorise véritablement un choix éclairé par rapport à la façon de nourrir son enfant. Le lecteur a alors les éléments pour mener son propre cheminement, pour remettre en cause ses opinions préconçues et analyser ses expériences antérieures à la lueur de nouvelles données.

Madeleine Allard et Annie Desrochers coupent court aux mythes comme celui du bébé allaité qui n’a pas de coliques (à l’inverse est étudiée l’importance des coliques dans l’allaitement), de l’inévitable confusion sein / tétine, de la perte de poids liée à l’allaitement « L’allaitement n’a pas de vertus magiques et il n’est pas à lui seul le régime amaigrissant rêvé. »… Elles n’essaient pas de nous vendre de l’allaitement à tout prix et du rêve mais posent les réalités de l’allaitement pour que chaque mère puisse créer l’allaitement qui lui ressemble, qui a du sens pour elle ; puisse évaluer si son allaitement va bien (ce qui est normal, ce qui est « pathologique ») et vivre un allaitement souple pour plus de sérénité. Et malgré les embûches soulevées, le livre donne fortement envie d’allaiter ! Peut-être parce que nous nous savons immédiatement entre de bonnes mains, accompagnées par deux amies ne cherchant pas à nous soustraire notre libre arbitre…

Des mots très justes sont également mis sur ce que peuvent ressentir des femmes commençant à allaiter, rencontrant des difficultés d’allaitement, ou sevrant leur bébé, etc. Il n’y a aucun préjugé et les témoignages illustrant certains passages à caractère plus personnel renforcent ce sentiment d’écoute active de la part des auteures. Il y a spécialement dans la partie 4 intitulée La mère des mots déculpabilisants et salvateurs – qui seront en mesure d’apaiser les mamans avec un sentiment d’échec concernant leur(s) allaitement(s) – tels que « Le succès d’un allaitement devrait d’abord se mesurer par ce qu’il apporte à ceux qui en font l’expérience avant d’être noté sur la quantité de lait donné, le temps passé ou la façon de sevrer son bébé. Chacune a le pouvoir de définir sa propre relation d’allaitement et de décider ce qui constitue, pour elle, un allaitement réussi, de la première tétée au sevrage ».

Bien vivre l’allaitement est une véritable bible de l’allaitement (pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’oeil au sommaire) qui donne enfin toute sa place au sevrage « Le sevrage n’est pas en opposition avec l’allaitement. Il n’est pas une négation de tout ce que l’allaitement représente. Il en fait partie. C’est l’un des deux pôles de l’allaitement. ». Il ne lui manque plus qu’une adaptation française pour parfaire nos études sur les problématiques d’allaitement outre-Atlantique.

NDLPP : En attendant, vous pouvez discuter avec les auteures sur Twitter en suivant @BVAllaitement

Mon bébé comprend tout

dimanche, août 21st, 2011

Voilà un livre dont je dois vous parler depuis bien longtemps. C’est encore une fois à une amie fort attachante que j’en dois la lecture. J’avoue que je n’avais pas très envie de me plonger dedans à la base, car il se traîne une sacrée réputation : c’est le livre qui dit qu’il faut que les bébés pleurent (enfin c’est ce que dit sa réputation). Mais n’écoutant que mon courage et mon dévouement pour vous, Basse-cour chérie, j’ai tout lu.

D’abord, un premier point qui n’a pas manqué de me séduire : Aletha Solter est titulaire d’un doctorat en psychologie, a étudié avec Jean Piaget (un monument en psychologie de l’enfant), et assortit la moindre de ses assertions d’une citation de la littérature scientifique en bonne et due forme. J’ai aussi apprécié qu’elle parle assez systématiquement de « parent », et pas juste de la pauvre mômman, sur qui pèseraient toutes les responsabilités (surtout en cas d’échec). J’ai par contre été moins séduite par la traduction, avec notamment cette perle : j’ai fini par comprendre que « couverture de sécurité » était une traduction littérale de « safety blanket », alors que dans ce contexte il s’agit plutôt d’un doudou que d’une couverture de survie. Je ne suis pas fana non plus des « exercices pratiques » à la fin de chaque chapitre, qui m’évoquent plus une McPsychothérapie à emporter (copyright Le Spykologue) que quelque chose de vraiment utile.

Et le fond alors ? Voici déjà les quatre postulats de base, copiés-collés depuis la quatrième de couverture :

  • Le nouveau-né sait de quoi il a besoin.
  • Si ses besoins sont satisfaits et qu’on ne lui fait pas de mal, il sera gai, intelligent et aimant.
  • Le bébé est très vulnérable ; ses peines et ses besoins insatisfaits peuvent avoir des effets durables.
  • Il a la possibilité de guérir spontanément de ses peines s’il peut exprimer ses sentiments de détresse.

Les besoins généraux du bébé tels que décrits dans le livre ne sont pas révolutionnaires (en gros être alimenté, porté et câliné à la demande, avec une forte préférence de l’auteur pour allaitement et sommeil partagé), si on excepte la question des pleurs. En effet, pour l’auteur, les pleurs, lorsqu’ils ne traduisent pas un besoin non satisfait de l’enfant (faim, sommeil, propreté…), sont là pour lui permettre d’exprimer ses sentiments négatifs et sont nécessaires à son équilibre et à son bien-être. Ils ne doivent donc pas être entravés par ce qu’elle appelle des automatismes de contrôle, dont les plus courants sont le doudou (euh pardon, la couverture de sécurité), la tétine, le pouce et même la tétée câlin. Par contre, pour être vraiment libérateurs et réparateurs, les pleurs doivent toujours être versés dans les bras d’un adulte aimant et contenant (à ce sujet, voir aussi cette étude récente, trouvée -encore !- grâce au Spykologue selon laquelle la recette du « bien pleurer » tiendrait en trois termes : « vite, fort et avec un confident »). Si l’enfant est laissé seul, c’est nocif. Donc en gros, c’est LA solution magique à tous les problèmes : une bonne séance de pleurs dans les bras (temps illimité, près d’1 heure d’affilée ce n’est pas un problème…) et vous aurez un enfant charmant, gai, qui dort et fait le café.

Aletha Solter a donc globalement une idée extrêmement exigeante de ce que doit être la parentalité, et martèle régulièrement que c’est une tâche extrêmement difficile, pour laquelle les parents devraient recevoir autant d’aide que possible, tant par leur entourage que par la société. Elle pousse d’ailleurs son raisonnement jusqu’au bout : à moins d’être exceptionnellement bien aidé, un couple ne devrait selon elle pas avoir plus de deux enfants, qui devraient avoir au moins trois ans d’écart.

Pour ma part, je trouve l‘idée de base intéressante, même si développée de façon légèrement psycho-rigide. En effet, notre société a un rapport assez bizarre aux pleurs des bébés et enfants : non seulement un bon enfant est un enfant mort silencieux, mais tout cri doit être a minima ignoré, voire réprimandé. Or nous avons tous de la colère, de la frustration, de la tristesse et d’autres émotions négatives à exprimer. Je ne connais pas beaucoup d’adultes capables de le faire systématiquement de façon productive (ou en tout cas qui ne soit nocive ni pour eux ni pour les autres), même si nous avons à notre disposition un certain nombre de moyens : en parler, pleurer sur une épaule compatissante, faire une activité physique, etc. Un bébé ou un jeune enfant ne peut que pleurer ou crier pour exprimer une vaste gamme d’émotions négatives, à moins carrément de les transformer en problèmes physiques par la somatisation. Il me semble donc assez intéressant et utile pour un parent de savoir qu’il n’est pas forcément anormal ou pathologique de ne pas réussir à consoler immédiatement tout pleur ou cri de leur enfant. Au contraire, accueillir ces manifestations avec compassion peut aussi être bénéfique à l’enfant. C’est finalement une forme d’écoute active, également préconisée par A. Solter, qui cite d’ailleurs Thomas Gordon. A noter que Gordon Neufeld et Gabor Maté, dans Retrouver son rôle de parent, parlent également du rôle crucial des « larmes d’impuissance » pour aider un bambin à accepter la frustration.

Cependant, je ne peux que regretter le caractère assez dogmatique et péremptoire de l’ouvrage, qui me semble bien difficile à mettre en pratique aussi exactement que le préconise l’auteur. En gros, si j’ai bien compris, il faut être prêt à écouter des pleurs, pour une durée indéfinie, à tout moment du jour et de la nuit. Sans parler de ma disponibilité émotionnelle, forcément limitée, il n’est pas compatible avec mon mode de vie de passer 45 minutes à écouter la frustration de mon bébé qui ne veut pas aller à la crèche alors que j’ai une réunion il y a 10 minutes. Je suis aussi bien contente que Pouss2 prenne la tétine dans la voiture, ce qui lui permet de rester à peu près calme dans une situation où on ne peut pas le prendre dans mes bras. Autre problème : comment faire la distinction entre pleurs exprimant un besoin et pleurs de décharge ? Personnellement je trouve que c’est justement un des avantages de l’allaitement : pas besoin de savoir si bébé veut manger, câlin, dormir, consolation ou un mélange de plusieurs, puisque le sein peut lui fournir tout cela, et plus encore. Il me semble qu’une interprétation trop stricte de ces préceptes pourrait d’ailleurs dans certains cas entraîner des problèmes de lactation par stimulation insuffisante. Enfin les pleurs incessants peuvent aussi signaler une vraie pathologie (chez les nouveaux-nés on peut citer notamment le RGO, relativement courant, très douloureux, et pas toujours accompagné de régurgitations), qui demande un traitement médicamenteux et pas seulement de l’empathie pour guérir.

En bref, il me semble important de retenir le message de fond du livre, à savoir que pleurer en présence d’une oreille compatissante est aussi un besoin fondamental des bébés et enfants (voire des adultes mais c’est un autre sujet), tout en le relativisant. Je trouve qu’il est important de dire les faits, même si c’est une vérité qui ne nous arrange pas, mais le dogmatisme « faites comme ça et pas autrement sinon votre enfant va devenir un dangereux psychopathe façon Hannibal Lecter » m’horripile. Je préfère largement l’approche de Sarah Blaffer Hrdy par exemple. Personnellement je n’en recommanderais donc pas la lecture sans l’assortir de certaines précautions fortes. C’est typiquement le genre de livre qui n’est absolument pas fait pour être appliqué à la lettre à mon avis, sous peine de finir complètement chèvre (d’ailleurs on pourrait presque se demander si ce n’est pas là qu’Elisabeth Badinter a trouvé sa caricature de la mère naturaliste allaitante sacrificielle dans laquelle je ne me reconnais absolument pas). Vous pouvez par ailleurs découvrir un certain nombre des théories et propositions d’Aletha Solter sur le site des Parents conscients (j’aime bien ses 20 alternatives à la punition par exemple). Quoi qu’il en soit, il me semble important de toujours garder un certain recul par rapport aux livres en général : ils peuvent bien sûr nous apporter des éclairages passionnants, voire nous permettre de vrais changements, mais n’oublions pas que les choses sont rarement si simples dans la vraie vie et que les bébés, eux, ne les ont pas lus.

Ajout ultérieur : afin que ce billet puisse contribuer aux Vendredis intellos de Mme Déjantée (dont je vous recommande au passage le blog), je complète avec le petit widget associé et un extrait du bouquin (deux, en fait). Vous comprendrez qu’en tant que BHL des Pampers (surnom qui m’avait été donné il y a quelque temps déjà sur un autre blog) je ne pouvais pas rester indifférente à une telle initiative…

Voici un premier extrait, qui montre bien le potentiel de culpabilisation du bouquin :

J’ai expliqué plus haut que le fait de faire attendre un enfant pour sa nourriture peut l’amener plus tard à avoir un appétit insatiable de nourriture ou de boisson. Pour une raison complètement différente, le surallaitement peut conduire au même problème.

Comprendre : si faim et soif de bébé ne sont pas satisfaits avec une précision chirurgicale il va devenir un adulte boulimique et alcoolique.

Pour finir sur une note plus réconfortante, un extrait sur la nécessité d’aider les parents et en particulier des mères :

Une autre raison pour laquelle il peut sembler difficile d’être parent est que beaucoup d’entre eux ne sont pas assez aidés. S’occuper d’un enfant est un travail extrêmement prenant, et on ne peut pas attendre d’une seule et même personne qu’elle lui donne l’attention dont il a besoin tout au long de la journée (et la nuit, aussi !). L’envie d’avoir du temps pour soi, loin de son enfant, ne signifie pas forcément qu’on le rejette. On attend souvent des femmes qu’elles soient les seules à s’en occuper : c’est ridicule ; les mères ont besoin d’aide.

 

 

L’art d’accommoder les bébés

dimanche, février 27th, 2011

Voilà un bouquin que je voulais lire depuis longtemps, alors autant vous dire que quand l’amie Ficelle me l’a passé, c’était un peu Noël (en fait c’était vraiment Noël puisque nous étions le 27 décembre). Je n’ai pas été déçue, c’est à mon avis un incontournable à mettre en toutes les mains : parents et futurs parents, grands-parents et tous les professionnels de périnatalité et de petite enfance.

L’idée ? Une psychanalyste, Geneviève Delaisi de Parseval, et une ethnologue, Suzanne Lallemand, passent au crible les manuels de puériculture depuis le début du XXème siècle jusqu’à la fin des années 1970 (avec une postface sur la période 1978-1998 dans la dernière édition), disséquant les différentes sauces auxquelles parents et bébés ont été accommodés selon les époques et les lubies personnelles des auteurs. La première montre avec beaucoup de finesse comment beaucoup des dogmes érigés par ceux qu’elles appellent les puériculteurs servent en réalité à compenser leurs propres insécurités et blessures psychologiques ; son approche change très agréablement de la psychanalyse de comptoir que de pseudo-experts nous délivrent sur tout et n’importe quoi (et surtout avouons qu’il est assez jouissif de voir décortiquées à la loupe les névroses des autres). La seconde donne du recul en convoquant les pratiques d’autres peuples, permettant de relativiser les diktats des puériculteurs et montrant comment l’intérêt de telle ou telle façon de faire s’inscrit en fait pleinement dans une vision donnée de la société, voire une idéologie.

L’écriture est agréable (voire franchement savoureuse pour certains passages), et d’un bon niveau : parfois un peu limite pour les neurones fatigués de la jeune mère mais quel plaisir de se voir traitée comme une adulte responsable et douée de raison dans un livre sur la parentalité ! Je vous livre quelques unes des idées développées qui m’ont particulièrement marquée. La première repose sur le constat que la dépendance entière du bébé du ou des adultes qui s’en occupent est sans doute effrayante pour l’enfant, mais peut également l’être fortement pour l’adulte. Cela expliquerait la tendance forte de notre société de vouloir rendre le bébé indépendant : c’est une façon pour le parent ou pour le puériculteur de refouler cette réalité angoissante. En vain bien sûr, car il ne suffit pas de faire comme si un nouveau-né était capable de réguler parfaitement ses heures de repas, de sommeil ou de câlin pour que ce soit effectivement le cas.

Une autre remarque la façon dont les auteurs de livres de puériculture décrient systématiquement les grands-mères, dont les conseils sont jugés inutiles voire nocifs. G. Delaisi et S. Lallemand notent elles que les suggestions des grands-mères ne font que reprendre celles des manuels de leur époque, et qu’il est donc un peu facile pour les auteurs de leur jeter la pierre, au lieu d’avouer leurs propres contradictions (ou celles d’avec leurs prédécesseurs). Ayons donc un peu de pitié pour nos mères et belles-mères, qui ont simplement eu le malheur de subir un lavage de cerveau différent du nôtre (et plus violent également, les citations d’avant les années 1970 étant pour la plupart particulièrement épouvantables).

Il y a également un point vraiment intéressant sur le rôle du père, totalement mis de côté jusqu’à peu. Comme le disent les auteurs

« l’index des sujets passe inexorablement de « peau » à « pertes blanches » ou de « patron » à « photographe », mais de père, point. […] A lire cette littérature, on dirait bien qu’un enfant se fait par parthénogenèse. »

A l’inverse, un tableau brossant les visions d’autres cultures indique que selon la façon dont on interprète les mêmes réalités biologiques, on accordera une place plus ou moins importante à chacun des parents. La société occidentale insiste fortement sur le rôle de la mère (au point, rappellent les auteurs, qu’on parle toujours de « couper le cordon » pour séparer l’enfant de sa mère, alors que le cordon relie le bébé au placenta, qui est un produit embryonnaire, donc issu des deux parents), pourtant

« on ne peut que constater que ce n’est pas la physiologie qui est contraignante, mais l’utilisation qui en a été faite par les différents systèmes idéologiques de représentation. »

Les auteurs proposent ainsi de rééquilibrer les rôles parentaux, y compris par le biais des relations sexuelles pendant la grossesse pour lesquelles des études de psychologie montreraient qu’elles aident le futur père à appréhender et à « participer » à la construction de l’enfant (d’un point de vue psychique bien sûr).

Enfin il est intéressant de noter l’absence globale du concept de plaisir dans ces manuels. Tout est strictement réglementé et ritualisé, chaque option obéit à des considérations rationnelles (ou présentées comme telles), bref la mère est un bon petit soldat qui remplit son devoir. Pourtant il est clair que parler du plaisir de l’allaitement pourrait être plus motivant que de détailler la composition protéique du lait maternel, tout comme réduire le change à son seul aspect peu ragoûtant en enlève la dimension de jeu et de câlin qui n’est pourtant pas négligeable. Le bain n’a pas pour but de briquer le bébé dans les moindres recoins mais plutôt de le voir barboter avec plaisir, quitte à en profiter pour lui passer un peu de savon ça et là. La bien mal nommée « propreté » (Dolto préférait le terme de « continence », plus approprié) est également obsession bien occidentale : les auteurs citent une ethnie où le problème des couches est résolu en dressant le chien à manger les excréments du bébé, jusqu’à ce que celui-ci finisse par imiter les adultes et utiliser les latrines, sans que quiconque ne se formalise du processus. Elles suggèrent d’ailleurs que la volonté de dresser l’enfant à aller au pot dès ses six mois serait finalement une façon de dresser sa mère, qui se voit bien prise par cette tâche qu’elle ne pourra de toute façon accomplir avant plusieurs mois.

Ainsi, ce livre est en fait un véritable essai féministe, examinant la condition maternelle au cours du XXème siècle et montrant point par point comment les diktats de puériculture visent autant à former les petits soldats de demain qu’à enfermer les femmes dans des rôles bien définis et pas forcément très valorisants (certains des manuels n’hésitant pas à présenter la mère comme l’auxiliaire du médecin, qu’il soit obstétricien ou pédiatre !). Les auteurs déplorent d’ailleurs que les manuels ne soient pas écrits par les équipes de chercheurs travaillant sur le développement psychomoteur de l’enfant par exemple, cela reflétant d’ailleurs le peu de cas fait des lectrices :

«  Imagine-t-on […] des livres de gastronomie écrits par des cuisiniers des cantines des hôpitaux ? »

En bref, je le répète, c’est à mon avis une lecture indispensable, à offrir et à s’offrir. Je terminerai ce billet sur une citation de J.S. Bruner, professeur de psychologie américain, trouvée dans ce livre.

« Un bébé n’est pas une horloge et aucun indicateur ne nous permet de prévoir exactement à quel moment un enfant passera d’une étape de sa vie à une autre […]. Il n’y a pas de « bébé idéal », pas de « type d’enfant de trois mois ». Laissons cela aux statisticiens. Il y a tel bébé de tel âge dans ce cadre-ci, à cette heure du jour et avec cette histoire. Que l’on ne confonde pas un « bébé des statistiques » et un vrai bébé. »

Vous en étiez sans doute déjà persuadés, mais c’est toujours bon à lire, à relire et à faire lire.

Au monde

dimanche, avril 11th, 2010

aumonde Sur les conseils de Ficelle, j’ai acheté (pas cher, il existe en poche) et lu Au monde, ce qu’accoucher veut dire de Chantal Birman. L’auteur est sage-femme depuis les années 70 et nous parle de sa pratique, de son cheminement et des implications de ce qu’elle a vécu et observé pour la société en général et pour les femmes en particuliers. A vrai dire, je le rebaptiserais bien Ce qu’être sage-femme veut dire, car ce livre est extrêmement instructif sur ce métier, souvent mal connu. Sa réflexion sur la place des sages-femmes au sein du corps médical, avec une perspective historique remontant au Moyen Age, et sur ce que cela implique pour les femmes et leur statut dans la société est passionnante. Quand on lit que pour un chef de service particulièrement gratiné la sage-femme est « ce truc en rose avec un seul neurone », c’est assez révélateur de la considération sociale pour une profession aussi complexe, essentielle et à haute responsabilité qui a simplement la particularité d’être à une écrasante majorité féminine. Si on ajoute que les sages-femmes ont pour mission de s’occuper des femmes et des bébés, cela en dit long sur la place et le statut que la société accorde à ces derniers. Il est particulièrement intéressant (et choquant !) de constater que si les sages-femmes ont en pratique de lourdes responsabilités médicales, y compris devant les tribunaux, elles n’ont pas ni la reconnaissance ni l’autonomie qui devrait aller avec. Ainsi, ce sont les sages-femmes qui pratiquent les interruptions médicales de grossesse (IMG) mais elles n’ont pas le droit de les prescrire. L’actualité récente a d’ailleurs montré un nouvel exemple : il était question de donner la compétence aux sages-femmes pour prescrire et poser la contraception des femmes à tout moment (et plus seulement pour la seule période du post partum), et cela a finalement été refusé par l’Assemblée nationale.

Chantal Birman est une féministe militante et pointe le doigt sur un certain nombre de difficultés et d’injustices faites aux femmes. Son combat pour le maintien du droit à l’IVG prend tout son sens lorsqu’elle raconte ses toutes premières gardes à l’époque où l’avortement était un crime pouvant conduire à la peine capitale, et où il était obtenu en provoquant une infection de l’utérus, qui s’avérait régulièrement fatale. Il est aussi intéressant d’apprendre que de nombreuses femmes, ambigües par rapport à leur grossesse, avortent parce que le père refuse l’enfant ; et c’est finalement la femme qui en porte la culpabilité. Une large part du livre est aussi consacrée à la maltraitance des femmes, que ce soit par les coups, les brimades, le viol ou encore l’inceste, et aux répercussions que cela entraîne sur leur maternité.

Le livre s’intéresse aussi à l’évolution des pratiques obstétricales : par exemple tout en expliquant comme la péridurale est indispensable et a apporté une réponse à certains accouchements difficiles, Chantal Birman déplore sa généralisation comme palliatif au manque de sages-femmes, qui peuvent ainsi surveiller toujours plus d’accouchements simultanément, au détriment de l’accompagnement humain pourtant irremplaçable. Pour elle, les femmes ont de moins en moins le choix d’accoucher sans péridurale ; et cette médicalisation accrue couplée à une pénurie de personnel médical n’est pas positive pour leur sécurité.

La liste des réflexions et constats de ce livre qui se lit tout seul est longue et je ne me vois pas en reproduire ici l’exhaustivité mais j’ai trouvé cette lecture passionnante et très enrichissante. Et je ne parle pas des nombreux récits de naissance et d’accompagnement des femmes enceintes qui l’émaillent. Ce n’est clairement pas un guide grossesse/naissance, mais plutôt l’occasion de réfléchir aux tenants et aux aboutissants de la maternité pour les femmes : on peut le lire enceinte, pas enceinte, mère, pas mère, père, pas père et en tout cas ça change du discours lénifiant et infantilisant souvent dispensé aux femmes enceintes. On n’est pas obligé d’être d’accord avec tout (je ne suis pas très à l’aise avec l’idée développée que les « petits » maux de la grossesse et des règles soient un prix que les femmes décident inconsciemment de payer pour avoir le droit d’être mères) pour apprécier les analyses proposées et s’intéresser aux problèmes soulevés. Et franchement ça relève un peu le niveau après les débats récents sur les petits pots ou les couches lavables…

Bien-être et maternité

jeudi, janvier 7th, 2010

bienetre Je continue sur la lignée des livres prêtés par ma prof de yoga prénatal (probablement un des derniers, car comme l’indique l’adjectif « prénatal », je risque de ne plus beaucoup la revoir d’ici très bientôt) avec ce beau pavé du Dr Bernadette de Gasquet. Celle-ci est à la fois médecin et professeur de yoga, et s’est rendue célèbre dans le microcosme de la périnatalité par ses travaux sur la mécanique obstétricale et notamment ses propositions en matière de liberté de position à l’accouchement. Elle a aussi beaucoup travaillé sur les abdos et le périnée.

C’est plutôt un bon livre pour accompagner la grossesse car il ne se contente pas d’énumérer tous les problèmes auxquels on peut être confrontée avec pour seule explication « c’est normal/c’est les hormones/c’est psychosomatique » et pour seule proposition d’amélioration « ce n’est pas grave/ça ne durera pas plus de 9 mois, soyez patiente/prenez du paracétamol/arrêtez de stresser/allez voir un psy ». En effet le livre propose toute une série de postures (inspirées ou directement prises au yoga), d’exercices, de relaxations et de propositions pour aider concrètement les femmes à se sentir bien pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum. Les postures sont bien décrites et illustrées au fil des pages, en accompagnement de la description des troubles qu’elles sont censées apaiser, et il y a des propositions de séances pré et post-natales pour les enchaîner. Evidemment si comme moi vous avez un cours de yoga c’est moins utile, mais si vous avez des difficultés à en trouver un ou une fâcheuse tendance à oublier les postures (SNU quand tu nous tiens), c’est toujours bon à avoir sous le coude. Ce que je trouve bien aussi dans ce livre c’est qu’il n’est pas culpabilisant et qu’il reste très pragmatique, du coup je pense qu’il peut convenir à beaucoup de femmes et pas seulement à celles qui sont vraiment dans une démarche d’accouchement très « nature » et physiologique. Du coup je pense qu’il peut faire un cadeau apprécié à une amie enceinte, même si on n’est pas tout à fait dans la même approche.

Evidemment, ce livre a aussi quelques aspects qui peuvent être irritants. Il est écrit surtout sous forme de dialogue entre la femme et le « professeur » (mais moins particulier que le style Leboyer quand même…), ce qui peut faire bizarre. Il y a quelques suggestions et conseils un peu étranges (du style remplacer son sac à main par une valisette qu’on pourra utiliser comme repose-pied ; je peux vous dire que le premier qui tente de remplacer mon Twenty par une valisette il se prend le Twenty en question et son énorme aimant dans sa face*), mais après tout rien n’empêche de piocher ce qui nous convient et d’ignorer le reste. Le livre date de 1997 (il est à sa septième édition) mais ses photos ont un furieux goût de 80’s-début des 90’s, on se croirait chez Véronique et Davina… Notez qu’il n’est pas obligatoire de revêtir la même tenue ou de se faire un brushing assorti pour que les postures soient efficaces. L’allaitement n’est pas trop mal traité mais ça ne vaut pas un vrai livre sur le sujet comme le grand classique de Marie Thirion, ou mieux encore la possibilité d’avoir une personne référente de confiance (sage-femme, consultante en lactation, animatrice d’association…) dès la naissance du bébé pour aider à résoudre ses problèmes avec des solutions adaptées. Ce n’est pas la même chose de voir une photo d’une position d’allaitement ou d’avoir quelqu’un qui vient chez vous vous montrer comment la réaliser avec vos fauteuils, vos coussins et votre bébé. Enfin il faut avoir un minimum envie d’essayer les postures et les étirements, il semble peu probable qu’une approche donnée puisse convenir à tout le monde.

En conclusion je dirais que dans la myriade des guides de grossesse c’est plutôt un bel investissement, à offrir, se faire offrir, prêter ou emprunter. A mon avis bien plus utile que le Pernoud en tout cas (et moins cher si j’en crois les tarifs Amazon).

*par contre je suis tout à fait ouverte si on cherche à le remplacer par un Birkin par exemple…

J’accouche bientôt et j’ai peur de la douleur

mardi, décembre 1st, 2009

trelaun Le titre de ce billet n’est pas une confession de la Poule (euh OK en fait si…) mais le titre d’un livre de Maïtie Trélaün dont je vais entreprendre ici un compte-rendu de lecture. C’est un livre récent (2008), publié aux éditions du Souffle d’or, n’existant pas en poche donc pas donné (22€ d’après la couverture), en ce qui me concerne je l’ai donc emprunté (toujours à ma prof de yoga qui est bien mieux achalandée pour ce type de bouquins que la bibliothèque du quartier…).

L’auteur est une sage-femme expérimentée (presque 30 ans de pratique) qui travaille en accompagnement global, en plateau technique comme à domicile. Elle propose toute une réflexion autour de la douleur de l’accouchement, étayée par des explications illustrées sur la physiologie du processus (rôle des hormones, progression du bébé dans le bassin, etc), sur les gestes médicaux pouvant y être associés, des références à des études scientifiques médicales, des réflexions sur le rôle de la culture et du sacré, et des témoignages de parents (y compris quelques récits de naissances). Bref  j’ai beaucoup apprécié la méthode. Le fond est également assez équilibré, même si bien sûr le sujet en lui-même est à haut potentiel de culpabilisation. Je précise pour vous donner une idée que j’ai eu une péridurale pour la naissance du Poussin, que je l’ai bien vécue (mais si, mais si), et que je ne me suis pas sentie agressée par le livre…

Au niveau du contenu il y a un certain nombre de réflexions intéressantes sur l’accouchement (l’auteur parle d’enfantement pour le processus physiologique). Dans la lignée de Michel Odent, l’auteur insiste sur le respect des processus hormonaux à l’œuvre lors de l’accouchement, dont les bénéfices sont multiples pour la mère comme pour l’enfant. Bien sûr on ne peut pas faire abstraction de ces connaissances mais c’est à mon avis une vraie épée à double tranchant quant à la culpabilisation maternelle : « tu n’as pas été capable d’avoir un accouchement physiologique donc ton enfant va devenir un psychopathe asocial », est une conclusion facilement tirée par la mère et pire, par d’autres qui pensent qu’il y aurait besoin d’en remettre une couche. Bref je reste toujours perplexe sur la façon optimale de communiquer ces informations (si vous avez des idées ?), même si je trouve que ça n’est pas trop mal fait dans ce livre.

Concernant le rôle de la douleur, il est proposé que de la même façon qu’elle nous protège des blessures dans d’autres cas (par exemple je me brûle la main donc je la retire immédiatement avant que ça ne s’aggrave), elle a pour rôle de guider la future mère dans le processus d’enfantement, pour qu’elle prenne les positions les plus adaptées pour faire progresser le bébé (d’où à mon avis l’absurdité de dire « je veux accoucher sur le côté » ou « je veux accoucher à quatre pattes », mieux vaut dire « je veux pouvoir choisir ma position au moment M »). Ce serait également une épreuve initiatique dont la femme ressortirait grandie, renforcée dans ses capacités de mère. L’auteur note d’ailleurs que ses patientes ont la réputation d’être plus « habiles » avec leur bébé que les jeunes mamans lambda auprès des auxiliaires de puériculture, j’ajouterai qu’il y a probablement un effet de sélection de ses patientes : une femme qui choisit l’accompagnement global cherche généralement à prendre une plus grande autonomie et n’arrive généralement pas là par hasard. M. Trélaün remarque d’ailleurs que dans beaucoup de cultures sont organisées des épreuves initiatiques pour les garçons, l’accouchement étant considéré comme suffisant pour les filles (et dans le monde occidental c’était l’armée pour les hommes…). Personnellement je reste plus dubitative sur ce point, certains de ces rites notamment étant extrêmement violents à mon goût ; je ne suis pas sûre que la comparaison soit toujours heureuse. Ceci dit, on compare souvent l’accouchement sans péridurale à une épreuve sportive d’endurance, comme un marathon ou l’ascension du Mont Blanc, notamment pour les bénéfices du dépassement de soi et de ses limites.

L’auteur fait également la différence entre douleur et souffrance, et insiste bien sur l’importance de ne pas tomber dans le dolorisme, façon Ste Future maman vierge et martyre. Pour une raison ou pour une autre, si une parturiente ne peut accueillir la douleur, que cela devient une souffrance qui la fait finalement sortir de la physiologie, alors il ne faut pas hésiter à recourir à la péridurale. Globalement, je suis d’ailleurs assez d’accord avec sa façon de voir l’utilisation de la péridurale. C’est un outil fabuleux mais ça ne doit pas être l’unique réponse à la douleur ; on peut citer : techniques de préparation (haptonomie, sophrologie, yoga…), soutien par un accompagnant (père, sage-femme, doula…), liberté de position (notamment avec la possibilité de suspendre par exemple), bain, ballon… Il est vrai qu’il y a un certain nombre de maternités où les alternatives à la péri se réduisent en gros à mordre dans un morceau de cuir (en faisant bouillir des linges propres façon Dr Quinn femme médecin). N’oublions pas la fameuse phase de désespérance, encore peu connue des femmes et des personnels soignants, qui entraîne un certain nombre de péridurales peu utiles et finalement mal vécues (puisque très proches de la fin de l’accouchement). Bien sûr, et comme le souligne l’auteur, ce n’est pas à chacun d’attendre que l’autre fasse le premier pas en lui rejettant la responsabilité, mais aux femmes comme aux équipes soignantes d’œuvrer ensemble en ce sens.

Il y a aussi un chapitre très intéressant sur l’eau et l’accouchement, avec beaucoup d’informations sur ce qu’un bain peut entraîner aux différents stades du travail. L’effet analgésique et détendant du bain est bien connu, mais saviez-vous que l’immersion provoquait la sécrétion d’une hormone, l’ANP, qui est un antagoniste de l’ocytocine (essentielle à la bonne progression de l’accouchement) ? Ceci dit sa libération est lente et prend environ deux heures : il ne faut donc pas rester trop longtemps dans le bain et en sortir si le travail semble s’arrêter. Il vaut mieux également éviter que la mise au monde à proprement parler ait lieu dans l’eau (même si ça n’est pas interdit bien sûr) : l’effet de l’ANP peut notamment entraîner plus d’hémorragies de la délivrance (en ralentissant les contractions utérines) et la surveillance de telles hémorragies est plus compliquée si la femme est dans le bain. J’ajouterai que vous n’êtes pas sans savoir qu’en sortant du ventre maternel le bébé appuie au passage sur le rectum de sa maman et que si celui-ci n’est pas vide… je ne vous fais pas de dessin (sinon allez voir l’excellente chronique de Mère indigne sur le sujet)… mais imaginez en prime si vous êtes dans le bain… désolée pour ceux qui lisent en mangeant…

Pour revenir à des considérations moins scatologiques, il n’est pas recommandé d’avoir un plan prédéfini en tête pour la naissance (du style « je prendrai un bain pour me soulager »), l’important étant au contraire de se laisser aller et d’obéir aux sensations et aux besoins du moment. Chaque naissance est différente, et surtout imprévisible. Le plan doit être justement d’accepter l’imprévisible au fur et à mesure qu’il se présente, même si ça n’empêche pas de préparer certaines alternatives au cas où (pour reprendre l’exemple : s’assurer qu’on accès à une baignoire/piscine même si finalement on ne l’utilise pas).

Globalement j’ai donc trouvé que ce livre était une lecture très intéressante, même si c’est ensuite à chacun de faire le tri dans ce qui lui convient ou pas, et j’aurais tendance à le recommander à tous ceux qui sont concernés de près ou de loin (les femmes enceintes donc mais aussi les pères, le personnel soignant, pourquoi pas une femme qui a mal vécu son accouchement, etc). Il y a d’ailleurs un chapitre sur les hommes dont je ne désespère pas que le Coq lise les neuf pages d’ici le mois de janvier…

Revenons maintenant à une étude citée dans le livre (p. 150) qui a fait débat dans les commentaires du billet précédent. Il s’agit d’une étude où deux groupes de femmes ont eu pour certaines une péridurale avec des anesthésiants, et pour d’autres une péridurale avec simplement du sérum physiologique. L’étude a été faite en triple aveugle, c’est-à-dire que ni l’anesthésiste, ni la parturiente, ni l’accoucheur ne savent qui a du sérum phy et qui a l’anesthésiant. D’après le compte-rendu dans le livre, la satisfaction suite à l’anesthésie était identique dans les deux groupes, ce qui bien sûr ne manque pas de provoquer la surprise, voire l’incompréhension. J’ai donc cherché à en savoir plus. Passons sur le fait qu’il y a des coquilles dans la citation de l’étude (ce qui est souvent le signe d’une citation qu’on a repris chez quelqu’un d’autre sans retourner au papier d’origine… impression renforcée par la présentation des résultats sous forme d’une citation dont on ne comprend pas d’où elle vient et qui cite les deux articles…), l’internet et PubMed permettent de contourner ce genre de difficultés et j’ai pu mettre la main sur le résumé de cette étude, ainsi que de celle qui a suivi (également citée). Malheureusement je n’ai par contre pas pu mettre la main sur les papiers complets. Ceci dit dans ce type d’article le résumé est écrit par les auteurs et passé au crible du comité de lecture donc on peut considérer que c’est relativement fidèle.

Que nous dit le résumé de la première étude (Chestnut et al, 1987, Anesthesiology, 66(6): 774-80) ?

Son but est d’étudier l’influence d’une anesthésie péridurale à la bupivacaïne pendant le deuxième stade du travail* sur le mode d’accouchement (notamment extractions instrumentales). Il y a deux groupes de 46 femmes, l’un qui va recevoir la bupivacaïne et l’autre le sérum physiologique. Mais ceci n’aura lieu qu’à partir de 8 cm de dilatation : jusque là les 92 femmes ont une péridurale « normale ». Or c’est pendant la première phase du travail (donc avant les 8 cm et la substitution par du sérum phy) que les deux groupes ont des taux de satisfaction équivalents (96 et 98 %). Pendant la deuxième phase, les auteurs observent une différence statistiquement significative de satisfaction relative à l’anesthésie (82% des femmes ayant la bupivacaïne vs 41% pour le sérum phy). Concernant les effets de l’anesthésie sur le déroulement du travail :

  • nombre égal de césariennes dans les deux groupes (13%)
  • temps de travail plus long pour la deuxième phase sous produit anesthésiant (124 minutes) que sous sérum phy (94 minutes)
  • 70% d’extractions instrumentales (forceps, ventouse) pour le groupe sous anesthésiant vs 28% sous sérum phy
  • scores d’Agpar des nouveaux-nés non statistiquement différents

Donc on voit bien que l’anesthésiant utilisé (la bupivacaïne en l’occurrence) a des effets importants, significativement supérieurs au placebo, tant en termes de fonctionnement de l’analgésie qu’en termes de conséquences sur le déroulement de la naissance.

Passons maintenant à la seconde étude (Chestnut et al, 1990, Anesthesiology, 72(4): 613-8). Je vais être plus rapide car c’est un protocole très similaire à la première, la principale différence étant de tester un autre mélange de produits anesthésiants, en l’occurrence bupivacaïne à 0.0625% et fentanyl à 0.0002%. En outre, la substitution entre produit anesthésiant et sérum phy a lieu cette fois à dilatation complète, et les deux groupes de femmes ont des tailles différentes (29 anesthésiées, 34 sous placebo). Là encore, autant les scores de douleur sont équivalents pendant la première phase (avant le test à proprement parler donc), autant ils sont significativement plus élevés avec le sérum phy. Par contre les différences observées en termes d’extractions instrumentales ou de durée du travail ne sont pas statistiquement significatives entre les groupes.

D’après ces informations, l’interprétation proposée par Maïtie Trélaün ne me semble donc pas conforme à ce qui est rapporté dans ces études. Pour moi les conclusions des ces résumés sont que l’analgésie péridurale a une efficacité bien supérieure à celle du placebo (même si il y a aussi un effet placebo -et sans doute une combinaison d’autres facteurs-, le taux de satisfaction pour le sérum phy étant loin d’être négligeable) et qu’elle peut avoir des effets sur le déroulement du travail qui peuvent dépendre des produits utilisés. Bien sûr ces conclusions pourraient être remises en question par une lecture complète des publications en question ; il faudrait aussi faire une biblio de ce qui a été publié depuis (ça date un peu), et prendre en compte d’autres facteurs, toutes sortes de choses que j’ai une grande flemme de faire. Mais quoi qu’il en soit j’ai du mal à voir comment on pourrait en déduire que la péridurale n’est pas plus efficace que le placebo.

J’avoue que ça me pose question sur le reste des études citées dans le bouquin, et cela doit rappeler à chacun de prendre avec précaution avec les études brandies à tort et à travers comme montrant tout et son contraire. Evidemment c’est du boulot et du temps d’aller rechercher les études à la source, ça demande parfois des ressources supérieures à ce qui est simplement accessible sur le net, et je suis la première à ne pas m’embêter avec l’exercice…

Bon je vous laisse j’ai rendez-vous avec l’anesthésiste (et ce n’est pas une blague !).

*C’est-à-dire la sortie du bébé, le premier stade étant la dilatation du col et le troisième la délivrance du placenta (voir ici pour la description détaillée).

Frères et soeurs : entre complicité et rivalité

mercredi, novembre 18th, 2009

freres_et_soeurs Les séances de yoga prénatal auxquelles je participe comportent en prime une sorte de bibliothèque de livres pour parents, j’en récupère donc un ou deux chaque semaine. Je ne vais pas vous faire des comptes-rendus de tous mais la rubrique Bibliothèque du blog risque de croître un peu plus rapidement que d’habitude.

Le livre du jour est un petit manuel, écrit par deux psychologues (Elisabeth et Jean-Pierre Darchis) pour la collection J’en parle avec mon enfant de Nathan. Il intéressera donc particulièrement ceux qui attendent un deuxième (ou plus). J’ai trouvé le contenu bien fait mais pas révolutionnaire. Disons que je n’ai pas appris grand chose (je n’ai pas la science infuse, loin de là, mais j’avais déjà lu ici et là d’autres choses sur le sujet), mais cela remet un certain nombre de choses au clair pour les parents d’une fratrie. Quelques uns de ces messages-clés :

  • Ce n’est pas à l’aîné de décider si ses parents doivent avoir ou pas un autre enfant, pas plus que de choisir le prénom ; la responsabilité serait trop lourde et cela doit rester exclusivement celle des parents.
  • L’amour parental ne se divise pas, il se multiplie, et il ne se mesure pas en temps passé avec l’un ou l’autre.
  • Traiter ses enfants de manière équitable ne veut pas dire tout faire pareil avec chacun mais autant que possible répondre à leurs besoins spécifiques (en fonction de l’âge et de la personnalité).
  • L’aîné a le droit d’être jaloux, de ne pas aimer le cadet, et de l’exprimer tant qu’il n’agresse pas le petit.
  • Il est normal que le grand ait un comportement perturbé à l’arrivée du bébé mais il ne faut pas renoncer à lui poser des limites pour autant : c’est au contraire un besoin important pour lui et une preuve d’amour parental.

Au niveau de la forme, le livre est assez bref (90 pages écrit gros), et écrit sous forme de questions-réponses, dans un style très clair et facile à lire. Bien qu’écrit par deux psys, il évite l’accumulation de clichés et poncifs psychanalytiques qui peuvent vite devenir pesants. Bref c’est une lecture rapide et agréable (en prime pas très chère, 7€ et des brouettes), qui pourrait même convenir aux coqs habituellement peu motivés par ce type de bouquin (j’avoue que le mien a passé son tour, sa réponse : « j’attends que tu fasses le résumé sur ton blog »…). Cependant si les quelques points que j’ai cités vous sont familiers, l’intérêt du livre semble moindre et vous risquez de rester un peu sur votre faim.