Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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Lâcher prise

Par  • Le 21 mars 2012 à 22:51 • Catégorie : J'avoue, Réfléchir

 » Mon Dieu, donne moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d’accepter celles que je ne peux pas changer, et la sagesse de distinguer entre les deux. »

C’est grâce à la rédaction de ce billet que j’ai découvert que cette prière de la sérénité généralement attribuée à l’empereur Marc-Aurèle serait en réalité l’oeuvre d’un médecin américain des années 30 (ce qui ne stoppera pas sa diffusion généralisée par fichier pps avec arc-en-ciels, chatons et photo du Dalaï Lama) ; elle est souvent utilisée par les Alcooliques anonymes. Mais revenons au sujet qui nous intéresse plutôt que de pousser plus avant sur cette question d’éthylisme et d’anonymat.

A mon humble avis, les enfants entrent dans la deuxième catégorie de choses. Toute la (bonne) volonté du monde n’y changera rien, on ne maîtrise pas grand-chose. Et s’il y a quelque chose que ces quelques années avec mes enfants m’ont appris, c’est bien que les choses sont infiniment plus simples et un poil moins épuisantes une fois qu’on l’a compris et accepté. Cette acceptation en particulier est loin d’être évidente mais honnêtement je trouve que mieux vaut consacrer le peu d’énergie qu’il nous reste à cela que s’échiner à tenter de maîtriser des choses plus incoercibles que Katrina ou Xynthia.

D’autant plus que le lâcher prise n’est pas une valeur très en vogue dans nos sociétés où la conjugaison de l’hyper technologie et de l’assurance tous risques nous donnent l’illusion d’avoir n’importe quelle situation bien en main. C’est simple, il suffit de bien travailler à l’école, ensuite on pourra faire de bonnes études et avoir un bon travail qui paiera le trois pièces, la purée de butternut bio quotidienne et l’iphone 4S. En cas de pépin de santé, la médecine et la sécu sont là, si quelqu’un vient nous embêter, la police et la justice sont là, en cas d’autre problème on sera dédommagé et/ou pris en charge. Evidemment dans la vraie vie ça ne marche pas toujours aussi bien, mais l’idée générale est là. Ce n’est pas un regret ou une critique, juste une constatation.

Mais pour les enfants

D’abord vous avez beau avoir suivi le régime « fille », pris consciencieusement vos omégas 3 et votre acide folique, programmé des séances de galipettes à J14/au pic de température et fait le poirier 15 minutes après, rien ne garantit que ça marche. Et –à quelques rares et douloureuses exceptions près- vous ne pouvez vous retourner contre personne pour protester. Les méthodes médicalisées n’offrent pas non plus 100% de succès, bien loin s’en faut. La grossesse vous montre ensuite que la maîtrise totale du corps est une belle utopie, et l’accouchement refuse tout aussi obstinément de rentrer dans les cases que les obstétriciens ont pourtant passé la plus grande partie du siècle dernier à peaufiner. On ne sait pas l’arrêter, pas plus qu’on ne sait le déclencher à coup sûr (même s’il reste toujours la césarienne).

Quant au bébé… il n’a pas lu les manuels de puériculture, il n’a aucune notion de savoir vivre et d’étiquette sociale, et ne semble en manifester aucune honte. Il refuse de reconnaître les règles qui encadrent le travail de nuit, ainsi que le droit à une pause syndicale à intervalles réguliers. Il ne sait pas que ça ne se fait pas d’élever la voix comme ça (et le tapage nocturne malheureux ?). Je crois que c’est finalement une des choses les plus dérangeantes pour les parents : être confronté à un être aussi primaire, aussi indifférent aux conventions sociales, qui piétine nos règles et notre cadre si minutieusement construits. On n’en a tout simplement plus l’habitude. N’importe quel adulte se comportant de cette façon serait immédiatement neutralisé, au minimum par une ordonnance restrictive. Mais là il n’est non seulement pas envisageable de s’en débarrasser mais en plus il faut s’en réjouir. Cela n’enlève rien au fait qu’il soit adorable, qu’on fonde devant ses ongles minuscules, qu’on se shoote à sa bonne odeur de bébé, qu’on soit profondément touché par son sourire. Juste qu’on n’a pas l’habitude.

Concrètement, une fois qu’on a intégré qu’on ne maîtrise ni le sommeil, ni l’alimentation, ni plus généralement le comportement de son enfant, on peut souffler un coup. Ca ne veut pas dire qu’il faut laisser tomber ou que les parents n’ont aucun rôle à jouer ni rien à transmettre, lâcher prise n’est pas laisser faire. Mais au final c’est l’enfant qui a le dernier mot : à moins de le droguer vous ne pourrez pas le forcer à dormir, à moins de le gaver vous ne pourrez pas le forcer à manger, à moins de le bâillonner/assommer vous ne pourrez pas le forcer à arrêter de crier. Je me souviens être tombée de ma chaise en lisant à la fin de Parents efficaces que les parents ne peuvent pas empêcher leurs enfants de fumer par exemple (là on parle d’adolescents, pas de nouveaux nés bien sûr). Ils peuvent bien sûr les décourager, les informer, ils peuvent même interdire, mais ils ne peuvent pas empêcher. Nous devons en être conscients.

Au quotidien, cela veut dire encore et toujours de définir ses priorités à un moment donné (car la plupart de ces priorités fluctuent au cours du temps sans que ce soit gênant) : je préfère que bébé dorme le plus vite possible ou qu’il dorme dans son lit ? je préfère que mon enfant apprenne à patienter et à gérer sa frustration ou qu’il se taise tout de suite ? Plus facile à dire qu’à faire, j’en fais chaque jour l’expérience, mais salutaire pour toute la famille. Je ne vais pas redévelopper ici, mais plutôt vous inviter à (re)lire ces deux billets sur l’éducation sans punition en cliquant ici et .

Ségolène en parlait aussi dans ce billet, avec une approche un peu complémentaire : Devenir parent : entre contrôle et confiance ?. J’ai bien aimé la métaphore proposée par une commentatrice, Marie, qui compare les parents à des jardiniers et les enfants à des plantes. Notre rôle est de leur procurer de bonnes conditions pour grandir (et on se doute que selon la plante et selon l’endroit -on ne cultive pas le blé en Italie de la même façon qu’aux Pays-Bas- ces conditions vont varier). Mais chacun sait que ce n’est pas en tirant sur la plante qu’on la fera pousser plus vite (bon je dis ça mais vu mon passif en termes d’orchidées crevées je ne suis peut-être pas la personne à écouter sur le sujet).

Je finirai sur une réflexion un peu (mais pas trop) hors sujet. Le besoin que nous avons de nous comparer sans cesse les uns aux autres est bien humain, et je crois que cela nous offre des possibilités d’amélioration et d’ouverture immenses. Mais vraiment, il me semble que nous aurons tous beaucoup à gagner quand nous aurons réalisé que « bien » ne se définit pas forcément par « mieux que le voisin », et qu’il peut même y avoir plusieurs choses différentes de « bien » sans que l’une soit mieux que l’autre. Que la justification et la validation de notre choix, de notre état, n’a pas obligatoirement à se faire en critiquant ceux des autres. Là encore un bel exercice de lâcher prise

Image : oui, c’est une blague pourrie, et oui, j’assume (même si elle n’est pas de moi).

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