Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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Casse-toi Dukon

Par  • Le 2 janvier 2012 à 16:24 • Catégorie : J'avoue, Réfléchir

Un célèbre médecin promoteur de régime défraie la chronique en demandant ouvertement au Président de la République de prendre en compte l’indice de masse corporelle (IMC) des candidats dans le calcul de la note finale au Bac. Passons sur le coup de pub tout en subtilité, passons sur l’inanité de la proposition qui a déjà été brillamment démontée ici.

Plusieurs éléments, explicites ou sous-jacents dans ce discours, me poussent à prendre le clavier pour y apporter un autre éclairage.

  1. Le surpoids et l’obésité sont des maladies. Bien sûr, une surcharge graisseuse (parce que si j’en crois Wikipedia, l’IMC d’un sportif de haut niveau comme le rugbyman Imanol Harinordoquy, à 29, indique un surpoids à la limite de l’obésité ; de là à le mettre au régime…) augmente le risque d’un certain nombre de pathologies, comme le diabète de type 2 ou les maladies cardio-vasculaires. Nul ne nie qu’il s’agit là d’un important problème de santé. Mais… qui est vraiment en surpoids ? Dans notre société où la minceur est devenue une valeur à part entière, il n’est pas rare de voir des personnes en parfaite santé entreprendre des régimes drastiques pour cause de bourrelet disgracieux ou d’une culotte de cheval à peau d’orange. Or quand on pointe au Dr Dukan les risques inhérents à son régime, il répond qu’il faut les mettre en balance avec ceux de l’obésité et du surpoids. Pourquoi pas, mais quid de toutes ces femmes dont la principale tare est de faire du 42 (alors que -pour faire simple- jusqu’à un IMC de 27 il n’y a pas de conséquences significatives pour la santé) ? Le bénéfice de rentrer (temporairement ?) dans un 36 vaut-il le risque de suivre un régime classé comme le plus dangereux de tous par la British Dietetic Association (pour qui il est encore pire que l’alcorexie, régime où l’aliment principal est l’alcool)  Quid de l’effet yoyo caractéristique des régimes hyper restrictifs dont une des conséquences est finalement l’installation de l’obésité ?
  2. Le surpoids n’est qu’un problème de volonté. Comme le souligne l’OMS, les causes principales de la prise de poids sont une alimentation inadaptée tant en qualité qu’en quantité, et la sédentarisation de notre mode de vie. Donc pour ressembler à Kate ou à Gwyneth, facile, tu poses ce paquet de chips et tu vas courir. Mais est-ce vraiment si simple ? Sommes-nous tous égaux devant le gras, notre corpulence étant un indicateur direct de notre capacité à bien organiser notre vie ? On sait pourtant que les porteurs d’une certaine mutation génétique ont un risque de 70% d’être obèse : est-ce à dire qu’on aurait trouvé le gène de la flemme ? Doit-on également balayer sous le tapis le lien entre alimentation et émotions ? Nous avons à peu près tous une certaine propension à développer des conduites potentiellement addictives pour gérer nos émotions, notamment par les circuits de la récompense : pour certains ce seront des drogues classiques comme l’alcool ou le tabac, pour d’autres la nourriture (et en particulier les aliments les plus gras, sucrés et salés), pour d’autres encore des comportements moins stigmatisés socialement, comme la pratique du sport à outrance (reconnaissons que cela a plus d’effets bénéfiques sur la santé que de fumer un paquet par jour). Manger du son d’avoine est-il vraiment la meilleure façon de traiter ces problèmes ?

Alors par pitié, arrêtons de stigmatiser les gros. Reconnaissons que de la même façon qu’il y a des petits, des grands, des blonds, des bruns, il y a différentes corpulences ; qu’on n’est pas obligé de les trouver également belles (chacun ses goûts, c’est bien légitime) mais que ça n’empêche pas d’accepter simplement leur coexistence et la possibilité que ce ne soit pas LE déterminant majeur de la beauté (ou pire de l’intérêt d’une personne). Cela n’empêche pas de s’intéresser à la progression de l’obésité et aux moyens de l’enrayer, mais ce n’est pas incompatible, au contraire. Peut-on déjà rappeler que l’obésité est directement liée à la pauvreté ? Comment voir un régime hyperprotéiné comme la panacée, alors même que ces aliments ont un coût financier élevé, sans même parler de leur coût exorbitant pour notre environnement (et indirectement pour notre santé) ? Par contre, je rejoins Dukan quand il pointe la responsabilité de l’industrie agro-alimentaire, dont il est clair que les intérêts ne sont pas directement convergents avec ceux de la santé publique ni de l’environnement. Il y a sûrement beaucoup à faire à un niveau général, notamment par l’éducation : apprendre des bases de cuisine pour limiter le recours aux préparations industrielles, apprendre à lire les étiquettes et à décrypter les pubs pour choisir au mieux (et la demande du consommateur pour une meilleure qualité est un puissant moteur pour le changement de l’industrie). Sans doute aussi de la réglementation et/ou des instruments fiscaux mais n’étant pas spécialiste je préfère m’abstenir. L’OMS fait quelques propositions générales qui semblent de bon sens.

Au niveau de chacun, il me semble important de prendre en compte qu’il n’y a pas UN problème (le surpoids) qui demande UNE solution (le régime). Un diagnostic personnalisé et objectif devrait être porté. Y a-t-il un réel problème physique, à savoir un surpoids avéré qui entraîne une ou plusieurs pathologies (ou qui en accroît significativement le risque) ? Est-ce un problème d’image, d’ordre plus psychologique (ce qui ne veut pas dire que cela ne peut pas être également une pathologie ou que ce n’est pas sérieux) ? Peut-on aider la personne à s’accepter telle qu’elle est ou a-t-elle besoin d’une transformation de son corps pour cela (ou encore d’une combinaison des deux) ? La personne a-t-elle un mode de vie propice au développement de certaines pathologies (régime très déséquilibré, forte sédentarité) ?

Enfin, pour finir sur une note plus personnelle, je voudrais remercier ici mon corps. Alors certes il est adipeux (mon IMC est à 25 et ce n’est pas à cause de mon imposante musculature pas plus que d’une lourde charpente osseuse) mais il est en bonne santé (je n’ai pas vraiment de médecin attitré parce que les rares fois où je suis malade en général il suffit que je passe un jour ou deux sous la couette pour guérir). Il séduit l’homme de ma vie. Il a conçu, porté, mis au monde et nourri deux beaux enfants, à peu près sans assistance médicale. Après avoir passé une bonne partie de ma vie à tenter de le changer, de l’amincir, à tester un tas de régimes plus délirants les uns que les autres, j’ai décidé que la moindre des choses était de le respecter et d’en prendre soin pour lui exprimer ma gratitude. Pour moi, cela passe par acheter de bons produits, variés, et les cuisiner de façon alléchante, et par des balades, du yoga quand j’ai le temps. C’est aussi le mettre en valeur : à force d’idolâtrer des top models dont le métier est de mettre en valeur les vêtements on finit par oublier que c’est à nos habits de nous embellir et non l’inverse. Je vous laisse, je vais faire des chouquettes avec Pouss1.

(et si vous êtes sur Twitter suivez le hashtag #PropositionDukon, ça vaut son pesant de cacahuètes. Sinon vous pouvez toujours (re)lire mon billet sur la cellulite)

Photo : Quatre saisons de Mad men n’ont pas entamé ma fascination pour Joan Holloway alias Christina Hendricks, qui nous montre un physique un peu différent des standards actuels et totalement sublimé par les stylistes de la série.

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