Avant j’avais des principes, maintenant j’ai des enfants


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Les modes de garde

Par  • Le 20 novembre 2011 à 21:48 • Catégorie : Education, Eduquer

Ou pour citer Laurent Fabius : « Qui va garder les enfants ? »

D’abord que les choses soient claires, je ne pense pas qu’il y ait un mode de garde idéal dans l’absolu, même s’il y a sans doute un mode de garde idéal pour une situation donnée. Et il y a bien sûr le principe de réalité : rares sont les familles ayant accès à tous les modes de garde, que ce soit par une offre déficiente ou par difficulté financière. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte pour définir le bon mode de garde, tant du côté de l’enfant (âge, personnalité, antécédents médicaux…) que de celui des parents (horaires et lieu de travail, préférences…). Une illustration de ces facteurs avec un témoignage anonyme de la Poule P., blogueuse :

Notre premier enfant, P1, a été gardé dès ses 3 mois 1/2, c’est un enfant qui a toujours mis du temps à accorder sa confiance, et nous habitions dans un quartier où il était quasiment impossible d’avoir une place en crèche et où il y avait bien une dizaine d’assistantes maternelles à moins de 10 minutes à pied de chez nous. C’est donc cette dernière option que nous avons retenue. Pour notre deuxième enfant, P2, j’ai pris six mois de congé parental, il avait donc 8 mois lorsque j’ai repris le travail. Il a toujours été très extraverti ; en outre nous habitons maintenant à 50 mètres d’une crèche (où nous avons obtenu une place) et à 10 minutes de l’assistante maternelle la plus proche. Il va donc à la crèche. A noter que nous avons également une nounou qui prend les enfants à 16h30 et s’en occupe chez nous jusqu’à 19 h (sinon la crèche fermant à 18h15 est incompatible avec nos horaires de travail habituels).

Comme vous pouvez le voir, j’ai donc testé les principaux modes de garde existants (damned, grillée, vous m’avez reconnue !). J’ai même testé le congé parental et la halte-garderie. Je vous propose donc un petit dossier en plusieurs épisodes pour évoquer ces différentes possibilités.

Par ailleurs, la question des modes de garde pose inévitablement celle du travail parental et en particulier maternel. Vaste question, donnant lieu à des débats à côté desquels les négociations israélo-palestiniennes font figure de petits poneys jouant aux bisounours. Ici il ne sera pas question de se prononcer en faveur de l’un ou de l’autre, mais plutôt de souhaiter (on peut toujours rêver) que de plus en plus ce soit une vraie affaire de choix et pas seulement une situation subie (que ce soit un parent en congé parental faute de mode de garde ou un parent qui ne peut rester auprès de son enfant par sa situation financière). Je pense en plus qu’au-delà de l’opposition caricaturale entre la mère workaholic qui voit ses enfants une fois par semaine et la mère au foyer qui n’a jamais eu d’emploi rémunéré et n’a pas l’intention d’en avoir, extrêmes bien peu fréquents actuellement, il y a tout un panel de possibilités pour les couples (mais oui, ça n’est pas que le problème des mères !), entre les temps partiels, les congés parentaux (de quelques mois à quelques années), le télé-travail, la création d’entreprise, la réorientation, et ce tant pour l’homme que pour la femme.

Pour pacifier un peu le débat, je voudrais vous citer l’étude NICHD conduite aux Etats-Unis sur plus de 1000 enfants depuis 1991 (encore en cours !), elle-même reprise dans le rapport Tabarot sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance (que je vous invite à lire). Il faut tout de même savoir que les Etats-Unis sont à peu près le seul pays occidental à ne pas offrir de congé maternité obligatoire, c’est-à-dire qu’à moins d’un arrangement spécifique dans l’entreprise les mères sont supposées reprendre le travail immédiatement, ce qui pose un cadre pour partie différent du nôtre. Que nous dit le petit prospectus récapitulatif à destination des parents (traduction par moi-même, à feuilleter si vous lisez l’anglais) ?

Children who were cared for exclusively by their mothers did not develop differently than those who were also cared for by others.

Les enfants qui ont été exclusivement gardés par leurs mères ne se sont pas développés de façon différente de ceux qui ont également été gardés par d’autres.

Et encore :

Parent and family characteristics were more strongly linked to child development than were child care features.

Les caractéristiques parentales et familiales étaient plus fortement liées au développement de l’enfant que l’étaient les caractéristiques du mode de garde.

L’étude nous donne également des critères de définition d’un mode de garde de bonne qualité :

  • Adult-to-child ratio—How many children is each adult taking care of? in general, the lower the number of children an adult is caring for, the better the observed quality of that care and the better the children’s developmental outcomes.
  • Nombres d’enfants par adulte- De combien d’enfants s’occupe chaque adulte ? En général, plus le nombre d’enfants dont un adulte doit s’occuper est faible, meilleure est la qualité du mode de garde et meilleur est le développement de l’enfant.
  • Group size—How many children are in the child’s classroom or group? Smaller groups are associated with better observed quality of care.
  • Taille du groupe- Combien d’enfants y a-t-il dans le groupe ou la classe de l’enfant ? De plus petits groupes sont associés à une meilleure qualité effective du mode de garde.
  • Caregiver’s education level—Did the caregiver complete high school? college?  Graduate school? Higher caregiver education predicts higher quality of observed care and better developmental outcomes for children.
  • Niveau d’éducation de l’adulte- L’adulte a-t-il le bac ? Des études supérieures ? Un bac +5 ou plus ? Plus l’adulte a fait d’études et meilleurs sont la qualité du mode de garde et le développement des enfants.

Mais l’impact de cette qualité reste limité :

Children who receive higher quality care show slightly more positive outcomes than do those in lower quality care.

Les enfants qui bénéficient d’un mode de garde de haute qualité montrent des résultats légèrement plus positifs que ceux dont le mode de garde est de moins bonne qualité.

Quel temps passé en garde ?

The amount of time that children spend in child care from infancy through age 4½ is not related to their cognitive outcomes prior to school entry.  Children who spend many hours in child care, however, show somewhat more behavior problems and more episodes of minor illness than those in fewer hours of child care.

Le temps passé en garde par les enfants depuis leur premiers mois jusqu’à 4 ans 1/2 (aux Etats-Unis l’école maternelle n’est pas organisée comme en France : pas systématique et commence plus tard) n’est pas liée à leurs résultats cognitifs à l’entrée à l’école. Les enfants qui passent de nombreuses heures en garde, cependant, montrent un peu plus de problèmes comportementaux et plus d’épisodes de maladies bénignes que ceux y passant moins d’heures.

Garde collective ou individuelle ?

Center-based child care is associated with both positive and negative effects.  This type of care is linked to better cognitive development through age 4½ and to more positive social behaviors through age 3. But, center-based and large-group settings are also associated with more problem behavior just before and just after school entry. These types of care are also linked to more ear infections and upper respiratory and stomach illnesses during the first 3 years of life.

Un mode de garde collectif a à la fois des effets positifs et négatifs. Il est lié à un meilleur développement cognitif jusqu’à l’âge de 4 ans 1/2 et à des comportements sociaux plus positifs jusqu’à 3 ans. Mais une garde collective, en particulier en grand groupe, est également associée à une augmentation des problèmes de comportement avant et après l’entrée à l’école. C’est enfin lié à plus d’infections de l’oreille (otites) et de maladies respiratoires (bronchiolites, rhinos etc) et digestives (gastros) pendant les trois premières années de vie.

En bref, c’est finalement le contexte familial et parental qui reste prépondérant :

The following characteristics predicted children’s cognitive/language and social development:  parents’ education, family income, and two-parent family compared to single-parent family; mothers’ psychological adjustment and sensitivity; and the social and cognitive quality of home environment.

Les caractéristiques suivantes prédisent le développement cognitif, verbal et social des enfants : le niveau d’étude des parents, le revenu familial, le « nombre de parents » (deux valent mieux qu’un) ; la sensibilité et l’ajustement psychologiques des mères ; et la qualité sociale et cognitive de l’environnement familial.

Pour conclure, et avant de détailler plus avant (dans de prochains billets, à venir au cours de la semaine) les grands types de modes de garde (collectif, à la maison et chez un-e assistant-e maternel-le, pas forcément dans cet ordre d’ailleurs), je dirai donc que l’important est de trouver un mode de garde en lequel vous ayez vraiment confiance, car je crois qu’il y a toujours un moment où on doute, où l’enfant pleure à la mort quand on le laisse, et à ce moment-là si de façon générale on n’est pas très satisfait de la situation c’est vraiment très douloureux. En outre, il est probablement difficile pour l’enfant de s’attacher à la personne qui s’en occupe s’il sent que ses parents ne l’approuvent pas vraiment (cf les travaux de Gordon Neufeld et Gabor Maté).

En bref écoutez-vous, écoutez vos enfants, et laissez pisser les fâcheux qui tentent de conforter leurs propres choix en critiquant les vôtres.

D’autres lectures en attendant la suite :

Photo : c’est quasiment la première réponse de Google quand on cherche « Daycare » (crèche)…

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